Intervention de Serge Dassault

Réunion du 16 juillet 2008 à 15h00
Orientation budgétaire — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Serge DassaultSerge Dassault :

Monsieur le ministre, je voudrais d’abord vous dire combien je mesure la difficulté de la gestion des finances de l’État dans le contexte actuel. Les graves problèmes financiers de l’économie américaine, la hausse constante du prix du pétrole, une parité dollar-euro très défavorable pour nos exportations, l’augmentation des taux d’intérêt qui aggrave nos charges d’emprunt et la menace de la poussée inflationniste ne facilitent pas votre tâche.

Je voudrais préciser que, dans ce débat comme dans d’autres, je ne suis contre rien a priori, mais que j’essaye de prévoir et d’indiquer les conséquences économiques, qui peuvent être fort graves, de certaines décisions politiques.

Monsieur le ministre, je voudrais vous proposer plusieurs mesures de nature à réduire notre déficit budgétaire, objectif numéro un du Gouvernement.

Premièrement, je souligne que les emprunts utilisés pour financer non pas des investissements mais des charges de fonctionnement récurrentes aggravent sans retour notre endettement. La charge de la dette utilise une part de plus en plus importante de nos recettes fiscales, réduisant d’autant nos capacités de dépenses et nécessitant de nouveaux emprunts. Mortel cercle vicieux !

Il faudrait éviter ce genre d’opérations ou au moins les limiter dans le temps, ce qui n’est malheureusement le cas pour aucune de ces aides. On ne sait pas combien de temps cela va durer. En réalité, ce n’est pas à l’État de payer les charges de sécurité sociale que les entreprises doivent elles-mêmes assumer.

Cela concerne, en particulier, le paiement du passage aux 35 heures, toujours utilisé sans limite depuis dix ans, et sans décision de diminution. Cela aura coûté au budget plus de 100 milliards d’euros à raison de 10 milliards d’euros par an, et tout cela pour ne pas travailler ! Jusqu’à quand cela va-t-il durer alors que les 35 heures disparaissent ?

Cela concerne le projet de loi sur la réforme du temps de travail, dont nous devons, demain matin, aborder l’examen. J’espère pouvoir faire adopter un amendement que je présenterai sur ce sujet.

Cela concerne aussi les paiements par l’État aux entreprises et aux salariés des charges sur salaires jusqu’à 1, 6 SMIC, sans limite et sans décroissance, alors qu’il serait utile de les réduire. Jusqu’à quand cela va-t-il durer ? Il faudrait prévoir, dès maintenant, une limite à ces aides et les réduire peu à peu comme l’a proposé Philippe Marini. C’est très urgent.

La réduction des charges au titre des 35 heures et du SMIC représente aujourd’hui plus de 20 milliards d’euros, soit presque la moitié de notre déficit budgétaire en 2008. Il est temps de s’arrêter. Certes, les entreprises vont réagir, peut-être avec le MEDEF. Mais, entre l’aggravation de la dette de l’État et les difficultés des entreprises, il faut choisir.

En tout cas, la suppression de ces mesures réduirait considérablement nos déficits budgétaires et faciliterait le retour à l’équilibre en 2012.

Deuxièmement, il faudrait réduire les charges sur salaires qui supportent une grande partie du financement de la sécurité sociale : 30 % de ces charges concernent le financement de la sécurité sociale. Il faut trouver le moyen - ce n’est pas facile - de financer la sécurité sociale autrement, évidemment sans l’État, qui n’est plus en mesure de le faire.

Aujourd’hui, il n’y a aucune chance d’équilibre entre les dépenses de la sécurité sociale et leur financement par des prélèvements sur les salaires, ca il n’y a aucun lien entre eux. En vérité, il faut parler non pas de déficit mais de financement insuffisant, car la sécurité sociale n’a pas la maîtrise de ses recettes. Il faut donc trouver de nouveaux financements.

À cause de ce prélèvement sur les salaires, nos coûts de production sont plus élevés que ceux de nos voisins qui ne font pas supporter par les salaires les charges de sécurité sociale. La suppression de cette mesure réduirait les charges sur salaires de 30 % et améliorerait la compétitivité des entreprises. C’est absolument indispensable. Cela réduirait aussi le montant des paiements des charges sociales des entreprises par l’État, ce qui diminuerait d’autant notre déficit.

Ensuite il faudra trouver un paramètre ne concernant ni les salaires ni l’État.

J’ai déjà fait une proposition concernant le chiffre d’affaires hors taxes moins la masse salariale. Cette proposition a beaucoup d’avantages et peu d’inconvénients. Il serait utile de l’étudier.

Elle permettrait de réduire les charges sur salaires et présenterait l’avantage d’être financée par les résultats de l’activité des entreprises sans qu’il soit nécessaire de faire appel à l’État. Un coefficient unique affecté à ce paramètre permettrait d’équilibrer les charges réelles de sécurité sociale. En outre, toutes les entreprises seraient concernées.

On arriverait ainsi à équilibrer les comptes de la sécurité sociale, à réduire les charges des entreprises et celles de l’État. Outre l’équilibre de la sécurité sociale, cela permettrait en même temps la réduction de nos coûts de production, l’amélioration de notre compétitivité ; rien que des avantages ! J’ai appelé ce système « coefficient activité ». Pour le promouvoir, je propose de mettre en place un groupe de travail associant des membres de la commission des finances et de celle des affaires sociales.

Rien n’est parfait, mais il serait suicidaire de ne rien faire. Voila une proposition que je souhaitais formuler pour relancer la croissance et financer correctement la sécurité sociale.

Troisièmement, enfin, permettez-moi de vous faire une nouvelle proposition concernant nos relations avec la Communauté européenne : une harmonisation de notre fiscalité avec celle de nos voisins européens, de manière que nos contribuables payent moins d’impôts, qu’ils ne quittent plus la France, ne serait pas inutile, alors que la France préside la Communauté européenne.

En effet, la disparité avec nos voisins en ce qui concerne certains impôts est trop grande et constitue un appel à l’expatriation. Il faut savoir que, actuellement, deux à trois Français par jour, en moyenne, s’expatrient afin de payer moins d’impôts, et ce ne sont pas les moins fortunés.

La France se vide de ses élites jeunes et moins jeunes, et cela nous cause un préjudice considérable. Cela réduit nos capacités d’investissements – investissements qui se font ailleurs –, notre compétitivité et notre croissance. Il serait donc également urgent d’étudier cette question.

Telles sont, monsieur le ministre, les quelques propositions que je voulais vous présenter, dans la perspective de faciliter notre retour à l’équilibre budgétaire, qui est une absolue priorité.

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