Intervention de Alain Anziani

Réunion du 13 octobre 2009 à 14h30
Loi pénitentiaire — Adoption des conclusions du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani :

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, le débat sur le projet de loi pénitentiaire a commencé ici même le 3 mars dernier.

En dépit d’une procédure d’urgence que nous pouvons qualifier d’ « absurde », encore plus aujourd’hui qu’hier, en une petite semaine, le Sénat, toutes sensibilités confondues – je tiens à saluer ici le travail de notre rapporteur –, a bouleversé le texte de Mme Dati, un texte qui n’osait pas aborder la question essentielle : quel est le sens de la peine, à quoi sert la prison ?

J’avais moi-même espéré, comme beaucoup d’autres, en particulier Robert Badinter, que la peine ne se limiterait pas à surveiller et punir, mais qu’elle aurait également l’ambition d’humaniser et de réinsérer.

Sept mois plus tard, l’obstination du Sénat a permis de progresser dans cette voie, en refusant notamment d’empiler les détenus dans les cellules et en leur reconnaissant le droit à l’encellulement individuel, ou encore en proclamant que, hormis les cas de crime, la prison serait la peine de dernier recours et, bien entendu, en soutenant les mesures alternatives à l’emprisonnement.

Nous avons tiré notre cohérence d’un grand principe, qui consiste au fond à faire entrer le droit en prison. Pour y parvenir, nous avons recouru à une méthode simple : le respect des règles pénitentiaires européennes.

Trop longtemps, c’est avec déplaisir que je le rappelle, la France a été condamnée du fait de son refus d’appliquer les règles pénitentiaires européennes ; pourtant, ces dernières sont loin d’avoir été dictées par des esprits farfelus ou subversifs !

Je regrette d’ailleurs, madame le garde des sceaux, que pour mettre fin à un conflit social, il y a quelques mois, le ministère de la justice ait cru devoir marchander ces règles pénitentiaires européennes. Il serait bon, au moment où s’achève la discussion du projet de loi pénitentiaire, que vous nous annonciez que ces règles ne sont pas l’objet de marchandages. On ne marchande pas avec le droit à la dignité !

En fin de compte, le texte voté par le Sénat, admettons-le tous ensemble, n’était plus le texte de la Chancellerie, ce qui a pu déplaire, mais celui d’un Sénat déterminé à mettre fin à cette « humiliation de la République » qu’il avait dénoncée à plusieurs reprises.

Bien sûr, nous avons craint qu’au cours de la procédure parlementaire une autre majorité politique à l’Assemblée nationale ne défasse ce que nous avions construit amendement après amendement. La commission mixte paritaire, qui s’est réunie jeudi dernier, a permis, me semble-t-il, de rapprocher les points de vue au moins sur quelques points essentiels.

Il s’agit d’abord de l’encellulement individuel, à propos duquel la formulation du Sénat a fini par l’emporter. Mais je voudrais vous inviter, madame le garde des sceaux, à mettre fin à un mauvais débat.

On lit ici et là – je ne sais pas ce qu’il en est dans la réalité – que la Chancellerie considère que le Parlement a été plus généreux que pragmatique en posant comme principe le droit à l’encellulement individuel. Personne ne doute que le principe « un homme, une cellule » ne soit une ambition difficile à réaliser. Mais à quoi servons-nous, nous parlementaires, fervents défenseurs de l’action publique, si nous ne posons pas un horizon, si nous n’affichons pas une volonté, un objectif à atteindre, fût-il très ambitieux, et quand bien même il suppose la mobilisation de moyens relativement importants.

La notion de libre choix de sa cellule est une « légende urbaine », permettez-moi de le dire aussi simplement. Imagine-t-on que dans une prison l’on demande au détenu, à son arrivée, s’il préfère une cellule à quatre ou cinq personnes ou une cellule individuelle ?

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