Intervention de Hélène Luc

Réunion du 28 février 2006 à 10h20
Égalité des chances — Article 3 bis suite

Photo de Hélène LucHélène Luc :

Monsieur le président, vous n'allez pas nous empêcher de parler !

Cet amendement concerne le Fonds de solidarité pour l'emploi, qui a été créé en 1982 et a pour fonction de financer un certain nombre de dispositifs d'insertion au bénéfice des travailleurs privés d'emploi.

Ce fonds est actuellement financé par une cotisation sur les salaires des fonctionnaires, à laquelle s'ajoute une subvention d'équilibre de la part de l'État. Il a vu son budget réduit dans la dernière loi de finances, alors que l'on augmente aujourd'hui ses attributions et que la politique menée par le Gouvernement laisse penser que les travailleurs privés d'emploi relevant de la solidarité nationale risquent de devenir légion.

On peut ainsi s'interroger sur la solvabilité de ce fonds et donc sur la pérennité des actions qu'il est censé financer.

Notre amendement reprend l'une des pistes de réflexion mises en avant par la commission présidée par Martin Hirsch, le président d'Emmaüs, qui est favorable au développement des sanctions pénales en cas de recours abusif au travail précaire.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous venons, au sein de la délégation aux droits des femmes, de recevoir le président Hirsch. Il nous a parlé de tous ces nouveaux pauvres, qui sont souvent jeunes et parmi lesquels on compte beaucoup de jeunes femmes seules avec des enfants : ce sont des victimes du travail précaire.

Malheureusement, une part importante des embauches se fait aujourd'hui sur des emplois précaires, et cela est d'autant plus fréquent que le Gouvernement multiplie les contrats qui, comme le contrat « nouvelles embauches », institutionnalisent la précarité.

La presse publie aujourd'hui une étude prospective qui est un véritable pavé dans la mare. Cette étude a été réalisée par deux économistes de Paris I-Sorbonne, Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo ; tous deux sont de fervents défenseurs d'une réforme qui modifie en profondeur le contrat de travail et militent pour la création d'un contrat unique. Ils démontrent, à partir d'une simulation, que l'incidence du CNE sur le chômage ne serait que de 0, 5 % en quinze ans - on est loin des 303 900 emplois prévus ! - et qu'il augmenterait fortement l'instabilité de l'emploi.

Ces chercheurs confirment que la grande nouveauté du CNE est d'avoir suspendu l'ensemble des articles du code du travail qui réglementent le licenciement pendant les deux premières années. Le CPE, réservé aux jeunes de moins de vingt-six ans, présente, de ce point de vue, les mêmes caractéristiques.

L'instauration d'une période d'essai de deux ans, avec un couperet à l'issue de cette période, empêche de produire un effet à long terme sur l'emploi. En effet, même en partant du principe que la flexibilité quasi complète du licenciement liée au CNE libère l'embauche, les destructions d'emplois sont tout autant facilitées.

De ce fait, estiment les économistes, il est possible que le CNE, en devenant la norme en matière d'emploi, se traduise à terme par un accroissement et non par une diminution du chômage.

À l'inverse de cette tendance désastreuse, sur le plan social comme en termes économiques, nous proposons que le Fonds de solidarité pour l'emploi soit abondé par une contribution exceptionnelle sur les emplois précaires. Les CDD, l'intérim, les contrats « nouvelles embauches », les CPE sont autant de possibilités de recours à la flexibilité pour les entreprises, dont les rendements boursiers explosent à mesure que les salariés sont contraints à l'instabilité familiale et économique.

Au cours de la discussion du projet de loi pour le retour à l'emploi, cette question avait déjà été soulevée et, à l'Assemblée nationale, Mme Vautrin avait justifié la baisse des crédits attribués au Fonds de solidarité par la baisse du nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique. Mais si leur nombre diminue, ce n'est pas parce que celui des chômeurs de très longue durée est en régression - au contraire, il a augmenté de 8 % cette année -, c'est plutôt que les bénéficiaires basculent vers le RMI, un régime bien plus défavorable, et qui les coupe plus encore du monde du travail.

Face à un tel désastre, une contribution minimale des entreprises pour financer les politiques de solidarité en matière d'emploi serait un moindre mal.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion