Alors que bon nombre de lycéens sont descendus dans la rue, nous n'avons reçu aucun de leurs représentants.
Nous nous apprêtons à réformer les IUFM et à les rattacher aux universités. Or nous n'avons reçu aucun directeur d'IUFM ni aucun président d'université !
Par ailleurs, ce projet de loi vise notamment à supprimer le Conseil national des programmes et le Haut conseil d'évaluation de l'école. Or nous n'avons entendu aucun membre de ces organismes ! J'ai pourtant en mémoire des rapports, en particulier de ce Haut conseil, sur les raisons de l'échec scolaire au collège et sur les redoublements, rapports dont les conclusions auraient été intéressantes pour la commission. Serait-ce parce que ces avis ne correspondaient pas à ceux qui sous-tendent ce projet de loi qu'on n'a pas jugé nécessaire de les soumettre à notre réflexion ?
C'est sans doute pour les mêmes raisons que nous n'avons reçu aucun membre du Conseil supérieur de l'éducation ni du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche. En effet, ces deux prestigieux organismes ont émis des avis négatifs sur cette réforme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ces quelques exemples, je crois avoir fait la démonstration, certes rapide, que le travail en commission est loin d'être terminé : c'est la deuxième raison qui motive notre demande de renvoi.
Par ailleurs, permettez au nouveau sénateur que je suis d'exprimer son étonnement devant les conclusions de notre commission. En effet, toutes les personnes que nous avons reçues ont fait part de leurs craintes, pour le moins, devant les réformes proposées, certaines formulant leurs critiques, voire leur rejet du texte. Aucune ne semble avoir été entendue. J'avoue ne pas comprendre !
En tant que maire, je puis vous dire que, si l'autorité municipale agissait de la sorte, n'écoutant pas les avis émis par les représentants de la population et même, parfois, de l'opposition, la contestation, dans nos communes, serait permanente.
Je sais que, dans cette assemblée, siègent bon nombre de maires. Pourquoi, dès lors, n'avons-nous pas, ici, la même attitude et la même écoute que dans nos villes ?
Monsieur le ministre, en déclarant l'urgence sur ce texte, vous avez, d'une certaine façon, reconnu que notre éducation nationale était malade et qu'il était nécessaire de prendre rapidement des décisions.
Oui, des mesures d'urgence s'imposent ! C'est la raison pour laquelle nous vous proposons de retirer votre projet de loi, afin de le remettre sur le métier. En attendant, nous pourrions voter un collectif budgétaire, afin de redonner à l'éducation nationale, dès la prochaine rentrée, tous les moyens que, depuis deux ans, elle a perdus.
En prenant une telle décision, vous donneriez à toute la communauté éducative le signe de votre mobilisation en faveur d'une réforme en profondeur, que beaucoup attendent et dont notre pays, vous le savez, a besoin. Je parle non pas d'une réforme à la va-vite et sans moyens, mais d'une réforme ambitieuse, que nous sommes tous prêts à soutenir.
Comme l'écrivait Montesquieu, « pour faire de grandes choses, il ne faut pas être un si grand génie ; il ne faut pas être au-dessus des hommes, il faut être avec eux ». Or, depuis des semaines, la protestation grandit contre les mesures que vous soutenez. Toutes les organisations représentatives de la communauté éducative - et vous savez combien une telle unanimité est rare - vous ont dit leurs craintes, voire leur opposition sur tel ou tel aspect de votre réforme.
Vous leur répondez que vous êtes sensible à leurs remarques, mais vous ne bougez pas d'un pouce, vous ne modifiez en rien votre projet de loi, vous restez sourd aux inquiétudes qui s'expriment.
C'est à cause de votre attitude que l'ensemble de votre texte est aujourd'hui remis en cause.
Certes, devant la protestation grandissante, vous avez déclaré que la réforme du baccalauréat était repoussée, ce dont je vous donne acte. Cela étant, vous maintenez dans votre projet de loi tous les éléments qui permettront finalement de mettre en oeuvre cette réforme. Grâce à l'effet d'annonce que constitue le retrait de la réforme du baccalauréat, vous espériez sans doute masquer le fait que vous l'aviez déjà transformé. En effet, en supprimant les TPE, ce sont les conditions de préparation, de passage et, donc, d'obtention de ce diplôme qui sont d'ores et déjà modifiées.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi pose un réel problème de lisibilité quant à ses objectifs. En effet, l'exposé des motifs et les ambitions affichées sont en total décalage par rapport au projet de loi lui-même.
En regard de l'ambition de réussite pour tous, sont proposées des exigences réduites et rabougries pour le plus grand nombre, fondées sur une sélection sociale renforcée et sur une sélection par l'échec qui ne dit pas son nom et dont la responsabilité est rejetée, le cas échéant, sur l'élève et sa famille, en dédouanant l'institution républicaine.
Certes, nous savons bien que, à Lisbonne, il a été décidé d'« optimiser », et non d'augmenter, les moyens donnés pour l'éducation et la formation. Mais vous savez bien que, en réduisant les moyens accordés à l'éducation nationale, vous diminuez les chances de réussite des élèves les plus en difficulté et vous prenez un risque certain pour le plus grand nombre.
Votre seul espoir, c'est que le plus grand nombre dispose, comme le souhaite le MEDEF, des compétences minimales nécessaires à son « employabilité », dans des emplois précaires, peu qualifiés et faiblement rémunérés. Autrement dit, les conséquences pourraient être dévastatrices.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, mes chers collègues, au nom du groupe CRC, étant entendu que le retrait pur et simple de ce texte serait la meilleure solution, de le renvoyer à la commission afin que celle-ci en fasse une étude plus approfondie et plus sérieuse.