Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 28 février 2006 à 10h20
Égalité des chances — Article 3 bis suite

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Cet amendement de précision tend, en cas de faute grave, à ce que l'employeur soit tenu de respecter la procédure prévue à l'article L. 122-41 du code du travail.

Monsieur le ministre, le projet de loi actuellement en discussion comporte une bizarrerie. Le licenciement peut être prononcé sans motif et sans que soit respectée une quelconque procédure. Laissons de côté la force majeure. En cas de faute grave, le licenciement devra bien être motivé puisque, si l'employeur n'invoque pas ladite faute vis-à-vis d'un salarié à l'encontre duquel il a quelques griefs, il devra respecter le préavis et assurer le paiement des indemnités de rupture. Il aura donc tout intérêt à invoquer la faute grave pour ne rien payer, comme de nombreux employeurs le font d'ores et déjà.

Pour invoquer la faute grave, surtout en prévision du recours qui ne manquera pas d'être intenté devant le conseil des prud'hommes, il faut bien qu'il définisse cette faute et qu'il l'indique évidemment par écrit.

C'est ce qui nous amène à demander, au moins dans ce cas de figure, l'application du code du travail. S'il y a faute grave présumée, l'employeur doit au moins être tenu de l'invoquer dans un délai raisonnable et non, par exemple, vingt et un mois après le début du contrat, soit avant la fin du CPE en l'occurrence.

Monsieur le ministre, une difficulté apparaît. Le code du travail indique notamment que la convocation à l'entretien préalable, en cas de procédure de licenciement, doit être envoyée au plus tard dans les deux mois à compter du jour de la connaissance des faits par l'employeur. Qu'en sera-t-il dans le cas du licenciement pour faute grave d'un salarié recruté par le biais d'un CPE ? Comment cela va-t-il s'articuler ?

Je veux maintenant évoquer un dernier point. Pour permettre à l'employeur d'être exonéré du respect du préavis et du paiement d'indemnités dans le cadre d'un licenciement pour faute grave, on arrive à ce paradoxe sidérant selon lequel le salarié sera le seul à « bénéficier », si je puis dire, d'un licenciement motivé.

Le salarié, dont on voudra simplement se débarrasser, bénéficiera glorieusement de quinze jours ou d'un mois de préavis et de son indemnité de 8 %, mais il n'aura pas le droit de savoir les raisons pour lesquelles il est licencié, sauf à contester son licenciement pour rupture abusive, la charge de la preuve pesant à ce moment-là sur lui.

Le salarié fautif aura déjà au moins de quoi contester son licenciement. Voilà qui démontre, si besoin en était, à quel point le dispositif que vous proposez est incohérent et source permanente de contentieux.

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