Intervention de Michèle Alliot-Marie

Réunion du 13 octobre 2009 à 14h30
Loi pénitentiaire — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que vous vous apprêtez à voter marque l’aboutissement d’un long processus, qui est lui-même l’expression d’une prise de conscience et le signe d’une réelle ambition.

Le texte rappelle que la prison remplit aujourd’hui une triple mission : protéger la société – car on ne saurait oublier cette fonction –, sanctionner les actes de délinquance et les actes criminels, mais aussi, comme vous l’avez tous rappelé, renforcer la lutte contre la récidive en aidant à une réelle réinsertion des détenus.

Ce projet de loi, en favorisant la prise de conscience de l’état lamentable de nos prisons, est cohérent avec la politique de construction de nouveaux établissements qui a été lancée en 2002 et qui nous permettra de disposer, d’ici à 2012, de 63 000 places, nombre qui correspond à celui des détenus.

Ce texte sera concrétisé par des actions destinées à développer les activités en milieu pénitentiaire et à améliorer le suivi médical et social des condamnés.

Je tiens à souligner que le Sénat s’est, d’emblée, pleinement impliqué dans l’élaboration de ce texte fondamental pour l’avenir de nos prisons. Et je me plais à souligner combien les débats ont été riches, fructueux, souvent passionnants, parfois passionnés… Les échanges entre votre assemblée, l’Assemblée nationale et le Gouvernement ont permis à chacun de faire valoir sa vision, ses préoccupations, sa sensibilité et d’apporter son expertise.

Je souhaite saluer, en cette fin de discussion, l’implication de votre rapporteur, M. Jean-René Lecerf. Grâce à lui, avec votre aide et votre soutien, le texte a gagné à la fois en cohérence, en lisibilité et en pertinence.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des avancées obtenues au cours de la discussion au Sénat. Pour autant, trois points, qui ont fait l’objet des discussions les plus longues, méritent d’être soulignés.

D’abord, les devoirs et les droits des détenus ont été clarifiés.

Le respect de dignité humaine, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, ne s’arrête pas aux portes de la prison. En inscrivant dans la loi le droit à des soins médicaux de qualité, le Sénat a montré son attachement à certaines valeurs.

Il est important que les assemblées, ainsi que l’opinion publique, aient toujours conscience que le temps de l’incarcération est un temps de sanction, mais aussi de reconstruction. C’est la raison pour laquelle l’obligation d’activité du détenu doit être reconnue. À cet égard, les améliorations apportées par le Sénat ont permis d’aboutir aujourd'hui à un texte véritablement ambitieux. Il faudra évidemment que les moyens suivent.

Monsieur le rapporteur, vous m’interrogez notamment sur le droit de préférence qui devrait être accordé à certaines entreprises donnant du travail aux détenus. Vous le savez, ces dispositions relèvent du code des marchés publics, mais elles pourraient effectivement y être ajoutées.

La diversification des activités qui peuvent être proposées au détenu me paraît également importante et devrait s’inscrire dans le cadre d’un parcours tourné vers les préoccupations de la société telles que la protection de l’environnement ou le développement durable.

Je souhaite à présent insister sur le principe de l’encellulement individuel, qui est consacré par le texte.

Il s’agit, vous le savez, d’un objectif que nous partageons avec vous. Néanmoins, par respect du caractère normatif de la loi – c’est peut-être mon tropisme d’universitaire – et pour éviter un énième moratoire, j’avais souhaité que le texte soit immédiatement applicable. Cela étant, le Sénat et l’Assemblée nationale ont fait un choix différent et je mettrai bien entendu tout en œuvre pour que soit atteint l’objectif à l’issue des cinq ans du moratoire. Les 5 000 places supplémentaires annoncées par le Président de la République et destinées à prolonger le plan qui est mis en œuvre depuis 2002 nous permettront de nous rapprocher dans les meilleurs délais de l’objectif qui nous est commun.

Soyez assurés, en tout cas, que je ferai le maximum pour respecter ce qui est décidé par le Parlement.

Nous avons également travaillé ensemble sur les règles d’aménagement des peines.

Aujourd’hui, ces règles sont cohérentes avec notre politique pénale et devraient normalement nous permettre d’avancer dans la bonne voie.

Toutefois, je suis préoccupée par l’inexécution des peines prononcées par un juge. Non seulement celle-ci est, à mes yeux, moralement inadmissible, mais elle aussi très négative pour l’image de notre justice, sans compter qu’elle bat en brèche la triple mission de la prison.

Le texte et les actions inscrites en loi de finances nous permettront de faire en sorte que les peines prononcées soient effectivement exécutées. Grâce aux aménagements de peine, notamment en fin de peine, nous pourrons rapidement mettre un terme à ce scandale résultant de la non-exécution de 30 000 peines.

Mesdames, messieurs les sénateurs, notre succès ou notre échec commun – je ne pense pas que l’on puisse, à cet égard, distinguer entre le Parlement et le Gouvernement – se mesurera à la diminution de la récidive. Cela signifiera que l’on a permis à ceux qui ont commis des fautes à un moment donné de se réinsérer.

Pour y parvenir, plusieurs conditions sont requises : à côté du texte, qui donne un cadre, il faut mener des actions concrètes au sein des établissements et à leur sortie.

À cet égard, je souhaiterais répondre à deux interrogations sur des points très concrets.

J’ai constaté, lorsque je suis arrivée à la tête de ce ministère, des différences entre les cantines, qui, si elles pouvaient s’expliquer en théorie, n’en étaient pas pour autant justifiables. Je peux d’ores et déjà vous dire que, par voie réglementaire, l’alignement des différents tarifs des produits de cantine est maintenant en cours.

Vous avez également, monsieur le rapporteur, évoqué la rémunération des détenus aidants. Ce point s’inscrit bien dans la logique qui conduit à montrer aux détenus qu’ils peuvent jouer un rôle pour les autres, c’est-à-dire, aussi, dans la société. Il pourra être effectivement intégré sans aucune difficulté dans le décret d’application sur les droits et les devoirs des détenus. Je souligne au passage qu’une aide peut également être attribuée par le biais des conseils généraux puisque ceux-ci interviennent eux-mêmes dans le domaine du handicap.

Je conclurai en soulignant qu’à mes yeux l’efficacité de la réponse pénale, qui est aussi de notre responsabilité, va totalement de pair avec le respect de la dignité de la personne condamnée. C’est la condition sine qua non pour que le temps de l’emprisonnement soit un temps positif, un temps permettant de réparer des échecs passés.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le sens du texte sur lequel vous allez vous prononcer, tel est le sens de la politique pénale du Gouvernement, tel est aussi, je le pense, le sens de l’avenir de notre société tout entière.

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