Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 16 juillet 2008 à 21h30
Modernisation des institutions de la ve république — Article 33

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Je souhaite m’exprimer sur cette question du référendum qui, d’une certaine manière, renvoie au référendum préalable à l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne.

Nous avons été nombreux dans cet hémicycle à nous opposer, à droite comme à gauche, à ce que l’on pouvait légitimement appeler l’amendement « anti-Turquie ». Nous avons supprimé cette mesure, sans pour autant convaincre l’Assemblée nationale de s’en tenir à la procédure prévue par l’article 89 de la Constitution, et nous le regrettons.

En effet, que l’on soit pour ou contre la Turquie – là n’est pas la question ! – on ne peut créer un système qui a pour objet de soumettre l’entrée d’un pays à un référendum automatique qui n’existe que pour ce seul pays.

Or la nouvelle disposition que l’on nous propose aujourd’hui est en réalité un référendum quasi automatique : le référendum est le principe, sauf si les trois cinquièmes des parlementaires s’y opposent par une motion adoptée en termes identiques par les deux assemblées.

Mes chers collègues, quoi que nous fassions, l’article 88-5 de la Constitution sera marqué du sceau indigne et inique de la discrimination et de la méfiance de nombreux collègues et du Président de la République à l’égard de la Turquie.

Ce texte n’est que le prolongement édulcoré de celui que nous avons supprimé au Sénat : il ressuscite sous une nouvelle forme où toute mention de la population est absente, mais où l’ombre de l’adhésion de la Turquie plane. Quelle hypocrisie !

Le présent article n’est que le résultat d’un tripatouillage visant à contenter les quatre-vingt-cinq députés farouchement opposés à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, et à rassurer ceux d’entre nous qui y voyaient une insulte à l’égard de ce pays.

Pensez au peuple turc qui nous observe : on ne s’honore pas, aujourd’hui, en trouvant un moyen de l’exclure de la construction européenne sans en avoir l’air, par un bricolage juridique !

La philosophie de cet article peut être ainsi résumée : comment évacuer la Turquie sans en avoir l’air. Pourtant, la Turquie, nous en aurons besoin dans l’avenir. C’est un pont vers d’autres pays, vers d’autres mondes.

Mes chers collègues, le mal a déjà été fait : si l’on ne revient pas à la procédure de l’article 89, l’article 88-5 de la Constitution demeurera une insulte à l’égard de la Turquie, et ce, quel que soit le dispositif qui sera inventé pour masquer le mépris que certains portent à ce pays.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion