Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 2 de ce projet de loi a une portée symbolique très forte puisqu'il tend, selon les termes mêmes de notre rapporteur, à « refonder le pacte qui lie la nation à son école, à travers la mission de transmission, entre les générations, des valeurs que nous avons en partage ».
Cet objectif est ambitieux et nécessaire.
Pour ma part, je souhaite surtout insister sur la dernière phrase du troisième alinéa de l'article L. 111-1 du code de l'éducation : « La répartition des moyens du service public de l'éducation tient compte des différences de situation, notamment en matière économique et sociale. »
Cette précision est à mon sens essentielle, car, et toutes les études sur l'illettrisme et l'échec scolaire le rappellent, la pauvreté est la première cause du grand échec scolaire.
Si le système scolaire est « en panne », selon la formulation employée dans l'un des rapports du Haut conseil de l'évaluation de l'école, c'est bien parce que l'école n'a pas réussi à corriger les inégalités et qu'elle les a, au contraire, amplifiées.
Si l'on veut rallier tous les élèves aux valeurs de la République, il faut d'abord se préoccuper de donner leur chance à tous ceux qui ne trouvent pas naturellement leur place dans notre système. Et la seule manière efficace de parvenir à ce résultat, c'est bien d'affecter plus de moyens là où les difficultés scolaires sont les plus grandes.
Tel est d'ailleurs le sens de l'alinéa que nous allons adopter et qui prévoit une répartition différenciée des moyens. Il ne faut pas avoir peur de continuer à demander une discrimination positive en faveur des quartiers les plus difficiles.
Par ailleurs, je rapprocherai cet alinéa des dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale que nous avons adoptées et qui concernent la mise en oeuvre de dispositifs de réussite éducative.
En tant que rapporteur du volet « égalité des chances » de ce projet de loi, je me suis attachée à donner un contenu plus précis et plus opérationnel à ces dispositifs. Le but de ces derniers est bien de rassembler tous les professionnels du secteur de l'enfance et de l'adolescence en difficulté, qu'ils soient enseignants, professionnels de santé ou travailleurs sociaux, afin d'accompagner les élèves en difficulté issus d'un milieu social difficile.
Cet accompagnement pourra prendre les formes les plus variées en fonction des situations rencontrées. Je connais bien les difficultés de ces familles et je sais à quel point un accompagnement du jeune enfant à l'âge de l'apprentissage de la lecture peut faire toute la différence, surtout si cet accompagnement conjugue l'action menée dans l'école par l'équipe enseignante et l'action mise en oeuvre autour de celle-ci afin que l'environnement de l'enfant, en dehors de l'école, soit, lui aussi, idéal.
En effet, un enfant qui entre en maternelle sans parler correctement parce qu'il n'a pas eu la chance d'avoir été suffisamment éveillé au langage, part avec un handicap.
Les moyens du plan de cohésion sociale doivent nous permettre de fournir, là où le besoin s'en fera sentir, les aides périscolaires nécessaires. Mais la réussite de ce plan sera évidemment liée au maintien d'un effort particulier de l'école dans les territoires relevant de l'éducation prioritaire.
Vous avez annoncé cet après-midi, monsieur le ministre, un effort de 700 millions d'euros pour atteindre cet objectif. Dans les faits, des enseignants de collèges et de lycées de certaines zones d'éducation prioritaires constatent actuellement que sont prévues des réductions du nombre de postes, justifiées par la suppression des TPE ou par l'évolution démographique.
Je souhaite, monsieur le ministre, que l'article 2 ne soit pas un voeu pieu et que la répartition des moyens de l'école soit suffisamment inégalitaire pour permettre, dans les zones difficiles, une pédagogie adaptée, des effectifs réduits et une approche différente, tout simplement parce que les élèves ne sont pas tous identiques.
Le choc entre lycéens « classiques » et lycéens « casseurs », auquel nous venons d'assister à l'occasion des récentes manifestations lycéennes, devrait nous inciter à renforcer encore nos efforts pour réduire la fracture sociale.