Intervention de Éric Woerth

Réunion du 16 juillet 2008 à 15h00
Orientation budgétaire — Suite d'un débat sur une déclaration du gouvernement

Éric Woerth, ministre :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens juste à ajouter quelques mots dans un débat très dense et qui a débordé du temps qui lui était imparti. Au demeurant, c’est une bonne chose qu’un débat d’orientation budgétaire dure un peu plus longtemps que prévu : c’est le signe que nous avons beaucoup à dire sur nos finances publiques et beaucoup à partager entre opposition et majorité.

Plusieurs d’entre vous ont souligné la justesse de la stratégie que nous mettons en œuvre : soutien à la croissance potentielle, avec les mesures contenues dans la loi relative au travail à l’emploi et au pouvoir d’achat, dans la loi LME et la loi sur le marché du travail que vous allez bientôt examiner.

Cette stratégie est d’autant plus nécessaire que l’environnement national est très perturbé. Nous ne pouvons pas ne pas réagir ! Au contraire, tout nous appelle à plus de réformes justes et efficaces, mais aussi à des réformes structurelles. C’est bien là le cœur de l’action de la majorité.

Face à cette stratégie de réformes, il y a une stratégie de la dépense budgétaire mais aussi de la dépense fiscale. J’ai bien entendu les orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet, au premier titre desquels le président de la commission des finances et le rapporteur général : la maîtrise des dépenses est une question cruciale. Vous avez pu constater, à la lecture des documents que nous vous avons remis, combien nous y attachons d’importance. L’environnement est très contraignant, mais notre réponse est à la hauteur de cet environnement.

Pour maîtriser la dépense, il s’agit d’abord de passer de 2 % à 1 % de progression de la dépense, de mettre en œuvre la politique de révision générale des politiques publiques, avec les décisions qu’elle contient aujourd’hui et celles qui viendront s’y ajouter, d’engager un travail plus en profondeur sur la sphère sociale, même si c’est difficile, même si les mesures à prendre sont délicates : on doit à la fois beaucoup expliquer et beaucoup réformer.

Adrien Gouteyron a évoqué le ministère de la défense et le ministère des affaires étrangères à propos de cet effort de réduction de la dépense. Mais, monsieur le sénateur, tous les ministères sont concernés. Cet effort d’ailleurs n’implique pas moins de politique mais une politique plus adaptée. L’euro dépensé doit être mieux évalué et plus performant. Nous devons cet effort à chacun de nos concitoyens, qui sont aussi des contribuables !

Comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le ministère de la défense va faire beaucoup d’économies en matière de fonctionnement ; ce sera difficile. Son rôle est de répondre à des menaces mesurées, calculées, réfléchies, c’est ce qui ressort du travail mené à l’occasion de l’élaboration du Livre blanc. Il va voir ses crédits d’équipement augmenter de manière assez considérable : 15 milliards d’euros ces dernières années, 18 milliards d’euros dans les années à venir. Cette augmentation provient en partie des économies réalisées sur son propre fonctionnement et recyclées. Il me semble que c’est de bonne méthode.

La maîtrise de la dépense est au cœur de la stratégie de redressement ; Philippe Marini, ainsi que de nombreux autres orateurs l’ont rappelé ; je souhaite le répéter à mon tour.

M. Christian Gaudin a indiqué que nos partenaires étaient également concernés par cet effort de maîtrise de la dépense. En effet, chacun est concerné, dans son domaine, avec son propre système de « gouvernance », avec son propre système de décision.

Le domaine social dispose d’un système très particulier, et l’autonomie des collectivités, nul ici ne peut l’ignorer, doit être totalement respectée, ce qui n’empêche pas le dialogue. Tout en se respectant, l’État et les collectivités locales peuvent avoir un débat clair, net et franc sur l’évolution de leurs rapports en matière de finances mais aussi de compétences. Tout cela ressort de rapports et d’études ; il faut bien à un moment donné en tenir compte.

Nous devrons tenir compte également, dans le domaine de la dépense, des opérateurs, et pas seulement des autres partenaires de la dépense publique. Toutefois, les crédits de ces opérateurs sont inclus dans les crédits des ministères, cela permet de mieux contrôler la situation.

Lorsque l’on parle de « zéro volume » ou de « zéro valeur », cela s’adresse aussi aux politiques d’intervention des ministères. Je pense ainsi à la capacité des opérateurs à recruter. Dans le budget, nous présenterons un tableau des emplois des opérateurs avec une volonté bien définie : tout effort de l’État doit être partagé par les opérateurs de l’État.

Je pense aussi au domaine immobilier, dont M. de Montesquiou a parlé à plusieurs reprises. En la matière, nous devons être exemplaires : l’État est en train de faire beaucoup de progrès à cet égard. Nous connaissons exactement le patrimoine de l’État, monsieur de Montesquiou. Ce qu’il faut, c’est connaître le patrimoine des opérateurs ! C’est une autre affaire ! Mais nous nous efforçons de faire avancer les choses.

J’ai été choqué par les propos de M. Foucaud, propos qui ont d’ailleurs été partiellement repris par Mme Bricq : « Il faut retrouver le chemin de la dépense publique ». Au contraire, il me semble qu’il faut arrêter de prendre le chemin de la dépense publique.

Cela ne signifie pas qu’il ne doit pas y avoir de politique publique, cela ne signifie pas non plus qu’il n’y a pas en France de traditions fondées sur l’intervention de l’État et sur l’importance du service public. Tout cela fait bien sûr partie de notre pacte républicain. Mais ce n’est pas une raison pour faire exploser le volume des dépenses publiques ! Quand on en est à plus de 52, 4 % de dépenses publiques et que l’on dispute à la Suède la première place mondiale, c’est qu’il y a quelque chose d’anormal ! D’autant que les Suédois, eux, ont des finances publiques à peu près en équilibre dans la mesure où ils font par ailleurs les efforts nécessaires pour faire face à cette dépense publique. Si nous faisions les mêmes efforts, cela irait peut-être… mais nous ne les faisons pas !

Dès lors, nous devons être de plus en plus exigeants sur la qualité de cette dépense publique, et je trouve naturel de le dire aux contribuables que sont l’ensemble de nos concitoyens.

La réduction des déficits et la maîtrise de la dépense publique confortent toutes les autres réformes structurelles, mais aussi la croissance. C’est parce qu’il y a une maîtrise de la dépense publique qu’il y a une réforme structurelle de nos politiques, et ces deux éléments conduisent à une transformation profonde de notre pays, qui va retrouver ainsi des marges de manœuvre.

Nous ne faisons pas de la comptabilité, mais de la politique, au sens le plus noble du terme, c’est-à-dire que nous choisissons et hiérarchisons les dépenses en rendant compte à nos concitoyens de la qualité des politiques suivies !

En ce qui concerne les recettes, j’ai bien entendu le message délivré par Jean Arthuis, Philippe Marini, Serge Dassault et beaucoup d’autres orateurs. J’en conviens tout à fait : nous devons préserver nos recettes.

Tout État qui retrouve l’équilibre de ses finances publiques a dû faire un effort important sur la dépense, certes, mais également un effort décisif de préservation de la recette.

« Préserver les recettes » ne signifie pas qu’il ne faut plus accorder d’aides. En fait, il faudra être très attentifs et sélectifs à l’avenir sur tout ce qui concerne la dépense fiscale et, disant cela, je fais écho à Jean Arthuis, Philippe Marini, Alain Vasselle, Christian Gaudin et bien d’autres. Nous devons être très vigilants sur ce sujet ! Nous avons atteint le plafond de ce qui est supportable aujourd’hui.

Une dépense fiscale peut être créée à partir du moment où on en supprime une autre qui n’est plus utile. Il faut donc établir un bilan. Nous le ferons lors de l’élaboration de la loi de finances et je mettrai tout mon pouvoir de conviction pour vous le présenter.

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