L’article 26 du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République crée un article 61-1 de la Constitution du 4 octobre 1958.
Ce nouvel article permettra à tout justiciable de soulever une exception d’inconstitutionnalité à l’occasion d’un procès si la disposition législative qui lui est applicable lui semble contraire aux droits et libertés reconnus par la Constitution. Par un mécanisme de filtrage, il appartiendra à la Cour de cassation ou au Conseil d’État de saisir le Conseil constitutionnel.
S’agissant du droit local alsacien-mosellan, il n’est pas inconcevable que cette exception soit invoquée au sujet des libertés fondamentales, au motif d’une atteinte aux principes d’égalité devant la loi, de laïcité ou d’unité de la République. Pour l’essentiel, les matières qui relèvent du droit local sont la sécurité sociale, les associations, l’enseignement religieux et le statut des cultes.
Pour ce qui est des cultes, il est important de souligner que la législation locale est conforme au principe de laïcité. Comme vous le savez, ce principe n’interdit pas le financement public des activités religieuses, mais il implique une neutralité de l’État par rapport aux cultes. L’État doit précisément faire preuve de neutralité dans ses choix en matière de nomination des ministres des cultes statutaires.
Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, il n’est pas exclu que l’une ou l’autre disposition du droit local soit déclarée contraire à la Constitution. En effet, la jurisprudence constitutionnelle a développé une conception stricte de l’unité territoriale du régime des libertés publiques, dans le cadre de laquelle le principe même du droit local pourrait être contesté.
Le droit local maintenu en vigueur en Alsace et en Moselle après le retour de ces territoires à la France, et rétabli comme élément de la légalité républicaine après la fin de l’annexion de ces territoires par le IIIe Reich, constitue une institution respectée par tous les gouvernements successifs des IIIe, IVe et Ve Républiques. D’ailleurs, les populations locales y sont très attachées.
Après quatre-vingt-dix ans d’intégration dans le système juridique français, ce droit local apparaît comme une déclinaison spécifique des droits et libertés constitutionnels.
Afin de prévenir toute difficulté, trois possibilités étaient envisageables.
La première aurait consisté à ajouter la phrase suivante à la fin de la première phrase du premier alinéa de l’article 61-1 de la Constitution : « Sont exclues de cette procédure les dispositions législatives maintenues en vigueur par la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et la loi du 1er juin 1924 portant introduction des lois commerciales françaises dans lesdits départements, ainsi que les dispositions ayant modifié ces lois. »
La deuxième aurait visé à rétablir le texte du projet du Gouvernement limitant le domaine de l’exception d’inconstitutionnalité aux lois postérieures à 1958.
Enfin, la troisième aurait eu pour objet d’inscrire le droit local alsacien dans la Constitution, à l’instar du droit des territoires d’outre-mer : « La République reconnaît la légitimité de la législation particulière aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin. » Cette solution est de loin préférable.
Tel est l’objet de cet amendement.