Intervention de Charles Gautier

Réunion du 30 mars 2010 à 14h30
Débat sur l'encadrement juridique de la vidéosurveillance

Photo de Charles GautierCharles Gautier :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour débattre de l’encadrement juridique de la vidéosurveillance. Ce débat a lieu, je tiens à le préciser, à la demande de la commission des lois du Sénat et fait suite au rapport que Jean-Patrick Courtois et moi-même avons présenté en décembre 2008.

Je tiens à saluer, à cet instant, le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, qui, sur la question de la vidéosurveillance, a toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit. Je profite également de cette occasion pour remercier les membres de la commission, qui ont adopté notre rapport à l’unanimité. Ce fait a son importance, car, voilà quelques années encore, les débats sur cette question étaient particulièrement passionnés. Ils opposaient les « anti » et les « pro », chacun restant sourd aux arguments des autres. Il semble aujourd’hui que nous sortions de cette confrontation stérile. C’est donc l’occasion pour le législateur de se poser la seule question qui compte : celle de l’encadrement juridique de la vidéosurveillance.

Le groupe socialiste est particulièrement attaché aux garanties fondamentales, ainsi qu’à la mise à la disposition des élus locaux d’instruments nouveaux pour assurer une plus grande sécurité à nos concitoyens. La vidéosurveillance peut être au nombre de ces instruments. Loin d’être l’équipement magique qui résoudrait tous les problèmes de sécurité, il doit être envisagé comme un outil parmi tant d’autres au service des élus et de la sécurité des Français.

Contrairement à ce que d’aucuns affirment, la prévention ne peut se limiter à la vidéosurveillance. Celle-ci n’est qu’un moyen : elle ne peut pas remplacer tous les acteurs, et elle ne peut pas tout. C’est pourquoi je milite pour que le Fonds interministériel de prévention de la délinquance ne se limite pas au financement de la mise en place de systèmes de vidéosurveillance dans les communes. Je n’ai pas le temps de revenir en détail sur le sujet, mais j’ai déjà plusieurs fois souligné le désengagement de l’État du financement des politiques de sécurité publique, au détriment des finances locales.

Revenons donc à notre rapport.

La vidéosurveillance doit être considérée comme un instrument à la disposition des élus dans le cadre d’une politique publique de sécurité et de prévention de la délinquance. Comme pour tout instrument, des dérives sont possibles. Il est donc important d’en encadrer l’usage. C’est là, précisément, l’objet de la grande majorité des préconisations formulées dans le rapport. Sans vous livrer un inventaire à la Prévert, je voudrais insister sur celles qui me semblent essentielles.

Notre première recommandation, la plus importante à mes yeux, est de confier le contrôle a priori et a posteriori de la vidéosurveillance à la CNIL. Nous souhaitons qu’une seule et même autorité soit compétente à la fois pour les autorisations et pour le contrôle des systèmes de vidéosurveillance. On nous oppose parfois le criant manque de moyens dont souffre la CNIL, mais nous insistons, précisément, pour que ces compétences supplémentaires s’accompagnent des moyens nécessaires. Cette solution serait de toute façon moins coûteuse que la création d’une autorité ad hoc, à laquelle il faudrait aussi accorder des moyens !

Notre deuxième recommandation est de ne pas filmer des individus en catimini : la vidéosurveillance ne doit être ni du voyeurisme ni du flicage. Il nous est apparu essentiel que les citoyens soient informés. Les sites aujourd’hui placés sous vidéosurveillance ou appelés à l’être doivent donc être mieux signalés au public susceptible d’y être filmé. C’est une condition primordiale et un facteur de prévention : nos concitoyens ne doivent pas être filmés à leur insu.

Troisième recommandation, il convient de conserver le caractère public de la vidéosurveillance. Nous voulons empêcher que tant sa gestion que son contrôle puissent être un jour délégués à des prestataires privés. Le caractère public de la vidéosurveillance permet aux autorités publiques de conserver la maîtrise, et donc le contrôle, des systèmes et de leur utilisation, ainsi que des données. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point lors de l’examen du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dont le texte, dans certaines de ses versions, semblait aller à l’encontre de cette exigence.

Notre quatrième recommandation découle de la précédente, puisque nous demandons que soit améliorée la formation des personnels qui visionnent les images. Ces opérateurs devraient en outre être assermentés : cela permettrait à la fois de leur conférer un rôle plus central dans les politiques de sécurité et de mieux garantir les droits des citoyens, par un contrôle de la Commission nationale de déontologie de la sécurité – ou de ce qu’il en restera dans quelques mois… Le Centre national de la fonction publique territoriale peut parfaitement remplir ce rôle de formation.

Enfin, je voudrais insister sur notre sixième recommandation : qu’il soit fait un usage raisonné de la vidéosurveillance, en visant la qualité des systèmes plutôt que la quantité de caméras. Cette préconisation nous a paru s’imposer, notamment à la suite de notre visite à Londres et des critiques qui ont pu être émises à l’encontre du système londonien. Trop d’images tuent l’image, et les images ne servent à rien si, faute de moyens, elles ne peuvent ensuite être exploitées.

Mme Alliot-Marie, lorsqu’elle était ministre de l’intérieur, a mis l’accent à de nombreuses reprises sur l’importance toute particulière que le Gouvernement accordait à la vidéosurveillance comme outil d’une politique de prévention de la délinquance. En octobre 2007, elle annonçait le triplement du nombre de caméras en deux ans. Le projet de loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure a été examiné par l’Assemblée nationale voilà maintenant quelques mois. Sa discussion par le Sénat est annoncée, mais aucune date n’a encore été fixée.

En octobre 2009, M. le Premier ministre a présenté le plan national de prévention de la délinquance et d’aide aux victimes. La vidéosurveillance y est décrite comme un outil essentiel de la politique du Gouvernement en la matière.

Or, notre rapport d’information sur l’encadrement juridique de la vidéosurveillance – adopté, je le rappelle, à l’unanimité de la commission des lois du Sénat – a montré la profonde complexité et l’alarmante désuétude des règles applicables à la mise en place et au contrôle des systèmes de vidéosurveillance. À l’heure de la maturité de cet outil technologique et des systèmes de reconnaissance faciale, notre rapport a mis en évidence que le régime juridique actuel de la vidéosurveillance est dépassé. Les onze recommandations qu’il contient permettraient d’améliorer le contrôle et l’information du public, mais aussi l’efficacité même des systèmes. Constatant la volonté du Gouvernement de multiplier les systèmes de vidéosurveillance, je souhaite vivement connaître ses intentions quant à la nécessaire réforme de la législation applicable en ce domaine.

Il me paraît tout à fait essentiel – et je doute que mon collègue Jean-Patrick Courtois me contredise – que le Parlement ne fasse pas l’impasse sur cette question lors du débat sur la LOPPSI. Il y va de la garantie de certaines des libertés fondamentales de nos concitoyens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion