Nous retrouvons là une situation qui n’est pas sensiblement différente de celle que nous venons d’évoquer.
Je livre à mes collègues Lecerf et Gélard un cas d’étude, pour leurs étudiants, sur la procédure parlementaire.
Cet amendement porte sur une question qui n’est pas majeure dans les institutions, puisqu’il s’agit simplement de la dénomination à retenir pour le Conseil constitutionnel.
On le sait, il y a une différence absolument radicale entre le Conseil constitutionnel d’origine et celui d’aujourd'hui : l’ouverture de sa saisine aux parlementaires, puis, à présent, aux justiciables, a transformé cette institution en une juridiction constitutionnelle, comme il en existe dans toutes les démocraties, notamment européennes.
Après avoir consulté les présidents successifs du Conseil constitutionnel, notamment les deux précédents, j’ai déposé un amendement visant à modifier la dénomination de cette institution pour que celle-ci corresponde plus à la réalité.
Aujourd'hui, cette institution ne donne pas des conseils, elle rend des décisions juridictionnelles ayant autorité de la chose jugée à l’encontre de toutes les autorités de l’État. Comme la logique le commande, appelons-la donc « Cour constitutionnelle ».
Cet amendement, qui n’est pas d’une grande importance politique, procède simplement du bon sens juridique.
Je n’avais pas compris la raison de l’attachement à une formule dépassée, mais la commission des lois avait émis un avis favorable sur cet amendement, qui a été adopté par le Sénat. J’en ai été ravi, d’autant que les succès sont rares : j’ai compté qu’un de mes amendements en moyenne est adopté par an ! C’est la destruction progressive du pouvoir de convaincre !...
Pour en revenir à mon amendement, j’ai constaté que l'Assemblée nationale est revenue à la dénomination de « Conseil constitutionnel ». Comme tout juriste sérieux, je me suis reporté à ses travaux. Et le résultat est prodigieux ! Les débats qui ont eu lieu sur cet amendement tiennent en quatre lignes !
Deux amendements identiques de suppression ont été déposés, l’un, au nom de la commission, par notre distingué collègue Jean-Luc Warsmann, l’autre par M. Jacques Myard. Aucun d’entre eux n’a étayé son argumentation, se contentant d’indiquer que leur amendement visait à supprimer l’article 24 ter. Le Gouvernement a émis un avis favorable, sans justification. Les amendements identiques ont ensuite été mis aux voix, et l’article a été supprimé, sans mot dire, y compris de l’opposition.
La seule explication, je l’ai trouvée dans le rapport de M. Hyest, et je l’en félicite, lorsqu’il cite le rapport de M. Warsmann. Les députés estiment que la mission juridictionnelle du Conseil constitutionnel « n’est ignorée par personne ».
Je veux bien, mais reconnaissons que c’est une vision singulièrement irénique de la réalité. Si vous demandez à nos concitoyens ce que rend le Conseil – des conseils ou des décisions ? –, je suis sûr qu’ils n’en savent rien !
Par conséquent, je souhaite toujours que l’on reconnaisse à l’institution sa véritable identité de Cour, et cela pour une raison simple : au regard de toutes les juridictions en Europe qui, toutes, sont appelées Cour, il n’est pas bon de nommer « Conseil » une grande institution comme celle-là, qui rend des décisions.