Intervention de Ivan Renar

Réunion du 16 mars 2005 à 15h00
Avenir de l'école — Exception d'irrecevabilité

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi nous est présenté comme un vaste dispositif permettant de mettre un terme à l'échec scolaire.

En réalité, les dispositions inscrites dans ce texte ne garantissent en aucune manière l'égalité des chances au sein du système éducatif et ne contribuent pas à réduire les inégalités d'accès à l'éducation. En occultant la question des moyens, en éludant le problème de la carte scolaire, en reléguant certaines disciplines au rang de matières optionnelles, ce projet risque même de les aggraver. C'est pourquoi nous avons déposé cette motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Tout le monde s'accorde à constater que l'école, aujourd'hui plus qu'hier, est confrontée au renforcement des inégalités sociales et culturelles, à la violence, à la montée des communautarismes. Il est difficile d'admettre que plus de 150 000 jeunes sortent du système scolaire sans aucune qualification : l'échec scolaire demeure comme une blessure à notre flanc.

Il est clair qu'une vaste réforme du système éducatif est nécessaire. Cependant, elle ne saurait être conduite sans un véritable dialogue avec la communauté éducative. La tentative de concertation, dans le cadre de la commission Thélot, a fait long feu, le Gouvernement ayant choisi un passage en force de son projet de refonte de l'école, négligeant les recommandations du Conseil supérieur de l'éducation et du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche tendant à un réexamen de ce projet de loi.

Monsieur le ministre, vous n'avez pas non plus souhaité entendre les demandes des lycéens, particulièrement mobilisés pour préserver et renforcer la qualité des enseignements dispensés au sein de l'éducation nationale. Car ces lycéens, même s'ils ne sont que de passage, pensent, à juste titre, être les dépositaires de l'avenir du système éducatif.

Et ne considérez pas ces jeunes comme une population turbulente à mettre au pas. Ils étaient sortis dans la rue au lendemain du premier tour de l'élection présidentielle pour manifester leur refus de la haine et de la xénophobie ; aujourd'hui, ils sont à nouveau dans la rue parce qu'ils sont confrontés à une véritable urgence.

Vous avez également dédaigné les organisations représentatives du corps enseignant qui, unanimes, avaient fait part de leur opposition à ce texte et avaient proposé d'autres pistes de travail et de réflexion.

Il ne faut pas s'y tromper : la colère des enseignants ne peut se réduire à l'expression d'une simple frilosité corporatiste ; elle traduit le mal-être d'équipes pédagogiques qui se sentent méprisées, rendues responsables de tous les maux qui accablent l'école, alors qu'elles tentent, tant bien que mal, avec des moyens en constante diminution, de remédier quotidiennement aux difficultés de leurs élèves.

Les parlementaires peuvent en témoigner, eux qui, sur le terrain, observent les conséquences désastreuses des suppressions de postes au sein de l'éducation nationale. Au-delà des clivages partisans, nombreux sont ceux qui vous demandent de reconsidérer vos décisions. Les recteurs et inspecteurs d'académie eux-mêmes jugent que la rentrée prochaine sera extrêmement difficile.

L'expérience des enseignants, le témoignage des élèves et de leurs parents, les conclusions de travaux scientifiques, tout démontre que la lutte contre l'échec et les inégalités scolaires exige la mise en oeuvre d'importants moyens financiers, mais surtout humains. Le Gouvernement prétend assurer la réussite de chaque élève. Dont acte ! Il reste que la question des moyens, pourtant cruciale, est absente de ce projet de loi et que de nouvelles suppressions de postes sont déjà prévues pour la rentrée de 2006. Celles-ci s'ajouteront aux nombreuses mesures de rigueur qui ont déjà touché l'école et dont on constate les effets négatifs, comme le non-remplacement de quelque 10 000 surveillants et la suppression des emplois-jeunes au sein de l'éducation nationale.

Dans le même ordre d'idée, comment mettre en oeuvre le programme personnalisé de réussite scolaire et le dédoublement des classes pour l'enseignement des langues vivantes tout en continuant, tambour battant, à supprimer des postes d'enseignants ? Comment pensez-vous renforcer le collège, qualifié par vous-même de « maillon faible » de notre système éducatif, alors que vous diminuez considérablement les moyens qui lui sont attribués ?

Et comment faut-il interpréter les baisses drastiques des effectifs enseignants du second degré dans les académies de Lille et de Nancy-Metz, qui comptent beaucoup de ZEP et de zones sensibles ? Peut-on admettre que, sous prétexte de réduire les écarts en matière de taux d'encadrement des élèves, le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine perdent respectivement 900 et 500 postes, alors que l'avenir de ces régions économiquement et socialement sinistrées dépend des jeunes générations, qui devraient être hautement qualifiées ?

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