Séance en hémicycle du 16 juillet 2008 à 15h00

Résumé de la séance

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  • constitution
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La séance

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La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J’ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, en application de l’article 61, alinéa 2, de la Constitution, le 15 juillet 2008, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, d’une demande d’examen de la conformité à la Constitution de la loi relative aux contrats de partenariat.

Le texte de la saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Nous reprenons le débat d’orientation budgétaire consécutif à une déclaration du Gouvernement.

Dans la suite du débat, la parole est à Mme Christiane Demontès.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préalable à mon intervention, je souhaite, comme le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Vasselle, déplorer que le Gouvernement ait publié très tardivement le document préparatoire à ce débat. De ce fait, nous avons été dans l’obligation de travailler, une fois encore, dans la précipitation, ce qui est fort dommageable et dénote le peu de considération dans laquelle l’exécutif tient le législatif.

Monsieur le ministre, il y a tout juste un an, vous affirmiez que la situation de nos finances publiques restait préoccupante. Vous ajoutiez, comme si nul n’était responsable, qu’il était nécessaire d’éviter les querelles de clocher et les sempiternels procès en responsabilité pour tenter d’améliorer les performances de l’action publique.

En l’occurrence, le budget de 2006 n’était effectivement pas le vôtre. C’était seulement celui de votre majorité, et la distinction pouvait être de mise. Or tel n’est plus le cas aujourd’hui : c’est bien au bilan d’une année d’exercice du pouvoir et à sa mise en perspective pour 2009 que nous devons nous atteler.

Il y a donc un an, ce gouvernement, reniant son propre héritage politique, s’engageait à mettre en place une stratégie de retour à l’équilibre des finances publiques à l’horizon de 2012.

Mécaniquement, il lui fallait obtenir un taux de croissance annuel du PIB égal ou supérieur à 2, 5 %. Étaient en cause selon vous, à l’époque, monsieur le ministre, « la crédibilité de la France et, surtout – pacte de stabilité ou pas, engagements européens ou pas –, le sort de nos enfants et des générations à venir ».

Nous sommes d’accord avec vous. C’est donc à la lumière de vos propos que nous nous proposons d’observer les résultats obtenus. Mon intervention viendra compléter sur ce point celle de Nicole Bricq.

En 2008, la croissance ne sera que de 2 points, voire de 1, 5 point. Nous sommes donc loin des 2, 5 points, sinon des 2, 25 points de croissance sur lesquels a été bâti le budget. Nos critiques se sont donc bel et bien révélées justifiées.

On voudrait que ce bilan négatif soit contrebalancé par des perspectives optimistes. Or il n’en est rien. Dans son rapport annuel sur les perspectives de l’emploi, l’Organisation de coopération et de développement économique, l’OCDE, estime que le taux de chômage devrait remonter sensiblement. Quant à la Cour des comptes, elle n’est guère plus favorable puisqu’elle considère que notre déficit public devrait s’élever à 2, 5 % du PIB, soit le taux le plus élevé de la zone euro.

Enfin, le déficit structurel atteint 2, 9 % du PIB en 2007 et risque de dépasser les 3 % cette année.

La dette publique, pour sa part, représente 64 % du PIB, ce qu’a très justement rappelé le rapporteur de la commission des affaires sociales. Si ce dernier s’en tient à constater que notre pays est confronté à une conjoncture mondiale peu dynamique, j’ajouterai pour ma part que, malgré la crise des subprimes, les chocs pétroliers, ainsi que la hausse des matières premières, et sans considération de la globalisation financière qui accentue les possibilités d’effets récessifs, cette majorité a maintenu son cap, lequel est fait de vieilles lunes libérales, de déréglementation et de précarisation généralisée !

Bref, c’est une application méthodique d’une brutale idéologie qui n’a rien à envier à celle qui fut mise en œuvre par Mme Thatcher voilà plus d’un quart de siècle ! Désormais, aucun secteur n’est épargné. Notre protection sociale, elle aussi, est directement visée.

L’ensemble des dépenses du régime général représente près de 323 milliards d’euros. En 2007, trois des quatre branches enregistraient un solde négatif. Cette année, les branches accidents du travail et maladies professionnelles, AT-MP, et famille enregistrent un excédent respectif de 300 millions d’euros et de 400 millions d’euros. En contrepartie, la branche maladie devrait enregistrer un déficit supérieur à 4 milliards d’euros et la branche vieillesse un déficit supérieur à 5, 6 milliards d’euros.

À ce propos, qu’en est-il de l’emploi des séniors ? Les déclarations gouvernementales se succèdent sans que la situation s’améliore : l’âge moyen de cessation d’activité ne dépasse pas cinquante-huit ans et huit mois, et plus de 60 % des salariés de plus de cinquante-cinq ans sont évincés du marché du travail.

Si nous sommes d’accord avec M. le rapporteur de la commission des affaires sociales quand il déclare que le fait de pénaliser les entreprises qui n’intègrent pas les séniors peut être une possibilité, nous ne le suivons pas quand il remet en cause le dispositif des carrières longues qui pourrait devenir source d’effet d’aubaine.

Curieusement, rien n’est dit au sujet du réabondement régulier du fonds de réserve. Il fait pourtant partie du contrat social et son renforcement est indispensable. Les cessions d’actifs de l’État et les cessions du patrimoine immobilier de l’État, tout comme les revenus financiers et des niches sociales pourraient être mis à contribution.

Enfin, l’annulation d’une partie du paquet fiscal, notamment la partie relative à l’exonération des grosses successions, pourrait représenter une manne de près de 2 milliards d’euros. Je n’insisterai pas davantage sur ce point, que ma collègue Nicole Bricq a longuement développé tout à l’heure.

Venons-en à l’assurance maladie et au déficit chronique dans lequel vous l’avez conduite depuis six ans. La commission des comptes de la sécurité sociale estime que le déficit s’élèvera à 4, 1 milliards d’euros à la fin de 2008, ce qui porte le déficit cumulé de cette branche à 8, 9 milliards d’euros.

Chaque année, l’ONDAM que vous définissez s’avère irréaliste. Constatant les dérives, vous saisissez l’Union nationale des caisses d’assurance maladie, l’UNCAM, pour qu’un plan de sauvegarde soit proposé. Le dernier plan date du 2 juillet. Selon la direction de l’UNCAM, il devrait permettre une réduction des dépenses de près de 2 milliards d’euros et engendrer 1 milliard de recettes supplémentaires pour 2009.

Quant au déficit du régime général, il devrait, nous dit-on, être progressivement ramené à 2, 8 milliards d’euros en 2009, à 1, 4 milliard en 2010 et disparaître en 2011.

Permettez-moi de m’arrêter quelques instants sur ces plans et, par extension, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le récent rapport d’information de l’Assemblée nationale, qui porte sur la mise en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, est sans appel. Il en souligne les résultats médiocres et signale que seul un cinquième des textes nécessaires à sa mise en application est paru.

Il en va ainsi de dispositions renforçant la transparence des pratiques tarifaires, de l’information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués et le montant du dépassement, ou bien de la possibilité pour les organismes de sécurité sociale de requalifier des actes ayant eu pour objet le non-paiement des cotisations sociales. Monsieur le ministre, est-ce vraiment sérieux alors que vous exigez 3 milliards d’euros d’économie de l’assurance maladie, voire 4 milliards d’euros ?

Dans pareil contexte, quelle confiance peut-on placer dans un gouvernement qui ne met pas en vigueur 80 % des dispositions votées par la représentation nationale ?

Quelle pertinence revêtent vos appels incessants à de véritables réformes structurelles, qui se solderont toujours par une hausse du restant à charge des patients et une contraction de l’accès aux soins ?

De ce point de vue, le chantier des allocations de ressources est symptomatique de votre conception de la société et plus encore de l’être humain.

Le Président de la République a été très clair puisqu’il souhaite « accroitre la responsabilité individuelle ». Cette rupture avec les fondamentaux de notre système de protection sociale a dernièrement pris la forme des scandaleuses franchises médicales, qui pénalisent les malades ! Seuls les femmes enceintes, les enfants et les bénéficiaires de la couverture maladie universelle, la CMU, y ont échappé pour l’instant. Comment ne pas s’inquiéter quand le Président de la République, confondant intentionnellement l’assurance maladie avec une assurance commerciale, n’hésite pas à déclarer « qu’il n’y a pas d’assurance sans franchise » ?

C’est dans cette logique que le Gouvernement, comme les trois gouvernements qui l’ont précédé, intervient sur la définition du périmètre de prise en charge des soins, le fameux « panier de soins »À cet égard, la ministre de la santé n’a pas hésité à s’interroger sur la prise en charge des frais optiques. L’opinion publique a promptement réagi et Mme la ministre fut obligée de se rétracter.

Il y a quelques jours, voilà que ce sont les 8 millions de malades atteints d’une affection de longue durée qui étaient pris pour cible. Certes, nous n’aurions pas dû être surpris par cette annonce puisque le Président de la République soulignait qu’il souhaitait, pour ce qui était des affections de longue durée, « que nous concentrions nos efforts sur la prise en charge de ce qui est essentiel », ce qui revenait à exclure peu à peu les soins annexes du champ du remboursement intégral.

Ces annonces participent de votre entreprise de destruction de notre pacte social. Elles tendent à valider le transfert de charge des régimes obligatoires vers les régimes complémentaires et les individus eux-mêmes. La cause est entendue : désormais, l’accès aux soins sera fonction de la richesse de chacun. Rien de bien neuf depuis La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable… »

Les logiques qui prévalaient à l’époque sont les vôtres. Un grand quotidien du soir rapportait, il y a quelques jours, les propos d’une personne diabétique qui affirmait : « Cela me fait peur, cette dérive de la sécu ». Elle n’est pas la seule, car même si le plan de maitrise des dépenses voté par le conseil de la Caisse nationale de l’assurance maladie, la CNAM, a été expurgé de cette mesure, il n’en demeure pas moins, ainsi que l’atteste la position du rapporteur de la commission des affaires sociales, que la question reste posée.

Face aux difficultés financières, le rapporteur de la commission des affaires sociales en appelle à une éventuelle modification de la répartition des charges entre l’assurance maladie obligatoire et les assurances complémentaires. Les marges bénéficiaires de ces assurances complémentaires sont passées de 12 % à 23 %, ce qui représente un excédent de 3 milliards à 4 milliards d’euros, alors que, dans le même temps, les cotisations ont augmenté de 13 % à 14 %, plus vite que les prestations.

Ces hausses engendrent de l’exclusion, d’autant que le pouvoir d’achat est en baisse et la précarité en augmentation. Désormais, 7 % à 8 % de nos concitoyens sont sans couverture complémentaire. Dans un esprit de justice sociale et de renforcement de notre politique de santé, il faudra donc impérativement en tenir compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

J’en termine, monsieur le président.

Nous savons bien que le gouvernement actuel a pour principal axiome économique la baisse du coût du travail via l’exonération de cotisations sociales. Chaque année, cette politique prive notre système de plus de 41 milliards d’euros de recettes. Or nous savons, et la Cour des comptes l’avait bien souligné dans son rapport de l’année dernière, que cette politique est d’une efficacité toute limitée. Depuis des années, les parlementaires socialistes vous interpellent à ce sujet.

Nous vous demandons, tout comme notre rapporteur M. Alain Vasselle, non seulement d’instaurer l’obligation pour l’État de compenser intégralement ces exonérations, mais également de les conditionner. Vous restez sourds à ces demandes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Je vous signale, monsieur le président, que, si nous siégeons cet après-midi, c’est parce que nos débats ont, ce matin, pris beaucoup de retard.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Cela n’a rien à voir avec la durée de votre discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Si, cela a à voir avec la durée puisqu’il n’y a pas eu de débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

C’est précisément parce qu’il y a eu un débat que nous avons pris du retard !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

En conclusion, je voudrais simplement revenir sur la situation difficile dans laquelle votre politique - je pense notamment à la tarification à l’activité, la T2A - a plongé nos hôpitaux publics. Les déficits hospitaliers ont atteint en 2007 plus de 690 millions d’euros, dont 370 millions d’euros pour les seuls CHU.

Enfin, nous soutenons les revendications de la Fédération hospitalière de France, notamment pour ce qui concerne l’évolution de l’ONDAM.

Notre collègue Claude Domeizel déclarait, l’année dernière, que votre politique en matière de retraites était « une politique de gribouille ». Elle demeure telle quelle alors que celle que vous menez en matière d’assurance maladie et donc de santé est injuste et dangereuse.

Le groupe socialiste ne saurait la cautionner. Il la dénonce donc avec la plus grande fermeté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Monsieur le ministre, je voudrais d’abord vous dire combien je mesure la difficulté de la gestion des finances de l’État dans le contexte actuel. Les graves problèmes financiers de l’économie américaine, la hausse constante du prix du pétrole, une parité dollar-euro très défavorable pour nos exportations, l’augmentation des taux d’intérêt qui aggrave nos charges d’emprunt et la menace de la poussée inflationniste ne facilitent pas votre tâche.

Je voudrais préciser que, dans ce débat comme dans d’autres, je ne suis contre rien a priori, mais que j’essaye de prévoir et d’indiquer les conséquences économiques, qui peuvent être fort graves, de certaines décisions politiques.

Monsieur le ministre, je voudrais vous proposer plusieurs mesures de nature à réduire notre déficit budgétaire, objectif numéro un du Gouvernement.

Premièrement, je souligne que les emprunts utilisés pour financer non pas des investissements mais des charges de fonctionnement récurrentes aggravent sans retour notre endettement. La charge de la dette utilise une part de plus en plus importante de nos recettes fiscales, réduisant d’autant nos capacités de dépenses et nécessitant de nouveaux emprunts. Mortel cercle vicieux !

Il faudrait éviter ce genre d’opérations ou au moins les limiter dans le temps, ce qui n’est malheureusement le cas pour aucune de ces aides. On ne sait pas combien de temps cela va durer. En réalité, ce n’est pas à l’État de payer les charges de sécurité sociale que les entreprises doivent elles-mêmes assumer.

Cela concerne, en particulier, le paiement du passage aux 35 heures, toujours utilisé sans limite depuis dix ans, et sans décision de diminution. Cela aura coûté au budget plus de 100 milliards d’euros à raison de 10 milliards d’euros par an, et tout cela pour ne pas travailler ! Jusqu’à quand cela va-t-il durer alors que les 35 heures disparaissent ?

Cela concerne le projet de loi sur la réforme du temps de travail, dont nous devons, demain matin, aborder l’examen. J’espère pouvoir faire adopter un amendement que je présenterai sur ce sujet.

Cela concerne aussi les paiements par l’État aux entreprises et aux salariés des charges sur salaires jusqu’à 1, 6 SMIC, sans limite et sans décroissance, alors qu’il serait utile de les réduire. Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? Il faudrait prévoir, dès maintenant, une limite à ces aides et les réduire peu à peu comme l’a proposé Philippe Marini. C’est très urgent.

La réduction des charges au titre des 35 heures et du SMIC représente aujourd’hui plus de 20 milliards d’euros, soit presque la moitié de notre déficit budgétaire en 2008. Il est temps de s’arrêter. Certes, les entreprises vont réagir, peut-être avec le MEDEF. Mais, entre l’aggravation de la dette de l’État et les difficultés des entreprises, il faut choisir.

En tout cas, la suppression de ces mesures réduirait considérablement nos déficits budgétaires et faciliterait le retour à l’équilibre en 2012.

Deuxièmement, il faudrait réduire les charges sur salaires qui supportent une grande partie du financement de la sécurité sociale : 30 % de ces charges concernent le financement de la sécurité sociale. Il faut trouver le moyen - ce n’est pas facile - de financer la sécurité sociale autrement, évidemment sans l’État, qui n’est plus en mesure de le faire.

Aujourd’hui, il n’y a aucune chance d’équilibre entre les dépenses de la sécurité sociale et leur financement par des prélèvements sur les salaires, ca il n’y a aucun lien entre eux. En vérité, il faut parler non pas de déficit mais de financement insuffisant, car la sécurité sociale n’a pas la maîtrise de ses recettes. Il faut donc trouver de nouveaux financements.

À cause de ce prélèvement sur les salaires, nos coûts de production sont plus élevés que ceux de nos voisins qui ne font pas supporter par les salaires les charges de sécurité sociale. La suppression de cette mesure réduirait les charges sur salaires de 30 % et améliorerait la compétitivité des entreprises. C’est absolument indispensable. Cela réduirait aussi le montant des paiements des charges sociales des entreprises par l’État, ce qui diminuerait d’autant notre déficit.

Ensuite il faudra trouver un paramètre ne concernant ni les salaires ni l’État.

J’ai déjà fait une proposition concernant le chiffre d’affaires hors taxes moins la masse salariale. Cette proposition a beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients. Il serait utile de l’étudier.

Elle permettrait de réduire les charges sur salaires et présenterait l’avantage d’être financée par les résultats de l’activité des entreprises sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’État. Un coefficient unique affecté à ce paramètre permettrait d’équilibrer les charges réelles de sécurité sociale. En outre, toutes les entreprises seraient concernées.

On arriverait ainsi à équilibrer les comptes de la sécurité sociale, à réduire les charges des entreprises et celles de l’État. Outre l’équilibre de la sécurité sociale, cela permettrait en même temps la réduction de nos coûts de production, l’amélioration de notre compétitivité ; rien que des avantages ! J’ai appelé ce système « coefficient activité ». Pour le promouvoir, je propose de mettre en place un groupe de travail associant des membres de la commission des finances et de celle des affaires sociales.

Rien n’est parfait, mais il serait suicidaire de ne rien faire. Voila une proposition que je souhaitais formuler pour relancer la croissance et financer correctement la sécurité sociale.

Troisièmement, enfin, permettez-moi de vous faire une nouvelle proposition concernant nos relations avec la Communauté européenne : une harmonisation de notre fiscalité avec celle de nos voisins européens, de manière que nos contribuables payent moins d’impôts, qu’ils ne quittent plus la France, ne serait pas inutile, alors que la France préside la Communauté européenne.

En effet, la disparité avec nos voisins en ce qui concerne certains impôts est trop grande et constitue un appel à l’expatriation. Il faut savoir que, actuellement, deux à trois Français par jour, en moyenne, s’expatrient afin de payer moins d’impôts, et ce ne sont pas les moins fortunés.

La France se vide de ses élites jeunes et moins jeunes, et cela nous cause un préjudice considérable. Cela réduit nos capacités d’investissements – investissements qui se font ailleurs –, notre compétitivité et notre croissance. Il serait donc également urgent d’étudier cette question.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques propositions que je voulais vous présenter, dans la perspective de faciliter notre retour à l’équilibre budgétaire, qui est une absolue priorité.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous livrons depuis ce matin à un exercice intéressant, un véritable exercice de travaux pratiques : le Parlement et le Gouvernement doivent tracer ensemble une trajectoire crédible de redressement de nos finances publiques.

À l’aune, notamment, de mon expérience de rapporteur spécial des crédits de l’action extérieure de l’État, je voudrais vous faire part de deux considérations : pour réussir ce que notre collègue Philippe Marini a appelé, déjà, le « tournant de la législature », il nous faut, tout d’abord, une ambition réaliste et, par ailleurs, une ambition partagée.

En première considération, je soulignerai la nécessité de se fixer un cap ambitieux et réaliste en matière de réduction des déficits et de reflux de la dette publique.

Notre ambition commune, nous la connaissons, c’est celle du retour à l’équilibre, ambition réaffirmée par le Président de la République devant les Français et auprès de nos partenaires européens. Cette ambition est simple et claire, c’est celle d’une politique budgétaire soutenable, qui ne laisse pas à nos enfants le poids d’une dette devenue insupportable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Le retournement de la courbe des taux d’intérêt et l’accélération de l’inflation engendrent une augmentation mécanique des charges de la dette de plus de 2 milliards d’euros par an.

Mais il n’est pas d’ambition sans réalisme. À entendre, ici et là, ceux qui professent déjà que le retour à l’équilibre des finances publiques est illusoire en 2012, on peut voir, au Quai d’Orsay, comme dans d’autres ministères, les conservatismes redresser la tête. J’entends dire que, dans ces conditions, puisque tout effort est vain, il n’y a qu’à se laisser aller. Ce serait un mauvais service à rendre aux réformateurs, encore trop peu nombreux, dans tous les ministères, que d’afficher une ambition impossible à tenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Cela désespérerait le « Billancourt des acteurs de la RGPP » et donnerait ainsi des gages à ceux qui croient qu’il est encore possible de laisser filer la dépense, sinon globalement – plus personne n’ose le soutenir -, du moins pour eux-mêmes.

Proposer une ambition réaliste, c’est faire preuve de crédibilité dans la trajectoire de redressement que vous vous attachez à définir, monsieur le ministre, avec courage et constance.

En matière de réalisme, il faut prendre en compte deux paramètres.

Tout d’abord, redresser les finances publiques, ce n’est pas augmenter les impôts, par l’inflation des taxes et des taux. On entend ici et là évoquer, pour faire face à tel ou tel besoin, ou pour combler tel ou tel déficit, l’expression de « ressource nouvelle », de « financement innovant », appellations pudiques issues d’une sorte de marketing fiscal. Mais ces nouvelles ressources sont en réalité autant de « vieilles recettes » pour augmenter les impôts. M. le président de la commission des finances le sait bien, puisqu’il nous invite à la vigilance.

M. le président de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Atteindre l’équilibre des finances publiques en augmentant les impôts, voilà bien une ambition irréaliste, dont notre économie n’a vraiment pas besoin ! Et la manière peut-être plus douce, mais qui reviendrait un peu au-même, de la suppression radicale des niches ne saurait être un gisement budgétaire exploitable…

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

… qu’à condition de bien peser les conséquences économiques de certaines décisions : je pense en particulier au lien entre les allégements de charges et l’emploi.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Second paramètre : la trajectoire de redressement des comptes publics ne peut faire abstraction du contexte économique dans laquelle elle intervient. Or l’économie mondiale vit deux chocs majeurs : un choc dans la sphère financière et immobilière ; un choc d’inflation, de hausse des prix des matières premières, à commencer par celui du pétrole.

Dans sa manière d’envisager le retour à l’équilibre des comptes publics, la Commission européenne, comme la France, ne peut faire abstraction de ce double choc de croissance.

Comme le font nos amis anglais, il faut envisager le retour à l’équilibre des finances dans le cadre du cycle économique. Voilà pourquoi je pense que nous avons besoin, à l’horizon 2012, d’une ambition réelle mais aussi tenable : passer d’un déficit de 2, 7 % du PIB à un déficit de 1 % en cinq ans, ce ne serait déjà pas rien ! Et d’ailleurs, c’est à cela que s’était engagé M. le Président de la République pendant la campagne électorale.

Ma seconde considération consiste à souligner la nécessité d’un effort partagé. Chaque administration doit y contribuer pour la part qu’elle représente dans les finances publiques : État, sécurité sociale, collectivités territoriales.

Toutefois, il ne doit pas y avoir, dans le domaine des finances publiques, les variables d’ajustement d’un côté et les sanctuaires, voire l’inflation des dépenses, de l’autre. Les collectivités territoriales doivent être à la recherche d’une gestion la plus économe possible, mais elles ne pourront être la variable d’ajustement d’un État qui n’aurait pas tiré toutes les conséquences, dans son organisation, de la décentralisation. De son côté, l’État ne saurait être une variable d’ajustement de dépenses sociales mal maîtrisées.

De la même façon, au sein de l’État lui-même, il paraîtrait peu opportun que les ministères régaliens, comme celui de la défense, supportent la majorité de l’effort de réforme, alors qu’ils constituent le cœur de l’État et financent des « mesures nouvelles » dont l’impact économique apparaît incertain.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Un rappel en quelques chiffres : le budget du Quai d’Orsay, soit 2, 4 milliards d’euros, c’est moins que ce que coûterait aux finances publiques la baisse de la TVA sur la restauration, ou même la généralisation du revenu de solidarité active !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J’imagine donc mal que les efforts légitimes que nous demandons aux gestionnaires soient absorbés par de nouvelles dépenses mal calibrées.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je m’inquiète lorsque le Livre blanc relatif à l’action extérieure de l’État souligne que le ministère des affaires étrangères a déjà accompli beaucoup d’efforts dans la réduction de ses effectifs – sous-entendu efforts supérieurs à ceux d’autres administrations : il y a là un ferment de contestation de la discipline commune de diminution des emplois publics qui est lié à un constat, fondé ou pas, que la discipline n’a pas toujours été dans le passé aussi commune que cela.

Cette discipline devra être commune dans l’avenir, notamment dans l’application de la règle du non-remplacement d’un départ à la retraite sur deux.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. Adrien Gouteyron. C’est à cette condition que nous réussirons la réforme de l’État, lorsque l’affirmation par le Gouvernement d’un certain nombre de priorités budgétaires nécessaires ne dispensera pas les ministères prioritaires de la recherche des gains de productivité qui doivent être recherchés par tous.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens juste à ajouter quelques mots dans un débat très dense et qui a débordé du temps qui lui était imparti. Au demeurant, c’est une bonne chose qu’un débat d’orientation budgétaire dure un peu plus longtemps que prévu : c’est le signe que nous avons beaucoup à dire sur nos finances publiques et beaucoup à partager entre opposition et majorité.

Plusieurs d’entre vous ont souligné la justesse de la stratégie que nous mettons en œuvre : soutien à la croissance potentielle, avec les mesures contenues dans la loi relative au travail à l’emploi et au pouvoir d’achat, dans la loi LME et la loi sur le marché du travail que vous allez bientôt examiner.

Cette stratégie est d’autant plus nécessaire que l’environnement national est très perturbé. Nous ne pouvons pas ne pas réagir ! Au contraire, tout nous appelle à plus de réformes justes et efficaces, mais aussi à des réformes structurelles. C’est bien là le cœur de l’action de la majorité.

Face à cette stratégie de réformes, il y a une stratégie de la dépense budgétaire mais aussi de la dépense fiscale. J’ai bien entendu les orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet, au premier titre desquels le président de la commission des finances et le rapporteur général : la maîtrise des dépenses est une question cruciale. Vous avez pu constater, à la lecture des documents que nous vous avons remis, combien nous y attachons d’importance. L’environnement est très contraignant, mais notre réponse est à la hauteur de cet environnement.

Pour maîtriser la dépense, il s’agit d’abord de passer de 2 % à 1 % de progression de la dépense, de mettre en œuvre la politique de révision générale des politiques publiques, avec les décisions qu’elle contient aujourd’hui et celles qui viendront s’y ajouter, d’engager un travail plus en profondeur sur la sphère sociale, même si c’est difficile, même si les mesures à prendre sont délicates : on doit à la fois beaucoup expliquer et beaucoup réformer.

Adrien Gouteyron a évoqué le ministère de la défense et le ministère des affaires étrangères à propos de cet effort de réduction de la dépense. Mais, monsieur le sénateur, tous les ministères sont concernés. Cet effort d’ailleurs n’implique pas moins de politique mais une politique plus adaptée. L’euro dépensé doit être mieux évalué et plus performant. Nous devons cet effort à chacun de nos concitoyens, qui sont aussi des contribuables !

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le ministère de la défense va faire beaucoup d’économies en matière de fonctionnement ; ce sera difficile. Son rôle est de répondre à des menaces mesurées, calculées, réfléchies, c’est ce qui ressort du travail mené à l’occasion de l’élaboration du Livre blanc. Il va voir ses crédits d’équipement augmenter de manière assez considérable : 15 milliards d’euros ces dernières années, 18 milliards d’euros dans les années à venir. Cette augmentation provient en partie des économies réalisées sur son propre fonctionnement et recyclées. Il me semble que c’est de bonne méthode.

La maîtrise de la dépense est au cœur de la stratégie de redressement ; Philippe Marini, ainsi que de nombreux autres orateurs l’ont rappelé ; je souhaite le répéter à mon tour.

M. Christian Gaudin a indiqué que nos partenaires étaient également concernés par cet effort de maîtrise de la dépense. En effet, chacun est concerné, dans son domaine, avec son propre système de « gouvernance », avec son propre système de décision.

Le domaine social dispose d’un système très particulier, et l’autonomie des collectivités, nul ici ne peut l’ignorer, doit être totalement respectée, ce qui n’empêche pas le dialogue. Tout en se respectant, l’État et les collectivités locales peuvent avoir un débat clair, net et franc sur l’évolution de leurs rapports en matière de finances mais aussi de compétences. Tout cela ressort de rapports et d’études ; il faut bien à un moment donné en tenir compte.

Nous devrons tenir compte également, dans le domaine de la dépense, des opérateurs, et pas seulement des autres partenaires de la dépense publique. Toutefois, les crédits de ces opérateurs sont inclus dans les crédits des ministères, cela permet de mieux contrôler la situation.

Lorsque l’on parle de « zéro volume » ou de « zéro valeur », cela s’adresse aussi aux politiques d’intervention des ministères. Je pense ainsi à la capacité des opérateurs à recruter. Dans le budget, nous présenterons un tableau des emplois des opérateurs avec une volonté bien définie : tout effort de l’État doit être partagé par les opérateurs de l’État.

Je pense aussi au domaine immobilier, dont M. de Montesquiou a parlé à plusieurs reprises. En la matière, nous devons être exemplaires : l’État est en train de faire beaucoup de progrès à cet égard. Nous connaissons exactement le patrimoine de l’État, monsieur de Montesquiou. Ce qu’il faut, c’est connaître le patrimoine des opérateurs ! C’est une autre affaire ! Mais nous nous efforçons de faire avancer les choses.

J’ai été choqué par les propos de M. Foucaud, propos qui ont d’ailleurs été partiellement repris par Mme Bricq : « Il faut retrouver le chemin de la dépense publique ». Au contraire, il me semble qu’il faut arrêter de prendre le chemin de la dépense publique.

Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de politique publique, cela ne signifie pas non plus qu’il n’y a pas en France de traditions fondées sur l’intervention de l’État et sur l’importance du service public. Tout cela fait bien sûr partie de notre pacte républicain. Mais ce n’est pas une raison pour faire exploser le volume des dépenses publiques ! Quand on en est à plus de 52, 4 % de dépenses publiques et que l’on dispute à la Suède la première place mondiale, c’est qu’il y a quelque chose d’anormal ! D’autant que les Suédois, eux, ont des finances publiques à peu près en équilibre dans la mesure où ils font par ailleurs les efforts nécessaires pour faire face à cette dépense publique. Si nous faisions les mêmes efforts, cela irait peut-être… mais nous ne les faisons pas !

Dès lors, nous devons être de plus en plus exigeants sur la qualité de cette dépense publique, et je trouve naturel de le dire aux contribuables que sont l’ensemble de nos concitoyens.

La réduction des déficits et la maîtrise de la dépense publique confortent toutes les autres réformes structurelles, mais aussi la croissance. C’est parce qu’il y a une maîtrise de la dépense publique qu’il y a une réforme structurelle de nos politiques, et ces deux éléments conduisent à une transformation profonde de notre pays, qui va retrouver ainsi des marges de manœuvre.

Nous ne faisons pas de la comptabilité, mais de la politique, au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire que nous choisissons et hiérarchisons les dépenses en rendant compte à nos concitoyens de la qualité des politiques suivies !

En ce qui concerne les recettes, j’ai bien entendu le message délivré par Jean Arthuis, Philippe Marini, Serge Dassault et beaucoup d’autres orateurs. J’en conviens tout à fait : nous devons préserver nos recettes.

Tout État qui retrouve l’équilibre de ses finances publiques a dû faire un effort important sur la dépense, certes, mais également un effort décisif de préservation de la recette.

« Préserver les recettes » ne signifie pas qu’il ne faut plus accorder d’aides. En fait, il faudra être très attentifs et sélectifs à l’avenir sur tout ce qui concerne la dépense fiscale et, disant cela, je fais écho à Jean Arthuis, Philippe Marini, Alain Vasselle, Christian Gaudin et bien d’autres. Nous devons être très vigilants sur ce sujet ! Nous avons atteint le plafond de ce qui est supportable aujourd’hui.

Une dépense fiscale peut être créée à partir du moment où on en supprime une autre qui n’est plus utile. Il faut donc établir un bilan. Nous le ferons lors de l’élaboration de la loi de finances et je mettrai tout mon pouvoir de conviction pour vous le présenter.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je m’efforcerai de proposer une évaluation des niches fiscales, une vision très sélective de la dépense fiscale, en procédant point par point ; bien sûr le Sénat nous aidera dans cette tâche.

J’ai été très sensible à ce qu’a dit M. Valade à propos du patrimoine. J’ai bien entendu son plaidoyer, qui l’honore, en faveur du patrimoine, des centres-villes, de la défiscalisation issue de la loi Malraux. Nous partageons sa sensibilité et nous verrons ce que nous pouvons faire dans ce domaine.

D’une manière générale, nous devons être très vigilants sur l’ouverture de nouveaux crédits et de nouvelles dépenses fiscales.

Comme il n’y a plus de moyens budgétaires, le monde politique dans son ensemble se précipite vers la dépense fiscale en se disant que c’est plus simple. Mais on ne peut tolérer de laxisme dans ce domaine : la dépense fiscale est la voie de la facilité mais certainement pas de l’efficacité. Nous devons, certes, conserver une forme de souplesse, pouvoir gérer et ne rien nous interdire mais, en même temps, il nous faut être absolument vigilants : nous le serons.

La concertation sur la modernisation de la fiscalité, notamment sur la fiscalité environnementale, a été engagée par Christine Lagarde. Voilà un sujet qui va nous occuper longtemps dans les semaines et les mois à venir, lors de la préparation du projet de loi de finances pour 2009, mais aussi par la suite.

La concertation s’impose aussi dans le domaine de la révision des bases de la taxe professionnelle. J’ai bien perçu une certaine inquiétude sur ce dernier point. Toute la concertation possible doit être mise en œuvre : la taxe professionnelle est un impôt très décrié et en même temps une source de financement considérable pour les collectivités locales. Il faut continuer à y réfléchir : j’ai bien entendu le message de M. du Luart. Sur la révision générale des prélèvements obligatoires, la petite sœur – ou la petite fille, je ne sais pas – de la révision générale des politiques publiques, nous aurons encore beaucoup de débats dans les semaines à venir.

J’ajouterai un mot sur le taux de TVA applicable à la restauration. Le sujet a été évoqué par le président Arthuis ; j’avais le choix d’en parler ou non, mais finalement je vais l’aborder. Il s’agit, là aussi, de tenir un engagement, comme c’est souvent le cas dans la vie politique, pris par le précédent Président de la République et repris par son successeur.

Au-delà même de la problématique particulière à cette question, nous contestons le refus de la Commission et des institutions européennes de toute modification du taux de TVA sur des services sans incidence sur les échanges entre les États membres, comme c’est le cas de la restauration.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Nous devons, dans ce domaine, obtenir la souplesse de définition de notre propre politique et ne pas uniquement relever d’une autorisation de l’Union européenne. Tel est le sens du message du Président de la République.

En tout état de cause, ce n’est pas avant 2011 que nous pouvons envisager un changement, nous aurons d’ici là les moyens de discuter des modalités, si jamais l’Union européenne poursuit la discussion.

Au demeurant, nous devrons répondre à la problématique financière qui se posera : si nous diminuons le taux de TVA sur la restauration, nous devrons, parallèlement, clarifier l’impact financier d’une telle mesure.

M. Dassault a beaucoup parlé de la compétitivité fiscale. Nous devons veiller à cette compétitivité fiscale. Cela dit, elle devient réelle : quand nous le comparons aux autres, nous voyons que notre système fiscal commence à devenir compétitif. N’oublions pas que, derrière cette question, ce sont des emplois, des localisations d’industries et de richesses qui sont en jeu.

Enfin, j’en viens aux collectivités locales. Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat sur les finances locales aura lieu. À cet égard, j’appelle chacun à un effort de responsabilité même si je n’ai pas besoin de le faire vis-à-vis du Sénat : tous ses membres connaissent parfaitement le sujet.

Dans le domaine de la dépense, nous exigeons un taux d’effort absolument considérable à l’État, nous voulons appliquer le même taux d’effort dans le domaine de la dépense locale et nous voudrions que la relation financière entre l’État et les collectivités locales soit empreinte de confiance mais aussi de réalisme…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Ce n’est pas demain la veille ! On ne fait plus confiance à la signature de l’État !

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

… afin que nous nous parlions franchement. J’ai essayé de le faire, comme le Premier ministre l’a fait lors de la conférence des exécutifs locaux. J’assume parfaitement notre position : nous ne proposerons pas une augmentation supérieure au taux de l’inflation de l’ensemble d’un périmètre élargi dans lequel nous incluons le FCTVA, ce qui est naturel, puisque le FCTVA est dû aux collectivités locales. Nous disposons d’un reliquat de 400 millions à 500 millions d’euros qui pourront être répartis sur la DGF : nous déterminerons ensemble les modalités de répartition.

J’ai bien conscience que c’est un effort supplémentaire qui est demandé aux collectivités locales, mais, en même temps, c’est bien un effort supplémentaire que consent l’État vis-à-vis des collectivités…

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Si, c’est la réalité, mais nous aurons ce débat, monsieur le sénateur !

Concernant la sphère sociale, j’ai beaucoup apprécié les discours de MM. About et Vasselle, chacun dans son registre. Bien évidemment, la certification des comptes de la branche recouvrement doit aboutir. Je crois qu’il y a trois points de désaccord avec la Cour des comptes, mais ce sont des points de comptabilité qui ne remettent pas en cause la sincérité des comptes de l’ACOSS – remise en cause que n’a d’ailleurs pas faite le Premier président de la Cour des comptes. En tout cas, il n’y a pas de raison que la certification n’aboutisse pas.

Vous avez appelé très brièvement mon attention sur trois questions.

La première concerne la reprise de la dette sociale, qui représente 23 milliards d’euros pour le régime général à la fin de 2008 ; si on y ajoute les 7, 5 milliards d’euros du FFIPSA, on obtient plus de 30 milliards d’euros et, si on rajoute les 3, 8 milliards du Fonds de solidarité vieillesse, le total global s’élève à 34, 3 milliards d’euros. Plusieurs scénarios se présentent donc : nous allons y travailler durant l’été.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

Je privilégie très clairement l’option consistant à utiliser les excédents du Fonds de solidarité vieillesse en affectant une fraction de la CSG – 1, 05 point – à la CADES, ce qui permettra à celle-ci de reprendre cette dette, qui est une dette sociale – même si le cas du FFIPSA peut éventuellement être discuté.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

S’agissant de la dette principale, il n’y a pas de discussion possible, il s’agit bien d’une dette sociale.

Ce « tuyau » que nous rebrancherions sur la CADES, conformément à la loi, correspond à une recette stable. Si tel n’était pas le cas, la qualité de la réponse que nous apportons pourrait être remise en question. Mais il s’agit bien d’une recette stable et pérenne – pour autant que l’on puisse juger de la pérennité de la situation dans les années qui viennent : nous voyons bien comment se trouve le marché de l’emploi. Nous définirons une position en fonction du curseur.

Tout ce que je sais, c’est que, si nous n’avons pas les moyens de reprendre la dette du FFIPSA dans la CADES, il faudra bien que l’État intervienne pour la reprendre. Ce sera difficile, ce sera un vrai sacrifice pour l’État, mais je pense que c’est nécessaire pour la transparence de nos comptes.

La deuxième question portait sur la clarification des relations financières entre l’État et la sécurité sociale, qui doit être totale : le budget triennal doit s’appliquer, et l’ensemble des crédits que l’État doit à la sécurité sociale doit être mesuré au plus juste.

Monsieur le président About, vous avez parlé de l’aide médicale d’État : celle-ci doit évidemment être rebasée. Elle l’a déjà été en 2008, nous devons continuer ce rebasage.

Enfin, la troisième question concernait le FFIPSA. Je l’ai déjà indiqué, nous avons réglé l’ancienne dette du BAPSA à concurrence d’un peu plus de 600 millions d’euros. Le principal reste à régler, nous le ferons. S’agissant de l’équilibre futur du FFIPSA, je tiens à préciser que son redressement doit être réalisé grâce à l’apport de recettes à hauteur de près de 2 milliards d’euros. Il s’agit de montants tout à fait considérables.

Quant à la taxe nutritionnelle, j’ai demandé, conjointement avec Mme Bachelot-Narquin, une analyse approfondie à l’IGAS et l’IGF : nous aurons les résultats de ce travail d’ici à la fin du mois de juillet et nous vous les communiquerons bien évidemment.

Debut de section - Permalien
Éric Woerth, ministre

M. Éric Woerth, ministre. Voilà les réponses que je pouvais apporter, en quelques mots, à l’issue de ce débat d’orientation budgétaire. Je tiens à remercier l’ensemble des orateurs qui ont participé à ce débat de grande qualité, ainsi que les présidents et les rapporteurs des différentes commissions.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je constate que le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 472 et distribuée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi constitutionnelle, adopté avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, de modernisation des institutions de la Ve République (nos 459, 463).

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Nous débattons depuis un certain nombre de semaines d’un sujet capital, ou présenté comme tel en tout cas : la réforme des institutions. Nous sommes à cinq jours de la réunion du Congrès à Versailles. Or, aujourd’hui, un important quotidien du soir publie un article présenté comme important, consistant en un entretien accordé par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je ne conteste pas, bien au contraire, la légitimité de cet entretien car je comprends que le Président s’exprime, ne serait-ce que pour ressouder sa majorité. Il en a le droit et peut-être le devoir.

S’agissait-il de cela ou s’agissait-il de débaucher quelques parlementaires socialistes ? Je l’ignore. Mais, de ce point de vue, ses espoirs seront déçus ! S’il y a des débauchages, ils se compteront sur les doigts d’une main.

Rires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Ce sera à peu près tout et chacun voit de qui je veux parler…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Il n’y aura donc pas de défections.

Le Président de la République défend son texte, et nous contestons cette défense sur bien des points : nous l’avons dit dans le débat, je n’y reviens que très brièvement.

Sur les nominations, nous avons dit qu’il s’agissait d’un trompe-l’œil, un droit de veto des trois cinquièmes ne pouvant remplacer une majorité positive des trois cinquièmes.

Quant au partage de l’ordre du jour, nous avons montré qu’il ne sera pas plus favorable à l’opposition que le système actuel des niches, à quelques minutes près – et je tiens à rappeler que cette position n’est pas seulement celle du parti socialiste, mais celle de toute la vraie gauche, qui est opposée à ce texte.

Au-delà de ces questions, l’interview contient des avancées intéressantes ou présentées comme telles. Certaines ne concernent pas le Président de la République. Mais son rôle consiste-t-il à s’immiscer dans les affaires du Parlement au point de s’intéresser aux règlements des assemblées et de préciser quel sera le périmètre des groupes politiques ? Lui appartient-il de modifier le règlement des deux assemblées ? Je ne le pense pas.

Je relève cependant un certain nombre d’idées intéressantes et j’en donnerai quatre exemples.

Le décompte du temps de parole du Président de la République et le droit de réponse de l’opposition correspondent à des propositions que nous avions faites et qui n’ont pas été retenues. Le Président de la République promet qu’à l’avenir des avancées interviendront sur ce point ; à quelle échéance ? Nul ne le sait !

S’agissant des principes qui permettront à la loi organique future de garantir les droits de l’opposition malgré l’encadrement du droit d’amendement, mon collègue Jean-Pierre Sueur a exposé combien ce droit d’amendement était fondamental.

Nous avions aussi demandé la possibilité pour l’opposition d’obtenir la création de commissions d’enquête. Le Président de la République exprime son accord, mais pourquoi ne pas avoir inscrit cette disposition dans la Constitution ?

Enfin et surtout, cerise sur le gâteau, est reprise l’idée contenue dans la proposition de loi qu’avait déposée en 1999 Henri de Raincourt et un certain nombre de nos collègues et visant à réformer profondément le système d’élection du Sénat.

Monsieur le président, j’en arrive à l’objet de mon rappel au règlement. Il s’agit en fait d’une demande de suspension de séance qui aurait deux fins.

La première serait de réunir la commission des lois pour qu’elle examine les propositions du Président de la République. Comme il me semble que beaucoup d’incertitudes subsistent, sur le fond, sur le calendrier, il serait opportun d’auditionner le Premier ministre – qui marche mal mais dont l’esprit tourne bien, nous l’avons vu hier ! §, qui n’a pas manqué d’être associé aux propositions du Président de la République. L’audition du Premier ministre ou, à défaut, – excusez cette expression, madame la ministre, ce serait en fait un plaisir pour nous – du garde des sceaux nous permettrait d’être éclairés.

J’en viens au deuxième objet de cette suspension de séance. À la suite de cette audition et avec les explications que nous ne manquerions pas d’obtenir, nous réunirions notre groupe politique afin de décider si nous changeons d’opinion et si notre opposition formelle à ce texte peut se transformer en une abstention, voire en une approbation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

M. le président. Je me suis demandé si vous n’alliez pas demander l’audition du Président de la République !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quelle ne fut pas notre surprise – peut-être n’est-elle pas si grande après tout ! – de constater que le Président de la République entend régler lui-même les problèmes, en ce domaine comme en d’autres, et passer par-dessus le Gouvernement et le Parlement. Cette façon de faire en dit long sur sa conception des rapports entre le Président de la République et le Parlement.

Il règle la question du temps de parole à la télévision, alors que sa majorité refuse, depuis le début, d’en discuter ; il régente l’organisation des débats au Parlement, en prévoyant une égalité entre majorité et opposition, ce qui n’a fait l’objet d’aucun débat entre nous puisque nous respectons la majorité ; il se porte garant – je me demande bien comment ! – du droit d’amendement de l’opposition, ce qui va bien évidemment à l’encontre des dispositions prévues dans le projet de loi dont nous débattons depuis des semaines ; il promet des commissions d’enquête à l’opposition, si tel est, du moins je le suppose, son bon vouloir ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… il passe commande aux sénateurs d’une proposition de loi modifiant le collège électoral, mais celle-ci existe déjà, simplement, les sénateurs ne voulaient pas la défendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Maintenant, commande leur est passée. Cette proposition de loi ferait passer le collège électoral du Sénat de 138 000 à 152 000 grands électeurs, ce qui ne met pas en cause – loin de là ! – la logique majoritaire du Sénat.

Enfin, il entend modifier lui-même le règlement des assemblées en autorisant la constitution de groupes parlementaires à partir de quinze députés.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Quel touche-à-tout ! Un véritable homme-orchestre !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Depuis hier, M. le rapporteur nous impose, ou plutôt impose à sa majorité, un vote conforme et refuse tout amendement, particulièrement venant de son camp.

Monsieur le rapporteur, les amendements du président de la République sont-ils recevables ?

Rires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Si tel est le cas, je vous demande, monsieur le président, de convoquer une conférence des présidents qui fixera un ordre du jour permettant d’examiner les amendements du Président de la République avant de reprendre le débat, peut-être en septembre…

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Madame Borvo, vous avez satisfaction puisqu’une conférence des présidents, à laquelle vous allez assister, aura lieu aujourd’hui même à 19 heures.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de suspension de séance ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, la commission des lois n’a été saisie d’aucun nouvel amendement. Je fais d’ailleurs remarquer que seul le Gouvernement pourrait en déposer.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Ce n’est pas le cas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je ne vois donc pas pourquoi la commission des lois devrait se réunir. De quoi discuterions-nous ? Des interviews publiées dans la presse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Une interview du Président de la République, tout de même !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Peu importe ! La question n’est pas de savoir qui s’est exprimé dans la presse, que ce soit le Président de la République ou un autre.

Exclamations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En revanche, j’estime que le Président de la République a bien entendu ce que les deux assemblées ont souhaité sur la révision constitutionnelle. Et cela, vous oubliez complètement de le dire !

Vous avez réclamé que le temps de parole du Président de la République, qui ne relève pas de la Constitution, soit décompté : il en fait la proposition. Vous avez réclamé des commissions d’enquête : on les constitutionnalise et les règlements des assemblées permettront de préciser les droits des groupes parlementaires. Nous avions insisté pour que les groupes parlementaires soient parfaitement reconnus dans la Constitution : c’est le cas.

Lors de l’examen de votre proposition de loi relative aux conditions de l’élection des sénateurs, nous vous avions annoncé que nous étions prêts à reprendre la proposition cosignée en 1999 par MM. de Raincourt, Arthuis, de Rohan, Larcher et moi-même.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je vous rappelle que nous l’avons votée, sur la proposition de Paul Girod. Ensuite, vous n’en avez pas voulu, et vous avez voulu nous forcer la main en prévoyant un système où le corps électoral ne correspondait plus à une représentation des collectivités territoriales, ce qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Après la révision constitutionnelle, il faudra mieux prendre en compte les populations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le comité Balladur a fait ce qu’il a voulu ; nous, nous faisons la Constitution ! Il s’agissait d’un comité de réflexion, et nous ne sommes pas obligés de retenir toutes ses propositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je me permets d’ailleurs de vous faire remarquer que vous en contestiez certaines.

Dans ce contexte, il me paraît d’autant plus important de voter la révision constitutionnelle telle que nous la proposons, afin que puissent être mises en œuvre les réformes, qu’elles soient législatives ou réglementaires, auxquelles s’ajoutent les propositions du président Accoyer à l’Assemblée nationale.

S’agissant des règlements des assemblées, nous souhaitons garder une certaine autonomie. Nous avons, nous aussi, toujours défendu le droit d’amendement.

Les propos tenus par le Président de la République renforcent, de mon point de vue, la nécessité de voter très rapidement la révision constitutionnelle ; de la sorte, vous aurez satisfaction sur un certain nombre de préalables que vous aviez posés.

Dans ces conditions, j’estime qu’il n’y a pas lieu de réunir la commission des lois.

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

La seule chose positive, c’est que le Président de la République ne fera que dix ans de mandat !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement

Je partage pour l’essentiel l’avis de M. le rapporteur. Les choses ont été dites, et c’est mieux ainsi.

Un certain nombre de parlementaires, dans cet hémicycle comme à l’Assemblée nationale, se sont interrogés : après la révision de la Constitution, et particulièrement l’adoption d’un article 51-1 qui ouvre des possibilités pour les groupes de l’opposition, la majorité, le Gouvernement, le Président de la République accepteront-ils de faire des avancées sur certains sujets ?

Des orientations, des engagements ont été pris. En réalité, ils ne se traduiront pas par une modification des articles de la Constitution, puisque, pour l’essentiel, comme M. le président de la commission des lois vient de le rappeler, ces propositions relèvent soit du règlement intérieur des assemblées soit, comme pour le temps de parole, de règles qui n’ont rien à voir avec le débat constitutionnel.

Vous aviez demandé un certain nombre de garanties et vous les avez obtenues. Je souhaiterais que les parlementaires de gauche reconnaissent que tout cela va dans le bon sens et acceptent finalement de revoir leur position.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vais mettre aux voix la demande de suspension de séance.

Qui est contre cette demande de suspension ?….

La demande de suspension de séance n’est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 106, présenté par MM. Frimat, Badinter et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Après le premier alinéa de l’article 25 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat parlementaire de député est incompatible avec l’exercice de tout autre mandat ou fonction électif. »

II. - Le I est applicable à compter de la quatorzième législature.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 107, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l’article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin de la seconde phrase de l’article 32 de la Constitution, le mot : « partiel » est supprimé.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cet amendement tend à prévoir que le mode de renouvellement du Sénat, qui est fixé par une loi organique, permette la réélection de cette assemblée en une seule fois. Cette disposition fort simple ne me semble pas appeler d’autres commentaires.

En revanche, monsieur le président, je tiens à le dire, nous avons été choqués de la manière dont il a été procédé au vote sur la demande de suspension de séance. Vous avez d’abord demandé à ceux qui souhaitaient voter contre cette demande de se manifester, alors que, d’habitude, on commence par faire voter ceux qui sont favorables. Vous avez introduit une innovation présidentielle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En fait, nous avons demandé une suspension pour pouvoir réunir notre groupe, mais d’abord pour que la commission des lois puisse examiner l’ensemble des déclarations du Président de la République, dont nul ne peut penser, surtout pas vous, qu’il s’agisse de déclarations anodines arrivant à un moment hasardeux. Au contraire, tout est calculé.

Monsieur le président du Sénat, je me permets de vous demander respectueusement quelle est votre position par rapport à ce singulier renversement de nos principes constitutionnels. Le Parlement est en train de débattre d’un projet de loi dont l’objet est de donner davantage de pouvoirs au Parlement, ce qui, par conséquent, devrait permettre, si j’ai bien compris, de répondre aux accusations d’hyper-présidentialisme que l’on entend ici ou là. Et c’est juste à ce moment-là que le Président de la République se présente comme un hyper-législateur pour proposer, par l’intermédiaire d’un journal, une brouette d’amendements…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… alors qu’on démontre au Sénat qu’il convient de tout adopter de manière conforme. Cette situation est tout à fait singulière eu égard aux droits du Parlement et à la nécessité de rééquilibrer les pouvoirs au bénéfice de ce dernier.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Les droits du Parlement, c’est principalement le droit d’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mon cher collègue, je m’exprime pendant les cinq minutes auxquelles j’ai droit pour présenter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

C’est cela, présentez donc l’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Rassurez-vous, si vous nous refusez le droit de nous concerter alors même qu’un événement vient de survenir, nous ne manquerons pas de défendre nos amendements et d’expliquer amplement nos votes.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je voudrais attirer l’attention de mes collègues sur cet amendement, même s’il n’est pas voté, pour que l’idée qui le sous-tend fasse son chemin.

Il s’agit du renouvellement partiel de notre assemblée. Quelle que soit l’opinion que l’on puisse avoir du corps électoral du Sénat, il faut bien admettre que l’absence d’alternance depuis des lustres constitue une curiosité !

Le renouvellement partiel en est l’une des causes. Il semblerait tout à fait logique que, comme l’Assemblée nationale, le Sénat soit renouvelé en une fois. Cette idée peut paraître, selon les points de vue, anodine ou révolutionnaire, mais il me semble que nous devons engager une réflexion sur le sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

J’approuve tout à fait les propos de mon collègue. Pour le Sénat, ce serait une chance parce qu’il apparaît comme une chambre modératrice, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

… mais uniquement modératrice.

L’élection par moitié est présentée comme un avantage dans la mesure où elle conduit à une certaine modération. En fait, cela place d’emblée le Sénat en position de faiblesse vis-à-vis de l’Assemblée nationale.

Je voudrais terminer en reprenant les propos de mon collègue Pierre-Yves Collombat : le droit d’amendement et les temps de parole dans notre assemblée sont appliqués de façon très libérale, c’est même l’un des systèmes les plus libéraux d’Europe ! L’opposition peut parler très librement et très longtemps. Le seul problème, c’est qu’on ne nous écoute jamais.

Rires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous n’avez qu’à dire des choses intéressantes ! Parlez moins, on vous écoutera plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Un jour, on s’en souviendra et on s’amusera !

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 34 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est supprimé ;

2° et 3° Supprimés………………………………………………………. ;

bis Dans le troisième alinéa, après les mots : « libertés publiques ; », sont insérés les mots : « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ; »

ter Après les mots : « assemblées parlementaires », la fin du huitième alinéa est ainsi rédigée : «, des assemblées locales et des instances représentatives des Français établis hors de France ainsi que les conditions d’exercice des mandats électoraux et des fonctions électives des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales ; »

4°, 4° bis et 4° ter Supprimés……………………………………….. ;

5° L’avant-dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des lois de programmation déterminent les objectifs de l’action de l’État.

« Les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 50, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le 3°bis de cet article par les mots :

aussi bien vis-à-vis du Gouvernement que des intérêts économiques de leurs actionnaires, en les protégeant des conflits d’intérêt et en interdisant les concentrations excessives

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Par cet amendement, nous proposons d’inscrire dans la Constitution le principe d’une réelle indépendance des médias. Cette question a pris une importance considérable dans la société, la démocratisation de l’information étant devenue l’un des enjeux essentiels auxquels elle est confrontée.

Tout d’abord, nous assistons à une instrumentalisation, qui s’est considérablement aggravée, de l’information. Cette dernière est désormais non seulement au service de la majorité et du Président de la République, mais aussi du bipartisme. Dans le même temps, nous sommes confrontés à une domination croissante de l’information par l’argent.

C’est une situation qui choque et inquiète de plus en plus nos concitoyens, ainsi qu’un nombre croissant de professionnels. Les journalistes sentent bien les menaces qui pèsent aujourd’hui sur l’avenir de France Télévisions.

Quand des groupes comme Bouygues, Vivendi, Lagardère ou Dassault sont aux commandes des médias audiovisuels, le pluralisme de l’information et de la presse est nécessairement en péril. L’ampleur de la concentration des médias en France met en cause l’indépendance des responsables politiques et économiques à leur égard. Les groupes concernés cumulent ainsi de plus en plus puissance économique et hégémonie idéologique.

De notre point de vue, il serait nécessaire d’adopter une véritable loi anti-concentration. Elle permettrait d’interdire, notamment aux grands groupes financiers, industriels ou de services, les situations de quasi-monopole national ou régional dans la presse, l’audiovisuel et l’édition. Elle permettrait aussi, d’une manière générale, de garantir la diversité des filières de production et de diffusion dans le domaine de l’image, du son et de l’écrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le sous-amendement n° 147, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, est ainsi libellé :

Dans l’amendement n° 50, supprimer le mot :

excessives

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Le mot « excessives », qui figure dans l’amendement n° 50, me choque beaucoup.

En effet, ses auteurs souhaitent protéger les médias des conflits d’intérêt, « en interdisant les concentrations excessives ». Or je ne connais pas de concentration qui ne le soit pas ! C’est la raison pour laquelle il me semble excessif de parler de concentrations excessives.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Sénat a adopté en première lecture, à l’article 11 du projet de loi, un amendement du groupe socialiste prévoyant explicitement « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

En ajoutant des critères supplémentaires, on risque de ne pas être exhaustif. Par conséquent, la commission s’en tient aux termes qui ont été adoptés en première lecture et retenus ensuite par l’Assemblée nationale. Elle est donc défavorable à l’amendement n° 50 et au sous-amendement n° 147.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Je souhaite tout d’abord excuser le départ de Mme Dati, qui doit se rendre à une réunion du Conseil supérieur de la magistrature.

S’agissant de l’amendement n° 50, la modification proposée n’apparaît pas opportune à ce stade. Le Conseil constitutionnel reconnaît que la liberté de communication audiovisuelle a valeur constitutionnelle, mais que le pluralisme des courants d’expression est également un objectif à valeur constitutionnelle.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Sur ce fondement, la loi du 30 septembre 1986 comporte déjà des dispositions destinées à éviter les concentrations excessives. Dans ce domaine, le législateur ne peut pas revenir en arrière, puisque le Conseil constitutionnel n’admettrait pas que des dispositions moins protectrices soient adoptées.

Dans ces conditions, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 50 et sur le sous-amendement n° 147.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’amendement qui nous est proposé met à juste titre l’accent sur l’un des vrais problèmes qui se pose aujourd’hui et dont nul ne peut disconvenir. Ce problème prend, me semble-t-il, une actualité nouvelle après les récentes déclarations du Président de la République.

Pour ma part, j’imaginais que, à la suite d’un certain nombre de réactions, la pensée de notre Président de la République se serait infléchie. Mais la lecture d’un journal du soir, qui a d’ailleurs paru à midi, nous permet d’y voir plus clair dans la pensée du Président de la République.

On peut en effet lire, à la page 7, la déclaration suivante : « J’ai dit qu’il n’était pas anormal que le Président de la République nomme le président d’une entreprise propriété de l’État à 100 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Avec deux verrous : un avis conforme du CSA et celui des commissions du Parlement. Où est le trouble ? »

Je vais me permettre de répondre respectueusement à M. le Président de la République.

Premièrement, France Télévisions n’est pas une entreprise comme une autre et c’est un grand tort de considérer qu’elle serait identique à toute autre entreprise. Il s’agit des libertés fondamentales, des droits fondamentaux et de l’indépendance des médias.

Deuxièmement, l’avis du CSA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, est qualifié de « verrou ». Cela pose la question de savoir comment sont nommés les membres du conseil, ce qui renvoie à la fameuse « affaire » de la majorité des trois cinquièmes. En effet, c’est une chose de consulter les commissions parlementaires par le biais d’un avis positif exprimé à la majorité des trois cinquièmes, laquelle suppose l’assentiment de la majorité et de l’opposition. Mais c’en est une autre de ne retenir qu’un avis négatif émis à la majorité des trois cinquièmes. Ce « verrou négatif » est extrêmement léger ; peut-on même parler de verrou ?

Troisièmement, le même raisonnement s’applique assurément au verrou des commissions du Parlement.

Où est donc le « trouble » ? C’est que peu de démocraties dignes de ce nom accepteraient cette décision souveraine quasi monarchique : je nomme, parce que je suis Président de la République, le président d’un ensemble considérable de chaînes publiques.

Les prétendus verrous n’existent pas, et ce n’est pas satisfaisant ! Après avoir rappelé les propos du Président de la République parus aujourd’hui dans Le Monde, je laisse chacun, dans cet hémicycle, mesurer ce qu’il en est.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

À mes yeux, l’amendement n° 50 complète de façon judicieuse ce que nous avons voté précédemment, en mettant les points sur les i. Certes, la loi interdit les concentrations ; néanmoins, elles existent ! Il faut donc renforcer le dispositif en question et préciser dans la Constitution de quoi il retourne exactement : il ne s’agit pas simplement de garantir l’indépendance, puisqu’on assiste aujourd’hui à des concentrations très importantes. Il faut donc viser précisément les intérêts économiques et les conflits d’intérêts.

Au point où nous en sommes, peut-être faudrait-il demander au Président de la République s’il n’est pas d’accord pour que nous complétions en ce sens la Constitution…

M. Dreyfus-Schmidt proteste.

Le sous-amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur l’amendement n° 50.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il ne faut pas confondre vitesse et précipitation, monsieur le président ! J’ai déposé un sous-amendement et j’attendais de savoir si le groupe CRC l’acceptait.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’est expliquée. Elle a eu l’occasion de vous répondre, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Si j’ai demandé la parole avant la mise aux voix du sous-amendement n° 147, c’était pour demander à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, qui ne s’était pas exprimée sur ce point, si elle acceptait, ou non, ce sous-amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Quoi qu’il en soit, ce sous-amendement n’a pas été adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 50.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 49, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 3°ter de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Après le huitième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« - la limitation ou l’interdiction du cumul des mandats électoraux ; »

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Par cet amendement, nous souhaitons modifier l’article 34 de la Constitution, afin d’y inscrire le principe de la limitation ou de l’interdiction du cumul des mandats, en laissant à la loi le soin d’en préciser les modalités.

Cette proposition, qui a déjà été évoquée hier, a bien évidemment été refusée. Toutefois, nous maintenons cet amendement, en affirmant qu’il est aujourd’hui nécessaire de permettre une représentation plus forte. Je pense notamment à la parité, au scrutin proportionnel et au vote des étrangers, toutes choses qui permettraient sans doute de donner une autre image à la fois des élus et du Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises, la définition des règles relatives au régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales fait déjà partie du domaine législatif. Il s’agit donc d’une précision inutile, à laquelle la commission est défavorable. Sinon, on n’en finira jamais !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Défavorable.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Ils sont tous deux présentés par M. Lambert.

L’amendement n° 1 est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le dix-neuvième alinéa de l’article 34 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État et présentent une consolidation des comptes publics dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique ».

La parole est à M. Alain Lambert.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

L’amendement n° 1 est celui auquel je tiens le plus. Son adoption ou son rejet détermineront d’ailleurs mon vote final.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je vous en prie, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Veuillez poursuivre, monsieur Lambert.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

On verra si vous votez tout à l’heure, monsieur Dreyfus-Schmidt !

Cet amendement vise à supprimer un verrou qui existe actuellement dans notre Constitution et qui ne nous permet pas de rapprocher les comptes de l’État et ceux de la sécurité sociale. Quand je parle de « rapprochement », je n’évoque pas les modalités d’une telle opération. En effet, je sais parfaitement que celles-ci doivent faire l’objet d’une loi organique.

L’amendement n° 1 vise donc simplement à ouvrir la voie à la loi organique permettant de rapprocher la loi de finances de l’État et la loi de financement de la sécurité sociale. Il s’agit de la consolidation des comptes.

En effet, nous sommes dans une situation baroque, mes chers collègues : à l’occasion de chaque débat budgétaire annuel, nous nous plaignons de ne pas y voir clair, parce que nous avons, d’un côté, les recettes de l’État, de l’autre, celles de la sécurité sociale, les assiettes étant parfois les mêmes, avec des taux différents. Si nous, parlementaires, n’y comprenons rien, nos compatriotes s’y retrouvent encore moins.

Permettez-moi de souligner également une distorsion étonnante : les seuls à disposer de l’information complète sur les comptes publics de la France sont nos partenaires européens et la Commission européenne, puisque les règles internationales nous obligent à leur envoyer, à eux, non pas séparément les comptes de l’État, ceux de la sécurité sociale, ceux des organismes divers d’administration centrale, les ODAC, et ceux des collectivités locales, mais, tout simplement, un document consolidé.

Le paradoxe, c’est que les parlementaires, eux, ne voient jamais ce document consolidé, qui est d’ailleurs envoyé à Bruxelles quinze jours après la fin de la session budgétaire. J’ai donc la conviction que, d’un point de vue démocratique, nous ne pouvons pas rester dans cette situation.

Entendons-nous bien, mes chers collègues, il s’agit de vous demander non pas de voter une loi visant à fusionner les deux actes, mais de supprimer l’interdiction existante et de la transformer en autorisation afin qu’une loi organique organise les relations entre les deux textes, loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale.

Je défendrai d’ores et déjà, monsieur le président, l’amendement suivant n° 19, qui est plutôt un amendement de repli et, je le dis à l’adresse de nos collègues socialistes, qui est rédigé dans les mêmes termes que celui qui a été déposé par Didier Migaud à l’Assemblée nationale.

Mais cet amendement est peut-être un peu trop précis, ce qui le fait entrer dans le champ de la loi organique elle-même. C’est pourquoi je me suis limité, dans l’amendement n° 1, à une rédaction plus concise : « Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l’État et présentent une consolidation des comptes publics dans les conditions prévues par la loi organique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 19 est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

…° Les dix-neuvième et vingtième alinéas de l’article 34 de la Constitution sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique, les lois de finances :

« - déterminent les ressources et les charges de l’État ;

« - déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent le plafond global de ses dépenses.

« Les lois de financement de la sécurité sociale, compte tenu des conditions générales de l’équilibre financier déterminé par les lois de finances, fixent ses objectifs de dépenses dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »

Cet amendement est défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission a bien évidemment été particulièrement attentive à ces amendements compte tenu de la qualité de leur auteur, l’un des pères de la loi organique relative aux lois des finances.

Les exemples qu’il cite dans l’objet de l’amendement n° 1 montrent que, dans certains pays, les comptes de la sécurité sociale sont absolument distincts des comptes de l’État. Dans ce cas, la consolidation n’intervient pas, puisque les comptes doivent être équilibrés.

D’ailleurs, c’était le cas en France avant la mise en place des lois de financement de la sécurité sociale, qui ont répondu au souhait du Parlement de se saisir du budget de la sécurité sociale, puisqu’il était plus important que celui de l’État. Pour ma part, j’ai connu, en tant que parlementaire, l’époque où les comptes de la sécurité sociale étaient indépendants de ceux de l’État et où le Parlement décidait éventuellement de subventions destinées à compléter les ressources de la sécurité sociale.

S’agissant de la consolidation, la commission a estimé qu’il n’était pas indispensable de lui donner un support constitutionnel et que nous pourrions fort bien en inscrire les règles au sein de la loi organique relative aux lois de finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Mon cher collègue, ce n’est pas parce que certaines constitutions mentionnent cette possibilité que nous avons l’obligation de le faire. Il existe des constitutions bavardes, et la nôtre commence à l’être sérieusement !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je suis donc sincèrement ennuyé car, évidemment, je souhaiterais accueillir favorablement vos amendements. Nous les avons longuement étudiés en commission, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si nous nous sommes montrés parfois un peu laconiques en séance publique, c’est parce que les amendements étaient très nombreux.

Je dois donc, hélas ! émettre un avis défavorable sur vos amendements n° 1 et 19, mon cher collègue, en espérant que M. le secrétaire d’État saura vous convaincre mieux que moi.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Monsieur le sénateur, vous souhaitez que les lois de finances présentent une consolidation des comptes publics. Soyez assuré que votre préoccupation rejoint pleinement celle du Gouvernement.

Le principe d’unité budgétaire est effectivement essentiel pour permettre une bonne compréhension des comptes. Dès lors qu’il n’y a qu’un seul contribuable, il paraît normal qu’il puisse disposer d’une vision consolidée des comptes publics et mesurer la situation d’ensemble des administrations publiques.

La préoccupation que vous exprimez est donc légitime. Elle sera, à nos yeux, assez largement satisfaite par la possibilité ouverte par la réforme de voter des lois de programmation des finances publiques, qui donneront au Parlement la vision globale que vous appelez de vos vœux.

En effet, pour définir les orientations pluriannuelles des finances publiques, les lois de programmation devront nécessairement procéder à une présentation consolidée des comptes publics. Elles donneront ainsi au contribuable la possibilité d’avoir une vue d’ensemble de nos finances publiques année après année.

Par ailleurs, la volonté de promouvoir une approche globale des comptes publics imprègne toutes les méthodes de travail du Gouvernement.

C’est le cas, d’abord, dans sa structure même. La création d’un ministère des comptes publics s’inscrit pleinement dans cette perspective.

Ensuite, depuis 2006, les débats d’orientation budgétaire et d’orientation des finances sociales se tiennent conjointement. C’est le cas cette année.

La production des comptes de l’État, selon les dispositions de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, a fait des progrès considérables en quelques années, comme le montre le projet de loi de règlement des comptes. Les progrès sont d’ailleurs encouragés par la certification de la Cour des comptes.

Dans ces conditions, la consolidation des comptes constitue un horizon vers lequel nous devons nous diriger, mais Bercy confirme que les difficultés techniques d’une telle entreprise sont considérables. Quelle technique de consolidation ? Quel périmètre ? Quel concept ? Quelle trajectoire obtenir ?

Ces difficultés font que cet amendement nous semble aujourd’hui – pardonnez-moi de le dire, monsieur le sénateur – quelque peu prématuré. Il nous paraît, en effet, préférable de travailler progressivement à ce rapprochement, en poursuivant la dynamique d’amélioration de la qualité comptable afin d’envisager une consolidation ultérieurement, dans les meilleures conditions possibles.

Voilà pourquoi le Gouvernement souhaite, monsieur le sénateur, le retrait de l’amendement n° 1.

Par votre amendement n° 19, vous voulez également prévoir que les lois de finances déterminent les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale et fixent le plafond global de ces dépenses.

Le Gouvernement partage pleinement votre souci d’assurer la pleine cohérence entre les deux textes financiers. C’est ce qu’il s’efforce de faire désormais, comme je l’évoquais il y a quelques instants, par des débats d’orientation budgétaire et d’orientation des finances sociales qui se tiennent conjointement.

Les deux projets sont d’ailleurs bâtis sur des hypothèses macroéconomiques identiques, arbitrées en même temps.

D’autre part, la cohérence des dispositions relatives aux dépenses, par exemple quand il faut compenser des exonérations, peut être vérifiée par les annexes. Tel est l’objet du « jaune », qui concerne les relations financières entre l’État et la protection sociale.

Enfin et surtout, la cohérence entre « loi de finances » et « loi de la sécurité sociale » sera consolidée par la future loi de programmation des finances publiques. Ce sera précisément l’objet de cette loi dans un cadre pluriannuel.

C’est un changement majeur, dont on ne mesure peut-être pas encore toute la portée, puisque le Parlement pourra débattre de la trajectoire de l’ensemble des finances publiques avec des indications précises, à la fois sur l’État et sur la sécurité sociale.

Dès cet automne, le Gouvernement présentera ce projet de loi de programmation et nous pourrons débattre ensemble sur le fondement de cette vision consolidée des finances publiques que vous appelez de vos vœux.

On pourrait bien évidemment aller au-delà, mais le Gouvernement ne souhaite pas, dans l’immédiat, retenir la proposition, car nous craignons qu’elle soit mal comprise par les partenaires sociaux. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale est obligatoirement soumise à l’avis des conseils d’administration des caisses de sécurité sociale, comme tous les textes les concernant. Si on encadre par avance le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale, on risque de remettre en cause la portée de cette saisine.

Pour cet ensemble de motifs, monsieur le sénateur, le Gouvernement souhaite également le retrait de l’amendement n° 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Oui, monsieur le président.

J’indique respectueusement au président de la commission des lois que, contrairement à ce qu’il pense, dans la rédaction actuelle de la Constitution, ce rapprochement est impossible. Nous pourrons demander à des experts d’arbitrer notre différend.

En revanche, j’ai bien entendu l’ouverture du Gouvernement. Je lui répondrai simplement que la solennité d’une loi de finances ou d’une loi de financement de la sécurité sociale est tout de même plus grande que celle d’une loi de programmation.

En l’absence d’une volonté d’ôter ce verrou afin d’ouvrir la voie à une loi organique, nous resterons cadenassés au sein de notre Constitution actuelle. Dès lors, par devoir et en conscience, je maintiens mon amendement ; comme je l’ai dit, son adoption ou non déterminera mon vote sur l’ensemble du texte.

Permettez-moi d’apporter une petite précision. Ayant accepté un engagement, je dois quitter l’hémicycle. Je tiens à vous assurer, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, que je pars non pas parce que je serai blessé par le résultat du scrutin qui ne me sera pas favorable, mais simplement par respect pour la personne qui m’a invité. Par conséquent, mes amendements suivants ne seront pas soutenus ; tant pis, j’en assumerai la responsabilité. De toute façon, celui qui comptait à mes yeux était l’amendement n° 1.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 26, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Avant le 5° de cet article, insérer trois alinéas ainsi rédigés :

…° Après l’antépénultième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures entrent en vigueur lorsqu’elles sont approuvées par une loi de finances.

« Les mesures de réduction et d’exonération de cotisations et de contributions concourant au financement de la protection sociale ainsi que les mesures de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions entrent en vigueur lorsqu’elles sont approuvées par une loi de financement de la sécurité sociale. » ;

Cet amendement n’est pas soutenu.

L’amendement n° 109, présenté par M. Frimat, Mme Bricq, MM. Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rétablir le 4° de cet article dans la rédaction suivante :

ter. Après l’antépénultième alinéa est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures et celles relatives aux cotisations sociales continuent à s’appliquer au-delà du 31 décembre suivant leur entrée en vigueur à la condition qu’une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale le prévoie. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous avons eu l’occasion, à plusieurs reprises, de discuter de cet amendement sous des formes rédactionnelles différentes. Permettez-moi d’en retracer les étapes, pour que l’on comprenne bien de quoi il s’agit.

D’abord, au Sénat, en première lecture, M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général avaient déposé un amendement qui visait à faire valider en loi de finances et en loi de financement de la sécurité sociale tout dispositif d’exonération fiscale ou sociale.

Le groupe socialiste du Sénat avait déposé un amendement similaire et avait accepté de le retirer, car son objet était commun avec celui du président de la commission des finances.

Ensuite, en seconde lecture, à l’Assemblée nationale, la commission des lois, par la voix de son rapporteur, Jean-Luc Warsmann, a déposé un amendement de suppression de cette initiative sénatoriale qui avait pourtant réuni l’ensemble du Sénat dans un vote clair, arguant du fait que cet amendement méprisait le principe d’égalité des lois donnant une primauté aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale par rapport aux lois ordinaires et contraignait, en outre, le Gouvernement si ce dernier ne souhaitait pas attendre une loi de finances pour insérer un dispositif d’exonération.

L’amendement de suppression de M. Warsmann a été adopté.

Puis, la semaine dernière, à l’occasion de l’examen du projet de loi de règlement des comptes pour l’année 2007, est apparu un dispositif complémentaire qui prévoyait que, dans la loi de finances et dans la loi de financement de la sécurité sociale était joint, en annexe, un récapitulatif des dispositions relatives aux règles concernant l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature, adoptées depuis le dépôt du projet de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale de l’année précédente.

À cette occasion, nous avons assisté à une bataille juridique entre le rapporteur général du Sénat, qui souhaitait supprimer ce dispositif, et le ministre du budget, qui, quant à lui, souhaitait son maintien.

S’agissant de l’opportunité de maintenir cette disposition compte tenu de son caractère inconstitutionnel, il faut rappeler que le Conseil constitutionnel avait clairement affirmé que seule une loi organique pouvait prévoir la possibilité de joindre des annexes aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.

Au final, le Sénat a voté l’amendement de suppression du rapporteur général, de sorte que les deux dispositifs de départ, considérés comme complémentaires, ont tous deux disparu.

La commission mixte paritaire se réunira le 22 juillet pour examiner les articles restant en discussion du projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2007. En cet instant précis, rien ne prouve que nous puissions combler ce vide à cette occasion.

C’est pourquoi, au nom du groupe socialiste, je défends cet amendement tendant à restaurer la capacité pleine et entière du Parlement à prendre la mesure de toute disposition visant les impositions de toutes natures et l’assiette des cotisations sociales dans les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.

Trop souvent, les parlementaires sont mis devant le fait accompli. Ce matin, lors du débat d’orientation budgétaire, nous l’avons unanimement déploré devant le ministre du budget, à propos des dépenses fiscales ou des exonérations sociales. Nous ne voulons pas que les parlementaires en soient réduits à entériner des mesures prises dans le cadre d’autres véhicules législatifs.

Permettez-moi de m’inquiéter de la multiplication des niches fiscales, dont le nombre a augmenté de plus de 20 % ces trois dernières années. Les dépenses fiscales atteignent aujourd’hui 73 milliards d’euros. Face à ce phénomène, nous devons nous doter de règles de bonne gestion publique. Le dispositif proposé dans cet amendement est plus souple que celui que nous avions adopté en première lecture puisqu’il prévoit que les dérogations fiscales ou les exonérations sociales incluses dans une loi votée pourront entrer en vigueur immédiatement ; elles n’auront donc plus besoin d’être validées par une loi de finances ou par une loi de financement de la sécurité sociale pour être appliquées, mais elles devront faire l’objet d’une prorogation par l’une ou l’autre de ces lois.

Ainsi, une confirmation sera requise pour qu’elles puissent continuer à s’appliquer. Ce dispositif permettra, comme tout le monde le souhaite, de faire l’évaluation, au moins a posteriori, de mesures fiscales dont on connaît mal l’impact sur l’équilibre de nos finances publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Mme Nicole Bricq. Si mes arguments ne trouvent aujourd’hui aucun écho favorable au sein de la majorité sénatoriale et du Gouvernement, je demande à tout le moins que l’engagement soit pris de réfléchir à des dispositifs susceptibles d’améliorer les règles de gouvernance publique à l’occasion d’une révision de la LOLF – nous en avons déjà effectué une en 2005.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Madame Bricq, vous avez parlé plus de six minutes ! C’est excessif. Je veux bien être tolérant, mais le règlement doit s’appliquer à tout le monde !

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. La question qu’a évoquée Mme Bricq n’est pas celle qui est visée dans son amendement ! Ma chère collègue, le contenu de la loi de règlement est défini par la loi organique.

Mouvements divers sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Madame Bricq, non seulement vous vous exprimez longuement, mais encore vous m’empêchez de vous répondre ! Dans ce cas, je retourne m’asseoir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous vous écoutons religieusement, monsieur le rapporteur.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des lois avait émis quelques réserves sur l’amendement qu’avait adopté le Sénat en première lecture. Subordonner l’application d’une disposition votée dans le cadre d’un projet de loi à sa validation en loi de finances ou en loi de financement de la sécurité sociale reviendrait à établir une hiérarchie entre les lois financières et les autres lois. Pour ce seul motif, et après avoir entendu les arguments qu’a opposés l’Assemblée nationale à une telle disposition, je considère qu’il vaut mieux que nous en restions là, même si de hautes autorités nous avaient convaincus de voter cet amendement en première lecture…

En revanche, s’agissant des lois organiques et de la consolidation des comptes et des mesures fiscales par la loi de règlement, la question se pose différemment. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faille soumettre toute mesure fiscale adoptée dans le cadre d’une loi autre qu’une loi de finances ou qu’une loi de financement de la sécurité sociale à une confirmation par l’une ou l’autre de ces deux types de loi. C’est totalement différent.

C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Madame Bricq, vous proposez que les règles relatives aux impôts et aux cotisations sociales ne s’appliquent, au-delà du 31 décembre, que si une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale le prévoit expressément. C’est un mécanisme intéressant pour s’assurer que les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale comprendront bien toutes les dispositions fiscales et sociales.

Néanmoins, le Gouvernement craint les conséquences d’un tel dispositif en termes de sécurité juridique pour les contribuables et les redevables. À l’annonce d’une nouvelle exonération, les entreprises et les particuliers pourraient prendre des décisions de long terme, par exemple embaucher un salarié, et, quelques mois plus tard, découvrir que l’exonération n’existe plus. Ce n’est donc pas satisfaisant.

Il est très important d’avoir une vision globale des finances publiques, mais nous avons d’autres moyens pour ce faire.

Par conséquent, le Gouvernement souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Bien évidemment, je le maintiens, monsieur le président !

Mes chers collègues de la majorité, je vous ferai remarquer que ce matin, au cours du débat d’orientation budgétaire, vous avez défendu la position que je vous propose d’adopter.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Ne dites pas alors que vous vous souciez des finances publiques ! Ce n’est pas vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Monsieur le secrétaire d’État, quelle différence faites-vous entre un redevable et un contribuable ? Vous avez utilisé les deux termes. Pour ma part, je ne vois pas de différence entre ces deux catégories.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Les contribuables sont ceux qui paient l’impôt, tandis que les redevables sont ceux qui paient une redevance.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 108, présenté par MM. Frimat, Badinter et Bel, Mme Bricq, MM. Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Massion, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du 5° de cet article.

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 20, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du dernier alinéa du 5° de cet article par les mots :

ainsi que la liste des missions du budget de l’État

Cet amendement n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 108 ?

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Avis défavorable !

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 21, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

…° Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter de l’exercice de l’année 2012, les comptes publics de la France sont exécutés en équilibre, conformément aux engagements pris par la France auprès de ses partenaires de l’Union européenne. L’application de cette règle tient compte du cycle économique. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l’article 11.

L’article 11 est adopté.

Après l’article 34 de la Constitution, il est inséré un article 34-1 ainsi rédigé :

« Art. 34-1. - Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique.

« Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 110, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l’article 34-1 de la Constitution :

« Art. 34 -1. - Les assemblées parlementaires peuvent voter des résolutions. Celles-ci sont transmises au Gouvernement et publiées au Journal officiel. »

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’article 12 du projet de loi constitutionnelle traite des résolutions. Hier, lors de la discussion générale, j’ai tenu à rappeler la rédaction de l’article tel qu’adopté par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Permettez-moi d’en faire de nouveau la lecture devant vous, mes chers collègues de la majorité, car je ne puis concevoir que vous n’éprouviez pas quelque difficulté à voter cet article : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le Gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité […]. »

Très franchement, mes chers collègues, comment peut-on envisager d’inscrire dans la Constitution une disposition qui est contraire au principe de la séparation des pouvoirs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le Parlement, par essence, a le droit de voter toutes les résolutions qu’il veut !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes attaché à l’esprit de nos institutions ainsi qu’à la philosophie de Montesquieu. Comment pouvez-vous justifier un article aux termes duquel le Parlement ne pourrait voter des résolutions qu’à la double condition que le Gouvernement les juge opportunes et qu’elles ne mettent pas en cause tel ou tel aspect de sa politique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si quelqu’un pense le contraire, je lui saurais gré de m’en expliquer les raisons.

Mes chers collègues, il serait absurde d’accepter de légiférer alors que le Président de la République se substitue purement et simplement au constituant, au législateur et aux rédacteurs des règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat.

D’un côté, le Président proclame son intention d’accorder des droits supplémentaires au Parlement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… d’un autre côté, par journal interposé, il rédige lui-même les amendements, les articles de la Constitution et le règlement de chacune des assemblées, ainsi qu’on a pu le constater à la lecture d’un quotidien national.

Ainsi, monsieur le secrétaire d’État, le Parlement ne devrait être autorisé à voter des résolutions qu’à la seule condition qu’elles conviennent au Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cette situation est non seulement paradoxale, mais encore stupéfiante !

Je le répète, mes chers collègues, si l’un d’entre vous considère qu’une telle disposition est légitime, je serai très heureux d’entendre ses arguments !

Dans quelques instants, nous allons nous prononcer sur cet amendement. Nous écouterons donc avec un immense intérêt les explications de vote de nos collègues de la majorité sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 52, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le second alinéa du texte proposé par cet article pour l’article 34-1 de la Constitution.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Moi aussi, je considère cette disposition comme parfaitement irrecevable. Je ne vois d’ailleurs pas concrètement comment elle pourrait s’appliquer. Le Parlement devra-t-il demander l’autorisation au Gouvernement d’examiner telle ou telle résolution ? Mais enfin, la majorité gouvernementale, qui plus est la majorité présidentielle, sous ce régime de plus en plus présidentiel, sera libre de ne pas voter les résolutions qu’elle n’approuve pas ! Dès lors, je ne comprends pas pourquoi il faudrait solliciter l’autorisation du Gouvernement préalablement à la discussion d’une résolution, avant même de savoir si elle recueillera l’approbation d’une majorité de parlementaires.

Franchement, la manière dont on veut que le Parlement fonctionne m’échappe totalement. Il nous faut absolument supprimer cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’amendement n° 51, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l’article 34-1 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

Elles s’imposent au Gouvernement.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Bien évidemment, je me fais une tout autre idée des résolutions que celle qui nous est proposée. Étant entendu que les résolutions seront votées par une majorité, puisque au Parlement tout texte, quel qu’il soit, est adopté par une majorité, elles doivent s’imposer au Gouvernement.

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En première lecture, l’Assemblée nationale avait rejeté l’article concernant les résolutions, qui avait d’ailleurs été proposé par le comité Balladur.

Le Sénat avait estimé que le Parlement pouvait être autorisé, par la Constitution, à voter des résolutions – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – d’autant qu’il existe déjà des résolutions européennes.

Nous avions précisé, après un long débat, que les résolutions ne devaient ni directement ni indirectement mettre en cause la responsabilité du gouvernement.

Il s’agit d’un sujet très intéressant. Nous avons donc effectué quelques recherches qui ont montré qu’en 1959 les règlements de l’Assemblée nationale et du Sénat avaient prévu le vote de résolutions. Le Conseil constitutionnel avait alors refusé ce droit au Parlement, considérant qu’il était dépourvu de fondement constitutionnel.

Le texte qui nous est proposé aujourd’hui correspond exactement à celui du projet de règlement élaboré par l’Assemblée nationale en 1959. Il précise ce que le Sénat avait voulu faire en première lecture.

En conséquence, je suis défavorable aux amendements n° 110, 52 et 51.

Je rappelle que les conditions qui encadreront le vote des résolutions seront fixées par la loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons donc la garantie que toutes les conditions seront réunies pour permettre le vote de résolutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce n’est pas possible de faire figurer cette restriction dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Sueur, je vous écoute toujours avec une grande patience.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Alors je vous demande gentiment de me laisser terminer.

Les dispositions de l’article 12 sont de nature à éviter le vote de lois mémorielles comme nous en avons déjà connu. C’est la raison pour laquelle j’ai toujours plaidé pour que le Parlement puisse adopter des résolutions. Je trouve très néfaste que l’on ait voté certaines lois dépourvues d’efficacité, mais qui jugeaient l’histoire.

Très bien sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Monsieur Sueur, vous évoquiez à l’instant l’Esprit des lois. Montesquieu appelait à tenir compte non seulement de la culture politique d’un pays, mais même de son climat.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Nous ne pouvons pas ne pas nous souvenir des pratiques de la IVe République. C’est aussi cela notre culture politique.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d’État

Il faut tenir compte de notre histoire. C’est le sens de l’article 12.

Vous proposez de réécrire cet article qui permet aux assemblées de procéder au vote de résolutions et également d’en encadrer la pratique.

Je tiens à rappeler, car je ne voudrais pas que l’on fît semblant de le découvrir, qu’aujourd’hui, en dehors des résolutions européennes, le Parlement ne vote pas de résolutions de portée générale. On nous dit : le Parlement vote des résolutions comme il l’entend. Non ! pour l’instant il ne le peut pas !

Le Gouvernement est attaché à la rédaction de compromis trouvée à l’Assemblée nationale. Elle permet de donner au Parlement un moyen d’expression important, comme c’est le cas dans toutes les démocraties européennes, tout en évitant les dérives qui existaient sous la IVe République, alors que, vous le savez, les résolutions se sont révélées être un moyen de mise en jeu, de manière détournée, de la responsabilité du gouvernement.

Il est dans l’esprit de notre Constitution que le gouvernement puisse éviter la dérive d’une telle procédure. C’est également dans cet esprit que les résolutions ne peuvent s’imposer au gouvernement. Dans ces conditions, je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur les trois amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, je tiens à répondre aux deux arguments qui viennent de nous être opposés, l’un par M. le rapporteur, l’autre par M. le secrétaire d’État.

Monsieur le rapporteur, j’ai effectivement interrompu votre propos, permettez-moi maintenant de reprendre ce que je disais.

Vous avez fait référence à une loi organique…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… qui fixerait les conditions dans lesquelles les résolutions pourraient être votées par les assemblées du Parlement.

J’observe que la rédaction de l’article 12 du projet de loi constitutionnelle issue des travaux de l’Assemblée nationale ne renvoie pas à une loi organique, mais qu’y figure et donc que figurera dans la Constitution la phrase suivante : « Sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolution dont le gouvernement estime » qu’elles ne lui conviennent pas. Certes, il y aura bien une loi organique qui déterminera les conditions dans lesquelles seront discutées ces résolutions, je n’ai jamais prétendu le contraire, mais cela n’enlève rien au fait qu’il sera inscrit dans la Constitution qu’elles devront recevoir l’agrément du Gouvernement.

Il y a là quelque chose de très fort : alors même que l’on constitutionnalise l’existence de résolutions parlementaires, on en subordonne l’existence à l’appréciation du gouvernement, ce qui est bien évidemment contraire au principe de la séparation des pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le secrétaire d’État, comme vous l’avez-vous-même déclaré, les résolutions ne sauraient en aucun cas s’imposer au gouvernement. Il n’y aura donc aucune injonction.

Bref, le fait que le Parlement ne puisse pas s’exprimer librement, dès lors que le gouvernement considère que ce n’est pas opportun, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il ne s’agit pas de cela. Il s’agit de la mise en cause de la responsabilité du gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… est totalement contraire au principe de la séparation des pouvoirs, d’autant que lesdites résolutions ne s’imposent en aucun cas au gouvernement.

Cette restriction est véritablement inacceptable. C’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public sur cet amendement.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez évoqué l’Esprit des lois. J’ai la conviction que, s’il vous avait entendu, l’auteur de ce livre n’aurait pas manqué d’écrire une nouvelle Lettre persane…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On pourrait en écrire sur le parti socialiste, des Lettres persanes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… pour stigmatiser avec ironie un régime parlementaire fondé sur la séparation des pouvoirs, dans lequel on subordonne le vote de résolutions par le Parlement à l’appréciation souveraine du gouvernement.

Tout cela est bien contradictoire et bien difficile à défendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Même si le texte qui nous est soumis comporte des idioties, comme vous voulez une adoption conforme, nous pouvons toujours dire ce que nous voulons, vous continuez à en adopter toutes les dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Vous en prenez la responsabilité, mais, dès lors, les débats ne servent plus à rien…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il y a des gens qui lisent le Journal officiel

L’article 12 prévoit, dans son second alinéa, que « les assemblées peuvent voter des résolutions dans des conditions fixées par la loi organique ». Tout est dit : la loi organique apportera les précisions nécessaires.

Et voilà qu’a été ajouté – et au nom du vote conforme, vous voulez que ce soit maintenu – que « sont irrecevables et ne peuvent être inscrites à l’ordre du jour les propositions de résolutions dont le gouvernement estime que leur adoption ou leur rejet serait de nature à mettre en cause sa responsabilité ou qu’elles contiennent des injonctions à son égard. »

On aurait pu comprendre, à la rigueur, que l’on ait confié au Conseil d’État ou au Conseil constitutionnel la mission de vérifier les conséquences de l’adoption d’une proposition de résolution. Mais il est absurde de prévoir que ce soit le gouvernement lui-même qui décide.

Je suis persuadé que chacune et chacun d’entre vous en est convaincu, mais comme ce texte doit être voté conforme, alors vous allez le voter conforme… Ce n’est pas du travail !

Pour notre part, nous voterons contre cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le secrétaire d’État, certes, aujourd’hui, le Parlement ne peut pas voter de résolution puisqu’il n’a pas dans ce domaine de droits comparables à ceux qui existent dans de nombreux pays.

Il a donc été décidé, par l’article 12, que le Parlement serait désormais autorisé à voter des résolutions. Quelle audace extraordinaire ! Mais, avant de discuter une résolution, le Parlement devra demander au gouvernement si ladite résolution ne le dérange pas. Pour l’heure, nous ne savons même pas encore dans quelles conditions cette proposition de résolution pourra être votée.

Je ne reprendrai pas les arguments qui ont été développés sur la séparation des pouvoirs. Mais il est sûr que, si cette révision constitutionnelle est votée, il en sortira une confusion extrême des pouvoirs.

D’un point de vue pratique, eu égard au fonctionnement normal des assemblées, je conçois mal que l’on puisse tenir des propos aussi absurdes !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les propositions de résolutions seront soit votées, soit rejetées par les assemblées. Il est donc inutile que le gouvernement, par un moyen que nous ignorons, décide de leur recevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Tout a été dit ! Je me demande malgré tout comment on peut vouloir inscrire dans une Constitution une disposition qui, à la fois, affirme le droit de résolution – ce qui est très bien – et soumet ce droit à la censure du gouvernement, puisqu’il est écrit que c’est « le gouvernement [qui] estime » si sa responsabilité peut être mise en cause.

Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Si le gouvernement veut s’exprimer, il fera entendre sa voix au moment où l’Assemblée ou le Sénat délibérera. Mais comment peut-il lui-même déclarer irrecevable une proposition de résolution en fonction d’une estimation que l’on ne peut que qualifier de subjective ? Je ne vois vraiment pas comment on peut mettre en œuvre une telle disposition ?

La décision sera à la complète discrétion du gouvernement. Vous créez un droit de résolution. Vous affirmez que c’est un grand progrès, mais vous ajoutez aussitôt : « Excusez-nous, sa mise en œuvre est à la discrétion du gouvernement. » L’axiome « donner et retenir ne vaut » trouve ici tout son sens.

C’est pourquoi, ne serait-ce que pour la plus simple raison constitutionnelle, je vous demande, mes chers collègues, de ne pas accepter cet ajout dans la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix l’amendement n° 110.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 140 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 52.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 12 est adopté.

L’article 35 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :

« Le Gouvernement informe le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l’étranger, au plus tard trois jours après le début de l’intervention. Il précise les objectifs poursuivis. Cette information peut donner lieu à un débat qui n’est suivi d’aucun vote.

« Lorsque la durée de l’intervention excède quatre mois, le Gouvernement soumet sa prolongation à l’autorisation du Parlement. Il peut demander à l’Assemblée nationale de décider en dernier ressort.

« Si le Parlement n’est pas en session à l’expiration du délai de quatre mois, il se prononce à l’ouverture de la session suivante. »

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Cet article revêt pour nous une importance toute particulière, puisqu’il traite de la guerre, de la paix, de la défense et de la politique étrangère de notre pays.

Nous souhaitons l’amender pour qu’il apporte un changement réellement significatif dans un domaine où la Ve République présente, reconnaissons-le, de sérieuses déficiences. C’est donc bien volontiers que nous remettons l’ouvrage sur le métier ! Nos amendements tendent à compléter et à améliorer la rédaction de l’article 13 du projet de loi ; ils entendent également souligner toute l’attention que le Parlement devrait porter aux opérations militaires, lesquelles engagent souvent des centaines de soldats français dans des conflits lointains.

Cet article devrait pouvoir constituer, pour le Parlement, une réelle avancée démocratique, de nature à permettre à la France de se comparer avantageusement aux autres grandes démocraties. Mais, pour en arriver là, il faudrait que nos amendements soient adoptés ! À défaut, nous resterons des nains politiques face à la toute puissance de l’exécutif.

Voilà pourquoi nous présentons plusieurs amendements qui, tous, poursuivent la même finalité, à savoir accroître le rôle du Parlement dans les domaines de la défense et des affaires étrangères et, ainsi, contribuer à la mise à mort du néfaste « domaine réservé », véritable tabou institué par la pratique institutionnelle de la Ve République.

Nos amendements cherchent également à créer un système équilibré, prudent, certes soucieux des prérogatives légitimes de l’exécutif, mais aussi capable de garantir la protection et la sécurité des hommes et des femmes qui participent aux opérations militaires extérieures.

Pour résumer, nous proposons un dispositif responsable et efficace.

D’abord, en demandant un vote du Parlement sur les interventions militaires, nous lui permettons d’assumer et d’exercer, en toute responsabilité, un véritable rôle de contrôle.

Ensuite, en soumettant toute prolongation d’une intervention militaire à une autorisation parlementaire, qui devra être renouvelée tous les six mois, nous garantissons l’efficacité de ce contrôle, celui-ci ne pouvant se réduire à un chèque en blanc donné une fois pour toutes.

Enfin, en demandant au Gouvernement d’informer le Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire, nous apportons une contribution effective à la nécessaire rénovation de notre politique étrangère.

Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, la philosophie générale de notre démarche. Nous souhaitons sortir du virtuel pour donner au Parlement les moyens de contrôler véritablement l’action de l’exécutif ; c’est la preuve de notre bonne volonté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

L’article 35 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 35 - Toute intervention des forces armées à l’extérieure du territoire de la République est autorisée par le Parlement, y compris hors session. »

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Avec cet amendement, nous souhaitons donner au Parlement un réel pouvoir sur les conditions d’intervention de nos forces armées à l’étranger.

Aux termes de l’article 35 de la Constitution de la Ve République, nos assemblées n’ont à se prononcer qu’en cas de déclaration de guerre. Or l’idée de déclarer officiellement la guerre dans des conflits d’une complexité sans commune mesure avec ceux d’hier n’est plus adaptée au monde d’aujourd’hui.

Cette disposition obsolète conduit donc à une situation dans laquelle la décision finale d’envoi de nos troupes reste du seul ressort du Président de la République, en sa qualité de chef des armées.

Cette pratique, qui tient d’ailleurs plus, comme Didier Boulaud vient de le rappeler, de la coutume que de la Constitution proprement dite, veut que les affaires étrangères et la défense constituent le domaine réservé du Président de la République. Elle ne correspond plus aux réalités et aux exigences de notre époque. Aussi souhaitons-nous que le Parlement soit amené à se prononcer par un débat, suivi d’un vote, sur l’opportunité d’une intervention à l’étranger et qu’il autorise le Gouvernement à la mener.

Pourquoi attendre quatre mois après le début d’une intervention pour solliciter l’autorisation du Parlement ? C’est au nom de la France et avec l’adhésion des représentants du peuple que la décision d’engager nos troupes doit être prise. Certes, il faut s’entendre sur la définition du terme « intervention » et préciser les critères permettant d’identifier celles qui doivent donner lieu à autorisation du Parlement.

Ces critères devraient, notamment, être quantitatifs, c’est-à-dire fonction de l’importance de l’opération, et prendre également en compte les répercussions politiques de l’intervention, tant intérieures qu’extérieures.

Il ne s’agit pas de faire en sorte que le Parlement se prononce sur tous les types d’interventions. Il faut exclure celles qui ont un caractère d’extrême urgence, par exemple celles qui visent à protéger nos ressortissants, celles qui nécessitent confidentialité et rapidité pour être efficaces, ou bien encore celles qui se déroulent à l’étranger, dans le cadre d’exercices communs avec d’autres pays. Il faut exclure également les interventions d’urgence décidées en application de l’article 51 de la Charte des Nations unies pour réagir à l’invasion d’un pays.

En revanche, lorsqu’il s’agit de l’envoi de militaires en corps constitués à des fins opérationnelles, ce qui peut comprendre des missions de combat, dans des situations politiques souvent complexes, et dans le cadre d’un mandat international, nous pensons que les élus du peuple doivent prendre leurs responsabilités.

Le projet de loi prévoit de demander l’autorisation du Parlement au bout de quatre mois. Mais n’est-il pas préférable de l’associer, en amont, à la décision initiale plutôt que de le mettre ainsi devant le fait accompli ?

Pour l’ensemble de ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, une nouvelle rédaction de l’article 35 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement n° 55, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat suivi d’un vote dans les conditions fixées par le règlement des assemblées, dans les deux semaines suivant le début de l’intervention.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Nous sommes l’un des rares pays européens dans lequel le Parlement n’est ni informé ni consulté lorsque nos armées sont amenées à intervenir à l’extérieur de nos frontières. Ce sont pourtant des décisions d’une grande importance, puisqu’elles sont menées au nom de la France et qu’elles engagent souvent la vie des hommes et des femmes qui servent dans nos forces armées.

Or ce type de décision est pris en cercle restreint et, in fine, par un seul homme, le Président de la République. À une époque où l’information circule vite, la représentation nationale ne peut plus être tenue à l’écart de décisions aussi graves.

Ces opérations, qui se sont multipliées ces dernières années, outre qu’elles sont dangereuses – il nous faut déplorer plusieurs dizaines de morts et plusieurs centaines de blessés –, sont de plus en plus longues et de plus en plus coûteuses. Dans ces conditions, il semble tout à fait logique, et même démocratique, de proposer un contrôle du Parlement sur l’emploi de nos forces armées à l’étranger.

En modifiant le rapport entre le Parlement et l’exécutif sur ce sujet essentiel, le texte qui nous revient de l’Assemblée nationale contient déjà de timides avancées dans le sens que nous souhaitons. Mais si vous avez vraiment la volonté, mes chers collègues, de renforcer les pouvoirs du Parlement, alors vous avez une excellente occasion de le prouver maintenant !

Ainsi, l’article 13 du projet de loi prévoit une information du Parlement sur les conditions et les objectifs des opérations extérieures, dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci : c’est bien la moindre des choses ! Il prévoit également un débat, qui s’avère certes nécessaire pour que le pays, par la voie de ses représentants, puisse connaître les tenants et les aboutissants de chaque situation. Néanmoins, le Parlement ne saurait se satisfaire d’une simple information. Il faut également prévoir dans la Constitution l’autorisation par vote du Parlement ; ce serait tout simplement une marque de respect à l’égard du peuple français.

Les interventions de nos troupes à l’étranger, pour être légitimes, ne peuvent se réaliser qu’avec le soutien de la Nation. Comment peut-on imaginer que de telles opérations soient menées contre l’avis de l’opinion publique ou des forces politiques du pays ? À l’inverse, si les enjeux de l’opération sont clairement exposés, en toute transparence, pourquoi douter de l’adhésion du pays ?

Pour ces raisons, nous proposons, à travers cet amendement, que le Parlement puisse voter sur l’opportunité d’une opération extérieure quinze jours après le début de l’intervention. Ce délai de quinze jours nous paraît raisonnable en ce qu’il permet au Parlement d’intervenir avant que le déploiement de nos troupes ne devienne difficilement réversible.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 111, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :

Cette information donne lieu à un débat qui peut être suivi d'un vote.

La parole est à M. Didier Boulaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

L’introduction dans la Constitution d’une procédure d’information et de contrôle du Parlement sur les interventions des forces armées à l’étranger constitue, certes, une nouveauté.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Ce ne serait cependant qu’une avancée toute relative si nous étions cantonnés au rôle de spectateurs recevant une simple information.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Naturellement, il ne s’agit pas d’empiéter sur les prérogatives de l’exécutif…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

… et nous n’entendons pas que puissent être mises en cause l’efficacité des interventions de nos forces armées ou la sécurité de nos militaires. À cet égard, le dispositif que nous proposons – une information donnant lieu à un débat, éventuellement suivi d’un vote – nous semble équilibré, rationnel et prudent.

Sur certains points, la pratique parlementaire future viendra fournir un mode d’emploi qui fait aujourd’hui défaut : ce sera notamment le cas pour les différents types d’interventions extérieures, les modes mêmes d’information du Parlement, la date de début de l’intervention, etc.

Sur ces sujets importants, nous pouvons accepter que l’article 13 du projet de loi laisse subsister des marges d’interprétation. Toutefois, il y a des principes sur lesquels nous ne voulons pas transiger. Que serait en effet un Parlement qui ne voterait même pas sur une question aussi essentielle que l’envoi de troupes à l’étranger ? Lorsqu’il s’agit d’envoyer sur une terre étrangère, à des fins opérationnelles, des militaires en corps constitués, il nous paraît indispensable que les Parlementaires puissent prendre leurs responsabilités en se prononçant par un vote. Du reste, un tel vote constituerait pour le Gouvernement un soutien indispensable.

Mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir qu’un contingent français supplémentaire est en partance pour l’Afghanistan, où, hier encore, des militaires américains ont été tués. Le danger est donc réel ! Nous espérons tous, bien sûr, que nous n’aurons pas à déplorer de telles pertes dans les temps qui viennent. Il reste que, si le Parlement, lorsqu’il en a débattu, avait eu à se prononcer sur cette question de l’envoi de militaires en Afghanistan, le Gouvernement pourrait au moins se prévaloir du soutien du peuple exprimé par la voix de ses représentants. Aujourd’hui, il est trop tard, mais nous savons que les 550 militaires français qui se rendent en ce moment en Afghanistan vont se trouver confrontés, dans les semaines à venir, à des situations extrêmement périlleuses. Il est, par conséquent, fort regrettable que les représentants du peuple n’aient pas eu à se prononcer sur ce choix.

Ne nous trompons pas de débat : les parlementaires sauront faire preuve de responsabilité, tout comme le Gouvernement ; mais il nous faut un système équilibré, qui prenne en compte la nécessaire efficacité des opérations militaires et la non moins nécessaire protection des hommes et des femmes qui en sont les acteurs. Lorsque le pays est engagé dans une opération militaire – surtout si, comme je viens de l’expliquer, elle est complexe, dangereuse, difficile –, le Gouvernement a intérêt à pouvoir s’appuyer sur la confiance et le soutien de la représentation nationale. Sinon, il sera seul à assumer cette responsabilité. Pour notre part, mes chers collègues, nous sommes prêts à l’y aider ; j’espère qu’il en est de même pour vous.

Nous sommes sur le point de réaliser, avec l’article 13, une avancée démocratique majeure. Nous n’avons cependant pas inventé grand-chose puisque plusieurs grandes démocraties européennes ont déjà mis en place de tels dispositifs institutionnels. Toutefois, si nous voulons que le Parlement puisse à la fois être informé et contrôler la mise en œuvre des opérations, il nous faut adopter cet amendement, faute de quoi l’équilibre serait rompu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 112, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la première phrase du troisième alinéa de cet article :

Lorsque la durée de l'intervention excède quatre mois, la poursuite des opérations est soumise au vote des assemblées tous les six mois.

La parole est à M. Didier Boulaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Cet amendement s’inscrit dans la logique générale de nos propositions et la conforte.

Ces dernières années, les opérations extérieures se sont multipliées, et il y a fort à parier que cela continuera ; elles sont aussi plus complexes, plus longues et de plus en plus coûteuses. Leur contrôle continu par le Parlement est donc plus que jamais indispensable, surtout pour éviter l’enlisement de nos troupes et la dérive de nos finances publiques, dont il a beaucoup été question ce matin.

Le coût des interventions extérieures est élevé. En 2009, il est envisagé d’y consacrer 1 milliard d’euros ; ce sera probablement davantage ! Ces dépenses ont été évaluées à 880 millions d’euros pour l’année 2008, dont, malheureusement, seulement 475 millions avaient été programmés dans la loi de finances.

Nous souhaitons donc pouvoir exprimer la même attention à l’égard des interventions qui se prolongent et s’installent dans la durée, contraignant nos forces armées à des efforts importants en matière de relève et la nation, à des efforts budgétaires croissants. Il y va de la crédibilité et donc de l’efficacité de notre engagement. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ce ne sont pas 700 militaires, mais seulement 550 qui partent pour l’Afghanistan : le problème de la relève se pose déjà !

Les parlementaires peuvent exercer un droit de contrôle sur les opérations sur place. Ainsi, notre commission des affaires étrangères et de la défense, dont je salue l’initiative, développe des missions en ce sens en se rendant sur les théâtres d’opération à raison de deux parlementaires sur chaque théâtre, ce qui est très bien.

C’est très bien, mais nous pensons qu’il n’en est que plus nécessaire de donner au Parlement, quand les interventions se prolongent, la capacité de voter pour renouveler, le cas échéant, son autorisation concernant ce type d’interventions extérieures. Il ne serait pas logique de donner une autorisation une fois pour toutes… Ce n’est pas la guerre de Cent Ans ! Certaines opérations extérieures ont tendance à durer des années, et même à s’enliser. Le Parlement doit-il, alors, rester les bras ballants ?

Nous demandons simplement que le vote du Parlement soit ensuite réitéré, car il ne serait pas normal qu’il ne puisse plus en délibérer : nous considérons qu’on ne peut pas donner au Gouvernement une autorisation valable pour… l’éternité !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 57, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

L'autorisation de cette prolongation est renouvelée de quatre mois en quatre mois.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Cet amendement a pour double objet d’éviter les dangers d’enlisement d’une opération extérieure que vient d’évoquer Didier Boulaud et de combler un vide juridique.

On voit bien que, lorsqu’une opération dure trop longtemps et que les raisons qui l’ont motivée ont évolué – je pense précisément à la Bosnie, à l’Afghanistan ou encore à la Côte d’Ivoire –, il convient de s’interroger sur l’opportunité de la présence de nos troupes dans le pays où elles opèrent. Quelle est la meilleure façon de le faire pour les opérations qui, comme c’est actuellement le cas pour certaines, se poursuivent depuis trois, quatre ou cinq ans, sinon d’en saisir le Parlement ?

Il nous est proposé, dans le projet, d’autoriser la prolongation d’une intervention à l’étranger si celle-ci excède quatre mois, ce délai correspondant grosso modo à la durée moyenne de séjour des unités envoyées à l’étranger, le problème de la relève se posant ensuite. Mais que se passera-t-il quatre mois après que les assemblées auront voté l’autorisation, si l’opération se poursuit ? Si rien n’est prévu, comment seront-elles informées de l’évolution de la situation ? Surtout, pourquoi n’auraient-elles pas à se prononcer de nouveau sur le maintien ou le retrait de nos troupes ?

Nous vous proposons donc, mes chers collègues, le renouvellement régulier, par un vote tous les quatre mois, de l’autorisation de prolonger une intervention militaire à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 56, présenté par Mme Demessine, MM. Bret, Hue et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :

Cette prolongation est autorisée en vertu d'une loi.

La parole est à M. Robert Bret.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Le Gouvernement devrait désormais soumettre à l’autorisation du Parlement la prolongation d’une intervention de nos troupes à l’étranger lorsque la durée de celle-ci excède quatre mois. Il faut le reconnaître, c’est là une avancée démocratique qui, assurément, permettra à la fois un meilleur contrôle du Parlement sur l’engagement de nos forces et une forme d’association de la représentation nationale à ce type de décision.

Toutefois, les modalités de cette décision ne sont pas vraiment précisées.

Irritée par une formulation maladroite de nos collègues députés et soucieuse d’harmoniser cette procédure avec celle qui est prévue à l’article 53 de la Constitution pour la ratification des accords internationaux, la Haute Assemblée avait décidé, en première lecture, que l’autorisation serait donnée en vertu d’une loi. Il semble que, en effet, s’agissant de décisions de cette importance – qui, je le rappelle, engagent le Gouvernement et ont des conséquences sur la vie des personnels, la sécurité de nos compatriotes et le poids de notre pays dans le monde –, la procédure législative, même si elle est un peu lourde, marque le niveau de solennité nécessaire.

C’est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous propose, au travers de cet amendement, de rétablir la procédure législative pour autoriser la prolongation d’une intervention de nos troupes à l’étranger.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 11, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

I. – Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À l'expiration d'un délai de six mois après la première autorisation de prolongation de l'intervention, le Gouvernement soumet toute nouvelle prolongation à l'autorisation du Parlement, dans les conditions fixées à l'alinéa précédent. Cette autorisation devra intervenir, pour toute prolongation ultérieure, tous les six mois dans les mêmes conditions.

II. – Dans le dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :

du délai de quatre mois

par les mots :

des délais mentionnés aux alinéas précédents

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement concerne également la prolongation des interventions.

Si nous décidons, à travers cette réforme, de mieux contrôler l’envoi des forces françaises à l’étranger, il faut alors les contrôler du début à la fin.

Le contrôle doit commencer en amont et porter notamment sur la légalité de l’intervention. Or, si j’ai bien compris les propos de M. Charasse lors de la première lecture, l’absence de ratification peut amener à s’interroger sur cette légalité. C’est donc un véritable problème, et il devrait être traité très tôt dans le processus d’autorisation.

Par ailleurs, dans sa rédaction actuelle, l’article 13 conduirait purement et simplement, une fois la prolongation de l’intervention votée, à accorder un blanc-seing au Gouvernement au bout de quatre mois de présence.

Notre rôle n’est pas seulement de contrôler l’envoi des troupes ; il est également de contrôler leur évolution et leur maintien. Malheureusement, l’article13 est muet sur cette question : une fois les forces envoyées et la prolongation accordée, le Parlement fermera les yeux sur l’avenir de nos contingents ainsi que sur l’issue de l’intervention.

Pourtant, s’agissant des interventions à l’étranger, le véritable risque tient non pas à l’envoi des troupes, mais à l’enlisement éventuel dans des opérations militaires aussi inutiles que coûteuses en termes financiers et humains. L’expérience américaine en Irak mais aussi celle des troupes françaises en Afghanistan nous le prouvent aujourd’hui ; et elles risquent de nous le prouver encore longtemps !

Le contrôle sera donc non seulement un contrôle d’opportunité, mais aussi un contrôle d’efficacité. Il permettra au Gouvernement de justifier devant la représentation nationale l’utilité stratégique et politique de l’intervention.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose de mettre en place un contrôle régulier du maintien des troupes françaises à l’étranger. Puisque le projet de loi vise à octroyer davantage de pouvoirs au Parlement, notamment un pouvoir de contrôle, je vous suggère de donner corps à cette volonté en adoptant cet amendement.

Par ailleurs, notre proposition permettrait également à nos concitoyens de mieux comprendre l’intervention des troupes françaises à l’étranger ; car le peuple se pose parfois des questions sur l’opportunité et l’efficacité de certaines opérations militaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 113, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

« Si le Parlement n'est pas en session à l'expiration du délai de quatre mois, il est réuni en session extraordinaire. »

La parole est à M. Didier Boulaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

S’il se produit des événements d’une particulière gravité nécessitant un engagement très important des forces armées, on ne peut pas imaginer que le Gouvernement laisse le Parlement dans l’ignorance de la situation. Nous pouvons donc penser qu’il convoquera une session extraordinaire, et ce serait bien normal.

Toutefois, nous ne souhaitons pas que la réunion du Parlement en session extraordinaire reste à l’exclusive discrétion de l’exécutif. C’est la raison pour laquelle il nous paraît nécessaire de prévoir que cette session extraordinaire sera convoquée de droit.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 114, présenté par MM. Frimat, Boulaud, Badinter, Bel, Carrère, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La parole est à M. Didier Boulaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Il s’agit ici du thème récurrent de la nécessaire information du Parlement sur le contenu des accords de défense et de coopération militaire. Le sujet est même devenu une sorte de « marronnier » parlementaire : à chaque réforme, on en reparle ! On promet aussi beaucoup, mais nous ne voyons jamais rien venir !

Afin d’en finir avec cette lancinante ritournelle, nous proposons d’inclure dans la Constitution une disposition tout à fait claire, prévoyant simplement que « le Gouvernement informe le Parlement du contenu des accords de défense et de coopération militaire en vigueur, dans les conditions fixées par le règlement des assemblées ».

Cela nous paraît d’autant plus indispensable que, à l’exception de celles auxquelles nous participons en vertu d’un mandat international, nos interventions militaires à l’étranger se fondent souvent sur des accords de défense signés avec des pays tiers.

Je rappelle que le Président de la République s’est lui-même engagé « à rendre publics tous nos accords de défense ». C’était le 28 février 2008. Certes, il s’exprimait devant le Parlement sud-africain, mais j’imagine que cela valait aussi pour le Parlement français !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Certains de ces accords, on ne peut pas l’ignorer, mes chers collègues, peuvent avoir des conséquences politiques et militaires de taille : ils légitiment juridiquement et politiquement l’engagement de nos troupes et déterminent le caractère de nos interventions. Ce fut le cas au Rwanda, en Côte d’Ivoire et, plus récemment, au Tchad.

Le Parlement doit-il encore et toujours rester en marge ?

Aujourd’hui, rien ni personne ne devrait s’opposer à ce que nous puissions inscrire dans la Constitution un principe sur lequel tout le monde, ici comme à l’Assemblée nationale, semble d’accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai eu l’impression, monsieur le président, de revivre la première lecture : mêmes amendements, mêmes discours de M. Boulaud…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

M. Didier Boulaud. Et toujours aussi brillants !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Sans doute, mais une fois suffit : nous en étions tellement pénétrés en première lecture que nous n’avions pas besoin d’une répétition, d’autant moins que, hélas, elle ne fut pas plus brève !

Quoi qu’il en soit, toutes les explications ont été données en première lecture.

C’est tout de même paradoxal : jamais dans la Constitution le Parlement n’avait été associé à ces questions, et cette réforme, vous l’avez d’ailleurs vous-même reconnu, monsieur Boulaud, marque un renforcement indéniable des pouvoirs du Parlement. Mais vous voulez toujours plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale n’a apporté au texte adopté par le Sénat en première lecture que des changements de pure forme, et ces corrections méritaient effectivement d’être apportées. C’est même pour cette raison que cet article fait l’objet de la navette : sans ces corrections de pure forme, aucun amendement n’aurait, de toute façon, pu être déposé ! Rien n’a été modifié sur le fond, et le résultat nous convient parfaitement ! En l’occurrence, il ne s’agit pas de voter conforme : nous sommes en accord total avec l’Assemblée nationale !

J’émets donc un avis défavorable sur tous les amendements identiques à ceux que nous avons examinés en première lecture.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Ainsi que vient de le souligner le rapporteur, cet article 13 du projet marque incontestablement une avancée démocratique importante, qui doit permettre au Parlement d’être informé et de contrôler la mise en œuvre des opérations extérieures.

Il faut, bien sûr, un système équilibré. Deux impératifs doivent être conciliés : d’une part, l’efficacité des opérations militaires que nous devons réaliser ainsi que la protection des hommes et des femmes qui les mènent ;…

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

… d’autre part, la nécessité, reconnue dans cet article 13, du contrôle parlementaire sur des opérations qui engagent notre pays.

Le Gouvernement a été à l’écoute du Parlement en première lecture. Les délais initialement prévus ont été réduits en ce qui concerne tant l’information du Parlement que la demande de son autorisation. Je pense sincèrement que l’équilibre qui a été trouvé est plutôt satisfaisant et correspond à la fois à une meilleure information du Parlement et, naturellement, à la protection du sort de nos soldats engagés à l’extérieur.

Cet équilibre ayant été trouvé en première lecture, le Gouvernement est défavorable à l’ensemble des amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Didier Boulaud, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président de la commission des lois, c’est vrai, nous demandons toujours plus, et nous avons bien raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Je rappellerai simplement le débat qui s’est déroulé dans cet hémicycle sur la constitution de la délégation parlementaire au renseignement, dont nous faisons partie, vous et moi.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

En l’espèce, on aurait été bien inspiré de nous écouter et de demander plus !

Depuis six mois que cette délégation existe, permettez-moi de le dire, elle vivote !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On n’est pas censé parler de ce qui est fait par cette délégation !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Si l’on avait été un peu plus ambitieux lors de sa création, il est probable qu’elle serait un peu plus efficiente !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il est du devoir des membres de la délégation de ne pas s’exprimer sur ce qu’elle fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

J’ai seulement dit qu’elle ne faisait rien. Elle dort !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Je suis vraiment désolé de contrarier M. le rapporteur : je n’ai pas l’intention de faire durer le débat, mais il me semble utile de l’éclairer sur un point, ainsi que tous nos collègues.

Certes, nous formulons des propositions que nous avons déjà formulées en première lecture, mais, entre-temps, nos principes n’ont pas changé : nous sommes donc fondés à intervenir sur une question qui nous paraît principielle. Je pense qu’il ne se trouvera pas ici un seul de nos collègues pour affirmer que la question de la vie et de la mort, qui est sous-jacente dans toute intervention militaire, n’est pas d’ordre principiel. Par conséquent, il est légitime que nous nous y attachions et que nous insistions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Jusqu’à présent, le Parlement n’était pas informé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

On ne peut pas, sur une telle question, parler d’« avancée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Nous ne négocions pas ! Le peuple est souverain. Il est un et indivisible, sa représentation de même. On se conforme aux principes que l’on défend ou on ne s’y conforme pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

M. Jean-Luc Mélenchon. Pour nous qui sommes les héritiers lointains du texte de Jean Jaurès sur l’armée nouvelle

M. le rapporteur s’exclame

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Vous pourriez dire que le Président de la République, quand il prend la décision, est aussi l’expression de la souveraineté du peuple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Oui, mais le pouvoir réside dans le Parlement, et lorsque vous vous présentez devant lui quatre mois après avoir engagé des troupes, il n’est pas vrai que sa décision est libre…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

…parce que le Parlement est composé de parlementaires responsables, qui savent que la présence des troupes sur le terrain modifie les conditions dans lesquelles la décision peut être prise, vous le savez comme moi. Regardez nos amis américains, qui ont fait la sottise d’aller en Irak malgré l’avis que la France avait exprimé avec beaucoup de prescience. Maintenant, même ceux qui étaient opposés à la guerre d’Irak savent bien que l’on ne peut pas retirer les troupes comme cela, parce qu’il s’agit d’une guerre et que l’on ne se retire pas d’un conflit du jour au lendemain.

Par conséquent, monsieur le secrétaire d’État, ce n’est pas vrai que l’on améliore l’information du Parlement. (Le Parlement n’a pas à être informé : il doit décider.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Voilà un des faux-semblants de cette réforme : on donne le sentiment que l’on améliore l’autorité du Parlement parce qu’on le consultera quatre mois après avoir engagé des troupes. Mais il s’en passe des choses en quatre mois ! Oui, on peut dire que c’est une information, mais ce n’est plus une décision.

Donc, a contrario, l’introduction dans la Constitution d’une disposition ainsi rédigée signifie que le Parlement est dessaisi de la décision de faire intervenir des troupes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Auparavant, il y avait un flou, un vide, qui faisait que l’on pouvait imputer telle ou telle caractéristique du chef de l’État qui procédait ou ne procédait pas à cette consultation.

Et ne me dites pas que démocratie et efficacité militaires sont contraires ! Deux exemples prouvent l’inverse.

Premièrement, pour ce qui est de la France, la Grande Guerre de 1914-1918 a été intégralement soumise au contrôle du Parlement, qui se réunissait en comité secret. Cela ne nous a pas empêchés de la gagner !

Deuxièmement, le Parlement a pu délibérer de l’envoi des troupes pour la première guerre du Golfe – j’en parle de façon d’autant plus détendue que je ne l’ai pas voté – la veille du commencement des hostilités.

Par conséquent, l’argument selon lequel la démocratie parlementaire serait inconciliable avec la nécessité de la rapidité de la décision et de son efficacité ne tient pas ! C’est un choix délibéré que nous analysons comme un renforcement de la monocratie qui, dorénavant, sera consolidée par cette disposition que l’on introduit dans la Constitution.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 115, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

... - Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une telle autorisation est exclue dès lors que les mesures envisagées sont relatives aux garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ».

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

En première lecture, le Sénat a adopté sans modification l’article 13 bis, introduit dans le projet de loi constitutionnelle par l’Assemblée nationale, sur proposition du rapporteur de la commission des lois. Cet article qui tend à imposer la ratification expresse des ordonnances prises en vertu de l’article 38 de la Constitution.

Il s’agit d’une avancée importante, mais insuffisante. Elle risque même d’être contre-productive dans la mesure où le Gouvernement sera conduit à amplifier la pratique de la ratification par voie d’amendements. La ratification sera bien expresse, mais elle interviendra dans n’importe quel véhicule législatif, alors que la ratification d’ordonnances devrait donner lieu au dépôt de textes spécifiques.

En clair, le présent projet de loi constitutionnelle ne changera rien au recours périodique aux ordonnances tel qu’on le connaît aujourd’hui.

Le rapporteur de la commission des lois du Sénat avait déclaré en première lecture qu’il n’aimait pas spécialement le recours aux ordonnances.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Il a rappelé que le Sénat l’avait refusé à propos de certains sujets fondamentaux tels que les prescriptions en matière civile.

Nous partageons cet état d’esprit et nous proposons même de l’élever en principe constitutionnel.

Si nous sommes opposés à la suppression de l’article 38 de la Constitution, nous sommes encore plus résolus à penser qu’il est nécessaire de limiter le champ d’intervention des ordonnances en excluant le recours à cette facilité lorsqu’elles concernent la compétence normative du Parlement qui a trait à la protection des droits et libertés des citoyens.

Cet amendement, qui vise à compléter le texte adopté par l’Assemblée nationale, nous permettrait d’agir préventivement afin de renforcer notre droit positif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission émet le même avis défavorable qu’en première lecture.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 39 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Dans la dernière phrase du dernier alinéa, les mots : « et les projets de loi relatifs aux instances représentatives des Français établis hors de France » sont supprimés ;

2° Sont ajoutés trois alinéas ainsi rédigés :

« La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l'ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la Conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l'assemblée intéressée ou le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel qui statue dans un délai de huit jours.

« Dans les conditions prévues par la loi, le président d'une assemblée peut soumettre pour avis au Conseil d'État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l'un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s'y oppose. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 116, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le 1° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Les avis du Conseil d'État sur les projets de loi sont rendus publics après leur adoption en conseil des ministres. »

La parole est à M. Bernard Frimat.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Cet amendement concerne un problème que nous avons déjà évoqué en première lecture – c’est le propre de la deuxième lecture que d’amener à revenir sur des thèmes déjà abordés lors de la première lecture –, celui de la publicité des avis du Conseil d’État.

Nous savons tous que le secret qui entoure les avis émis sur les projets de loi par le Conseil d’État, en tant que conseiller du Gouvernement, est des plus relatifs puisque nombre de nos collègues bénéficient en fait de la possibilité d’en prendre connaissance.

Alors que le Sénat avait, quant à lui, considéré que le Conseil d’État devait conseiller uniquement le Gouvernement, l’Assemblée nationale a réintroduit l’idée selon laquelle il pourrait conseiller aussi le Parlement puisque le président de l’assemblée concernée aura la faculté de lui soumettre pour avis des propositions de loi.

Mais qui sera destinataire de cet avis ? L’auteur de la proposition de loi ? Sera-t-il alors censé le garder secret ou pourra-t-il le rendre public ? Dans ce dernier cas, il y aurait, d’un côté des avis rendus publics sur les propositions de loi et, de l’autre, des avis faussement secrets sur les projets de loi. Il serait beaucoup plus simple de mettre le droit en rapport avec la réalité et de rendre ces avis publics.

On nous a dit, en première lecture, que cela pouvait entraîner des controverses. Mais maintenir le secret uniquement sur les avis concernant les projets de loi risquerait de faire naître la confusion. C’est pourquoi nous proposons de faire ce pas vers la simplicité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avions effectivement supprimé, en première lecture, la disposition permettant – car il s’agit d’une simple faculté – que le Conseil d’État donne des avis sur les propositions de loi. L’Assemblée nationale l’a rétablie, en précisant toutefois que l’auteur de la proposition de loi peut s’y opposer, faute de quoi il risquerait de considérer que sa proposition n’est soumise au Conseil d’État que parce qu’on n’en veut pas.

L’équilibre qui a été trouvé à l’Assemblée nationale nous a semblé satisfaisant. Personnellement, en première lecture, j’y étais favorable.

Cela étant, M. Frimat traite d’un autre sujet puisqu’il évoque les avis du Conseil d’État sur les projets de loi. Or il n’est pas question d’inscrire dans la Constitution que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi seront rendus publics ou non. Il y aura une loi : nous pourrons en rediscuter. C’est d’ailleurs une question qui est soulevée en permanence. En général, l’opposition est informée des avis du Conseil d’État avant la majorité ; c’est un état de fait. Quelquefois, nous avons connaissance de l’avis du Conseil d’État par des collègues de l’opposition qui bénéficient de réseaux. Tant mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cela étant, nous préférons quand même être dans la majorité plutôt que dans l’opposition !

Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur Frimat, le Gouvernement partage votre préoccupation d’améliorer la qualité de la législation. Telle est la raison pour laquelle l’article 14 prévoit la possibilité, pour le Parlement, de saisir pour avis le Conseil d’État d’une proposition de loi.

En revanche, le Gouvernement ne partage pas votre position pour ce qui concerne la publicité des avis rendus par le Conseil d’État. L’avis appartient à celui à qui il est rendu. Il faut, me semble-t-il, laisser chaque destinataire libre de lui donner la publicité qu’il souhaite. En particulier, il est préférable de ne pas obliger le Gouvernement à rendre publics les avis du Conseil d’État. C’est, nous le savons bien, un des facteurs de la liberté dont le Conseil d’État sait faire preuve à l’égard du Gouvernement. Il est plus facile de faire au Gouvernement toutes les observations qui lui paraissent utiles si ces avis conservent un caractère confidentiel. Il serait dommage de risquer de mettre à mal cette liberté. Le fait que l’avis soit rendu public avant ou après le passage du projet en conseil des ministres est sans incidence à cet égard.

Monsieur Frimat, voilà pourquoi je souhaite le retrait de cet amendement. À défaut, le Gouvernement en demandera le rejet.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Je le maintiens. Les amis de M. Karoutchi se chargeront de le rejeter !

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Évidemment, comme il s’agit de la deuxième lecture, vous ne voulez pas qu’il y ait la moindre modification.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Et pourtant, tout le monde estime normal que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi soient rendus publics.

Vous dites que tout le monde les connaît. Je ne sais pas comment ceux qui les connaissent font pour les connaître mais, moi, je ne les connais pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Il y aurait des réseaux, nous dites-vous ! S’il y a des réseaux et si tout le monde peut connaître ces avis, autant ne pas être hypocrite !

Si vous aviez accepté des propositions telles que celle-ci, aussi logiques que celle-ci, vous auriez peut-être rendu plus acceptable l’ensemble du projet de loi constitutionnelle, nous aurions pu être séduits par cette réforme. Mais vous ne voulez rien changer ! Vous allez même jusqu’à enlever des droits au Parlement tout en affirmant le contraire ! Là où tout le monde devrait être d’accord, vous ne l’êtes pas ! Vous pouvez être fiers de vous en adoptant une telle attitude… Pour notre part, nous maintenons notre position.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 117, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer les deuxième et troisième alinéas du 2° de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Permettez-moi, monsieur le président, mes chers collègues, de rappeler les termes des deuxième et troisième alinéas du 2° de l’article 14 :

*« La présentation des projets de loi déposés devant l’Assemblée nationale ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.

« Les projets de loi ne peuvent être inscrits à l’ordre du jour si la Conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues ».

Derrière cette rédaction, se cache une idée qui doit, à notre avis, rejoindre le cimetière des fausses bonnes idées. Elle avait été défendue avec force par l’ancien vice-président du Conseil d’État, notamment au cours d’une réunion à laquelle il nous avait conviés. Il s’agit de prévoir qu’une étude d’impact doit être présentée avant le dépôt d’un projet de loi, ou même que celui-ci ne peut être déposé devant le Parlement que s’il a donné lieu préalablement à une étude d’impact. Cette idée magnifique recueille l’assentiment de brillants esprits, mais nous ne faisons pas partie de ceux qui l’approuvent. En effet, il suffit de considérer les choses très concrètement pour examiner les conséquences d’une telle mesure.

Prenons, mes chers collègues, l’exemple de ce projet de loi constitutionnelle. Certains membres des ministères concernés devraient établir une étude sur l’impact présumé des dispositions inscrites dans ce projet de loi constitutionnelle. Ainsi, les ministères seraient conduits à élaborer des textes qui entreraient nécessairement dans le débat politique. Or l’impact de telle ou telle mesure, c’est justement l’objet du débat politique. Croire qu’il pourrait y avoir, préalablement au débat politique, une sorte d’étude « objective » qui détaillerait l’impact prévisible des mesures proposées dans ledit projet de loi relève de la pure illusion !

Ma démonstration vaut pour pratiquement tous les projets de loi, mais permettez-moi de citer également, monsieur le président, le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés. Imaginez l’étude d’impact réalisée par le ministère chargé du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quelle que soit la qualité de ladite étude, le débat parlementaire commencerait par la contestation vigoureuse de ses assertions et de ses conclusions. Sur un tel sujet, c’est d’emblée tout le débat qui est politique, et notre rôle est précisément de l’engager.

En revanche, il serait bien utile de doter le Parlement de moyens supplémentaires pour procéder aux évaluations nécessaires. Nous sommes d’accord pour que le Gouvernement et les groupes parlementaires puissent recourir à leur expertise propre, mais l’idée d’ajouter une étude d’impact censée être neutre est une pure utopie.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 16, présenté par M. Vasselle, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du 2° de cet article :

« La présentation des projets de loi déposés devant l'Assemblée nationale ou le Sénat comporte une étude d'impact et répond aux conditions fixées par une loi organique.

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 117 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission l’a déjà expliqué, il lui semble intéressant que la loi organique détermine les documents qui devront accompagner un projet de loi. L’étude d’impact est l’un des éléments de travail qui ont été cités, mais ce n’est pas le seul. Il peut tout aussi bien s’agir d’une évaluation de la loi précédente, des rapports rédigés par tel organisme, telle commission ou tel groupe de travail qui auront été saisis.

La commission est défavorable à cet amendement parce qu’elle considère que les projets de loi doivent être accompagnés d’un certain nombre d’éléments propres à éclairer le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Voilà une réponse qui manque d’impact !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Le Gouvernement ne peut rejoindre les auteurs de cet amendement, car il partage pleinement le souci exprimé par l'Assemblée nationale d’améliorer la qualité de la législation.

Comme l’avait d’ailleurs relevé le Conseil d’État, de nombreuses circulaires ont été prises en la matière depuis plusieurs années, mais sans succès véritable. Une loi organique pourra notamment obliger le Gouvernement à accompagner les projets de loi de véritables études d’impact. Il s’agit simplement de prévoir des règles de meilleure qualité pour préparer la loi.

Dans ces conditions, je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 118, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le dernier alinéa du 2° de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le dernier alinéa du 2° de l'article 14 permet au président de chacune des deux assemblées de soumettre au Conseil d'État des propositions de loi avant leur examen en commission, dans les conditions prévues par la loi, sauf si l'auteur de la proposition de loi s'y oppose.

En première lecture, le Sénat avait supprimé cette disposition. Si vous étiez cohérents, mes chers collègues, et si l’impératif du vote conforme ne sévissait pas, vous devriez voter notre amendement.

Les objections émises en première lecture par le Sénat sont toujours pertinentes et justifient la demande de suppression de cette disposition, dont la portée a certes été amoindrie au cours de la navette puisque la demande d'avis sera facultative, au gré de la volonté non seulement du président de l'assemblée, mais aussi de l'auteur de la proposition.

Quoi qu’il en soit, cette disposition relève d’une grave confusion.

C’est une banalité de le rappeler, le Conseil d'État a deux fonctions : une fonction juridictionnelle et une fonction de conseil auprès du Gouvernement. À ce titre, il n’a donc pas à être le conseiller du Parlement. C’est confondre les genres que de solliciter l’avis du Conseil d’État sur une proposition de loi qui relève de la seule initiative du Parlement.

La confusion tient donc d’abord au fait que l’on méconnaît la différence entre l’exécutif et le législatif. Au demeurant, M. le président de la République a, à cet égard, donné cet après-midi une belle leçon de confusion ! L’exemple vient de haut, certes, mais, à tout prendre, nous sommes désolés de constater que la confusion dans ce domaine progresse de cette manière…

La confusion vient aussi de ce que, dans l’intervalle de quelques jours, le Sénat aura adopté des positions radicalement différentes. Où est donc sa crédibilité ?

En tout état de cause, nous ne jugeons pas de bonne politique de demander l’avis du Conseil d’État sur les propositions de loi, tout en rappelant que, selon nous, il convient que les avis du Conseil d’État sur les projets de loi soient rendus publics, ne serait-ce que pour respecter le principe d’égalité, puisque certains en ont connaissance cependant que d’autres demeurent dans l’ignorance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Manifestement, notre collègue Jean-Pierre Sueur n’a pas compris ce qu’était la navette !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Si nous adoptons les mêmes positions qu’en première lecture, il n’y aura jamais d’accord !

M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le fait de soumettre une proposition de loi à l’avis du Conseil d’État n’est qu’une simple faculté souhaitée par les députés. De plus, à la demande des députés de l’opposition, l’auteur de la proposition de loi peut le refuser, pour éviter toute pression des présidents des assemblées.

Après avoir lu avec attention les débats de l'Assemblée nationale et dialogué avec mon collègue rapporteur, cette disposition ne m’a pas paru constituer l’un des motifs d’opposition du Sénat pour parvenir à un accord entre nos deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

La commission mixte paritaire a déjà eu lieu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai parlé de « dialogue », mon cher collègue ! Nous continuons le dialogue !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Par cet amendement, il est proposé de supprimer la possibilité pour le Parlement de solliciter, par l’intermédiaire du président d’une assemblée, l’examen d’une proposition de loi par le Conseil d’État.

Il s’agit simplement de permettre au Parlement de solliciter une expertise juridique complémentaire, qui ne peut être que bénéfique au renforcement de la sécurité juridique et à l’amélioration de la qualité de la législation. Cette décision est cohérente avec le renforcement des pouvoirs du Parlement et notamment avec la place plus grande qui sera donnée aux propositions de loi dans le partage de l’ordre du jour.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a adopté avec l’accord du Gouvernement, j’y insiste, un sous-amendement socialiste prévoyant expressément que la saisine du Conseil d’État ne pourrait avoir lieu qu’avec l’autorisation de l’auteur de la proposition de loi. Il s’agit donc bien là d’une simple faculté mise à la disposition du Parlement si le président de l’assemblée et l’auteur de la proposition de loi le souhaitent, et uniquement dans ce cas.

Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Vous nous donnez des leçons sur la navette. Normalement, celle-ci doit se poursuivre jusqu’à l’obtention d’un accord entre les deux assemblées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Cela ne veut pas dire que l’on doit systématiquement refuser tout amendement, au motif que l’on veut obtenir un vote conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Peut-être, mais c’est pourtant exactement ce que vous faites !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je m’en suis déjà expliqué hier, mais vous n’étiez pas là, monsieur Dreyfus-Schmidt. Vous n’avez rien compris au dialogue que nous avons engagé avec l’Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Monsieur le président, M. le président de la commission des lois a l’habitude d’interrompre les orateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Résultat : vous n’acceptez aucun amendement. Vous venez encore de refuser que l’avis du Conseil d’État soit rendu public.

En revanche, vous voulez que le président d’une assemblée puisse soumettre pour avis au Conseil d’État, avant son examen en commission, une proposition de loi déposée par l’un des membres de cette assemblée, sauf si ce dernier s’y oppose. C’est une inégalité, car les membres de l’opposition pourraient s’y opposer, alors que ceux de la majorité, évidemment, l’accepteraient.

Ce n’est absolument pas acceptable, mais peu importe ! Puisque cela a été voté, il faut le conserver ! C’est comme ça !

Nous le déplorons vivement et, bien évidemment, pour ce qui nous concerne, nous voterons l’amendement n° 118.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, je n’avais pas prévu d’expliquer mon vote. Mais, ayant entendu la leçon de M. le président de la commission des lois sur la navette que nous aurions mal comprise, je me permets quelques observations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous êtes même opposé aux amendements socialistes de l’Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Je vous répondrai aussi sur ce point, monsieur le président de la commission des lois, puisque vous avez bien voulu m’interrompre, ce dont, moi, je vous remercie !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je soulignerai tout d’abord que, lors de la première lecture, d’éminents collègues de notre assemblée, MM. Patrice Gélard et Jean-René Lecerf, ont tenu des propos tout à fait remarquables sur ce sujet.

En présentant leur amendement commun, M. Jean-René Lecerf a déclaré : « le Conseil d’État, qui est d’abord le conseiller du Gouvernement, n’a pas vocation à devenir celui du Parlement. De surcroît, il risquerait de se transformer progressivement en une nouvelle chambre dont les avis deviendraient rapidement incontournables. [...] le Parlement doit être laissé libre de choisir ses experts en fonction des différents textes qui lui sont soumis et qu’aucun monopole, ni même aucune priorité, ne devrait être réservé au Conseil d’État. »

Vous constaterez que je cite les bons auteurs !

J’en viens à la navette.

Monsieur le président de la commission des lois, le groupe socialiste du Sénat a le droit d’avoir une position différente de celle du groupe socialiste de l’Assemblée nationale. Vous le savez, le parti socialiste est très pluraliste…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … et les points de vue s’expriment librement en son sein !

Rires et exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est d’ailleurs quelque chose que vous aurez du mal à contester, mes chers collègues !

Par ailleurs, vous parlez d’accord, mais nous sentons bien la difficulté à laquelle nous nous heurtons. Vous avez décidé que cette lecture du texte serait la dernière – il n’y aura donc qu’une navette – et que le texte devait donc être adopté conforme en raison de la tenue du Congrès lundi prochain. Dès lors, les conditions dans lesquelles nous travaillons sont telles que la rédaction finalement adoptée sera loin du niveau que l’on pourrait attendre d’un texte aussi important que la Constitution !

Tout à l'heure, il a été question des propositions de résolution, dont l’examen est subordonné à l’avis du Gouvernement. Eh bien, plusieurs collègues de la majorité m’ont confié dans la salle des Conférences : « Vous avez tout à fait raison, mais nous ne pouvons rien faire puisque la décision a été prise d’obtenir un vote conforme. » Tout le monde sait cela !

Nous aurions pu également poursuivre la discussion sur cette affaire d’avis du Conseil d’État. Et il en est de même pour bien d’autres sujets !

Je regrette vraiment que, sur un débat aussi fondamental, on ne prenne pas davantage de temps.

Monsieur le président Hyest, vous nous parlez de vos négociations, de vos discussions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai parlé de dialogue avec l’Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

« Évidemment », dites-vous. Mais je veux mettre les points sur les i !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est peut-être toujours comme ça, mais ce dialogue n’a lieu qu’entre le groupe UMP de l’Assemblée nationale et le groupe UMP du Sénat !

En revanche, lors de la tenue d’une commission mixte paritaire, les représentants de l’opposition sont invités à participer au débat, et c’est normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

Ce n’est pas leur conception du débat démocratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Selon la conception qui est la vôtre, la fixation de ce qui doit être le droit et l’écriture de la nouvelle Constitution se décide lors de réunions du groupe majoritaire qui se tiennent ici, à l’Assemblée nationale, à Matignon, à l’Élysée... Telle n’est pas notre conception !

À l’heure où M. le Président de la République nous fait un certain nombre de propositions ou d’observations par le biais d’un entretien accordé au Monde – et je vois que plusieurs collègues sont, en ce moment même, absorbés par la lecture de ce journal –, nous pouvons constater que la méthode d’élaboration de ce texte est totalement contraire aux déclarations en question !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Effectivement, je pourrais me sentir quelque peu mal à l’aise puisque, voilà moins d’un mois, je faisais adopter à la quasi-unanimité le même amendement de suppression, avec le renfort de mes collègues Gérard Longuet et Jean-Pierre Raffarin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Effectivement, quelques collègues avaient voté contre, mais ils se comptent sur les doigts d’une seule main, et encore suis-je généreux !

Sur ce sujet comme sur d’autres, en un mois, je n’ai évidemment pas changé d’opinion. Je continue de considérer que cet avis du Conseil d’État sur les propositions de loi est au mieux inutile, au pis regrettable.

De même, je continue de penser que le fait de rendre public un avis du Conseil d’État sur les projets de loi constituerait une avancée et épargnerait aux rapporteurs cette espèce chasse au trésor qui consiste à se procurer ledit avis. Ils finissent toujours par l’obtenir, mais au prix d’une dommageable perte de temps !

De même, je considère qu’il s’agit à tout le moins d’une maladresse, mais plus vraisemblablement d’une erreur, de prévoir dans la Constitution que les ministres reprendront immédiatement leur fonction de parlementaire, éjectant ainsi leur suppléant !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Oh !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Mon avis est resté le même sur tous ces sujets. J’essaie seulement de les mettre en regard, d’une part, du renforcement des pouvoirs du Parlement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

M. Jean-René Lecerf. … et, d’autre part, des pouvoirs nouveaux qui sont donnés aux citoyens, notamment à travers l’institution de l’exception d’inconstitutionnalité. C’est pourquoi, bien que je n’aie pas changé d’avis, je voterai différemment.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 40 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je sais bien que nous sommes dans une procédure de navette accélérée, laquelle constitue d’ailleurs, pour le coup, une nouveauté !

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est une pratique nouvelle, même si cela ne figure pas dans la future révision constitutionnelle. Et la procédure est bien accélérée puisque vous n’acceptez aucun amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si vous trouvez que le rythme est accéléré, ce n’est pas notre avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

On peut examiner les aspects positifs et négatifs de cette réforme, mais il n’en reste pas moins vrai que certains sujets sont très importants. Or, avec la méthode retenue, on aboutit à des réformes totalement surréalistes, qui ne correspondent pas du tout à l’esprit de nos institutions. Il en est ainsi de la possibilité de soumettre pour avis des propositions de loi déposées au Conseil d’État, de subordonner les propositions de résolution à l’avis du Gouvernement, etc. Ces réformes-là sont quand même des « ovnis constitutionnels » !

Souvenez-vous : nous avons eu un débat très important sur l’article 40 de la Constitution. Sa suppression fut repoussée à quelques voix près par notre assemblée. Compte tenu de la configuration de notre assemblée, cela signifie que des membres de la majorité UMP – je ne sais plus qui – étaient favorables à cette suppression. Cela vaut donc la peine que nous en discutions plus avant.

L’article 40 de la Constitution empêche toute initiative parlementaire engendrant des dépenses nouvelles. Or il est appliqué de manière sans cesse plus restrictive.

Au Sénat, jusqu’à une époque encore récente, l’article 40 n’était invoqué, si nécessaire, qu’après la présentation de l’amendement en séance publique. C’était, somme toute, relativement démocratique. Cela s’expliquait, tout le monde l’avait bien compris, par l’impossibilité pour le Sénat de renverser le Gouvernement. Depuis l’année dernière, bien que le Sénat n’ait toujours pas la possibilité de renverser le Gouvernement, sous la ferme impulsion de M. Arthuis, le Sénat décidait d’appliquer strictement, excessivement même, comme à l’Assemblée nationale, l’article 40. Ainsi, les amendements jugés trop dépensiers sont-ils déclarés irrecevables par la commission des finances avant même leur dépôt au service de la séance.

Tout dernièrement, dans le cadre du projet de loi de modernisation de l’économie, un amendement déposé non seulement par le groupe communiste républicain et citoyen, mais aussi par le groupe socialiste, visant à obliger les opérateurs privés de téléphonie mobile à créer des tarifs adaptés aux plus défavorisés, a été « retoqué » par la commission des finances, car cette dernière supputait qu’en cas de refus des opérateurs ce serait à l’État d’intervenir. Cela laisse présager ce que sera l’avis préalable du Gouvernement sur une proposition de résolution !

Ce cas extrême montre bien jusqu’où peut aller une interprétation extensive, sans limite, de l’article 40.

M. Arthuis, président de la commission des finances, serait-il le Dr Jekyll et Mr Hyde du droit d’amendement ?

Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

S’il est un symbole de la primauté de l’exécutif sur le Parlement, c’est bien celui-là : en juillet 2007, le Gouvernement de M. Fillon prélève plusieurs millions d’euros au profit des plus aisés, dans le cadre de la loi TEPA, alors qu’un parlementaire ne peut même pas proposer 100 euros de dépenses publiques, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

... même compensées par des ressources nouvelles. Là, on mesure bien l’équilibre entre les droits du Parlement et ceux de l’exécutif !

Ceux qui souhaitent réellement revaloriser le rôle du Parlement – puisqu’il n’est question que de cela du côté de la majorité et du Gouvernement ! – peuvent adopter notre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avions débattu de ce sujet pendant près d’une soirée entière en première lecture. La commission confirme l’avis défavorable qu’elle avait alors émis sur des amendements ayant le même objet.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Le Gouvernement confirme également son avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

À mon sens, la suppression de l’article 40 de la Constitution a évidemment une portée symbolique. De ce point de vue, Mme la présidente du groupe CRC, a longuement défendu le retour à la « maturité du Parlement ».

Toutefois, l’article 40, que le Sénat applique enfin de manière correcte, depuis une intervention du Conseil constitutionnel – je m’en félicite, car l’interprétation qui en était précédemment faite ici me paraissait un peu trop laxiste –, est un élément important de la vie parlementaire.

Au moment où nous avons les plus grandes difficultés à convaincre nos partenaires de l’Eurogroupe et de l’Union européenne que nous faisons des progrès sur la voie de la sagesse financière, la suppression de l’article 40 de la Constitution nous ferait immanquablement passer pour des laxistes chroniques.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

C'est la raison pour laquelle je m’oppose à l’amendement n° 58 rectifié.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 22, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 40 de la Constitution, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. ... - Les dispositions fiscales dérogatoires qui ont pour conséquence une diminution des ressources publiques ou l'aggravation d'une charge publique sont abrogées dans un délai de trois ans à compter de leur entrée en application, à défaut de la présentation par le gouvernement au Parlement d'une évaluation de leur coût et de leur efficacité. »

La parole est à M. Alain Lambert.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

M. Alain Lambert. Cet amendement avait déjà été présenté en première lecture. Toutefois, je n’avais pas eu la possibilité de prendre part à la discussion et j’ai été très frustré par les explications que j’ai pu lire dans le compte rendu de nos débats. C’est la raison pour laquelle je souhaitais avoir droit à une « épreuve de rattrapage ».

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Nous en sommes tous conscients, au rythme actuel, la dépense fiscale devient pratiquement aussi importante que la dépense budgétaire. Le seul moyen de remédier à cette situation, c’est d’éviter que la dépense fiscale ne puisse être votée ad vitam æternam. Le fait qu’elle soit votée pour une durée déterminée présenterait un immense avantage : si le Parlement veut la maintenir, il la vote de nouveau ; s’il ne veut pas la maintenir, il ne la vote pas, et l’exonération disparaît.

Cette formule est en outre respectueuse des contribuables puisqu’ils ont une visibilité sur l’avantage fiscal qui leur est proposé.

Certes, une telle disposition aurait peut-être plus sa place dans une loi organique que dans la Constitution.

Toutefois, si l’on m’apportait des assurances un peu plus encourageantes que celles qui ont été données précédemment, je pourrais éventuellement retirer cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Lambert, je ne peux pas m’engager sur le contenu d’une éventuelle future loi organique, mais il est vrai qu’une telle disposition ne relève manifestement pas de la Constitution.

Cela dit, il y a tout de même un paradoxe dans votre proposition, mon cher collègue. En effet, à défaut de présentation par le Gouvernement au Parlement d’une évaluation, les dispositions fiscales dérogatoires pourraient être abrogées. Dès lors, si le Gouvernement estime qu’il ne s’agit pas d’une bonne mesure, il lui suffira de ne présenter aucune évaluation pour qu’elle soit abrogée. A contrario, il présentera une évaluation seulement s’il veut voir proroger la dérogation.

Cela étant, à mes yeux, nous ne devrions pas adopter de mesures indéfinies, dans le domaine fiscal comme dans les autres ; il serait préférable de définir dans la loi la durée d’application d’un dispositif, par exemple deux ans ou trois ans, pour l’évaluer à l’issue de cette période et, le cas échéant, le proroger. Cela me paraîtrait une façon moderne de procéder, tout particulièrement, c’est vrai, en matière fiscale.

Au demeurant, monsieur Lambert, vous avez opté pour cette formule en étant à l’origine de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui a constitué un progrès considérable et un véritable bouleversement de nos pratiques.

Nous devons nous habituer à prendre des mesures de cette manière, en songeant que nous serons peut-être amenés ensuite à les supprimer. Sinon, on crée, d’un côté, des taxes et, de l’autre, des niches fiscales, les unes comme les autres n’ayant, après quelques années, plus aucun sens parce qu’elles ne produisent pas ou plus les effets recherchés.

Quoi qu’il en soit, monsieur Lambert, et sous le bénéfice des explications que je viens de vous apporter – j’espère m’être montré plus convaincant qu’en première lecture –, la commission sollicite le retrait de votre amendement.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, le Gouvernement partage naturellement vos préoccupations. Vous souhaitez qu’à défaut d’une évaluation de leur coût et de leur portée certaines dispositions fiscales dérogatoires soient abrogées au maximum trois ans à compter de leur entrée en vigueur.

Comme le Premier ministre le rappelait hier encore ici même, le Gouvernement souhaite réellement réduire le nombre des niches fiscales. La diminution de ces exonérations constitue évidemment un axe très important du rétablissement de l’équilibre de nos finances publiques, à un moment où nous en avons particulièrement besoin.

Pour autant, monsieur Lambert, et c’est sur ce point que nos analyses diffèrent, nous ne sommes pas favorables à l’inscription dans la Constitution de la règle que vous préconisez. C’est le Parlement qui vote les exonérations fiscales. Il ne faudrait pas donner au Gouvernement la possibilité de les remettre en cause du fait de sa seule inaction. D’ailleurs, comme vous l’admettez vous-même, cela ne serait pas conforme à l’équilibre de nos institutions.

En outre, les entreprises qui bénéficient d’exonérations fiscales utiles – je pense notamment à certaines dispositions destinées à favoriser la recherche – ne doivent pas être maintenues dans l’incertitude quant à la durée du dispositif dans lequel elles s’engagent, faute de quoi celui-ci pourrait se révéler inefficace.

Cela étant, monsieur le sénateur, le Premier ministre a été saisi de votre demande et il fera très prochainement des propositions en ce sens, même si cet amendement n’est pas adopté aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Non, je le retire, monsieur le président.

Toutefois, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté, je tiens à apporter une précision. Mon amendement, qui est peut-être mal rédigé, ne visait nullement à permettre au Gouvernement de légiférer à la place du Parlement.

Dans le premier alinéa de l'article 41 de la Constitution, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés les mots : « ou le président de l'assemblée saisie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 119, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’article 15 du projet de loi constitutionnelle modifie l’article 41 de la Constitution pour accorder au président de chaque assemblée la faculté de soulever l’irrecevabilité des amendements qui ressortiraient au domaine réglementaire.

Je le rappelle, en première lecture, le Sénat a adopté deux amendements identiques de suppression de cet article, le premier du rapporteur de la commission des lois, M. Hyest, et le second du groupe socialiste. À l’époque, M. le rapporteur nous expliquait qu’une telle disposition était inutile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Selon lui, il appartenait au Gouvernement de défendre ses propres prérogatives, et non aux présidents des assemblées de le faire à sa place.

Comme M. le rapporteur nous l’avait également rappelé, l’article 41 de la Constitution n’a pas été souvent mis en œuvre par le Gouvernement pour déclarer qu’une disposition était de nature réglementaire. Il est même convenu qu’il pouvait parfois être utile d’outrepasser les dispositions strictes des articles 34 et 37 de la Constitution, qui, comme vous le savez, déterminent le domaine de la loi.

En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a rétabli l’article 15. D’ailleurs, M. le rapporteur de la commission des lois de l’Assemblée nationale a purement et simplement repris l’argumentation du Gouvernement, expliquant que le dispositif proposé ne pourrait s’appliquer que de manière facultative, contrairement à la recevabilité financière, qui présente un caractère absolu, et estimant infondées les craintes portant sur la limitation du droit d’amendement.

De mon point de vue, l’argumentation de la commission des lois de l’Assemblée nationale, contrairement à celle de la commission des lois du Sénat, apparaît bien faible. C’est pourquoi il n’y aurait, me semble-t-il, que des avantages à nous réunir tous autour de la position de notre rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest.

Mais, pour les raisons déjà évoquées, il n’en sera rien, une fois encore ! En effet, même si cette disposition est perçue comme mauvaise, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… même si elle porte finalement atteinte au droit d’amendement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous l’avez bien compris, l’article 15 vise seulement à donner des arguments à ceux qui voudraient empêcher l’examen de certains amendements.

Franchement, il serait logique de la part du Sénat de se rassembler autour de la pensée de M. Jean-Jacques Hyest !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 59, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'article 41 de la Constitution est abrogé.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je crains que mon amendement ne connaisse le même sort que celui qu’a prédit M. Sueur pour son propre amendement et, disant cela, je pense faire plus preuve de réalisme que de pessimisme !

Comme vous le savez, l’article 41 de la Constitution permet au Gouvernement d’opposer l’irrecevabilité à une proposition ou à un amendement qui n’est pas du domaine de la loi ou qui est contraire à une délégation accordée en vertu de l’article 38, relatif aux ordonnances.

Aux termes de l’article 15 du projet de révision constitutionnelle, cette faculté serait également offerte aux présidents des assemblées parlementaires.

En première lecture, le Sénat s’était opposé à une telle extension. Puis, l’Assemblée nationale a rétabli la rédaction initiale du projet de révision. À présent, vote conforme oblige, la majorité sénatoriale s’apprête à se contredire !

En protégeant les textes d’origine gouvernementale des empiétements du législateur dans le domaine réglementaire, l’article 41 de la Constitution permet au Gouvernement de repousser des amendements ou propositions, alors que le droit d’amendement est précisément une prérogative essentielle pour les parlementaires. Par conséquent, l’article 41 de la Constitution et le droit d’amendement des membres du Parlement sont contradictoires.

On nous explique qu’étendre aux présidents des assemblées la possibilité d’opposer l’irrecevabilité serait une mesure d’égalité entre ces derniers et le Gouvernement.

Ce que nous constatons, c’est surtout qu’une telle extension contraindrait encore plus le droit d’amendement. Alors, de grâce, n’essayez pas encore une fois d’invoquer une revalorisation du rôle du Parlement et des parlementaires ! L’article 15 contribue, au contraire, à limiter leur action.

Il eût mieux valu inscrire dans la Constitution un droit absolu d’amendement pour chaque élu national. Mais l’objectif affiché du renforcement des pouvoirs du Parlement n’est qu’un prétexte à ce qui est en réalité une reprise en main.

La disposition contenue dans l’article 15 constituera une pression supplémentaire pour le président de l’Assemblée nationale, qui pourra lui aussi décider de l’irrecevabilité d’un amendement.

Mme le garde des sceaux a indiqué que l’article 41 était fondamental, tout en soulignant dans le même temps qu’il avait été peu utilisé. L’objectif non avoué serait-il alors de faire en sorte qu’il soit employé bien plus souvent ? Si c’est le cas, inutile de vous dire que cela nous inquiète encore plus !

Pour toutes ces raisons, nous sommes contre l’extension de la possibilité d’opposer l’irrecevabilité aux présidents des assemblées. Mais nous allons plus loin : nous sommes opposés à l’article 41 dans son intégralité.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous en demandons l’abrogation parce qu’il confère selon nous au Gouvernement un pouvoir de nature arbitraire. Il participe de ces dispositions qui consacrent la prééminence de l’exécutif sur le législatif, notamment en favorisant un déséquilibre au profit du domaine réglementaire et en mettant directement en cause le droit d’amendement qui appartient aux parlementaires.

Plutôt que d’étendre l’article 41 de la Constitution, revaloriser le rôle du Parlement supposerait plutôt d’abroger cette disposition. C’est ce que nous proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’aime beaucoup entendre M. Sueur prévoir ce que je vais dire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je rends simplement hommage à ce que vous disiez auparavant !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je maintiens ce que j’ai dit. Simplement, l’Assemblée nationale tient beaucoup à cet article 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

À mon sens, l’article 15 crée une simple faculté. Dès lors, je ne vais pas remettre en cause le choix de l’Assemblée nationale de réintroduire dans le projet de révision constitutionnelle un dispositif prévu par le Gouvernement. Cela fait partie des éléments du dialogue avec l’Assemblée nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. … c’est tout ! Ce n’est pas quelque chose de fondamental !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. D’autres acteurs institutionnels souhaitaient également ce dispositif, qui sera – je le crois – peu utilisé. D’ailleurs, l’article 41 est déjà peu employé ; M. le secrétaire d’État pourrait le confirmer.

M. le secrétaire d’État acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Je suis parlementaire depuis vingt-trois ans et je n’ai pratiquement jamais vu un gouvernement demander l’application de l’article 41.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On peut, certes, parfois, le regretter.

Cette faculté est étendue aux présidents des assemblées : grand bien leur fasse ! Puisque je ne m’y oppose pas, je suis défavorable à ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Je répondrai brièvement, monsieur le président, parce que nous avons déjà eu ce débat.

En ce qui concerne l’amendement n° 119, je dirai que le Gouvernement est favorable au maintien d’une disposition qui permet aux présidents d’une assemblée de constater l’irrecevabilité d’un amendement de nature réglementaire, comme peut le faire aujourd’hui le Gouvernement. Ce contrôle de l’irrecevabilité, vous le savez bien, n’aura rien de systématique, contrairement à ce qui existe pour l’article 40.

Pour ce qui est de l’amendement n° 159, je rappelle que le Gouvernement est attaché à l’irrecevabilité de l’article 41, qui, même si elle est peu utilisée, a toute son utilité. Le présent projet de loi vise précisément à en faciliter l’usage, le cas échéant.

Le Gouvernement souhaite le maintien de l’article 41 parce que le respect du partage entre loi et règlement participe de l’intelligibilité de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

L’argumentation que vient de développer M. le rapporteur ne nous a malheureusement pas convaincus.

Il nous a expliqué qu’il maintenait ce qu’il avait dit en première lecture, mais qu’il était, hélas, contraint de nous demander de nous prononcer en sens inverse de la position qu’il avait défendue.

Cependant, il a ajouté un argument : comme cet article ne sert à rien et puisqu’on ne s’en servira pas, ce n’est pas grave de donner ce pouvoir supplémentaire au président du Sénat !

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

Non, il n’a pas dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est tout de même difficile d’être convaincu par un tel argument !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

L'article 42 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 42. - La discussion des projets et des propositions de loi porte, en séance, sur le texte adopté par la commission saisie en application de l'article 43 ou, à défaut, sur le texte dont l'assemblée a été saisie.

« Toutefois, la discussion en séance des projets de révision constitutionnelle, des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale porte, en première lecture devant la première assemblée saisie, sur le texte présenté par le Gouvernement et, pour les autres lectures, sur le texte transmis par l'autre assemblée.

« La discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt. Elle ne peut intervenir, devant la seconde assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de quatre semaines à compter de sa transmission.

« L'alinéa précédent ne s'applique pas si la procédure accélérée a été engagée dans les conditions prévues à l'article 45. Il ne s'applique pas non plus aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets relatifs aux états de crise. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Cet amendement vise à supprimer la disposition selon laquelle l’examen en séance publique porterait sur le texte issu des débats de la commission concernée.

Cette innovation nous est présentée comme un renforcement des pouvoirs du Parlement, comme une importante revalorisation de la fonction législative. Il nous est expliqué que la discussion du texte de la commission en séance publique nous permettrait de nous recentrer sur les questions de fond. Comme si, sur ce texte, mes chers collègues, nous débattions d’autre chose que de questions de fond !

Le débat en séance publique est un point d’appui pour que l’opposition puisse faire valoir ses analyses et ses propositions de fond, afin de mettre en évidence les différents choix et les différentes orientations. La séance est le lieu de la publicité des débats, de leur transparence, une transparence qui serait renforcée si l’égalité du temps de parole entre les groupes était de mise.

La séance publique est aussi le lieu où tous les parlementaires peuvent s’exprimer et croiser leurs points de vue. C’est d’autant plus utile que de nombreux textes de loi contiennent des dispositions qui intéressent plusieurs secteurs de la vie de notre pays.

De plus, dans cette assemblée, qui comporte de nombreux élus locaux, des maires notamment, beaucoup sont à même d’intervenir utilement sur des textes qui, s’ils ne concernent pas leur commission, les intéressent au regard de la gestion de leur collectivité.

L’article 16 aura surtout des conséquences sur les groupes les moins importants, qui ne disposent pas des moyens d’assurer une présence forte et régulière en commission.

Il faut aussi envisager cet article à la lumière des autres dispositions du projet de loi, notamment des droits de l’opposition.

Tout d’abord, avec ce projet de loi qui ne prévoit ni une modification des modes de scrutin dans le sens d’un renforcement de la proportionnelle ni aucune autre disposition permettant au Parlement d’être réellement représentatif du peuple, le fait majoritaire va en fait s’accentuer.

Aucune garantie ne nous est donnée que le débat en séance publique ne sera pas tronqué. Quelle assurance aurons-nous de pouvoir redéposer des amendements en séance publique ? Quel sera le rôle du Gouvernement à l’égard des commissions ?

L’article 15 renforce les conditions d’irrecevabilité des textes et l’article 18 multiplie les possibilités d’examen simplifié en commission.

Si l’idée est de lutter contre toute tentative d’obstruction de la part de l’opposition, le Gouvernement et la majorité ont mieux à faire : cesser de nous faire examiner autant de projets de lois en urgence – procédure assortie de fait d’une restriction du temps de parole en séance –, cesser de rejeter, trop souvent sans réel examen, les propositions de l’opposition ; bref, permettre un réel débat de fond et non pas imposer au Parlement un seul point de vue, comme la majorité s’apprête une nouvelle fois à le faire avec l’annonce avant tout débat d’une adoption conforme du présent projet de loi constitutionnelle.

Ainsi, loin de renforcer les pouvoirs du Parlement, l’article 16 les amoindrit, mais renforce, par contre, le fait majoritaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 120, présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution.

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

L'article 16 du projet de loi constitutionnelle dispose que la discussion en séance publique des projets de loi se fera dorénavant sur le texte issu des travaux de la commission saisie au fond, à l'exception des projets de loi de finances, des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des projets de révision constitutionnelle.

En première lecture, le rapporteur de la commission des lois a indiqué, de manière laconique, que ces dérogations étaient justifiées. Nous pensons au contraire que ces exceptions sont opposées à la logique affichée de la présente réforme constitutionnelle. Si l'on veut véritablement revaloriser le travail des commissions et concentrer le débat en séance publique sur les options de fond, rien ne justifie le sort particulier fait aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et aux projets de loi constitutionnelle. On devrait même considérer que la discussion sur la base des conclusions de la commission saisie au fond devrait précisément porter sur ces projets, car ils concernent les domaines essentiels de l'action gouvernementale.

C'est la raison pour laquelle nous déposons de nouveau cet amendement de suppression de la dérogation à la règle de l'examen en séance publique des textes élaborés par la commission.

En effet, il n’est pas logique que les projets de loi constitutionnelle, les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale ne puissent être examinés sur la base du texte adopté par la commission, alors même qu’il est de tradition de considérer le vote de la loi de finances comme l’acte essentiel du Parlement.

Pourquoi, alors que l’on veut revaloriser le Parlement à travers le travail de ses commissions, lui interdit-on de débattre sur les travaux de ces dernières pour des projets de loi très importants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 23, présenté par M. Lambert, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 42 de la Constitution, supprimer les mots :

aux projets de loi de finances, aux projets de loi de financement de la sécurité sociale et

La parole est à M. Alain Lambert.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

J’aimerais savoir pourquoi on fait un sort particulier, en matière de délais, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, alors que j’ai cru entendre, dans les travaux de première lecture, que les lois de finances et de financement de la sécurité sociale ne se voyaient conférer, dans la hiérarchie des normes, aucune « valeur ajoutée » particulière.

J’imagine qu’on m’éclairera sur ce mystère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le fait que l’on vote désormais en première lecture sur le texte de la commission est un apport important de cette révision constitutionnelle. Cette proposition figurait d'ailleurs dans le rapport d’information de MM. Gélard et Peyronnet ; elle va effectivement beaucoup changer l’organisation de notre travail parlementaire.

La situation est tout de même extraordinaire : on octroie un droit nouveau au Parlement, et le groupe communiste n’en veut pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous en avons débattu en première lecture : la commission est favorable à cette mesure ; elle émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 60.

Quant au groupe socialiste, il se demande, tout comme Alain Lambert, pourquoi on exclut de cette possibilité les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale.

Il convient de rappeler que, dans ce domaine, le Gouvernement a le monopole de l’initiative législative. Nous avons retenu les considérations du comité Balladur, qui avait conclu que, dans ce domaine crucial de l’action gouvernementale, celui-ci devait conserver l’initiative. Le budget peut certes être amendé, mais il reste dans le cadre proposé par le Gouvernement. C’est pourquoi nous n’avons pas étendu aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale le fait de discuter en séance le texte adopté par la commission.

Compte tenu de ces explications, la commission demande le retrait de l’amendement n° 23 et le rejet des amendements n° 60 et 120.

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

J’avoue que j’ai un peu de mal à suivre la position défendue par les auteurs de l’amendement n° 60. Vous proposez de supprimer un élément majeur dans l’entreprise de renforcement du Parlement…

Debut de section - Permalien
Roger Karoutchi, secrétaire d'État

… en prévoyant que, réserve faite du PLF, du PLFSS et des projets de révision de la Constitution, le texte discuté en séance plénière ne sera plus le projet du Gouvernement mais le texte issu des travaux de la commission qui en a été saisie.

Je constate d’ailleurs une différence d’appréciation entre les différents groupes de l’opposition, puisque certains considèrent tout de même que c’est une avancée.

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable sur cet amendement.

Quant à l’exception concernant les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale, elle figurait déjà dans le rapport remis par le comité Balladur. Aux yeux du comité, la règle nouvelle ne s’appliquerait pas aux projets de loi de finances non plus qu’aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, qui sont au cœur des prérogatives du Gouvernement dans la conduite de l’action publique. Elle ne vaudrait pas non plus pour des projets de loi constitutionnelle.

Madame Printz, cette dernière exception se justifie par le fait qu’un projet de loi constitutionnelle est une initiative propre du Président de la République. Il a semblé justifié aux membres du comité Balladur ainsi qu’au Gouvernement qu’une telle proposition du chef de l’État vienne en discussion en séance sous la forme que le Président a souhaitée.

En ce qui concerne les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale, monsieur Lambert, le Gouvernement estime que ces projets répondent à des règles très spécifiques au regard des procédures, des délais, de la présentation des amendements. Ces règles figurent dans la Constitution aux articles 47 et 47-1, mais aussi dans la fameuse LOLF, dont vous avez été l’initiateur, ainsi que dans la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Il a semblé au Gouvernement que ces dispositions organiques avaient leur cohérence et qu’il n’était pas nécessaire de revenir sur ces dispositifs, qui, de l’avis de tous, ont beaucoup apporté au débat budgétaire.

Il a surtout semblé au Gouvernement que ces deux projets très spécifiques correspondaient à des choix déterminants du Gouvernement, qu’ils devaient venir en tant que tels en séance publique et être soumis ainsi très solennellement aux parlementaires.

Sans doute, monsieur Lambert, avez-vous raison en indiquant que des efforts doivent être faits pour que les projets de loi de finances soient remis dans de meilleures conditions à l’automne. Je dois vous avouer que je bataille fermement pour obtenir des améliorations en ce domaine, mais vous savez mieux que moi combien la procédure d’élaboration du budget est lourde et complexe.

je serais heureux que, sous le bénéfice de ces commentaires, monsieur Lambert, vous puissiez retirer votre amendement.

Sur les deux autres amendements en discussion commune, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Je me permets de relever la position du Gouvernement, qui demande à Alain Lambert de retirer son amendement, mais qui propose le rejet de notre amendement identique : c’est curieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Nous aimerions être traités de la même manière dès lors que notre amendement tend exactement aux mêmes fins.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Je ne sais pas si Alain Lambert retirera le sien, mais nous sommes tout à fait d’accord avec lui pour que les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale n’aient pas un sort particulier.

La proposition qui consiste à prendre pour base le texte de la commission nous paraît intéressante ; en revanche, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait des exceptions.

Nous sommes donc d’accord avec Alain Lambert et vous l’êtes sûrement aussi, mais vous ne cherchez qu’à voter ce texte conforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est conforme à ce nous avons voté en première lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Ce n’est pas une raison suffisante. Le rôle du Sénat n’est pas d’émettre un vote conforme à toute force, au contraire !

Nous ne cesserons de dénoncer cette caricature de démocratie.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Ce débat est intéressant, car l’article qui a été adopté par l’Assemblée nationale contient une novation profonde dans le droit parlementaire de la Ve République.

Désormais, il y aura, pour la première assemblée saisie, deux catégories de textes soumis à l’examen en séance publique : ceux qui seront issus du travail de commission, sur lesquels le Gouvernement aura le droit, si je puis dire, de présenter des amendements pour inviter éventuellement l’assemblée à corriger ce qu’il estime trop éloigné de son texte initial, et ceux qui, touchant aux finances publiques, à la sécurité sociale et aux questions constitutionnelles, seront présentés tels que le Gouvernement les aura conçus.

Il est important de souligner que cette dernière catégorie de textes regroupe en effet ceux qui sont essentiels à l’action gouvernementale, qui en sont le fondement, ce qui justifie qu’une telle procédure soit retenue. S’agissant des leviers de sa politique, il est normal que le Gouvernement préfère voir le débat s’engager à partir des dispositions qu’il présente.

Dans un cas, le Gouvernement montre qu’il est prêt à accepter certaines modifications au projet de loi ; dans l’autre, il se prémunit contre ce risque.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

C’est ici qu’intervient l’article 49-3 de la Constitution : si la commission, pour une raison ou pour une autre, dénature profondément le projet de loi, au point que le Gouvernement ne reconnaît plus ses intentions primitives et y voit même un danger pour l’exécution de son programme, le Premier ministre sera conduit à poser la question de confiance.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Cependant, il ne pourra le faire qu’une fois par session. Cela signifie qu’un travail approfondi de recherche de synergie devra être mené entre le Gouvernement et sa majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Bret

C’est sans doute le dialogue évoqué par M. Hyest !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

En vérité, monsieur le secrétaire d'État, nous allons entrer dans l’ère du pari, et c’est un pari pascalien, car vous prenez un risque, nous prenons tous un risque : il faudra assurer chaque jour une véritable symbiose entre le Gouvernement et sa majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Quoi qu’il en soit, personne ne peut dire que cette mesure ne représente pas une nouveauté dans la pratique de la Ve République. J’espère qu’elle sera probante et que nous ne serons pas un jour obligés de revenir en arrière parce que trop de dysfonctionnements auront été constatés.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Je suis d’accord sur un point avec M. de Rohan : il s’agit en effet d’une novation importante. Cependant, la proposition que Patrice Gélard et moi-même avions faite était plus encadrée. Je ne suis donc pas sûr que tout le monde mesure bien les conséquences et le travail qu’il reste à faire.

Par exemple, que devient le droit d’amendement des non-commissaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Un membre de la commission des finances ou de la commission des affaires économiques pourra-t-il amender un projet de loi dont la commission des lois aura été saisie au fond ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

Certes, cela semble logique, mais qui portera cet amendement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Peyronnet

La commission s’adjoindra-t-elle des membres d’autres commissions ? Ou bien l’initiateur de l’amendement le déposera-t-il avec des membres de son groupe ?

Par ailleurs, quelle sera la publicité des travaux ? En effet, il n’est pas concevable que la commission travaille en catimini. Le système ne peut fonctionner que si les débats en commission font l’objet, comme les débats en séance publique, d’un compte rendu publié au Journal officiel. Sinon, l’opposition risque de perdre la réalité de ses droits.

Autres questions importantes : le Gouvernement pourra-t-il être entendu par les commissions ? Viendra-t-il défendre son texte devant elles ? Qui interviendra ?

Si le projet de loi constitutionnelle est adopté – ce que je ne souhaite pas, globalement –, c’est cette mesure qui sera la plus importante, mais à condition que tout le monde joue le jeu. Autrement dit, le fait majoritaire ne doit pas neutraliser le débat. Cette innovation pourrait nous faire gagner beaucoup de temps en séance publique, en nous épargnant d’avoir à reprendre des discussions qui ont déjà eu lieu en commission. La suppression de cette redondance, chacun en conviendra, permettra au Parlement de mieux exercer sa mission de contrôle.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Comme M. le secrétaire d’État l’a fort bien noté, nous avons des points de vue différents avec le groupe socialiste sur ce sujet. Les questions que vient de soulever Jean-Claude Peyronnet illustrent d’ailleurs parfaitement les raisons de notre totale hostilité à cet article.

En séance publique, un parlementaire en vaut un autre. Chacun, quelle que soit la commission à laquelle il appartient, dispose, fort heureusement, du droit d’amender et peut s’exprimer. Traiter une grande partie des textes en commission rendra assez complexe le maniement de ce droit.

En outre, une telle procédure favorisera les groupes les plus importants et le bipartisme. Les défauts qui sont déjà constatés aujourd'hui vont donc se trouver accentués, et j’ai l’impression que certains, à l’UMP, ne s’en rendent pas compte.

Compte tenu de la nécessaire adéquation entre le Président de la République et la majorité présidentielle, comment imaginer qu’un texte issu de la commission puisse être contraire au projet initial du Gouvernement ? C’est quasiment impossible ! Le cas de figure peut toujours se présenter, mais il créerait une crise dont il faudrait bien tirer les conséquences.

Discuter le texte issu des travaux de la commission revient donc à favoriser les groupes parlementaires les plus importants, à favoriser la majorité présidentielle et à dévaloriser le débat en séance publique, qui est pourtant le moment privilégié de la discussion parlementaire.

Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre opposition résolue à cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Je souhaite retirer mon amendement n° 23, car l’interprétation qui en est faite va totalement à rebours de mes convictions.

Lors des débats précédents, on a un peu trop affirmé, sur le banc du Gouvernement comme sur celui de la commission, que, en voulant accorder l’exclusivité des dispositions fiscales et sociales respectivement aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, nous cherchions à conférer à ces textes une suprématie. Et l’on nous a opposé de grands discours sur la hiérarchie des normes, que nous avons bien sûr écoutés avec révérence.

Mais voilà que, tout à coup, à l’occasion de l’examen de l’article 16 du présent projet, nous entendons dire que les projets de loi de finances et les projets de loi de financement de la sécurité sociale constituent, selon M. le secrétaire d’État, des choix « déterminants » du Gouvernement, le président de Rohan allant jusqu’à parler d’éléments « essentiels » de l’action gouvernementale, dont ces textes constitueraient le « fondement ».

On ne peut pas dire tout un jour et son contraire le lendemain.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L’amendement °23 est retiré.

La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J’aimerais ajouter quelques mots aux propos d’Alain Lambert.

Certes, les projets de loi de finances et leur duplication, les projets de loi de financement de la sécurité sociale, sont des textes fondamentaux. Dans la logique de la Ve République, ils occupent une place toute particulière au sein de notre ordre juridique. Il est donc dommage que les conséquences n’en aient pas été tirées pour leur réserver l’exclusivité de toutes dispositions venant « impacter » le solde public.

La position que le Sénat avait adoptée en première lecture me semblait plus cohérente au regard de l’équilibre des institutions de la Ve République, laquelle s’est bâtie sur une vision de l’intérêt général. Or l’intérêt général s’exprime mieux dans un document global, axé sur la recherche d’une cohésion d’ensemble, telle une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, que dans une loi sectorielle qui s’efforce de résoudre des problèmes particuliers.

Cela étant, nous sommes en seconde lecture et tous ces débats ont déjà eu lieu. Il va donc de soi qu’il convient de repousser les amendements de suppression, d’autant que celui de Mme Borvo Cohen-Seat, en particulier, me semble reposer sur une véritable confusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Il ne s’agit pas ici de légiférer en commission, mais de légiférer sur le texte adopté par la commission, ce qui est tout à fait différent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En séance publique, le Gouvernement et tous les parlementaires – quelle que soit la commission permanente à laquelle ils appartiennent – pourront amender le texte.

À la différence de ce qui eût existé si l’on avait choisi le mode de législation en commission, il s’agit simplement ici d’une disposition d’ordre et de procédure qui valorise le travail de la commission parlementaire, ni plus ni moins. Le droit d’amendement des parlementaires n’est aucunement limité, contrairement à ce que M. Peyronnet et Mme Borvo Cohen-Seat ont pu dire tout à l’heure.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Indépendamment des dispositions portant sur la circonscription que j’ai l’honneur de représenter, l’article 16 et celui consacré à l’exception d’inconstitutionnalité sont, à mes yeux, les deux plus importants du projet de loi constitutionnelle. À eux seuls, ils justifient l’adoption de ce texte : ils représentent une avancée considérable tant pour le Parlement que pour les citoyens.

Je rejoins M. Peyronnet lorsqu’il dit que l’article 16 du présent projet de loi va tout changer, si tant est qu’on le veuille bien. Cette mesure offrira en effet un véritable pouvoir et une responsabilité supplémentaire au Parlement. C’est la raison pour laquelle je ne peux partager le point de vue du groupe CRC exprimé par sa présidente, Mme Borvo Cohen-Seat, car c’est justement là que le travail parlementaire prendra toute sa force.

Le Gouvernement ne se rend d’ailleurs peut-être pas compte du travail qui l’attend demain pour convaincre les parlementaires du bien-fondé de ses projets de loi.

Quoi qu’il en soit, nous devons absolument voter le texte en l’état et donc repousser ces amendements de suppression.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

L'article 43 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 43. - Les projets et propositions de loi sont envoyés pour examen à l'une des commissions permanentes dont le nombre est limité à huit dans chaque assemblée.

« À la demande du Gouvernement ou de l'assemblée qui en est saisie, les projets ou propositions de loi sont envoyés pour examen à une commission spécialement désignée à cet effet. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 27, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 43 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Les commissions permanentes ou spéciales n'ont pas la personnalité juridique. À ce titre, elles n'ont pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président. »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je saisis l’occasion offerte par ce débat pour opérer une petite mise au point.

Lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, le 4 juillet dernier, le ministre de l'économie a fait savoir au Sénat que le président de la commission des finances de l'Assemblée nationale et l'auteur d'un rapport avaient conclu une convention avec des représentants du secteur bancaire.

Cette pratique, outre le fait qu'elle méconnaît complètement le bicamérisme puisque le Sénat n'avait pas été informé de cette démarche, constitue un précédent dont la valeur juridique est discutable.

La réforme de la Constitution semble le cadre idéal pour préciser que les commissions permanentes ou spéciales n’ont pas la personnalité juridique et n’ont donc pas vocation à contracter, fût-ce par la voie de leur président.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Une telle disposition n’a pas sa place dans la Constitution.

Par ailleurs, il ne semble pas usuel que les commissions passent stricto sensu des conventions de quelque nature que ce soit.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice

Contrairement au ministre de l’économie, je ne connais pas les détails juridiques de la convention conclue par la commission des finances de l’Assemblée nationale.

Quoi qu’il en soit, une commission, en elle-même, n’a pas la personnalité juridique, même si elle peut éventuellement passer une convention par le biais de son assemblée.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

En tout état de cause, l’amendement proposé ne vise pas à accorder la personnalité juridique à une commission. Quand bien même ce serait le cas, une telle disposition n’aurait pas sa place dans la Constitution, comme vient de le souligner M. Gélard.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je souhaitais juste obtenir cette précision, monsieur le président, et je retire donc mon amendement.

L'article 17 est adopté.

Le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Ce droit s'exerce en séance ou en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique. »

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je suis saisi, par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n°148, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'Administration générale, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle relatif à la modernisation des institutions de la Ve République (459, 2007-2008).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour cinq minutes, et un orateur d’opinion contraire pour cinq minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 18 du projet de loi constitutionnelle est extrêmement lourd de conséquences, car il ouvre la porte à un encadrement très strict du droit d’amendement et le remet en cause. Je n’ai pas cessé de le dire en première lecture et mon opinion n’a pas changé sur ce point.

Durant les dernières semaines, les auteurs du projet de loi, ceux qui le soutiennent ainsi que le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement ont vanté sur toutes les ondes, dans tous les organes de presse, les bienfaits de cette réforme et son caractère historique, voire « révolutionnaire », selon M. Karoutchi !

Évidemment, dans toutes ces déclarations, il n’a jamais été question de l’encadrement du droit d’amendement. Pourtant, ce qui est ici en jeu, c’est bien la réduction de ce droit démocratique essentiel.

Nous nous sommes évertués, ainsi que nos collègues de l’opposition, à dénoncer cet état de fait, mais, évidemment, en raison de la nécessité de voter ce texte et bien qu’il n’accroisse qu’optiquement les droits du Parlement, la propagande a marché à fond !

Le Président de la République, dans l’entretien accordé au Monde daté du 17 juillet, reconnaît explicitement les limites du texte puisqu’il estime nécessaire de s’autoproclamer garant du droit d’amendement de l’opposition.

Pour notre part, nous préférerions évidemment que les garanties figurent dans la Constitution et ne dépendent pas du bon-vouloir du Président de la République.

Le débat ne peut se poursuivre sérieusement sur un point aussi essentiel pour la démocratie parlementaire sans un éclaircissement sur les intentions présidentielles et, surtout, sans un échange en commission des lois. Nous devons adopter un texte qui apporte les garanties nécessaires, c'est-à-dire un texte conforme aux engagements que prend le Président de la République, mais uniquement par voie de presse !

C’est au Parlement de défendre ses prérogatives. Voilà pourquoi il est tout à fait nécessaire de renvoyer cet article en commission pour l’examiner de manière plus approfondie.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. le vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Naturellement, la commission n’a pas eu à se prononcer sur cette motion puisqu’elle vient d’être déposée.

À titre personnel, et compte tenu de ce qui a été adopté en commission des lois, je suis défavorable à cette demande de renvoi en commission.

Certes, nous abordons ici les conditions d’exercice du droit d’amendement. Je rappelle que le cadre en sera fixé par une loi organique, qui sera par définition relative au Sénat. Les deux assemblées devront donc trouver un accord. Nous en débattrons de nouveau tous ensemble à cette occasion.

Pour cette raison, le renvoi en commission de cet article est inutile.

Debut de section - Permalien
Rachida Dati, garde des sceaux

Le Gouvernement partage l’analyse de M. le vice-président de la commission des lois.

La motion n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

En conséquence, nous poursuivons la discussion de l’article 18.

Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 62 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 121 est présenté par MM. Frimat, Badinter, Bel, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Mauroy, Peyronnet, Sueur, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 62.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet article du projet de loi ne devait pas constituer pour le Gouvernement et pour les membres de l’UMP un élément important de débat. En effet, leur leitmotiv au sujet de ce texte est qu’il renforce le rôle du Parlement et qu’il encadre les pouvoirs du Président de la République. Il leur fallait donc minimiser, voire un peu dissimuler cet article 18, qui tend pourtant à limiter le droit d’amendement.

Nombreux sont ceux qui croyaient une telle duplicité impossible : affirmer la revalorisation du Parlement alors que la séance publique et le droit d’amendement sont mis à mal est en effet un exercice quelque peu ardu !

L’amendement est un outil essentiel du parlementaire pour faire valoir son opinion, engager le débat et soumettre ses idées au vote. C’est d’ailleurs le seul moyen dont dispose réellement l’opposition pour proposer d’autres solutions que celles qui sont avancées par le Gouvernement et la majorité. Réduire le droit d’amendement revient donc à tuer le débat démocratique.

Nous l’avons souligné en première lecture, l’articulation de la promotion du travail en commission, l’inscription de l’encadrement du droit d’amendement par les règles des assemblées après le vote d’une loi organique et la réduction du nombre de séances consacrées au débat législatif préparent une réorganisation profonde de la procédure législative, au détriment du débat pluraliste, démocratique et transparent.

Il faut le rappeler inlassablement, le comité Balladur a clairement préconisé la mise en place d’un « 49-3 » parlementaire aux mains de la majorité de chaque assemblée.

Monsieur le président, je considère que, par cette intervention, j’ai également défendu les amendements n° 63, 64, 65 et 66 déposés par mon groupe sur cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Christiane Demontès, pour présenter l'amendement n° 121.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Initialement, l'article 18 du projet de loi constitutionnelle complétait l'article 44 de la Constitution afin de préciser que le droit d'amendement s'exerce en séance ou en commission selon les conditions et les limites fixées par le règlement des assemblées, dans le cadre déterminé par une loi organique.

En première lecture, le Sénat a supprimé la mention des limites, incluse dans celle des conditions. Il a également supprimé la référence à la loi organique. Le rapporteur de la commission des lois a notamment constaté : « La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l'autonomie des assemblées pour fixer les modalités d'exercice du droit d'amendement. »

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a introduit de nouveau la possibilité d'adopter une loi organique relative au droit d'amendement.

Cette réforme, présentée dans le but de mieux organiser les débats en séance publique, va faciliter le recours aux procédures simplifiées d'adoption des projets et propositions de loi et ainsi conférer à terme un véritable pouvoir législatif aux commissions, sans aucune ratification en séance plénière.

Cette crainte est justifiée par le fait que le droit d'amendement s'exercera dorénavant en séance publique ou en commission et par la réintroduction de la référence à la loi organique, dont l’objet est de définir non seulement le régime des amendements parlementaires, mais aussi le régime des amendements gouvernementaux, afin de fixer un cadre commun de discussion.

Comme vient de le dire Mme Mathon-Poinat, le droit d'amendement est un droit intrinsèque à la fonction de parlementaire. Or il risque de devenir un droit accessoire, cantonné dans la future programmation de la durée du débat public et encadré par les règles relatives à l'irrecevabilité financière ainsi que l'irrecevabilité matérielle nouvelle relative au respect du domaine de la loi, prononcée à la demande du président de l'assemblée.

Les déclarations contradictoires émanant du président de l'Assemblée nationale, des rapporteurs et du Gouvernement nous laissent dans le flou, sans aucune prévisibilité puisque l'article 18 se contente de renvoyer pour son application aux futures dispositions des règlements des assemblées et à celles d'une loi organique.

Ce sujet transcende les clivages partisans. Il concerne aussi bien les parlementaires qui appartiennent à la majorité que ceux qui appartiennent à l'opposition. Ensemble, nous devons nous montrer vigilants et ne toucher au droit d'amendement que si l'on bénéficie de nombreuses garanties.

Ces dernières n'étant pas réunies au stade de la deuxième lecture, nous réitérons avec encore plus d'insistance notre demande de suppression de l'article 18 du projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 63, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Dans le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, après le mot : « ont », sont insérés les mots : « à tout moment du débat ».

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 64, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le premier alinéa de l'article 44 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le Gouvernement ne peut introduire, par amendement à un projet de loi ou une proposition de loi, de dispositions nouvelles autres que celles qui sont en relation directe avec une des dispositions du texte en discussion ou dont l'adoption est soit justifiée par des exigences de caractère constitutionnel soit nécessitée par la coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement. Ces dispositions ne s'appliquent pas aux projets de loi de finances ou de financement de la sécurité sociale. »

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 65, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le troisième alinéa de l'article 44 de la Constitution est supprimé.

Cet amendement a déjà été défendu.

L'amendement n° 8, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :

« Ce droit s'exerce en séance et en commission selon les conditions fixées par les règlements des assemblées. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

L’Assemblée nationale a rétabli l’intervention d’une loi organique pour fixer le « cadre » dans lequel sera exercé le droit d’amendement.

Après les limites et les conditions, voici donc le cadre !

En réalité, il s’agit de synonymes, l’idée de fond étant toujours la même : le Gouvernement entend encadrer le droit d’amendement par une loi organique.

À ce sujet, je rejoins parfaitement les conclusions formulées par M. Hyest lors de la première lecture. Je me permettrai donc, afin de défendre cet amendement, de citer in extenso les propos tenus alors par notre rapporteur : « Votre commission s’est interrogée sur le renvoi à la organique pour déterminer le “cadre” dans lequel s’inscriraient les règlements des assemblées. Dans deux autres articles de la Constitution, les articles 12 et 24, la compétence donnée aux assemblées pour définir les règles qui les concernent n’est pas encadrée. La référence faite ici à la loi organique limite la compétence de principe que la Constitution reconnaît aux règlements des assemblées et contredit l’autonomie des assemblées pour fixer les modalités d’exercice du droit d’amendement. Aussi, nous proposons de supprimer cette référence ».

Je vous propose donc, aujourd'hui, de prendre acte des propos lumineux de notre rapporteur, prononcés ici même voilà quelques semaines, pour supprimer la référence à la loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.