Monsieur le président, madame le ministre d’État, mes chers collègues, l’essentiel des principes fondamentaux que le Sénat avait initialement inspirés ont été conservés dans ce projet de loi pénitentiaire.
Disons-le clairement, M. le rapporteur, avec sa parfaite connaissance du dossier et son souci humaniste de préserver des valeurs telles que la dignité ou le respect de la personne, a permis d’endiguer en grande partie la vague sécuritaire qui a partiellement marqué les débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale, même s’il en subsiste un peu d’écume…
Nous nous devons également de saluer le travail réalisé depuis de nombreuses années, au sein du Sénat, par nombre de nos collègues, notamment le président de la commission des lois.
Cette loi, dont les objectifs fondamentaux sont largement partagés, n’aura de sens que si son application est effectivement assurée, dans l’intérêt des détenus, des personnels et des victimes. La situation que nous connaissons aujourd'hui dans nos prisons est inacceptable ; elle résulte non point de la responsabilité d’un seul gouvernement, mais de tous ceux qui se sont succédé depuis de nombreuses années, qu’ils soient de droite ou de gauche. En effet, ce problème fut souvent éludé, car il ne constituait pas, convenons-en, une priorité vis-à-vis de l’opinion publique.
Il faut avoir le courage de le dire, parce que c’est la réalité : la prison française favorise non pas la réinsertion, mais la récidive. M. le rapporteur a dit qu’il fallait faire du temps passé en prison un temps utile. Quel vaste programme par rapport à la situation actuelle ! Lorsqu’il évoque les centres de détention de Casabianda ou de Mauzac, on voit bien que des efforts considérables allant dans le bon sens pourraient être fournis.
Madame le ministre d’État, vous avez parlé tout à l'heure de l’« état lamentable » de nos prisons. Ce constat correspond bien à la réalité.
Ce texte sera-t-il un texte fondateur ? Oui, dans sa rédaction, mais il y a loin de la coupe aux lèvres, de la parole aux actes, de la loi à son application. Ce peut être une grande loi, mais il vous appartient de la faire vivre, en cohérence avec la politique pénale, et c’est là que réside toute la difficulté de l’exercice.
Notre collègue Pierre Fauchon a posé le problème de l’incarcération en expliquant qu’elle était un échec et non pas un mal nécessaire. Comment faire de la prison un lieu d’espérance et non de désespérance, si ce n’est en ayant le sens de l’humain ? Lors de l’examen de ce projet de loi en première lecture, j’ai rappelé cette phrase de Sénèque : « Quant aux mœurs publiques, on les corrige mieux en étant sobre de punitions. »
Le vrai débat, c’est celui qui porte sur la politique pénale de notre pays.
Cette politique ne saurait être un moyen de communication destiné à masquer la réalité, car la situation de nos prisons est catastrophique et la justice française, considérée en Europe comme l’un des mauvais exemples.
N’oublions pas la réalité de l’univers carcéral. Qui sont les détenus ? Quelles sont leurs origines ? De quels milieux sont-ils issus ? On compte 95 % d’hommes et 50 % d’illettrés ! Telle est la réalité.
La réalité, c’est encore, en juin 2009, la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme et la nécessité, comme l’a rappelé notre collègue Alain Anziani, de respecter les règles pénitentiaires européennes.
La responsabilité est collective, mais le choix politique est fondamental. Mettre à la disposition de la justice les budgets nécessaires, telle est la condition préalable à toute amélioration de la situation et tel est le moyen de respecter les règles pénitentiaires européennes adoptées le 11 février 2006.
Je n’épiloguerai pas sur les constats dressés par les uns et les autres, qu’il s’agisse du bâtonnier de Paris ou du contrôleur général des lieux de privation de liberté : surpopulation carcérale, nombreux lieux de non-droit où toutes les violences se propagent, taux de suicide en progression, désarroi des personnels, dont la tâche devient impossible.
J’ai visité récemment la maison d’arrêt de ma ville. Pratiquement tous les jours, on jette de la drogue par-dessus les murs ! Alors, on finit par laisser faire parce qu’on n’a pas les moyens de faire autrement. La réalité, c’est aussi cela.
Concilier la protection de la société, l’application d’une sanction pour des actes délictueux ou criminels avec l’impératif d’un travail de réinsertion sociale et des conditions satisfaisantes d’exercice professionnel des personnels, tel est l’objectif de toute politique générale pénitentiaire équilibrée et raisonnable.
Pour nous, le déséquilibre intervient lorsque l’on privilégie le volet sécuritaire par volonté de communication médiatique : ce que je qualifierai, comme je l’ai déjà fait, de « populisme pénal ».