Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, messieurs les rapporteurs, il y a presque un an, le 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé sa volonté de porter une grande réforme de la télévision publique, certainement la plus importante depuis plus de vingt ans.
Un vaste débat s’est alors engagé, dans les médias et dans toute la société. Une commission a été constituée, la commission pour la nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé et rassemblant des personnalités très diverses, des professionnels de l’audiovisuel et des parlementaires. Certains d’entre vous ont contribué activement à cette réflexion, je tiens à les en remercier.
Les conclusions, vous le savez, ont été rendues au mois de juin dernier. Un certain nombre de lignes directrices ont alors été annoncées par le Président de la République : affranchir France Télévisions de la logique commerciale en supprimant la publicité d’abord partiellement, puis totalement ; compenser la perte de ressources publicitaires, avec la mise en place par l’État d’un système de financement approprié ; créer une entreprise unique avec différentes antennes ; enfin, réformer la gouvernance des sociétés de l’audiovisuel public.
Les deux projets de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui mettent en œuvre cette grande mutation de la télévision publique. Ils portent également plusieurs autres grandes réformes pour tout le secteur de l’audiovisuel et le cinéma : la création de la société Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, afin de regrouper et de renforcer les médias français et francophones diffusés à l’étranger ; la transposition de la directive européenne « Services de médias audiovisuels », ou directive SMA ; enfin, une grande réforme du Centre national de la cinématographie, le CNC, et du droit du cinéma.
Tout d’abord, la réforme de France Télévisions vise à donner à la télévision publique, à la télévision de tous les Français, une singularité, une identité plus fortes encore au sein d’un paysage audiovisuel de plus en plus diversifié et en constante mutation.
France Télévisions, qui est déjà une société de grande qualité, doit avoir les moyens de se différencier encore plus nettement des chaînes privées, par ses missions, par son exigence et notamment par sa grande ambition culturelle.
Pour cela, le Président de la République a souhaité libérer la télévision publique de la pression publicitaire et donc de la contrainte de l’audimat, et ce en deux étapes : en soirée, dans un premier temps, puis sur l’ensemble de la journée, au moment de l’extinction de l’analogique.
En juin dernier, lorsque la commission pour la nouvelle télévision publique a rendu son rapport, il a été décidé de fixer l’arrêt partiel de la publicité à janvier 2009. C’était une demande forte de France Télévisions que de travailler sur l’année calendaire. Les équipes s’y sont préparées et ont défini de nouvelles grilles. Les annonceurs publicitaires, qui travaillent toujours avec des mois d’avance, l’ont anticipée dès le mois de septembre.
Malheureusement, l’obstruction rencontrée pendant près de quatre semaines lors du débat parlementaire à l’Assemblée nationale a relancé la question du calendrier. Il a semblé important de maintenir la date initiale en demandant au président de France Télévisions de prendre une décision de gestion consistant à ne plus commercialiser les espaces publicitaires à partir de vingt heures. Cette décision était d’ailleurs rendue possible grâce au vote par le Parlement, à la fin de l’année dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, d’une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour France Télévisions.
Cette évolution importante de France Télévisions semble d’ores et déjà très appréciée de tous les Français.
La seconde étape, la suppression totale de la publicité sur les antennes de France Télévisions, en métropole comme outre-mer, interviendra donc au moment de l’extinction définitive de l’analogique sur l’ensemble du territoire.
Conformément aux conclusions de la commission pour la nouvelle télévision publique, cette suppression ne sera pas générale.
Tout d’abord, elle ne s’appliquera pas aux décrochages régionaux et locaux de France 3. Ensuite, seule la publicité commerciale sera interdite : la publicité dite « publicité collective » demeure autorisée, de même que le parrainage. Enfin, les campagnes d’intérêt général, puisqu’elles ne revêtent pas un caractère publicitaire, pourront évidemment continuer d’être diffusées.
Le projet de loi pose le principe de la compensation, par des ressources publiques, du manque à gagner causé par la suppression de la publicité.
Pour fixer son montant, le Gouvernement s’est appuyé sur les travaux menés par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui l’a estimé à 450 millions d’euros. Comme je le disais tout à l’heure, cette somme est désormais garantie par la loi de finances pour 2009 que votre assemblée a votée à la fin de l’année dernière. Je le souligne, le PLF 2009, qui s’inscrit dans un cadre triennal, a également consacré le principe de cette ressource pour les années 2010 et 2011.
Par ailleurs, le projet de loi institue deux nouvelles taxes : une première taxe sur les recettes publicitaires des services de télévisions ou leurs régies, dont le taux sera modulé entre 1, 5 % et 3 %, en fonction du surplus effectif de recettes publicitaires des chaînes de télévision ; une seconde taxe sur le chiffre d’affaires des services de communications électroniques fournis par les opérateurs déclarés auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, taxe dont le taux est fixé à 0, 9 %. Dans les deux cas, un abattement permet d’exempter les plus petits opérateurs.
Enfin, je me félicite que, dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif pour 2008, le législateur ait fait en sorte que la redevance cesse de diminuer, en l’indexant sur le taux de l’inflation dès cette année.
Au-delà de cette réforme, qui va permettre un changement éditorial majeur, le projet de loi modifie également l’organisation interne de France Télévisions, ce qui est également très important.
Sur le modèle de Radio France, France Télévisions deviendra donc une société nationale de programme composée de plusieurs antennes – France 2, France 3, France 4, France 5 et Réseau France Outre-mer, ou RFO – dont les identités seront renforcées. C’était l’une des propositions phare de la commission pour la nouvelle télévision publique et une demande ancienne des dirigeants de France Télévisions.
Le groupe public pourra également développer d’autres services, notamment des services de médias audiovisuels à la demande, ou SMAD. L’identité et les caractéristiques de ces différents services seront définies par le cahier des charges fixé par décret après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel.
Lors de l’élaboration du projet de loi, le Gouvernement a été particulièrement attentif à la garantie de la diversité des programmes, qui est consubstantielle à la diversité des antennes. Je sais que la commission des affaires culturelles formulera des propositions allant aussi dans ce sens. J’y serai particulièrement attentive.
Cette réforme de structure, qui va permettre de réaliser des synergies nécessaires, s’accompagne d’une réforme de la gouvernance. Le Président de la République l’a clairement annoncé le 25 juin dernier : l’État est l’unique actionnaire de France Télévisions et son financeur à plus de 90 %. C’est l’État qui définit les missions de service public. Il est donc légitime qu’il prenne ses responsabilités en nommant le dirigeant -ou la dirigeante - qui sera chargé de les porter.
Le projet de loi modifie ainsi le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme. Mais le secteur public de l’audiovisuel, c’est évident, n’est pas un secteur public comme un autre. La nomination par l’État est donc soumise, d’une part, à l’avis conforme du CSA et, d’autre part, à l’avis des commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire, ainsi que le prévoit le projet de loi organique qui accompagne le projet de loi ordinaire.
En conséquence, les dirigeants de l’audiovisuel public nommés selon cette procédure auront une triple légitimité, celle de l’État actionnaire, celle du CSA et celle du Parlement.
L’État assume ses responsabilités, le CSA contrôle et le Parlement se prononce et rend le débat public.
En ce qui concerne les modalités de retrait des mandats des présidents des entreprises publiques de l’audiovisuel, vous le savez, les députés ont souhaité que le parallélisme des formes s’applique. Nous aurons aussi ce débat au sein de la Haute Assemblée.
Autre sujet de réforme : l’audiovisuel extérieur. Le Président de la République a annoncé dès la fin de l’année 2007 sa volonté de réformer l’audiovisuel extérieur de la France, afin de mieux diffuser la culture française et francophone, mais aussi le regard français sur l’actualité, dans le monde entier.
Sur ce sujet également, la Haute Assemblée a toujours eu le souci de faire en sorte que la voix de la France et de la francophonie rayonne grâce à des médias qui soient autant de relais pour notre culture, notre langue et notre vision du monde.
Le projet de loi vise à améliorer la cohérence de notre politique audiovisuelle extérieure, la lisibilité de ses orientations stratégiques et l’efficacité de chacune de ses entités, Radio France Internationale, ou RFI, France 24 et TV5 Monde.
Des étapes importantes ont d’ores et déjà été franchies, notamment la création, au printemps dernier, de la société dénommée Audiovisuel extérieur de la France, AEF. Elle a vocation à devenir une société holding rassemblant les participations publiques dans RFI, France 24 et TV5 Monde.
À ce titre, le capital de RFI actuellement détenu par l’État est intégralement transféré à AEF par l’article 51 du projet de loi.
Le projet de loi tire les conséquences de cette réforme et remplace, dans la loi du 30 septembre 1986, RFI par AEF, cette dernière étant désormais chargée du pilotage stratégique et de la coordination des sociétés concernées.
AEF devient donc la société nationale de programme chargée de l’audiovisuel extérieur de la France dont la gouvernance est déterminée par la loi de 1986, à l’instar de celle de France Télévisions et de Radio France. À ce titre, AEF et ses filiales, répondant à des missions de service public, seront soumises à des obligations définies par un cahier des charges fixé par décret. La négociation d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État devrait débuter prochainement.
Je le redis, à aucun moment le projet de loi ne remet en cause l’existence et le rôle de RFI, France 24 et TV5 Monde, qui restent les acteurs essentiels du dispositif de l’audiovisuel extérieur de la France.
Au contraire, le projet de loi renforce les moyens de ces sociétés : intégrées à un groupe sur lequel elles pourront s’adosser, elles pourront développer des synergies, dans le respect de leurs identités. Par exemple, la rédaction en arabe de RFI a vocation à se rapprocher de celle de France 24 qui peine, faute de moyens financiers, à augmenter ses temps d’antenne dans cette langue. Ces rapprochements permettront ainsi de développer une vision française de l’actualité dans le monde arabe.
Il s’agit bien d’aboutir, dès cette année, à un dispositif plus cohérent, lisible et efficace grâce à la rénovation de la ligne éditoriale et la mise en commun des moyens de RFI, France 24 et TV5 Monde.
Au-delà de la réforme de l’audiovisuel public, ce projet de loi est la clé de voûte d’une réforme d’ensemble du secteur audiovisuel.
L’objectif est de renforcer globalement la compétitivité des chaînes de télévision, publiques comme privées, dans un univers médiatique en pleine mutation.
Pour cela, nous voulons donner aux chaînes plus de souplesse en matière de publicité, en nous appuyant sur la directive européenne « Services de médias audiovisuels ».
Le régime de la publicité télévisée résultant du décret de 1992 prend désormais en compte les nouvelles règles européennes et je vous propose, dans le texte que vous allez examiner, d’autoriser, dans le même esprit, une seconde coupure publicitaire dans les œuvres. Je le souligne, c’est une mesure très favorable au secteur cinématographique et aux fictions audiovisuelles de longue durée.
En effet, nous l’avons tous remarqué, les chaînes programment de moins en moins de films depuis plusieurs années. Si nous augmentons les recettes tirées de leur diffusion, nous les rendrons beaucoup plus attractifs.
Enfin, la nouvelle directive offre aussi la possibilité de recourir au placement de produits, en excluant bien évidemment les émissions destinées à la jeunesse. Je souhaite qu’il puisse être autorisé et que le CSA en fixe les modalités pratiques. Le placement de produits existe déjà au cinéma, les créateurs et les producteurs savent y recourir sans excès, et il permettrait de trouver des ressources supplémentaires pour la création audiovisuelle.
Il faut en être bien conscient, aujourd’hui, les chaînes de télévision font vivre un grand nombre d’entreprises de production, d’auteurs, de scénaristes, d’artistes et de techniciens, tant dans le monde de l’audiovisuel que dans celui du cinéma, et ce grâce au système des obligations de production, obligations qui sont la juste compensation de l’attribution gratuite des fréquences hertziennes aux chaînes de télévision.
Les chaînes de télévision – publiques comme privées – sont donc aujourd’hui les principaux financeurs de la création dans notre pays. C’est grâce à elles que nous avons le troisième cinéma du monde, après les États-Unis et l’Inde. C’est grâce à elles que notre production audiovisuelle est aussi innovante et dynamique.
Il est donc important, dans le contexte de crise du marché publicitaire français, de faire en sorte que les recettes publicitaires de France Télévisions se reportent sur les autres chaînes et sur les médias producteurs et diffuseurs de contenus.
Le marché publicitaire français est très atypique en Europe : le hors médias et l’affichage y sont en effet particulièrement développés, au détriment des médias traditionnels.
Une des raisons en est une réglementation de la publicité à la télévision particulièrement contraignante par rapport aux normes européennes, pourtant exigeantes et soucieuses de la protection du téléspectateur.
Si nous n’assouplissons pas ces règles, le risque est à la fois que le prix des espaces publicitaires à la télévision augmente considérablement, évinçant alors les plus petits annonceurs, et qu’une partie importante des investissements se reporte sur le « hors médias », l’affichage et internet, ou même qu’ils disparaissent.
Cet assouplissement est donc indispensable pour que notre industrie des programmes et de la création conserve la place qui est la sienne aujourd’hui et puisse se développer dans les années à venir en France et en Europe. Je le répète, c’est sur leur chiffre d’affaires qu’est assise la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle européenne et française. Tout le monde a donc intérêt à ce qu’elles soient en bonne santé.
Par ailleurs, en contrepartie de ces assouplissements, les chaînes ont consenti des efforts importants en faveur des œuvres patrimoniales. C’est le sens des accords interprofessionnels venus récemment remplacer les décrets pris en 2001 par Catherine Tasca. Ces accords recentrent les obligations des chaînes privées en matière de financement de la production indépendante. Ils permettent, en outre, de mieux prendre en compte l’apport économique des chaînes à la production des œuvres qu’elles financent, de reconnaître et d’encourager davantage le travail des auteurs, et de tenir compte de la constitution de groupes constitués de plusieurs chaînes.
C’est donc bien toute l’économie de la filière audiovisuelle qui va se trouver renforcée. J’ai déposé plusieurs amendements pour permettre la mise en œuvre complète de ces accords dès l’année prochaine.
Par ailleurs, j’ai demandé à Dominique Richard et à David Kessler, à qui j’avais confié cette mission sur les chaînes historiques, de la poursuivre avec les nouveaux acteurs de la TNT.
Toutes les chaînes doivent en effet contribuer à l’enrichissement de l’offre de programmes de qualité.
Le projet de loi vise également à rendre les médias davantage accessibles aux personnes handicapées.
Depuis plusieurs années, des efforts importants ont été réalisés en faveur des personnes sourdes et malentendantes, grâce au développement du sous-titrage et de la langue des signes.
Le projet de loi entend favoriser l’accessibilité de la télévision aux personnes aveugles et malvoyantes, par le développement de l’audiodescription. Cette technique consiste à insérer un commentaire oral descriptif dans un programme audiovisuel. Elle est aujourd’hui très peu utilisée en France comme à l’étranger.
Dans le cadre du plan « Handicap visuel », lancé le 2 juin dernier par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et la secrétaire d’État chargée de la solidarité, la Direction du développement des médias a élaboré un rapport sur l’audiodescription. Il a été présenté le 19 juin 2008 à la commission nationale Culture et handicap, que je préside.
J’ai organisé une consultation publique, afin d’associer à cette réflexion les associations de personnes aveugles et malvoyantes et les professionnels du secteur de l’audiovisuel. À la suite de cette consultation, deux séries de dispositions ont été intégrées dans le projet de loi : le renvoi aux conventions conclues entre les chaînes privées et le CSA et aux contrats d’objectifs et de moyens des chaînes publiques, pour fixer les proportions de programmes qui devront être accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.
Pour les chaînes privées, seules celles dont l’audience dépasse 2, 5 % seront assujetties à cette obligation. Les chaînes les plus regardées seront donc concernées : TF1, Canal Plus, M6 et, demain, W9, TMC, NT1 et Gulli. Par ailleurs, il sera possible de valoriser les dépenses d’audiodescription dans le cadre de la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle. Ce sera une incitation vertueuse, j’en suis convaincue.
Le cinquième grand chantier de modernisation prévu par ce projet de loi est l’adaptation de la réglementation aux nouveaux services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD.
La télévision a connu ces dernières années des transformations majeures : télévision numérique terrestre, télévision sur internet, télévision haute définition, télévision en mobilité, pour n’en citer que quelques-unes. Le développement des services à la demande modifie les usages en profondeur, permettant aux téléspectateurs de s’affranchir des programmes linéaires traditionnels, de visionner des contenus au moment où ils le souhaitent.
L’objectif est de permettre à l’ensemble de nos concitoyens de profiter pleinement de ces nouveaux services, comme de faire en sorte que ces derniers fassent toute sa place à la création originale européenne et de langue française.
Cela suppose tout d’abord de moderniser la réglementation audiovisuelle.
Transposant la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels », le projet de loi prévoit d’introduire logiquement les SMAD dans le champ d’application de la loi du 30 septembre 1986.
Il assure ainsi l’extension adaptée de notre régime traditionnel aux services les plus créatifs issus d’internet, en proposant une définition qui couvre les services de vidéo à la demande permettant de visionner des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, mais également les services dits « de télévision de rattrapage » récemment mis en place par les principaux éditeurs de chaînes de télévision français, qui permettent de voir ou de revoir pendant une période donnée les programmes diffusés par les chaînes de télévision.
À l’inverse, et conformément aux termes de la directive SMA, les contenus créés par les utilisateurs et mis à disposition par des sites internet hébergeurs, sont clairement exclus.
Afin de ne pas freiner le développement de ces services nouveaux de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage, nous avons privilégié une réglementation et une régulation souples, légères et progressives. Cette souplesse est d’ailleurs la plus appropriée à la nature très évolutive de ces services.
Je rappelle en effet que la France est, avec près de cinquante services existants, à la pointe des pays européens en la matière.
En prenant soin d’éviter toutes les distorsions de concurrence entre opérateurs, il s’agit donc à la fois de tenir compte de certaines conséquences du développement de ces services à fort potentiel économique et d’éviter de l’entraver.
Trois séries de dispositions s’appliqueront à ces services.
Il s’agit tout d’abord d’assurer la protection des mineurs. Face à l’explosion des contenus pornographiques disponibles sur internet, l’action du CSA, dont chacun s’accorde à reconnaître l’efficacité, s’exercera pleinement sur les SMAD.
Il s’agit ensuite de favoriser la promotion des œuvres européennes. En effet, ces services mettent aujourd’hui à disposition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Ils doivent donc prendre, selon des modalités adaptées, leur part dans le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, à l’instar des services dits « traditionnels » de télévision.
Enfin, les SMAD se verront également appliquer les principes généraux issus de la directive « Services de médias audiovisuels », par exemple ceux qui sont relatifs au respect de la dignité humaine ou à la déontologie des communications commerciales.
À l’occasion de ce projet de loi, je vous propose également de moderniser nos outils de politique publique en faveur du cinéma.
Avec une télévision publique volontariste, un système de contribution au financement de la création élargi à tous les diffuseurs et un puissant soutien de l’État à la création audiovisuelle et cinématographique, administré par le CNC, nous pouvons nous honorer, en France, d’une politique engagée et ambitieuse en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique.
Depuis sa création avec l’instauration d’une taxe spéciale sur le prix des billets de cinéma au lendemain de la guerre, le compte de soutien du CNC n’a cessé d’être adapté aux évolutions du secteur de la création. Il a été étendu peu à peu aux différentes branches du cinéma – de l’écriture à l’aide à la diffusion en vidéo à la demande, mais aussi à la production audiovisuelle puis à la création multimédia et au jeu vidéo –, couvrant ainsi toutes les dimensions de la création patrimoniale d’images animées.
Son mode de financement a été modifié en conséquence par des contributions prélevées sur tous les marchés de l’image et redistribués à l’ensemble de la chaîne de la création et de la diffusion.
Il est important aujourd’hui de renforcer les bases juridiques de ce dispositif unique en son genre, dont les plus anciennes, c'est-à-dire celles qui en portent les racines, sont antérieures à la Constitution de la Ve République !
Pour cela, je vous demande d’autoriser le Gouvernement à rénover par ordonnances son statut juridique et à consolider, en les actualisant, les normes qui régissent le droit du cinéma. La voie par ordonnances est apparue préférable en raison de l’aspect très technique des dispositions, mais aussi de la nécessité de ne pas différer plus longtemps la réforme du CNC attendue par tous.
Le premier projet d’ordonnance renforce l’organisation et le fonctionnement du Centre national de la cinématographie, qui devient un établissement public à part entière, doté d’un conseil d’administration. Par ailleurs, vous avez bien voulu, en loi de finances pour 2009, renforcer l’assise financière du CNC en lui affectant directement les recettes fiscales dont il ne bénéficiait jusqu’à présent que par l’intermédiaire d’un compte d’affectation spéciale. Le CNC voit enfin ses missions adaptées à ce qu’est aujourd’hui le paysage médiatique, avec notamment le soutien à la vidéo à la demande ou à la production d’œuvres conçues pour internet, qu’il a déjà mis en œuvre. Il s’agit donc de réconcilier le droit avec les faits.
Cette première ordonnance a aussi pour objet de réécrire un ensemble de dispositions techniques du droit du cinéma, pour partie inchangées depuis 1946. L’objectif est de les rendre plus intelligibles et conformes à la hiérarchie des normes. Pour renforcer leur efficacité, ces dispositions seront rassemblées dans un même code. Le droit du cinéma, édifice précieux et unique en son genre, qui participe pleinement à l’exception culturelle française, y gagnera en lisibilité.
En outre, une seconde ordonnance permettra de perfectionner à la marge certains outils de régulation de l’industrie du cinéma qui ont fait leurs preuves, comme l’institution du médiateur du cinéma, notamment dans le but de permettre une régulation de la concurrence adaptée aux spécificités de ce secteur et conforme aux objectifs de politique publique en faveur de la création et de sa diffusion à tous les publics.
Il s’agit de la mise en œuvre de propositions formulées dans le rapport intitulé « Cinéma et concurrence » d’Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc. Ces réformes n’appellent que des modifications d’ampleur limitée et ponctuelle en ce qui concerne les aménagements à la législation en vigueur.
Bien entendu, la rédaction de ces deux ordonnances se fera dans le dialogue et la concertation la plus large. Il me semble naturel que les commissions parlementaires compétentes y soient associées, avant que les deux ordonnances soient soumises au Parlement pour ratification, dans un délai de six mois pour la première et de huit mois pour la seconde.
Alors même que vient de s’achever une année particulièrement brillante pour le cinéma français, avec un nombre record d’entrées pour les films français en salles jamais atteint depuis vingt-cinq ans – pas seulement, d’ailleurs, grâce au film Bienvenue chez les Ch’tis –, il convient maintenant que nos instruments de politique publique à l’égard du cinéma, qui font de la France le troisième pays producteur de films au monde, puissent accompagner pleinement la dynamique de ses succès.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est une réforme d’ensemble de l’audiovisuel, de l’audiovisuel public, de l’audiovisuel extérieur, mais aussi du cinéma. C’est une grande réforme culturelle. Ce texte est porté par une grande ambition qui aura des conséquences fortes sur la vie quotidienne des Français, sur le territoire national comme à l’étranger. Le Gouvernement apporte des réponses cohérentes, responsables, à des débats anciens et récurrents. Je pense, par exemple, à la question de la part de la publicité sur le service public, débat ouvert depuis des décennies et qui a trouvé une expression partielle au moment de la loi de 2000.
Le Gouvernement a la volonté de porter cette grande réforme culturelle et de société.
Cette réforme prend en compte le nouveau paysage audiovisuel, dans sa luxuriance, avec le développement d’une offre toujours plus riche, toujours plus diverse et de plus en plus accessible.
Dans trois ans en effet, tous les Français auront accès aux dix-huit chaînes gratuites de la TNT. Au-delà du nombre de chaînes, nos concitoyens s’habituent petit à petit à visionner librement leurs programmes favoris, à l’heure où ils le souhaitent, et passent sans cesse de la télévision à internet. Le paysage audiovisuel change donc aussi vite que les usages.
Il s’agit également d’une réforme qui cherche non pas à opposer le public et le privé, mais à favoriser le développement du service public comme des chaînes privées. Tous concourent à la création et au financement de l’audiovisuel et du cinéma.
Ces deux projets de loi portent bien une réforme globale qui donne à l’ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, leur qualité, leur originalité, leur accessibilité, et ce au bénéfice de tous.
Tel est l’esprit des textes que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui mesdames, messieurs les sénateurs ;
Je sais que la Haute Assemblée a toujours été particulièrement impliquée sur les questions culturelles, sur le secteur de l’audiovisuel. Nous avons tous en mémoire les personnalités très importantes qui, au cours des dernières décennies, ont beaucoup contribué à son ambition et à son exigence de qualité.
Je suis sûre que ce débat apportera beaucoup au projet de loi. Le Gouvernement aborde cette discussion dans un esprit extrêmement ouvert, persuadé que nous allons travailler de concert pour aboutir à un audiovisuel public dans son ensemble qui soit encore plus conforme aux attentes des Français et à l’idée élevée que nous nous faisons de la télévision publique, en France comme à l’étranger.