Initialement, cela a été rappelé, le projet de loi visait à revenir sur la disposition « antiturque » qui avait été introduite dans la Constitution en 2005, sur l’initiative de Jacques Chirac.
Nous avions dénoncé, à l’époque, la mesure tendant à rendre obligatoire l’organisation d’un référendum sur l’adhésion de nouveaux États à l’Union européenne, indépendamment de l’entrée en vigueur du traité établissant une Constitution pour l’Europe, car elle constituait une mesure d’opportunité visant à rassurer une partie de la majorité hostile à l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
Le traitement discriminatoire réservé à la Turquie étant trop visible, le texte initial du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République revenait sur la disposition adoptée en 2005 et prévoyait que toute loi autorisant la ratification d’un traité élargissant l’Union européenne puisse être adoptée, après un vote en termes identiques des deux chambres, par la voie du référendum ou du Parlement réuni en Congrès, avec l’exigence, dans ce dernier cas, d’une majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Mais l’Assemblée nationale, en première lecture, a préféré conserver le principe du référendum obligatoire préalablement à l’entrée éventuelle de la Turquie dans l’Union européenne, tout en écartant cette obligation pour d’autres pays candidats. D’où une rédaction compliquée et confuse qui faisait appel à la démographie et rendait obligatoire le référendum pour les seuls États dont la population représentait plus de 5 % de la population de l’Union européenne.
Le Sénat a voté la suppression de ce référendum obligatoire « antiturc », avec raison, et le retour à l’option entre le référendum et la voie parlementaire pour les futurs élargissements de l’Union européenne.
En deuxième lecture, l’Assemblée nationale a de nouveau modifié l’article 33 du projet de loi. Il est désormais prévu que le référendum est la voie ordinaire pour toute nouvelle adhésion, mais qu’il est possible de recourir à la voie du Congrès lorsqu’un quasi-consensus se dessine chez les parlementaires.
Je vous rappelle les propos de Mme le garde des sceaux : « La consultation du peuple français pour les élargissements les plus importants sera donc assurée par cette voie. Inversement, il sera possible d’éviter d’organiser des référendums de façon trop rapprochée dans des hypothèses où il n’y a pas d’enjeu […]. »
Que signifie l’expression « élargissements importants » et quels sont les élargissements pour lesquels « il n’y a pas d’enjeu » ? Quels sont les critères qui permettront de définir l’importance d’un élargissement ? Tout cela semble bien flou. Et pour cause, il s’agit encore d’une disposition d’opportunité visant la Turquie !
Ainsi, il reviendra au Parlement de décider si l’adhésion de tel ou tel État pose ou non un problème. Non, madame la ministre, c’est au peuple français qu’il appartient de le faire ! Il s’agit du destin de nos peuples : seuls les peuples doivent avoir la possibilité de décider et non pas ceux qui exercent le pouvoir en leur nom. La démocratie muselée qui nous est proposée débouche non pas sur l’avenir, mais sur une impasse !
C’est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen souhaite que cet article soit supprimé de ce projet de loi. Nous voulons que le peuple puisse se prononcer directement sur l’entrée dans l’Union européenne de tout État.