Monsieur le ministre, le débat d’orientation budgétaire pour 2009 se déroule sous des auspices pour le moins pessimistes et, dans ce contexte, vous persistez dans la même stratégie, avez-vous dit ce matin.
Alors que la croissance est en berne, que les comptes publics sont dans le rouge, que des perspectives sombres s’annoncent pour 2009 – des économistes parlent d’une croissance de 1 % –, la précarisation de l’emploi est accélérée, les comptes sociaux sont en difficulté. Tel est le résultat patent de plus d’un an de politique du Gouvernement
Même le CAC 40 est en chute libre, puisqu’il a perdu plus de 30 % de sa valeur ! Seules les distributions de dividendes et l’augmentation du nombre des contribuables de l’ISF montrent que tout ne va pas si mal pour certains !
Nous devons donc mettre en question les choix opérés depuis le printemps 2007 – pour certains bien avant, d’ailleurs – avant que de donner sens à ce qui pourrait constituer une alternative à une politique de plus en plus inefficace et de plus en plus décriée par l’opinion publique.
Dans quel contexte nous trouvons-nous ?
Si l’on s’arrête aux seuls comptes publics, ce débat d’orientation est marqué par la situation préoccupante des finances publiques et sociales, situation dont personne, au demeurant, ne paraît aujourd’hui, et particulièrement ce matin, devoir contester la gravité.
Point d’orgue de cette situation, la dette publique d’État galope, atteignant désormais un encours de 966 milliards d’euros, niveau jamais égalé auparavant.
Fait plus préoccupant, la part de la dette constituée de titres de court terme – les Bons du Trésor à un an – est en progression sensible depuis le début de l’année, atteignant désormais 102 milliards d’euros.
S’agissant de l’exécution budgétaire 2008 en cours, malgré les habituelles mesures de gel mises en œuvre depuis le début de l’année, la situation présentait fin mai un découvert de plus de 50 milliards d’euros, et ce malgré la bonne tenue des rentrées de l’impôt sur les sociétés et d’une TVA portée par la hausse des prix de l’énergie et des carburants.
Ce n’est d’ailleurs qu’au prix de manœuvres dilatoires sur les dépenses d’intervention que le solde budgétaire global n’est pas plus dégradé.
De plus, les prévisions de croissance de l’INSEE demeurent relativement modestes puisque l’on parle d’un taux de 1, 6 % cette année, et d’un taux inférieur à deux points l’an prochain.
Comment, avec 5 % de croissance mondiale, les pays de la zone euro et la France en particulier présentent-ils de telles faiblesses de leur taux de croissance ?
Si une maturité économique différente de chaque pays peut expliquer cette situation, nous croyons pour notre part que cet échec des politiques européennes sur la croissance économique tient bien sûr à d’autres raisons.
Le frein principal à la croissance économique, qu’on le veuille ou non, ce ne sont pas les garanties collectives accordées aux salariés ou l’absence de flexibilité du marché du travail, c’est bien plutôt la politique économique et monétaire européenne, qui impose l’austérité pour les dépenses budgétaires, la liberté de circulation des capitaux, des taux d’intérêt élevés et la raréfaction de la création monétaire. Ne sont pas non plus en cause les collectivités territoriales, qui seraient trop « dépensières », aux yeux de certains, et devraient appliquer la même rigueur que l’État en matière budgétaire. Encore heureux qu’elles n’aient pas trop réduit leurs dépenses d’investissement, sinon nous aurions déjà connu la récession !
Ce qui est aujourd’hui en cause, ce sont bel et bien les politiques guidées par le respect des critères de convergence, par le pacte de stabilité, ainsi que par l’autisme de la Banque centrale européenne, la BCE. À quoi sert-il d’économiser quelques centaines de millions d’euros en supprimant des emplois publics quand le seul relèvement des taux directeurs de la BCE, dont l’indépendance est consacrée par le traité de Lisbonne que vous avez voté, mes chers collègues, coûte de 2 à 3 milliards d’euros de plus, en année pleine, au service de la dette ?
Les politiques d’austérité mises en place depuis longtemps conduisent donc à peu près partout aux mêmes résultats : mauvais état des comptes publics, dette de plus en plus importante, faible croissance globale des économies et aggravation continue des inégalités sociales, minant ainsi le pacte républicain.
De ce point de vue, le Gouvernement s’est particulièrement distingué avec la loi TEPA, la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, qui n’a trouvé une véritable traduction que pour ce qui concerne la fiscalité du patrimoine.
Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple, le budget, déjà mal en point, va enregistrer une moins-value fiscale de 400 millions d’euros au moins, pour permettre à 3 000 contribuables de l’ISF de se libérer de tout ou partie de leur impôt, en finançant prétendument les PME : 400 millions d’euros pour 530 millions de capitaux mobilisés, quel gaspillage de fonds publics pour un résultat ridicule sur le plan macroéconomique, d’autant que 450 millions d’euros suffisent à défiscaliser les intérêts du Livret A et du livret de développement durable, qui représentent un encours de 200 milliards d’euros !
Voilà un exemple clair et net des gâchis qui conduisent aujourd’hui le budget de l’État au déficit ! Il faut donc mettre un terme à ce que le rapport d’information Migaud-Carrez appelle « l’évolution déraisonnable » de la dépense fiscale. Actuellement, le premier poste budgétaire de l’État est non pas l’éducation nationale, mais bel et bien la masse considérable des dépenses fiscales.
Cette année, ce sont 73 milliards d’euros de recettes fiscales qui vont ainsi disparaître, et la perte sera plus grande encore l’an prochain ! Et ce montant ne tient pas compte des 30 milliards d’euros de recettes fiscales que l’État a cantonnés au financement des allégements de cotisations sociales, des 12 milliards d’euros destinés à compenser la réforme de la taxe professionnelle et des 5 milliards d’euros de recettes utilisés à mal compenser le transfert de la gestion du RMI aux départements, sans parler de l’allocation personnalisée d’autonomie, et j’en passe !
Entre dépenses fiscales et recettes dédiées, ce sont des milliards et des milliards d’euros qui manquent aujourd’hui pour assurer l’équilibre des comptes publics ! Et ce, pour quelle efficience de la dépense fiscale ? Depuis 2003, l’essentiel de la progression de la dépense fiscale, soit 23 milliards d’euros – c’est une somme que vous avez validée à travers vos votes, mes chers collègues –, ne semble pas avoir atteint ses objectifs en matière de croissance et d’emploi ! Mais il en a atteint un autre, qui n’était pas prévu : celui de laisser le déficit persister à un haut niveau !
Dans le même temps, l’impôt sur les sociétés a baissé, l’imposition des revenus du capital s’est allégée et l’imposition des patrimoines s’est fortement réduite !