Intervention de Robert Badinter

Réunion du 16 juillet 2008 à 21h30
Modernisation des institutions de la ve république — Article 28

Photo de Robert BadinterRobert Badinter :

Je reviens à la situation telle qu’elle se présente aujourd’hui.

Voilà bien longtemps – plus de cinquante ans – que j’appartiens au paysage judiciaire. Voilà bien longtemps que je fréquente de nombreuses juridictions à travers le monde. Au moment où l’on parle de la magistrature française en cette quasi fin de parcours du projet de loi constitutionnelle, je tiens à dire que l’on ne lui rend pas assez souvent hommage. Elle assume une très haute et très difficile mission au sein de l’État. Or on a souvent le sentiment, y compris chez les responsables politiques, que l’on ne prend pas assez en compte sa mission et les efforts qu’elle accomplit au service de cette mission.

Quand on connaît les justices européennes – je ne prétends pas que nous avons la meilleure justice de toute l’Europe, ni même de toutes les démocraties –, on peut affirmer que la justice française tient fort bien sa place au milieu du concert des justices européennes. Je tenais à le dire !

Madame le garde des sceaux, le projet de loi qui nous est aujourd’hui soumis comporte une avancée que vous avez oublié de citer, et qui est à mes yeux très importante, c’est le fait que les justiciables pourront désormais saisir directement le Conseil supérieur de la magistrature. Pour le reste, ce texte est tout simplement une grande occasion ratée.

Les magistrats étaient en droit d’attendre la parité en matière de nominations. Une formation composée de représentants des magistrats et de représentants de ce qu’on appelle communément la société civile était la seule formule concevable. Cette parité aurait correspondu à ce qui se pratique dans toutes les autres instances identiques en Europe. Certes, la parité est instaurée en matière disciplinaire – c’était le moins que l’on pouvait faire ! –, mais pas pour les nominations.

S’agissant du parquet, j’ai toujours été partisan de son indivisibilité et de sa hiérarchisation. Cela va de soi dans n’importe quelle politique pénale. Cependant, cette hiérarchisation n’a rien à voir avec les garanties que tout magistrat – et les membres du parquet sont bel et bien des magistrats – est en droit d’attendre. Les nominations des magistrats du parquet doivent faire l’objet d’un avis conforme.

Vous avez également évoqué la situation des magistrats du siège. Permettez-moi de vous dire qu’aux temps où nous sommes et compte tenu des réformes intervenues, notamment dans les douze dernières années, les magistrats du parquet ont un pouvoir de décision, notamment en matière de libertés individuelles, qui ne cesse de croître en amont de toute procédure juridictionnelle. Pour toutes ces raisons, ils étaient en droit d’obtenir, eux aussi, un avis conforme. On ne leur donne pas. Tant pis ! Je l’ai dit, c’est une grande occasion ratée.

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