Intervention de Ivan Renar

Réunion du 16 juillet 2008 à 21h30
Modernisation des institutions de la ve république — Article 30 septies

Photo de Ivan RenarIvan Renar :

Malgré tout mon attachement aux langues régionales, et bien qu’ayant été attentif aux interventions favorables à leur inscription dans la Constitution, je continue de penser que celles-ci n’ont pas leur place dans la loi fondamentale.

Dans le même temps, parce que je mesure toute la richesse de ce patrimoine que sont les langues régionales, j’estime que le sujet est suffisamment important pour être l’objet d’une loi spécifique et d’un débat législatif à part entière. En effet, les langues régionales valent mieux qu’une forme d’instrumentalisation dans un débat touchant à la révision de la Constitution.

Comme le disait très bien notre ami Félix Leyzour, amoureux du breton, ancien sénateur et ancien député des Côtes-d’Armor, dans un débat sur les langues régionales : « Le problème des langues et cultures régionales, s’il n’est pas “le” problème en France, est “un” problème qu’il nous faut aborder, avec le souci de sortir par le haut de ces débats biaisés, et de traiter la question avec comme objectif de “servir” la cause des langues régionales et non pour “s’en servir” périodiquement à d’autres fins politiques ».

À ce sujet, on a pu constater, pour le regretter, que ce n’est pas l’inscription de la langue française dans la Constitution en 1992 qui a permis d’endiguer la régression de son usage, y compris dans les instances où elle est pourtant l’une des langues officielles.

Cela devrait faire méditer ceux qui veulent coûte que coûte inscrire les langues régionales dans la Constitution. Ce n’est d’ailleurs pas un passage obligé pour la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

En revanche, veillons à ne pas réduire, au nom de la protection des langues, les citoyens, qui sont des individus libres et égaux, en éléments de groupes ethniques au sein d’une Europe supranationale des régions.

J’ai toujours été un partisan résolu du plurilinguisme et un ardent défenseur de la diversité culturelle. Aussi, je m’inquiète plutôt de l’insuffisance des moyens pourtant indispensables à une réelle promotion des langues, quelles qu’elles soient.

Grâce aux langues régionales, de nombreux Français apprennent à parler rapidement deux langues. D’un côté, l’éducation nationale a tout à gagner de ce bilinguisme, qui est un atout puisqu’on sait qu’il favorise l’apprentissage d’autres 1angues. D’un autre côté, avec la mondialisation, le monde est devenu un village. Notre pays a un besoin énorme et vital de personnes qui parlent le chinois, l’arabe, etc.

Nous avons également la chance de pouvoir compter sur des immigrés dont ces différentes langues sont la langue maternelle. Quelle fabuleuse richesse ! C’est pourquoi nous avons besoin, outre le français, qui est notre langue commune, de pratiquer des langues étrangères, mais aussi de prendre en compte les autres langues de France.

L’introduction des langues régionales au sein du titre de la Constitution relatif aux collectivités territoriales, loin d’être à mes yeux un compromis acceptable, est source, au contraire, d’inquiétudes supplémentaires.

C’est la porte ouverte à de nouveaux désengagements de l’État, qui s’accompagneront de nouveaux transferts de charges sur les collectivités déjà asphyxiées. Ce serait un sérieux recul pour les langues régionales.

Une véritable décentralisation n’a de sens que si elle est accompagnée des moyens financiers et humains, dans le cadre d’une politique nationale, en partenariat avec les collectivités locales. C’est tout le sens de la proposition de loi que nous allons déposer.

Au-delà de l’affichage, pour que les langues régionales demeurent parlées, elles ne doivent pas nécessairement figurer dans la Constitution : elles doivent être pratiquées dans la rue comme à l’école, à la radio comme à la télévision. L’école, les enfants, là est la clé du trésor, pour reprendre une expression d’André Malraux.

La diversité culturelle et linguistique est un véritable patrimoine commun de l’humanité, aussi nécessaire pour le genre humain que la biodiversité dans l’ordre du vivant.

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