Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à mon tour, je souhaite remercier toutes celles et tous ceux qui ont permis la bonne tenue de ce débat, plus particulièrement en deuxième lecture. Car le rôle du Sénat est, il faut bien le reconnaître, difficile, dans la mesure où la Constitution prévoit que le texte doit être voté en termes identiques par les deux assemblées pour parvenir à l’étape finale du Congrès. Un tel vote nécessite une grande discipline, et je remercie M. le rapporteur d’avoir expliqué tous les aspects de ce texte avec une grande patience.
La réforme constitutionnelle sur laquelle nous sommes amenés à nous prononcer porte une ambition simple, claire et évidente. Si l’on se réfère à l’intitulé du rapport Balladur ou à l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle, il s’agit de construire une République plus démocratique, donc avec des pouvoirs plus équilibrés.
Nous le savons tous, la Ve République a connu plusieurs phases historiques qui ont conduit à un renforcement du rôle du Président de la République ; je pense, notamment, à l’élection au suffrage universel direct en 1962, au quinquennat et à l’inversion du calendrier électoral : toutes ces mesures ont abouti à une présidentialisation accrue de notre régime politique.
Aujourd’hui, on se rend bien compte qu’il faut « desserrer » un certain nombre de contraintes : nécessaires en 1958, celles-ci ne peuvent résister à l’évolution de la société française.
Deux grandes catégories de mesures apparaissent clairement dans le projet de loi constitutionnelle, qui vise à modifier plus de la moitié des articles de la Constitution : d’une part, l’accroissement des pouvoirs du Parlement et la limitation de ceux du Président de la République ; d’autre part, la reconnaissance de nouveaux droits aux citoyens. C’est autour de ces deux idées que notre groupe a essayé de travailler.
Nous reconnaissons tout à fait que, s’agissant des pouvoirs du Parlement, de nombreuses dispositions sont prévues. Le fait que la première chambre saisie se prononcera désormais sur le texte élaboré en commission apparaît comme une véritable révolution. Nous renouons ainsi avec notre tradition parlementaire, interrompue en 1958. Désormais, le Parlement pourra jouer véritablement son rôle.
L’ordre du jour partagé, le nouveau pouvoir de contrôle et d’évaluation des politiques publiques modifient considérablement le fonctionnement du Parlement et définissent son nouveau rôle.
La limitation des pouvoirs du Président de la République, s’agissant notamment des nominations à des postes extrêmement sensibles – il suffit de voir ce qui se passe ces jours-ci – est également un élément qui peut changer profondément la nature de notre régime.
En outre, et c’est pour nous le plus important, deux nouveaux droits sont accordés au citoyen.
L’un d’eux, qui est donné assez facilement et sur lequel nous n’avons probablement pas assez insisté, concerne l’exception d’inconstitutionnalité. Celle-ci manquait dans notre système juridique français. Alors que partout ailleurs, dans les pays voisins, le justiciable peut demander au juge de ne pas appliquer un texte de loi au motif qu’il est inconstitutionnel, cela n’est pas possible en France à l’heure actuelle. Demain, si le projet de loi constitutionnelle est adopté, ce sera possible.
Il s’agit d’une garantie nouvelle extrêmement importante qui est octroyée au citoyen. Grâce à cette mesure, tout le monde pourra saisir le Conseil constitutionnel.
Certes, ce n’est pas la voie de l’action ! Nous aurions pu aller plus loin, notamment en étendant le droit de saisine du Conseil constitutionnel aux groupes parlementaires. Car chaque fois que l’on fera la « purge », si vous permettez l’expression, de l’inconstitutionnalité par la voie de l’action, la sécurité juridique y gagnera.
En tout état de cause, ce nouveau droit accordé au citoyen représente, j’y insiste, un immense progrès.
L’autre droit, sur lequel nous avons mis l’accent tout au long de ce débat, concerne le pluralisme ; bien que le terme soit parfois galvaudé, celui-ci conditionne la liberté : il consiste à faire en sorte que toutes les tendances politiques existant dans notre pays soient reconnues, puissent s’exprimer et avoir une place au sein du Parlement.