Cet amendement est très important.
Dans l'exposé des motifs, monsieur le ministre, vous indiquez que le système éducatif ne répond pas de façon satisfaisante aux défis du XXIe siècle, sans remettre en cause, dites-vous, la qualité de l'enseignement dispensé dans nos écoles.
Mais vous ne dites quasiment rien sur ce qu'il faudrait faire pour permettre aux enseignants d'assumer complètement leur rôle. S'agissant de leur formation, ce n'est pas l'intégration de l'Institut universitaire de formation des maîtres à une université qui réglera le problème de la réussite des élèves.
En effet, ce qui est au coeur du système éducatif, c'est la réussite des élèves. Il ne suffit pas de l'exprimer pour la réaliser ; il ne suffit pas de dire que votre réforme est ambitieuse pour qu'elle le soit. C'est ce qui fait justement réagir les élèves, les enseignants et les parents, qui manifestent massivement.
C'est cela qui s'exprime au travers du débat sur le baccalauréat, qui, malgré les inégalités entre établissements, doit rester un passeport de valeur nationale pour les élèves.
Récemment, une émission scientifique très intéressante montrait qu'il y a beaucoup plus d'informatique dans un téléphone portable que dans les premiers vaisseaux spatiaux.
Les élèves ont l'ambition de participer à la grande aventure technique, scientifique et sociale dans notre pays, associés aux jeunes d'Europe et du monde. Mais pour que cette ambition se concrétise et devienne le moteur du progrès, il faut que les enseignants, les élèves et leurs parents s'approprient cette idée ; il faut que l'école le permette.
Il faut, en premier lieu, créer les conditions de la réussite massive des élèves. Nous connaissons tous l'importance du cours préparatoire : il a été prouvé qu'un enfant qui le redouble n'a pratiquement aucune chance d'avoir le baccalauréat.
Monsieur le ministre, l'attribution de bourses au mérite, même en tenant compte des revenus, n'améliorera pas la qualité de l'enseignement de la masse des élèves.
D'ailleurs, quel est le mérite d'étudier d'un enfant vivant dans un milieu familial qui le stimule, où il y a des livres, où l'on a une vie culturelle ? Il aura, dans de telles conditions, l'envie d'étudier, d'en savoir plus.
Mais quand est-il de l'enfant qui grandit dans une famille où l'on vit avec le RMI ou le SMIC ? Et si la mère vit seule avec ses enfants, le père ayant quitté le foyer ? La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes nous a appris que 70 °% des pères qui quittent le foyer ne s'occupent plus ensuite de l'éducation de leurs enfants. §Comment appréciera-t-on le mérite de ces enfants ?
La véritable question, c'est celle des moyens. Il faut mettre tous les moyens en oeuvre pour que les enfants réussissent. Cela veut dire qu'il faut créer des classes de quinze élèves si nécessaire, relancer la politique des ZEP, dédoubler certaines classes, pas seulement pour l'enseignement des langues.
Certes, on peut aussi mettre en place des classes relais. Je suis allé en visiter une : j'y ai vu des élèves que l'on arrivait à intéresser, à qui on parviendra à faire faire quelque chose d'intéressant. Mais il ne faut pas perdre de vue que, dans ces classes, on répare l'échec que les élèves ont subi.
« Un enfant qu'on enseigne, c'est un homme qu'on gagne », a dit Victor Hugo, et vous avez repris cette citation, monsieur Carle. C'est plus vrai que jamais, mais il faut l'ambition et les moyens.