Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préalable à mon intervention, je souhaite, comme le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Vasselle, déplorer que le Gouvernement ait publié très tardivement le document préparatoire à ce débat. De ce fait, nous avons été dans l’obligation de travailler, une fois encore, dans la précipitation, ce qui est fort dommageable et dénote le peu de considération dans laquelle l’exécutif tient le législatif.
Monsieur le ministre, il y a tout juste un an, vous affirmiez que la situation de nos finances publiques restait préoccupante. Vous ajoutiez, comme si nul n’était responsable, qu’il était nécessaire d’éviter les querelles de clocher et les sempiternels procès en responsabilité pour tenter d’améliorer les performances de l’action publique.
En l’occurrence, le budget de 2006 n’était effectivement pas le vôtre. C’était seulement celui de votre majorité, et la distinction pouvait être de mise. Or tel n’est plus le cas aujourd’hui : c’est bien au bilan d’une année d’exercice du pouvoir et à sa mise en perspective pour 2009 que nous devons nous atteler.
Il y a donc un an, ce gouvernement, reniant son propre héritage politique, s’engageait à mettre en place une stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques à l’horizon de 2012.
Mécaniquement, il lui fallait obtenir un taux de croissance annuel du PIB égal ou supérieur à 2, 5 %. Étaient en cause selon vous, à l’époque, monsieur le ministre, « la crédibilité de la France et, surtout – pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas –, le sort de nos enfants et des générations à venir ».
Nous sommes d’accord avec vous. C’est donc à la lumière de vos propos que nous nous proposons d’observer les résultats obtenus. Mon intervention viendra compléter sur ce point celle de Nicole Bricq.
En 2008, la croissance ne sera que de 2 points, voire de 1, 5 point. Nous sommes donc loin des 2, 5 points, sinon des 2, 25 points de croissance sur lesquels a été bâti le budget. Nos critiques se sont donc bel et bien révélées justifiées.
On voudrait que ce bilan négatif soit contrebalancé par des perspectives optimistes. Or il n’en est rien. Dans son rapport annuel sur les perspectives de l’emploi, l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, estime que le taux de chômage devrait remonter sensiblement. Quant à la Cour des comptes, elle n’est guère plus favorable puisqu’elle considère que notre déficit public devrait s’élever à 2, 5 % du PIB, soit le taux le plus élevé de la zone euro.
Enfin, le déficit structurel atteint 2, 9 % du PIB en 2007 et risque de dépasser les 3 % cette année.
La dette publique, pour sa part, représente 64 % du PIB, ce qu’a très justement rappelé le rapporteur de la commission des affaires sociales. Si ce dernier s’en tient à constater que notre pays est confronté à une conjoncture mondiale peu dynamique, j’ajouterai pour ma part que, malgré la crise des subprimes, les chocs pétroliers, ainsi que la hausse des matières premières, et sans considération de la globalisation financière qui accentue les possibilités d’effets récessifs, cette majorité a maintenu son cap, lequel est fait de vieilles lunes libérales, de déréglementation et de précarisation généralisée !
Bref, c’est une application méthodique d’une brutale idéologie qui n’a rien à envier à celle qui fut mise en œuvre par Mme Thatcher voilà plus d’un quart de siècle ! Désormais, aucun secteur n’est épargné. Notre protection sociale, elle aussi, est directement visée.
L’ensemble des dépenses du régime général représente près de 323 milliards d’euros. En 2007, trois des quatre branches enregistraient un solde négatif. Cette année, les branches accidents du travail et maladies professionnelles, AT-MP, et famille enregistrent un excédent respectif de 300 millions d’euros et de 400 millions d’euros. En contrepartie, la branche maladie devrait enregistrer un déficit supérieur à 4 milliards d’euros et la branche vieillesse un déficit supérieur à 5, 6 milliards d’euros.
À ce propos, qu’en est-il de l’emploi des séniors ? Les déclarations gouvernementales se succèdent sans que la situation s’améliore : l’âge moyen de cessation d’activité ne dépasse pas cinquante-huit ans et huit mois, et plus de 60 % des salariés de plus de cinquante-cinq ans sont évincés du marché du travail.
Si nous sommes d’accord avec M. le rapporteur de la commission des affaires sociales quand il déclare que le fait de pénaliser les entreprises qui n’intègrent pas les séniors peut être une possibilité, nous ne le suivons pas quand il remet en cause le dispositif des carrières longues qui pourrait devenir source d’effet d’aubaine.
Curieusement, rien n’est dit au sujet du réabondement régulier du fonds de réserve. Il fait pourtant partie du contrat social et son renforcement est indispensable. Les cessions d’actifs de l’État et les cessions du patrimoine immobilier de l’État, tout comme les revenus financiers et des niches sociales pourraient être mis à contribution.
Enfin, l’annulation d’une partie du paquet fiscal, notamment la partie relative à l’exonération des grosses successions, pourrait représenter une manne de près de 2 milliards d’euros. Je n’insisterai pas davantage sur ce point, que ma collègue Nicole Bricq a longuement développé tout à l’heure.
Venons-en à l’assurance maladie et au déficit chronique dans lequel vous l’avez conduite depuis six ans. La commission des comptes de la sécurité sociale estime que le déficit s’élèvera à 4, 1 milliards d’euros à la fin de 2008, ce qui porte le déficit cumulé de cette branche à 8, 9 milliards d’euros.
Chaque année, l’ONDAM que vous définissez s’avère irréaliste. Constatant les dérives, vous saisissez l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, pour qu’un plan de sauvegarde soit proposé. Le dernier plan date du 2 juillet. Selon la direction de l’UNCAM, il devrait permettre une réduction des dépenses de près de 2 milliards d’euros et engendrer 1 milliard de recettes supplémentaires pour 2009.
Quant au déficit du régime général, il devrait, nous dit-on, être progressivement ramené à 2, 8 milliards d’euros en 2009, à 1, 4 milliard en 2010 et disparaître en 2011.
Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur ces plans et, par extension, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Le récent rapport d’information de l’Assemblée nationale, qui porte sur la mise en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, est sans appel. Il en souligne les résultats médiocres et signale que seul un cinquième des textes nécessaires à sa mise en application est paru.
Il en va ainsi de dispositions renforçant la transparence des pratiques tarifaires, de l’information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués et le montant du dépassement, ou bien de la possibilité pour les organismes de sécurité sociale de requalifier des actes ayant eu pour objet le non-paiement des cotisations sociales. Monsieur le ministre, est-ce vraiment sérieux alors que vous exigez 3 milliards d’euros d’économie de l’assurance maladie, voire 4 milliards d’euros ?
Dans pareil contexte, quelle confiance peut-on placer dans un gouvernement qui ne met pas en vigueur 80 % des dispositions votées par la représentation nationale ?
Quelle pertinence revêtent vos appels incessants à de véritables réformes structurelles, qui se solderont toujours par une hausse du restant à charge des patients et une contraction de l’accès aux soins ?
De ce point de vue, le chantier des allocations de ressources est symptomatique de votre conception de la société et plus encore de l’être humain.
Le Président de la République a été très clair puisqu’il souhaite « accroitre la responsabilité individuelle ». Cette rupture avec les fondamentaux de notre système de protection sociale a dernièrement pris la forme des scandaleuses franchises médicales, qui pénalisent les malades ! Seuls les femmes enceintes, les enfants et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU, y ont échappé pour l’instant. Comment ne pas s’inquiéter quand le Président de la République, confondant intentionnellement l’assurance maladie avec une assurance commerciale, n’hésite pas à déclarer « qu’il n’y a pas d’assurance sans franchise » ?
C’est dans cette logique que le Gouvernement, comme les trois gouvernements qui l’ont précédé, intervient sur la définition du périmètre de prise en charge des soins, le fameux « panier de soins »À cet égard, la ministre de la santé n’a pas hésité à s’interroger sur la prise en charge des frais optiques. L’opinion publique a promptement réagi et Mme la ministre fut obligée de se rétracter.
Il y a quelques jours, voilà que ce sont les 8 millions de malades atteints d’une affection de longue durée qui étaient pris pour cible. Certes, nous n’aurions pas dû être surpris par cette annonce puisque le Président de la République soulignait qu’il souhaitait, pour ce qui était des affections de longue durée, « que nous concentrions nos efforts sur la prise en charge de ce qui est essentiel », ce qui revenait à exclure peu à peu les soins annexes du champ du remboursement intégral.
Ces annonces participent de votre entreprise de destruction de notre pacte social. Elles tendent à valider le transfert de charge des régimes obligatoires vers les régimes complémentaires et les individus eux-mêmes. La cause est entendue : désormais, l’accès aux soins sera fonction de la richesse de chacun. Rien de bien neuf depuis La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable… »
Les logiques qui prévalaient à l’époque sont les vôtres. Un grand quotidien du soir rapportait, il y a quelques jours, les propos d’une personne diabétique qui affirmait : « Cela me fait peur, cette dérive de la sécu ». Elle n’est pas la seule, car même si le plan de maitrise des dépenses voté par le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, a été expurgé de cette mesure, il n’en demeure pas moins, ainsi que l’atteste la position du rapporteur de la commission des affaires sociales, que la question reste posée.
Face aux difficultés financières, le rapporteur de la commission des affaires sociales en appelle à une éventuelle modification de la répartition des charges entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires. Les marges bénéficiaires de ces assurances complémentaires sont passées de 12 % à 23 %, ce qui représente un excédent de 3 milliards à 4 milliards d’euros, alors que, dans le même temps, les cotisations ont augmenté de 13 % à 14 %, plus vite que les prestations.
Ces hausses engendrent de l’exclusion, d’autant que le pouvoir d’achat est en baisse et la précarité en augmentation. Désormais, 7 % à 8 % de nos concitoyens sont sans couverture complémentaire. Dans un esprit de justice sociale et de renforcement de notre politique de santé, il faudra donc impérativement en tenir compte.