Qui ne voit que les dizaines de milliers d'enfants qui reçoivent des artistes dans leur école, qui vont à un concert, au théâtre, dans un musée, dans une bibliothèque, ont un vocabulaire déjà plus riche en sortant et qu'ils tendent à voir tous les oiseaux de leur volière ? Comme le disait justement André Malraux, « les jeunes, les enfants, là est la clé du trésor. »
Mes chers collègues, je le rappelle, le théâtre a existé bien avant l'école.
Les élus locaux qui siègent ici le savent bien, quand des artistes, quelle que soit leur discipline, viennent régulièrement dans une classe, il y a toujours un moment magique : celui où les jeunes découvrent qu'il n'y a pas de talent sans une quantité gigantesque de travail. C'est souvent là qu'ils apprennent la valeur du travail.
Maurice Schumann, qui fut notre doyen et que tous nous estimions et respections, recevant François Jacob sous la Coupole avait déclaré que la seule faute que le destin ne pardonne pas au peuple est l'imprudence de mépriser les rêves. Il rejoignait en cela ce que Jacques Prévert et Marcel Carné, dans le superbe film Les enfants du Paradis, faisaient dire à un personnage, à propos des spectateurs occupant les places les moins chères, celles du poulailler, ou « paradis » : « Les petites gens peuvent avoir de grands rêves ! »
Il nous revient maintenant de transformer ces rêves en réalité. La culture n'est pas un supplément d'âme ou une décoration que l'on porte à la boutonnière. N'hésitons pas à être élitaires pour tous !
Par ailleurs, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur l'incohérence manifeste du projet de loi. Le même reproche pourrait être formulé au sujet des propositions émanant des deux commissions sénatoriales concernées : il s'agit de l'absence, malgré les annonces faites, de dispositions de programmation budgétaire ayant une valeur normative.
En effet, différents tableaux sont censés présenter les maigres financements de mesures prévues dans le projet de loi, mais ils sont placés dans le rapport annexé, qui, j'y insiste, n'a qu'une valeur indicative.
En fait, monsieur le ministre, aucune mesure de financement n'est assurée et leur éventuelle adoption est renvoyée à plus tard, selon les aléas budgétaires du moment.
Lorsque, dans un bel élan, la commission des finances et la commission des affaires culturelles proposent d'adjoindre à la notion de loi d'orientation celle de loi de programme, elles accentuent le brouillage, puisque, même en modifiant des dispositions financières, elles les maintiennent dans le rapport annexé, c'est-à-dire hors du champ normatif. Nous restons donc dans le domaine des bonnes intentions et de l'effet d'annonce.
Monsieur le ministre, je m'interroge sur la constitutionnalité du dispositif proposé au regard de l'article 40 de la Constitution, et je souhaiterais que la commission des finances s'exprime sur cet aspect des choses.
Pouvez-vous nier que vous nous proposez aujourd'hui des mesures dont le financement est envisagé mais non prévu réellement ?
Les amendements des commissions visent à masquer la manoeuvre qui confirme la difficulté du Gouvernement à concilier quelques intentions d'augmentation de crédits et la soumission volontaire, acceptée, aux critères draconiens du carcan financier européen. C'est pour nous une raison de plus de voter cette motion d'irrecevabilité d'un texte dont j'affirme l'inconstitutionnalité.