C'est à une question de fond qu'il nous faut répondre avec l'article 2.
En effet, monsieur le ministre, avec une telle modification du code de l'éducation, vous nous proposez de changer radicalement l'ordre des actions de l'Etat pour garantir le droit à l'éducation.
C'est, chacun s'en rend bien compte, une question essentielle, qui engage l'avenir de notre institution éducative, celui de nos enfants et de notre jeunesse.
Jusqu'à présent, cette garantie d'accès au droit s'appuyait sur une répartition des moyens, à partir d'une discrimination que nous pourrions qualifier de positive, tenant compte des disparités de situations, particulièrement dans le domaine économique et social.
Elle s'appuiera désormais sur une aide financière individualisée et, pour partie, fondée sur le mérite.
Vous reléguez ainsi au deuxième plan les moyens mis à la disposition des établissements scolaires situés en zones défavorisées.
Certes, le soutien financier individualisé peut être une mesure de justice sociale. Mais de là à en faire la garantie première de l'accès au droit à l'école, il y a un pas, que nous refusons de franchir.
Il faut des moyens pédagogiques renforcés et différenciés, des enseignants en nombre suffisant, y compris pour favoriser le travail d'aide et de soutien en petit groupe, dans des écoles bien équipées.
Voilà de quoi les enfants et les jeunes issus des familles en difficulté ont, en premier lieu, besoin.
Les conditions de vie de bon nombre de familles ne permettent pas aux enfants desdites familles de suivre une scolarité normale. Mais les bourses que vous proposez ne permettront pas de pallier la faiblesse d'un salaire ou d'une allocation d'aide sociale, ni l'exiguïté d'un logement ou son insalubrité.
L'aide financière individualisée prévue n'est pas la première garantie de l'égalité des chances.
Il faut, au contraire, renforcer le financement des aides prioritaires territorialisées, qui attribuent plus de moyens à ceux qui en ont le plus besoin, sans que cela porte préjudice aux autres.
Votre réforme est donc doublement dangereuse. D'abord, parce qu'elle inverse les priorités. Ensuite, parce que, compte tenu des moyens dont vous disposez, l'augmentation des aides individualisées se fera à partir de ce que l'on appelle pudiquement le redéploiement des moyens dévolus aujourd'hui à l'éducation prioritaire.
En un mot, vous vous apprêtez sans le dire à diminuer encore le financement des zones d'éducation prioritaires. Ce serait désastreux pour les enfants et les jeunes de ces territoires.
Nous refusons une telle perspective.
De plus, vous renforcez, dans votre réforme, le système des bourses au mérite.
Nous sommes là au coeur de votre réforme d'inspiration libérale.
En individualisant les aides, vous renvoyez l'élève à sa seule responsabilité dans la réussite ou dans l'échec de ses études et, avec les bourses au mérite, vous placez la « méritocratie » au centre de votre réforme. En renforçant les exigences pour y prétendre et en les instituant de façon précoce et élargie, vous transformez en profondeur l'école.
L'exception de réussite sera valorisée, mais l'échec sera la règle. Et, encore une fois, vous financerez ces bourses, nous en sommes certains, en réduisant les financements aux zones prioritaires.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons de supprimer le paragraphe Il de l'article 2, et donc de laisser en l'état le troisième alinéa de l'article L.111-1 du code de l'éducation.