Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, le débat d’orientation des finances publiques est toujours un moment essentiel, car il permet de débattre des questions de fond. Il revêt aujourd’hui une importance plus grande encore, car j’ai l’honneur de vous transmettre, pour la première fois dans l’histoire de nos finances publiques, les plafonds de dépenses par mission pour les trois prochaines années. C’est une avancée majeure pour la gestion, la visibilité, la prévisibilité et le pilotage des finances de l’État.
Beaucoup a été accompli au cours de l’année écoulée, notamment la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques, ou RGPP. Nous sommes désormais à un moment crucial pour nos finances publiques.
Les solutions de facilité sont caduques, notamment l’endettement à faible coût, qui a prévalu pendant de nombreuses années. Parallèlement, les générations issues du baby-boom arrivent à la retraite.
Les travaux que nous avons menés ensemble tout au long de l’année seront les fondements de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques. Ils nous permettront de concilier une contrainte financière extrêmement forte avec le maintien d’un service public de qualité et d’un système social protecteur.
Je souhaite, pour commencer, faire un point sur l’exécution du budget 2008.
Si l’objectif d’un déficit public de 2, 5 points de PIB demeure, il nécessite cependant une grande vigilance concernant la dépense.
Les recettes fiscales de l’État seraient en moins-values par rapport à la loi de finances initiale. Quand, en avril dernier, nous avons révisé notre prévision de croissance du PIB entre 1, 7 % et 2 %, nous supposions implicitement que les recettes fiscales enregistreraient une moins-value de 3 milliards à 5 milliards d’euros par rapport aux prévisions de la loi de finances initiale. Les données supplémentaires disponibles à ce jour sur 2008 ne remettent pas en cause cette fourchette.
Sur les dépenses de l’État, c’est essentiellement la révision à la hausse de la charge de la dette qui pèse sur l’exécution, 2 milliards à 3 milliards d’euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale.
Ce dérapage provient de la hausse des taux d’intérêt et surtout de l’augmentation de l’inflation, qui pèse sur le provisionnement de la charge des obligations indexées.
La mise en réserve de crédits 2008 est typiquement destinée à faire face aux besoins apparaissant en cours d’exécution. À ce stade de l’année, j’estime qu’environ la moitié des crédits mis en réserve, de l’ordre de 3 milliards d’euros, pourrait faire l’objet d’une annulation.
En dépit du poids croissant des charges d’intérêt, je conserve donc l’objectif de respecter l’enveloppe de la loi de finances initiale que vous avez votée.
Pour la sécurité sociale, nous respectons le cadrage financier de la loi de financement de la sécurité sociale, ou LFSS. Le déficit du régime général serait d’environ 8, 9 milliards d’euros, donc exactement en phase avec le déficit de 8, 8 milliards d’euros prévu dans la LFSS pour 2008.
Ces résultats s’expliquent principalement par les mesures de régulation votées dans la LFSS pour 2008, et par la bonne tenue des recettes, grâce au dynamisme de l’emploi, qui bénéficie d’ailleurs non seulement au régime général, mais aussi à l’ensemble de la sphère sociale.
Sur l’assurance maladie, le comité d’alerte a prévu un dépassement de l’ONDAM, l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, de 500 millions à 900 millions d’euros. Avec Mme Roselyne Bachelot, je reste particulièrement vigilant sur ce point, car nous ne nous satisfaisons pas de ce dépassement, même s’il est inférieur au seuil d’alerte de 1, 1 milliard d’euros et au dérapage de 3 milliards d’euros enregistré à la même époque l’année dernière. Je suis persuadé, au demeurant, que MM. Nicolas About et Alain Vasselle partagent mon point de vue. J’insiste sur ce point, car nous assistons parfois à un dérapage, probablement lié à notre culture, qui consiste à intégrer le seuil d’alerte dans l’objectif de dépenses. Or nous ne pouvons pas raisonner ainsi !
Sans verser dans l’optimisme, je confirme que, dans ces conditions, un déficit de 2, 5 points de PIB constitue toujours l’objectif du Gouvernement.
Après ce bref rappel des perspectives pour 2008, je veux revenir sur notre stratégie de moyen terme.
Depuis un an, nous appliquons avec constance la même stratégie pour le rétablissement de nos finances publiques, qui est de conjuguer développement de la croissance potentielle de l’économie et maîtrise des finances publiques.
D’une part, il faut développer la croissance potentielle de l’économie grâce aux réformes de structure. Vous avez eu l’occasion d’en débattre de nombreuses fois, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment avec Mme Christine Lagarde, au cours de l’examen du projet de loi de modernisation de l’économie, et vous aurez l’occasion de poursuivre ce débat avec M. Xavier Bertrand à l’occasion de l’examen du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
D’autre part, il faut maîtriser la dépense publique, et pour cela, comme je l’ai dit et répété à de multiples reprises, diviser par deux le taux de croissance de la dépense en volume, pour avoir une croissance annuelle de la dépense de l’ordre de 1 % en euros constants.
C’est ainsi que nous retrouverons l’équilibre de nos finances publiques en 2012, et celui de la sécurité sociale dès 2011.
Je sais que nous divergeons quelque peu, monsieur le rapporteur général, sur l’évaluation des efforts nécessaires à la mise en œuvre de cette stratégie. Je note cependant que, en un an, nos estimations se sont rapprochées. En réalité, nous devons faire un effort de dix milliards d’euros par an par rapport au tendanciel. C’est la clef de l’équilibre de l’ensemble des finances publiques.
Dès lors, comment, très concrètement, s’articule la préparation du premier budget triennal avec la stratégie de moyen terme ?
Le premier pas du retour à l’équilibre de nos finances publiques en 2012 consiste à se fixer un objectif ambitieux pour 2009 : il convient de réduire le déficit public de 0, 5 point de PIB, pour le ramener à 2 points de PIB. D’autres pays l’ont fait avant nous ; cet effort est donc parfaitement réalisable et attendu par nos partenaires européens. Mais, bien au-delà, le Président de la République l’a rappelé plusieurs fois, cet assainissement des finances de l’État renforcera l’ensemble des réformes en cours destinées à soutenir la croissance. Il ne peut y avoir de croissance durable sans des finances publiques soutenables.
Pour parvenir à cet équilibre, il faut agir dans trois directions : stabiliser chaque année la dépense de l’État en euros constants sur le périmètre élargi établi lors du projet de loi de finances pour 2008 ; réaliser un effort de redressement des comptes de l’assurance maladie de 4 milliards d’euros, dès 2009, pour assurer le retour à l’équilibre du régime général au plus tard en 2011 ; poursuivre les réformes pour trouver nos propres ressorts de croissance dans un environnement mondial difficile.
L’une des principales difficultés de cet environnement, c’est la poussée inflationniste que nous connaissons. Or l’inflation, contrairement à l’opinion répandue parmi nos concitoyens, n’est pas favorable aux finances publiques. Elle augmente les dépenses, immédiatement via la charge des obligations indexées, et l’année suivante via les prestations familiales et de retraite.
En outre, elle n’a pas forcément un effet bénéfique sur les recettes, contrairement à une croyance tenace. L’inflation que nous connaissons aujourd’hui, qui provient principalement des matières premières, est importée. Elle pèse donc sur l’activité et sur les volumes produits. Certes, les prix augmentent, mais les volumes diminuent. Au total, l’effet de l’inflation sur les recettes fiscales est donc très ambigu. Finalement, une telle inflation coûte plus qu’elle ne rapporte !
Je souhaite revenir plus précisément sur la construction du budget de l’État. Pour la première fois, nous mettons à votre disposition, mesdames, messieurs les sénateurs, les plafonds de dépenses par mission pour les trois prochaines années. C’est une avancée majeure pour la clarté et l’efficacité de la dépense de l’État. Cependant, la construction de ce budget triennal se fait dans un environnement plus contraint qu’il ne l’a jamais été, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord en stabilisant les dépenses en euros constants dans le périmètre de la norme élargie, nous faisons un effort supérieur à tout ce qui a été fait par le passé, puisque, en moyenne, de 1999 à 2007, la croissance de la dépense de l’État sur ce périmètre élargi aurait été de 1, 1 %.
Ensuite, nous tenons à faire disparaître les sous-dotations qui ont, pendant des années, caractérisé la construction des budgets. Vous les pointez systématiquement du doigt, à juste titre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général.