Séance en hémicycle du 7 janvier 2009 à 16h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le procès-verbal de la séance du lundi 22 décembre 2008 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’ai le regret de vous faire part du décès de notre ancienne collègue Janine Bardou, qui fut sénateur de la Lozère de 1994 à 2001.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

J’ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre du 29 décembre 2008, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi de finances rectificative pour 2008.

Acte est donné de cette décision.

Cette décision du Conseil constitutionnel a été publiée au Journal officiel, édition des Lois et décrets.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Par lettre en date du 5 janvier 2009, M. le Premier ministre m’a fait connaître que, en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l’urgence du projet de loi relatif à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires et guidés et portant diverses dispositions relatives aux transports (501, 2007-2008).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- en application de l’article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-491 du 26 mai 2008 relative aux conditions de commercialisation et d’utilisation de certains engins motorisés ;

- en application de l’article 34 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, le rapport relatif à l’utilisation des ressources du Fonds national de développement et de modernisation de l’apprentissage et à la mise en œuvre des contrats d’objectifs et de moyens visant au développement de l’apprentissage en 2007 ;

- en application de l’article D. 114-4-3 du code de la sécurité sociale, le rapport pour l’année 2008 du Haut Conseil interministériel de la comptabilité des organismes de sécurité sociale ;

- en application de l’article 2 du décret n° 2004-967 du 7 septembre 2004, le rapport de l’Observatoire des territoires pour 2008 ;

Acte est donné du dépôt de ces quatre rapports.

Le premier sera transmis à la commission des lois, les deux suivants à la commission des affaires sociales et le dernier à la commission des affaires économiques. Ces quatre documents seront disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, depuis une douzaine de jours, nous assistons, et la communauté internationale avec nous, totalement impuissants aux attaques israéliennes sur Gaza, où la situation humanitaire est absolument catastrophique, comme l’est la disproportion des forces.

Il serait tout à notre honneur et à celui de notre assemblée d’avoir un débat sur la situation à Gaza.

Aussi, me fondant sur l’article 29 de notre règlement, j’exprime le souhait que la conférence des présidents examine ma demande tendant à l’organisation d’un débat sur une situation d’une urgence absolue dans un Moyen-Orient si prompt à s’enflammer.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Ma chère collègue, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La conférence des présidents, qui se réunira ce soir, à dix-neuf heures, examinera cette demande en même temps qu’elle permettra des échanges, notamment avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sur ce problème douloureux pour chacune et chacun d’entre nous et qui appelle une solution véritable, s’agissant d’une situation qui peut être de nature à déstabiliser non pas seulement l’ensemble du Moyen-Orient, mais le monde.

La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

M. Jack Ralite. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons aborder l’important débat sur la nouvelle télévision publique, réforme historique, a dit le Président de la République…Historique, on verra ; hystérique, on a déjà vu !

Rires et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Nous sommes le 7 janvier ; il est un peu plus de seize heures. Avant-hier, le 5 janvier, à vingt heures trente-cinq, la loi était appliquée ; de fait, imposée.

Exclamations indignées sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Ainsi, le fait accompli passe avant l’examen minutieux et l’étude contradictoire des textes par notre assemblée. C’est très grave.

C’est d’abord une manière de dédaigner, d’insulter, d’humilier les sénatrices et les sénateurs.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

C’est ensuite une incivilité du pouvoir, une pratique gouvernementale que je n’hésite pas à qualifier de délinquante.

C’est enfin un tripatouillage, un déchirement du droit, un basculement du travail législatif à partir d’une pensée unique et dominatrice.

On avait vu, au temps du CPE, une loi votée et promulguée, mais pas appliquée ; aujourd'hui, on voit une loi appliquée, mais ni votée ni promulguée !

Bravo ! et applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

J’espère que l’on entendra ici autre chose qu’une indignation timorée, autre chose qu’un tonnerre de silence.

Le Gouvernement agit de telle manière que, si l’on se taisait, on laisserait en effet s’installer l’habitude de se passer du Sénat.

La présidence du Sénat, qui affiche son désir de changement, doit s’exprimer publiquement, fortement et sans lacune. Autrement, nous serions des élus hallucinés et orphelins de légitimité…Mais nous n’en serions pas moins décidés à nous battre jusqu’au bout !

Applaudissements vifs et prolongés sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Mon rappel au règlement se fondera sur l’article 42, mais je veux auparavant apporter mon soutien à la demande de Nathalie Goulet en vue de l’organisation d’un débat, à nos yeux également absolument indispensable, sur la situation au Proche-Orient.

Monsieur le président, il n’est pas dans mes habitudes de rappeler la Constitution, plusieurs de mes collègues étant bien plus aptes que moi à le faire, mais c’est cependant à elle que je me référerai ici.

En son article 24 elle prévoit en effet clairement que le Parlement vote la loi et qu’il comprend l’Assemblée nationale et le Sénat.

Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, l’article 34 précise en outre – précision ajoutée, contre l’avis du Gouvernement, sur l’initiative de notre collègue David Assouline — que la loi fixe les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias ».

Comme vient de le dire Jack Ralite, il est donc bien de la compétence du législateur de fixer les règles qui concernent l’indépendance des médias, notamment dans le secteur audiovisuel. Or l’indépendance, pour les médias, c’est aussi leur capacité à se financer, pour ne pas dépendre du bon vouloir du pouvoir.

Madame la ministre, dans le texte que vous allez nous présenter, s’agissant de l’indépendance de médias, vous avez fait plusieurs choix.

D’abord, vous avez choisi de soumettre la nomination du président de France Télévisions et du président de Radio France à une décision du Président de la République.

Ensuite, vous avez choisi de supprimer la publicité pour les chaînes publiques.

Certains d’entre nous ont pu dire que nous entrions dans une forme de « berlusconisation » du système audiovisuel français.

Mais je n’ouvre pas le débat de fond, il viendra tout à l’heure, tenant simplement, au travers de ce rappel au règlement, à m’élever contre une pratique sans précédent : on nous demande de débattre d’un texte dont l’une des principales dispositions est d’ores et déjà en application, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

…puisque, à la suite des directives données par le Gouvernement, la publicité est en effet supprimée des chaînes publiques depuis le 5 janvier !

Nous sommes donc placés devant le fait accompli et notre rôle consistera à entériner des décisions déjà prises.

Il y a là, monsieur le président, mes chers collègues, une atteinte aux droits fondamentaux du législateur, aux droits du Parlement et, j’ose le dire, à des principes fondamentaux de notre République.

Madame la ministre, vous n’avez pas voulu nous entendre sur un sujet qui, vous le savez, est essentiel pour tous les démocrates. C’est pourquoi, dans un instant, en nous retirant de l’hémicycle, nous marquerons notre refus de vous écouter vous-même, mais, soyez rassurée, vous pouvez compter sur nous pour revenir ensuite participer aux débats !

Applaudissements prolongés sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Monsieur Ralite, je voudrais vous renvoyer, puisqu’il a été question de lacune, non pas au système lacunaire, qui, en biologie, est un système interstitiel, mais aux propos que j’ai tenus sur une radio hier matin.

J’ai dit à cette occasion que la loi était votée par le Parlement, et par le Parlement seul.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

C’est donc à un débat serein, constructif et positif que nous sommes appelés dans les prochains jours sur un texte qui, une fois enrichi de la contribution du Sénat et après un examen des représentants de notre assemblée et de l’Assemblée nationale, deviendra la loi. Mais c’est à vous de décider.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste

C’est déjà fait ! C’est déjà fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. C’est ce à quoi nous consacrerons les jours qui viennent.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision et du projet de loi organique relatif à la nomination des présidents des sociétés France Télévisions et Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France, adoptés par l’Assemblée nationale après déclaration d’urgence. (nos 145, 144, 150, 152 et 151)

La conférence des présidents a décidé que ces deux projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.-Mmes et MM. les sénateurs du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste se lèvent et quittent l’hémicycle.

Debut de section - Permalien
Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, madame, messieurs les rapporteurs, il y a presque un an, le 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé sa volonté de porter une grande réforme de la télévision publique, certainement la plus importante depuis plus de vingt ans.

Un vaste débat s’est alors engagé, dans les médias et dans toute la société. Une commission a été constituée, la commission pour la nouvelle télévision publique, présidée par Jean-François Copé et rassemblant des personnalités très diverses, des professionnels de l’audiovisuel et des parlementaires. Certains d’entre vous ont contribué activement à cette réflexion, je tiens à les en remercier.

Les conclusions, vous le savez, ont été rendues au mois de juin dernier. Un certain nombre de lignes directrices ont alors été annoncées par le Président de la République : affranchir France Télévisions de la logique commerciale en supprimant la publicité d’abord partiellement, puis totalement ; compenser la perte de ressources publicitaires, avec la mise en place par l’État d’un système de financement approprié ; créer une entreprise unique avec différentes antennes ; enfin, réformer la gouvernance des sociétés de l’audiovisuel public.

Les deux projets de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui mettent en œuvre cette grande mutation de la télévision publique. Ils portent également plusieurs autres grandes réformes pour tout le secteur de l’audiovisuel et le cinéma : la création de la société Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, afin de regrouper et de renforcer les médias français et francophones diffusés à l’étranger ; la transposition de la directive européenne « Services de médias audiovisuels », ou directive SMA ; enfin, une grande réforme du Centre national de la cinématographie, le CNC, et du droit du cinéma.

Tout d’abord, la réforme de France Télévisions vise à donner à la télévision publique, à la télévision de tous les Français, une singularité, une identité plus fortes encore au sein d’un paysage audiovisuel de plus en plus diversifié et en constante mutation.

France Télévisions, qui est déjà une société de grande qualité, doit avoir les moyens de se différencier encore plus nettement des chaînes privées, par ses missions, par son exigence et notamment par sa grande ambition culturelle.

Pour cela, le Président de la République a souhaité libérer la télévision publique de la pression publicitaire et donc de la contrainte de l’audimat, et ce en deux étapes : en soirée, dans un premier temps, puis sur l’ensemble de la journée, au moment de l’extinction de l’analogique.

En juin dernier, lorsque la commission pour la nouvelle télévision publique a rendu son rapport, il a été décidé de fixer l’arrêt partiel de la publicité à janvier 2009. C’était une demande forte de France Télévisions que de travailler sur l’année calendaire. Les équipes s’y sont préparées et ont défini de nouvelles grilles. Les annonceurs publicitaires, qui travaillent toujours avec des mois d’avance, l’ont anticipée dès le mois de septembre.

Malheureusement, l’obstruction rencontrée pendant près de quatre semaines lors du débat parlementaire à l’Assemblée nationale a relancé la question du calendrier. Il a semblé important de maintenir la date initiale en demandant au président de France Télévisions de prendre une décision de gestion consistant à ne plus commercialiser les espaces publicitaires à partir de vingt heures. Cette décision était d’ailleurs rendue possible grâce au vote par le Parlement, à la fin de l’année dernière, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances, d’une dotation budgétaire de 450 millions d’euros pour France Télévisions.

Cette évolution importante de France Télévisions semble d’ores et déjà très appréciée de tous les Français.

La seconde étape, la suppression totale de la publicité sur les antennes de France Télévisions, en métropole comme outre-mer, interviendra donc au moment de l’extinction définitive de l’analogique sur l’ensemble du territoire.

Conformément aux conclusions de la commission pour la nouvelle télévision publique, cette suppression ne sera pas générale.

Tout d’abord, elle ne s’appliquera pas aux décrochages régionaux et locaux de France 3. Ensuite, seule la publicité commerciale sera interdite : la publicité dite « publicité collective » demeure autorisée, de même que le parrainage. Enfin, les campagnes d’intérêt général, puisqu’elles ne revêtent pas un caractère publicitaire, pourront évidemment continuer d’être diffusées.

Le projet de loi pose le principe de la compensation, par des ressources publiques, du manque à gagner causé par la suppression de la publicité.

Pour fixer son montant, le Gouvernement s’est appuyé sur les travaux menés par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui l’a estimé à 450 millions d’euros. Comme je le disais tout à l’heure, cette somme est désormais garantie par la loi de finances pour 2009 que votre assemblée a votée à la fin de l’année dernière. Je le souligne, le PLF 2009, qui s’inscrit dans un cadre triennal, a également consacré le principe de cette ressource pour les années 2010 et 2011.

Par ailleurs, le projet de loi institue deux nouvelles taxes : une première taxe sur les recettes publicitaires des services de télévisions ou leurs régies, dont le taux sera modulé entre 1, 5 % et 3 %, en fonction du surplus effectif de recettes publicitaires des chaînes de télévision ; une seconde taxe sur le chiffre d’affaires des services de communications électroniques fournis par les opérateurs déclarés auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, taxe dont le taux est fixé à 0, 9 %. Dans les deux cas, un abattement permet d’exempter les plus petits opérateurs.

Enfin, je me félicite que, dans le cadre du projet de loi de finances rectificatif pour 2008, le législateur ait fait en sorte que la redevance cesse de diminuer, en l’indexant sur le taux de l’inflation dès cette année.

Au-delà de cette réforme, qui va permettre un changement éditorial majeur, le projet de loi modifie également l’organisation interne de France Télévisions, ce qui est également très important.

Sur le modèle de Radio France, France Télévisions deviendra donc une société nationale de programme composée de plusieurs antennes – France 2, France 3, France 4, France 5 et Réseau France Outre-mer, ou RFO – dont les identités seront renforcées. C’était l’une des propositions phare de la commission pour la nouvelle télévision publique et une demande ancienne des dirigeants de France Télévisions.

Le groupe public pourra également développer d’autres services, notamment des services de médias audiovisuels à la demande, ou SMAD. L’identité et les caractéristiques de ces différents services seront définies par le cahier des charges fixé par décret après avis du Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Lors de l’élaboration du projet de loi, le Gouvernement a été particulièrement attentif à la garantie de la diversité des programmes, qui est consubstantielle à la diversité des antennes. Je sais que la commission des affaires culturelles formulera des propositions allant aussi dans ce sens. J’y serai particulièrement attentive.

Cette réforme de structure, qui va permettre de réaliser des synergies nécessaires, s’accompagne d’une réforme de la gouvernance. Le Président de la République l’a clairement annoncé le 25 juin dernier : l’État est l’unique actionnaire de France Télévisions et son financeur à plus de 90 %. C’est l’État qui définit les missions de service public. Il est donc légitime qu’il prenne ses responsabilités en nommant le dirigeant -ou la dirigeante - qui sera chargé de les porter.

Le projet de loi modifie ainsi le mode de désignation des présidents des sociétés nationales de programme. Mais le secteur public de l’audiovisuel, c’est évident, n’est pas un secteur public comme un autre. La nomination par l’État est donc soumise, d’une part, à l’avis conforme du CSA et, d’autre part, à l’avis des commissions chargées des affaires culturelles de chaque assemblée parlementaire, ainsi que le prévoit le projet de loi organique qui accompagne le projet de loi ordinaire.

En conséquence, les dirigeants de l’audiovisuel public nommés selon cette procédure auront une triple légitimité, celle de l’État actionnaire, celle du CSA et celle du Parlement.

L’État assume ses responsabilités, le CSA contrôle et le Parlement se prononce et rend le débat public.

En ce qui concerne les modalités de retrait des mandats des présidents des entreprises publiques de l’audiovisuel, vous le savez, les députés ont souhaité que le parallélisme des formes s’applique. Nous aurons aussi ce débat au sein de la Haute Assemblée.

Autre sujet de réforme : l’audiovisuel extérieur. Le Président de la République a annoncé dès la fin de l’année 2007 sa volonté de réformer l’audiovisuel extérieur de la France, afin de mieux diffuser la culture française et francophone, mais aussi le regard français sur l’actualité, dans le monde entier.

Sur ce sujet également, la Haute Assemblée a toujours eu le souci de faire en sorte que la voix de la France et de la francophonie rayonne grâce à des médias qui soient autant de relais pour notre culture, notre langue et notre vision du monde.

Le projet de loi vise à améliorer la cohérence de notre politique audiovisuelle extérieure, la lisibilité de ses orientations stratégiques et l’efficacité de chacune de ses entités, Radio France Internationale, ou RFI, France 24 et TV5 Monde.

Des étapes importantes ont d’ores et déjà été franchies, notamment la création, au printemps dernier, de la société dénommée Audiovisuel extérieur de la France, AEF. Elle a vocation à devenir une société holding rassemblant les participations publiques dans RFI, France 24 et TV5 Monde.

À ce titre, le capital de RFI actuellement détenu par l’État est intégralement transféré à AEF par l’article 51 du projet de loi.

Le projet de loi tire les conséquences de cette réforme et remplace, dans la loi du 30 septembre 1986, RFI par AEF, cette dernière étant désormais chargée du pilotage stratégique et de la coordination des sociétés concernées.

AEF devient donc la société nationale de programme chargée de l’audiovisuel extérieur de la France dont la gouvernance est déterminée par la loi de 1986, à l’instar de celle de France Télévisions et de Radio France. À ce titre, AEF et ses filiales, répondant à des missions de service public, seront soumises à des obligations définies par un cahier des charges fixé par décret. La négociation d’un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État devrait débuter prochainement.

Je le redis, à aucun moment le projet de loi ne remet en cause l’existence et le rôle de RFI, France 24 et TV5 Monde, qui restent les acteurs essentiels du dispositif de l’audiovisuel extérieur de la France.

Au contraire, le projet de loi renforce les moyens de ces sociétés : intégrées à un groupe sur lequel elles pourront s’adosser, elles pourront développer des synergies, dans le respect de leurs identités. Par exemple, la rédaction en arabe de RFI a vocation à se rapprocher de celle de France 24 qui peine, faute de moyens financiers, à augmenter ses temps d’antenne dans cette langue. Ces rapprochements permettront ainsi de développer une vision française de l’actualité dans le monde arabe.

Il s’agit bien d’aboutir, dès cette année, à un dispositif plus cohérent, lisible et efficace grâce à la rénovation de la ligne éditoriale et la mise en commun des moyens de RFI, France 24 et TV5 Monde.

Au-delà de la réforme de l’audiovisuel public, ce projet de loi est la clé de voûte d’une réforme d’ensemble du secteur audiovisuel.

L’objectif est de renforcer globalement la compétitivité des chaînes de télévision, publiques comme privées, dans un univers médiatique en pleine mutation.

Pour cela, nous voulons donner aux chaînes plus de souplesse en matière de publicité, en nous appuyant sur la directive européenne « Services de médias audiovisuels ».

Le régime de la publicité télévisée résultant du décret de 1992 prend désormais en compte les nouvelles règles européennes et je vous propose, dans le texte que vous allez examiner, d’autoriser, dans le même esprit, une seconde coupure publicitaire dans les œuvres. Je le souligne, c’est une mesure très favorable au secteur cinématographique et aux fictions audiovisuelles de longue durée.

En effet, nous l’avons tous remarqué, les chaînes programment de moins en moins de films depuis plusieurs années. Si nous augmentons les recettes tirées de leur diffusion, nous les rendrons beaucoup plus attractifs.

Enfin, la nouvelle directive offre aussi la possibilité de recourir au placement de produits, en excluant bien évidemment les émissions destinées à la jeunesse. Je souhaite qu’il puisse être autorisé et que le CSA en fixe les modalités pratiques. Le placement de produits existe déjà au cinéma, les créateurs et les producteurs savent y recourir sans excès, et il permettrait de trouver des ressources supplémentaires pour la création audiovisuelle.

Il faut en être bien conscient, aujourd’hui, les chaînes de télévision font vivre un grand nombre d’entreprises de production, d’auteurs, de scénaristes, d’artistes et de techniciens, tant dans le monde de l’audiovisuel que dans celui du cinéma, et ce grâce au système des obligations de production, obligations qui sont la juste compensation de l’attribution gratuite des fréquences hertziennes aux chaînes de télévision.

Les chaînes de télévision – publiques comme privées – sont donc aujourd’hui les principaux financeurs de la création dans notre pays. C’est grâce à elles que nous avons le troisième cinéma du monde, après les États-Unis et l’Inde. C’est grâce à elles que notre production audiovisuelle est aussi innovante et dynamique.

Il est donc important, dans le contexte de crise du marché publicitaire français, de faire en sorte que les recettes publicitaires de France Télévisions se reportent sur les autres chaînes et sur les médias producteurs et diffuseurs de contenus.

Le marché publicitaire français est très atypique en Europe : le hors médias et l’affichage y sont en effet particulièrement développés, au détriment des médias traditionnels.

Une des raisons en est une réglementation de la publicité à la télévision particulièrement contraignante par rapport aux normes européennes, pourtant exigeantes et soucieuses de la protection du téléspectateur.

Si nous n’assouplissons pas ces règles, le risque est à la fois que le prix des espaces publicitaires à la télévision augmente considérablement, évinçant alors les plus petits annonceurs, et qu’une partie importante des investissements se reporte sur le « hors médias », l’affichage et internet, ou même qu’ils disparaissent.

Cet assouplissement est donc indispensable pour que notre industrie des programmes et de la création conserve la place qui est la sienne aujourd’hui et puisse se développer dans les années à venir en France et en Europe. Je le répète, c’est sur leur chiffre d’affaires qu’est assise la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle européenne et française. Tout le monde a donc intérêt à ce qu’elles soient en bonne santé.

Par ailleurs, en contrepartie de ces assouplissements, les chaînes ont consenti des efforts importants en faveur des œuvres patrimoniales. C’est le sens des accords interprofessionnels venus récemment remplacer les décrets pris en 2001 par Catherine Tasca. Ces accords recentrent les obligations des chaînes privées en matière de financement de la production indépendante. Ils permettent, en outre, de mieux prendre en compte l’apport économique des chaînes à la production des œuvres qu’elles financent, de reconnaître et d’encourager davantage le travail des auteurs, et de tenir compte de la constitution de groupes constitués de plusieurs chaînes.

C’est donc bien toute l’économie de la filière audiovisuelle qui va se trouver renforcée. J’ai déposé plusieurs amendements pour permettre la mise en œuvre complète de ces accords dès l’année prochaine.

Par ailleurs, j’ai demandé à Dominique Richard et à David Kessler, à qui j’avais confié cette mission sur les chaînes historiques, de la poursuivre avec les nouveaux acteurs de la TNT.

Toutes les chaînes doivent en effet contribuer à l’enrichissement de l’offre de programmes de qualité.

Le projet de loi vise également à rendre les médias davantage accessibles aux personnes handicapées.

Depuis plusieurs années, des efforts importants ont été réalisés en faveur des personnes sourdes et malentendantes, grâce au développement du sous-titrage et de la langue des signes.

Le projet de loi entend favoriser l’accessibilité de la télévision aux personnes aveugles et malvoyantes, par le développement de l’audiodescription. Cette technique consiste à insérer un commentaire oral descriptif dans un programme audiovisuel. Elle est aujourd’hui très peu utilisée en France comme à l’étranger.

Dans le cadre du plan « Handicap visuel », lancé le 2 juin dernier par le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, et la secrétaire d’État chargée de la solidarité, la Direction du développement des médias a élaboré un rapport sur l’audiodescription. Il a été présenté le 19 juin 2008 à la commission nationale Culture et handicap, que je préside.

J’ai organisé une consultation publique, afin d’associer à cette réflexion les associations de personnes aveugles et malvoyantes et les professionnels du secteur de l’audiovisuel. À la suite de cette consultation, deux séries de dispositions ont été intégrées dans le projet de loi : le renvoi aux conventions conclues entre les chaînes privées et le CSA et aux contrats d’objectifs et de moyens des chaînes publiques, pour fixer les proportions de programmes qui devront être accessibles aux personnes aveugles ou malvoyantes.

Pour les chaînes privées, seules celles dont l’audience dépasse 2, 5 % seront assujetties à cette obligation. Les chaînes les plus regardées seront donc concernées : TF1, Canal Plus, M6 et, demain, W9, TMC, NT1 et Gulli. Par ailleurs, il sera possible de valoriser les dépenses d’audiodescription dans le cadre de la contribution des chaînes à la production cinématographique et audiovisuelle. Ce sera une incitation vertueuse, j’en suis convaincue.

Le cinquième grand chantier de modernisation prévu par ce projet de loi est l’adaptation de la réglementation aux nouveaux services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD.

La télévision a connu ces dernières années des transformations majeures : télévision numérique terrestre, télévision sur internet, télévision haute définition, télévision en mobilité, pour n’en citer que quelques-unes. Le développement des services à la demande modifie les usages en profondeur, permettant aux téléspectateurs de s’affranchir des programmes linéaires traditionnels, de visionner des contenus au moment où ils le souhaitent.

L’objectif est de permettre à l’ensemble de nos concitoyens de profiter pleinement de ces nouveaux services, comme de faire en sorte que ces derniers fassent toute sa place à la création originale européenne et de langue française.

Cela suppose tout d’abord de moderniser la réglementation audiovisuelle.

Transposant la nouvelle directive « Services de médias audiovisuels », le projet de loi prévoit d’introduire logiquement les SMAD dans le champ d’application de la loi du 30 septembre 1986.

Il assure ainsi l’extension adaptée de notre régime traditionnel aux services les plus créatifs issus d’internet, en proposant une définition qui couvre les services de vidéo à la demande permettant de visionner des œuvres cinématographiques et audiovisuelles, mais également les services dits « de télévision de rattrapage » récemment mis en place par les principaux éditeurs de chaînes de télévision français, qui permettent de voir ou de revoir pendant une période donnée les programmes diffusés par les chaînes de télévision.

À l’inverse, et conformément aux termes de la directive SMA, les contenus créés par les utilisateurs et mis à disposition par des sites internet hébergeurs, sont clairement exclus.

Afin de ne pas freiner le développement de ces services nouveaux de vidéo à la demande et de télévision de rattrapage, nous avons privilégié une réglementation et une régulation souples, légères et progressives. Cette souplesse est d’ailleurs la plus appropriée à la nature très évolutive de ces services.

Je rappelle en effet que la France est, avec près de cinquante services existants, à la pointe des pays européens en la matière.

En prenant soin d’éviter toutes les distorsions de concurrence entre opérateurs, il s’agit donc à la fois de tenir compte de certaines conséquences du développement de ces services à fort potentiel économique et d’éviter de l’entraver.

Trois séries de dispositions s’appliqueront à ces services.

Il s’agit tout d’abord d’assurer la protection des mineurs. Face à l’explosion des contenus pornographiques disponibles sur internet, l’action du CSA, dont chacun s’accorde à reconnaître l’efficacité, s’exercera pleinement sur les SMAD.

Il s’agit ensuite de favoriser la promotion des œuvres européennes. En effet, ces services mettent aujourd’hui à disposition des œuvres audiovisuelles et cinématographiques. Ils doivent donc prendre, selon des modalités adaptées, leur part dans le soutien à la création audiovisuelle et cinématographique, à l’instar des services dits « traditionnels » de télévision.

Enfin, les SMAD se verront également appliquer les principes généraux issus de la directive « Services de médias audiovisuels », par exemple ceux qui sont relatifs au respect de la dignité humaine ou à la déontologie des communications commerciales.

À l’occasion de ce projet de loi, je vous propose également de moderniser nos outils de politique publique en faveur du cinéma.

Avec une télévision publique volontariste, un système de contribution au financement de la création élargi à tous les diffuseurs et un puissant soutien de l’État à la création audiovisuelle et cinématographique, administré par le CNC, nous pouvons nous honorer, en France, d’une politique engagée et ambitieuse en faveur de la création audiovisuelle et cinématographique.

Depuis sa création avec l’instauration d’une taxe spéciale sur le prix des billets de cinéma au lendemain de la guerre, le compte de soutien du CNC n’a cessé d’être adapté aux évolutions du secteur de la création. Il a été étendu peu à peu aux différentes branches du cinéma – de l’écriture à l’aide à la diffusion en vidéo à la demande, mais aussi à la production audiovisuelle puis à la création multimédia et au jeu vidéo –, couvrant ainsi toutes les dimensions de la création patrimoniale d’images animées.

Son mode de financement a été modifié en conséquence par des contributions prélevées sur tous les marchés de l’image et redistribués à l’ensemble de la chaîne de la création et de la diffusion.

Il est important aujourd’hui de renforcer les bases juridiques de ce dispositif unique en son genre, dont les plus anciennes, c'est-à-dire celles qui en portent les racines, sont antérieures à la Constitution de la Ve République !

Pour cela, je vous demande d’autoriser le Gouvernement à rénover par ordonnances son statut juridique et à consolider, en les actualisant, les normes qui régissent le droit du cinéma. La voie par ordonnances est apparue préférable en raison de l’aspect très technique des dispositions, mais aussi de la nécessité de ne pas différer plus longtemps la réforme du CNC attendue par tous.

Le premier projet d’ordonnance renforce l’organisation et le fonctionnement du Centre national de la cinématographie, qui devient un établissement public à part entière, doté d’un conseil d’administration. Par ailleurs, vous avez bien voulu, en loi de finances pour 2009, renforcer l’assise financière du CNC en lui affectant directement les recettes fiscales dont il ne bénéficiait jusqu’à présent que par l’intermédiaire d’un compte d’affectation spéciale. Le CNC voit enfin ses missions adaptées à ce qu’est aujourd’hui le paysage médiatique, avec notamment le soutien à la vidéo à la demande ou à la production d’œuvres conçues pour internet, qu’il a déjà mis en œuvre. Il s’agit donc de réconcilier le droit avec les faits.

Cette première ordonnance a aussi pour objet de réécrire un ensemble de dispositions techniques du droit du cinéma, pour partie inchangées depuis 1946. L’objectif est de les rendre plus intelligibles et conformes à la hiérarchie des normes. Pour renforcer leur efficacité, ces dispositions seront rassemblées dans un même code. Le droit du cinéma, édifice précieux et unique en son genre, qui participe pleinement à l’exception culturelle française, y gagnera en lisibilité.

En outre, une seconde ordonnance permettra de perfectionner à la marge certains outils de régulation de l’industrie du cinéma qui ont fait leurs preuves, comme l’institution du médiateur du cinéma, notamment dans le but de permettre une régulation de la concurrence adaptée aux spécificités de ce secteur et conforme aux objectifs de politique publique en faveur de la création et de sa diffusion à tous les publics.

Il s’agit de la mise en œuvre de propositions formulées dans le rapport intitulé « Cinéma et concurrence » d’Anne Perrot et Jean-Pierre Leclerc. Ces réformes n’appellent que des modifications d’ampleur limitée et ponctuelle en ce qui concerne les aménagements à la législation en vigueur.

Bien entendu, la rédaction de ces deux ordonnances se fera dans le dialogue et la concertation la plus large. Il me semble naturel que les commissions parlementaires compétentes y soient associées, avant que les deux ordonnances soient soumises au Parlement pour ratification, dans un délai de six mois pour la première et de huit mois pour la seconde.

Alors même que vient de s’achever une année particulièrement brillante pour le cinéma français, avec un nombre record d’entrées pour les films français en salles jamais atteint depuis vingt-cinq ans – pas seulement, d’ailleurs, grâce au film Bienvenue chez les Ch’tis –, il convient maintenant que nos instruments de politique publique à l’égard du cinéma, qui font de la France le troisième pays producteur de films au monde, puissent accompagner pleinement la dynamique de ses succès.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi est une réforme d’ensemble de l’audiovisuel, de l’audiovisuel public, de l’audiovisuel extérieur, mais aussi du cinéma. C’est une grande réforme culturelle. Ce texte est porté par une grande ambition qui aura des conséquences fortes sur la vie quotidienne des Français, sur le territoire national comme à l’étranger. Le Gouvernement apporte des réponses cohérentes, responsables, à des débats anciens et récurrents. Je pense, par exemple, à la question de la part de la publicité sur le service public, débat ouvert depuis des décennies et qui a trouvé une expression partielle au moment de la loi de 2000.

Le Gouvernement a la volonté de porter cette grande réforme culturelle et de société.

Cette réforme prend en compte le nouveau paysage audiovisuel, dans sa luxuriance, avec le développement d’une offre toujours plus riche, toujours plus diverse et de plus en plus accessible.

Dans trois ans en effet, tous les Français auront accès aux dix-huit chaînes gratuites de la TNT. Au-delà du nombre de chaînes, nos concitoyens s’habituent petit à petit à visionner librement leurs programmes favoris, à l’heure où ils le souhaitent, et passent sans cesse de la télévision à internet. Le paysage audiovisuel change donc aussi vite que les usages.

Il s’agit également d’une réforme qui cherche non pas à opposer le public et le privé, mais à favoriser le développement du service public comme des chaînes privées. Tous concourent à la création et au financement de l’audiovisuel et du cinéma.

Ces deux projets de loi portent bien une réforme globale qui donne à l’ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, leur qualité, leur originalité, leur accessibilité, et ce au bénéfice de tous.

Tel est l’esprit des textes que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui mesdames, messieurs les sénateurs ;

Je sais que la Haute Assemblée a toujours été particulièrement impliquée sur les questions culturelles, sur le secteur de l’audiovisuel. Nous avons tous en mémoire les personnalités très importantes qui, au cours des dernières décennies, ont beaucoup contribué à son ambition et à son exigence de qualité.

Je suis sûre que ce débat apportera beaucoup au projet de loi. Le Gouvernement aborde cette discussion dans un esprit extrêmement ouvert, persuadé que nous allons travailler de concert pour aboutir à un audiovisuel public dans son ensemble qui soit encore plus conforme aux attentes des Français et à l’idée élevée que nous nous faisons de la télévision publique, en France comme à l’étranger.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « l’organisation du service public de l’audiovisuel est un devoir de l’État. [...] Cette phrase n’insulte aucun avenir ; elle n’interdit aucune réforme en profondeur du service public. Elle interdit sa lente agonie [...]. L’essentiel est d’inscrire le principe de la télévision publique dans les piliers de l’identité française. L’essentiel, c’est vrai, consiste à sacraliser la télévision publique en France. »

Par ces mots, Catherine Clément, philosophe et écrivain, dans son rapport sur l’évaluation, l’analyse et les propositions concernant l’offre culturelle sur France Télévisions remis au ministre de la culture en 2002, a énoncé des principes qui me semblent aujourd’hui prophétiques.

Il faut sacraliser la télévision publique, car elle est un support extraordinaire de transmission de culture et de valeurs. C’est notre patrimoine commun, un outil au service du plus grand nombre. Elle est la première pratique culturelle contemporaine, la quasi-totalité de nos concitoyens la regardant. Pour ce faire, face à un paysage audiovisuel qui a profondément changé ces dernières années et qui va continuer à le faire, il est urgent de moderniser France Télévisions.

Il n’y a pas d’autre solution que le changement : la suppression de la publicité est une chance pour la télévision publique, une chance de sortir des émissions formatées et segmentées, une chance d’accroître son indépendance et sa spécificité, une chance de développer des projets audacieux sans pour autant tomber dans l’élitisme.

Les deux premiers titres du projet de loi visent ainsi, d’une part, à donner à la télévision publique les moyens juridiques et financiers de ce changement, et cela comporte plusieurs aspects, et, d’autre part, à l’inciter à mettre en œuvre les ambitions que l’on a pour elle, à s’emparer de la réforme de l’audiovisuel public.

Ce qui est certain, c’est que la réforme ne se fera pas sans le groupe France Télévisions. Ce groupe a d’ailleurs su prendre en main son destin, ayant déjà, par exemple, opéré un virage éditorial significatif ces dernières années et encore plus ces derniers mois. Reste que le chantier est important et France Télévisions peut, mieux que quiconque, donner un visage et une voix au service public.

Ce visage aura de multiples facettes qui correspondront aux lignes éditoriales des antennes, autant de marques à ne pas confondre avec l’entreprise ; mais il devra être aussi le reflet d’une politique exemplaire du groupe, respectueuse des diversités dans les modes de représentation au sein de la maison mais aussi sur les antennes. Quand je parle de « diversité », c’est, bien sûr, dans une large acception : je vise bien évidemment la diversité culturelle et sociale, mais aussi la diversité des origines et la diversité des sexes qui, toutes, font partie des exigences que l’on doit avoir pour notre audiovisuel public.

Un recensement effectué par le monitorage des médias montre qu’au niveau mondial la présence médiatique des femmes est de 21 %, contre 79 % pour celle des hommes. Selon ce même recensement, la France se situe en dessous de cette moyenne mondiale puisque la place qu’elle accorde aux femmes atteint 17, 7 %, contre 82, 3 % aux hommes. Elle dispose donc d’une certaine marge de progression !

La suppression de la publicité – mesure la plus emblématique du texte – ne doit pas pour autant occulter d’autres enjeux tout aussi fondamentaux. L’avenir passe aussi, bien évidemment, par la mise en place d’un média global. Les modes de communication et les usages médiatiques sont aujourd’hui déjà bouleversés.

Il faut bien mesurer que, s’il est vrai que la « consommation » de la télévision restera demain largement familiale, la délinéarisation permettra à chacun de faire un usage autonome et personnel de cet outil. L’écran du Net favorisera la recherche d’informations ainsi que le dialogue et le mobile sera aussi un écran de services et d’alerte.

De nouveaux produits seront proposés en amont et en aval de la chaîne premium sur tous les supports, déclinant ainsi une offre interactive pour tous les publics.

On pourra regarder – c’est déjà le cas – des émissions de manière différée. Nos jeunes, qui consomment beaucoup d’images et de fictions sur le haut débit et se constituent ainsi leur propre télévision, ont déjà compris le système.

L’essentiel est de pouvoir retrouver sur l’ensemble des supports médiatiques l’image et la voix du service public, avec des programmes spécifiques et un ton reconnaissable.

Donne-t-on à la télévision publique les moyens juridiques et financiers de réaliser ces projets ?

Je ne m’appesantirai pas sur les modalités de mise en place de l’entreprise unique France Télévisions qu’évoquera mon collègue Michel Thiollière, avec lequel j’ai mené un travail de collaboration. Je partage avec lui la conviction que des garanties doivent être apportées à l’entreprise en matière d’indépendance, de pluralisme et de vision à long terme.

Pour ce qui concerne le financement, constitué d’un panachage de ressources, mon collègue évoquera la création des taxes. J’aborderai, quant à moi, une question qui me paraît être au cœur du débat sur la télévision publique : celle de la redevance.

Nous estimons, en effet, que la question du financement de France Télévisions ne peut se passer d’un débat sur la redevance, qui est son financement le plus naturel, le plus dynamique et le plus pérenne. Un financement majoritairement assuré par la redevance, c’est ce qui différencie une télévision publique d’une télévision d’État.

Ce débat, que nous avions tenu à aborder lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2008, se poursuit et se développe ainsi aujourd’hui.

Je souhaite vous exposer, mes chers collègues, les différents arguments en présence.

La commission pour la nouvelle télévision publique a longuement réfléchi sur le modèle de développement et le modèle culturel de France Télévisions. Nous nous félicitons, à ce titre, que nombre de propositions qu’elle a émises aient été reprises à la fois dans le présent projet de loi et dans le projet de cahier des charges élaboré par le ministère de la culture. Le groupe de travail sur le modèle de financement a également œuvré, et de manière importante, notamment sur l’impact de la suppression de la publicité après vingt heures sur les ressources de France Télévisions, en l’estimant assez précisément à 450 millions d’euros.

S’agissant du coût du nouveau modèle de développement envisagé pour France Télévisions, le groupe de travail l’a chiffré à 200 millions d’euros, estimation reposant sur plusieurs ressources, dont les économies et les indexations de la redevance. Ce travail n’a pu que rester approximatif, car il faut reconnaître qu’il paraît difficile de réellement anticiper la totalité des conséquences de la mise en place de l’entreprise unique dans toutes ses dimensions.

De la même manière, la mesure précise de l’impact financier des missions de service public confiées à France Télévisions ne pourra être définitive qu’à l’issue de l’adoption de la loi.

Le groupe est, bien sûr, susceptible de réaliser des économies importantes, mais à quelle hauteur précisément, notamment pour ce qui concerne les trois prochaines années ?

Enfin, la question des possibilités qu’offrirait la modernisation de la redevance n’a pas été étudiée.

Ainsi, ni le coût du développement de France Télévisions, ni celui de la programmation de la nouvelle grille, ni celui de la mise en place de l’entreprise unique, encore moins les gains liés aux synergies mises en place n’ont pu faire l’objet d’une estimation approfondie et documentée.

L’indexation de la redevance prévue par la dernière loi de finances rectificative, âprement obtenue après que notre commission des affaires culturelles l’a défendue sans relâche ces dernières années, devrait permettre d’assurer un financement à euros constants de France Télévisions si l’intégralité de l’augmentation est affectée au groupe.

Si nécessaire soit-elle, cette indexation n’aura cependant qu’un impact de 40 millions d’euros en 2009. La commission des affaires culturelles vous proposera un amendement visant à renforcer le dynamisme de l’indexation en prévoyant que le montant sera arrondi à l’euro supérieur après indexation. Cela reste cependant modeste.

De même, en raison de l’arrivée du média global et de l’utilisation grandissante de l’ordinateur comme récepteur de télévision, la commission vous présentera un amendement visant à étendre la redevance à tout type de terminal. Le but est d’éviter que ne prospère une situation dans laquelle les personnes ayant choisi un mode de réception autre que l’écran traditionnel échappent à cette juste contribution.

Ce sont des premières étapes. Pour aller plus loin, il faut désormais que le législateur bénéficie de moyens dont il ne dispose pas aujourd’hui ; ces éléments n’ont pas été spécifiquement étudiés en détail par la commission Copé. Il faut que tous les aspects de la question évoquée désormais de la nécessaire modernisation de la redevance soient étudiés.

Du fait du manque de données objectives, il ne peut y avoir aujourd’hui de consensus ou d’accord politique ambitieux sur cette question. Nous l’admettons mais, dans ce cas, il est absolument impératif que l’on donne les moyens au Parlement d’étudier de manière plus approfondie la question du financement de France Télévisions.

C’est toute la tâche à laquelle s’est attelée la commission, soucieuse de se donner les conditions nécessaires pour entamer ce travail pour l’année 2009 afin d’aborder la prochaine loi de finances avec tous les éléments adéquats.

Il convient donc tout d’abord de confier au CSA le soin de rendre un rapport au Parlement sur le financement de France Télévisions avant l’examen de chaque projet de loi de finances. La commission a, d’ailleurs, renforcé ses moyens d’enquête afin que le Conseil puisse avoir des données précises et fiables et élaborer son avis de manière indépendante.

En Allemagne, une autorité indépendante spécifique évalue les besoins de financement de l’audiovisuel public. En France, nous avons estimé que le régulateur, autorité administrative indépendante, était le mieux placé pour mener à bien un audit régulier et pertinent de l’entreprise.

Par ailleurs, il faut aussi que le Parlement s’engage dès maintenant à définir le meilleur mode de financement des chaînes publiques. C’est la raison pour laquelle la commission propose la mise en place d’un comité de suivi de la loi, notamment sur le financement, composé de parlementaires et chargé de faire les propositions adéquates, après une enquête précise. Avec l’aide du rapport du CSA publié avant l’examen du projet de loi de finances, l’idée est de faire des propositions précises lors de la discussion du prochain projet de loi de finances afin – pourquoi pas ? –, de relever, si nécessaire, de manière importante le montant de la redevance ou de le baisser si des économies majeures sont réalisables.

Ainsi, nous donnons à France Télévisions les moyens de remplir ses missions à court terme et nous nous engageons, à moyen terme, à lui trouver un mode de financement satisfaisant et conforme à ses missions, un mode de financement qu’il faudra concevoir de manière pluriannuelle : tout chef d’entreprise a besoin d’un suivi sur le long terme.

Par ailleurs, afin de renforcer dès maintenant sa légitimité, nous proposons de mensualiser la redevance, de reconnaître un droit de regard sur la programmation aux téléspectateurs, qui sont aussi les premiers contributeurs de la télévision publique, d’affecter la redevance uniquement aux principaux opérateurs de l’audiovisuel public et même de changer sa dénomination : elle deviendrait la « contribution à la télévision et la radio publiques ». Je rappelle que, si nos propositions étaient adoptées, le montant de la redevance serait porté à 10 euros par mois, ce qui représente trois fois moins qu’un abonnement à un opérateur satellitaire proposant quelques chaînes supplémentaires, et dix fois moins que les dépenses moyennes mensuelles d’un ménage en matière de téléphonie. C’est également moins que le montant de redevance que les Français ont le sentiment de payer et qui s’établit, en moyenne, à 140 euros annuels.

Nous insistons néanmoins sur le fait que cette revalorisation de la redevance ne sera pleinement acceptée que si les programmes évoluent dans le sens d’une plus grande originalité, d’une plus large diversité et d’une meilleure qualité. Il faut donc que France Télévisions s’empare pleinement de la réforme.

C’est l’un des axes sur lequel s’est penchée la commission Copé, notamment le groupe de travail sur le modèle culturel auquel j’ai eu l’honneur de participer. J’insiste, à cet égard, sur la qualité du travail effectué par cette commission grâce à la rigueur et à la pertinence des interventions des professionnels du secteur, auxquels je souhaite aujourd'hui rendre un hommage appuyé. Pour ce qui me concerne, ils ont ouvert une large fenêtre sur la richesse et la complexité de la création et de la production audiovisuelles françaises. La plupart de leurs préconisations ont été reprises dans le projet de cahier des charges, comme le renforcement du soutien à la diversité et à la création, la définition d’une nouvelle ambition culturelle et l’incitation à la mise en place du média global, notamment par la mise en œuvre de nouvelles manières de produire des contenus.

Ce cahier des charges fait ainsi de France Télévisions une télévision exemplaire en matière d’accessibilité aux personnes handicapées, d’accès à la culture, de promotion de la citoyenneté, d’éducation de la jeunesse, de sensibilisation à notre environnement, à l’Europe. Je vous y renvoie parce qu’il serait fastidieux en cet instant de vous en décliner le contenu.

C’est bien, c’est même très bien, mais l’on peut encore faire mieux. C’est la raison pour laquelle l’Assemblée nationale a élargi le champ des missions de service public. C’est aussi la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles vous proposera de promouvoir le multilinguisme dans les programmes de France Télévisions, en rendant systématiquement accessible la version originale des œuvres étrangères diffusées, …

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

…et, surtout, de rendre gratuite la télévision de rattrapage sur les sites internet de France Télévisions.

Il est capital, selon moi, que les programmes financés par la contribution à la télévision et à la radio publiques soient accessibles gratuitement dans un certain délai après leur diffusion à l’antenne. Cette disposition rajeunira l’audience des chaînes de France Télévisions et donnera une justification supplémentaire à la revalorisation de la redevance.

Si l’on veut une réforme de l’audiovisuel réussie, il faut de nouveaux services pour les citoyens. Voilà deux services qui nous ont semblé être au cœur de la mission de service public.

Par ailleurs, la commission pour la nouvelle télévision publique a décrypté les raisons du succès des chaînes publiques étrangères comme la BBC. Je constate que le projet de loi permet une adaptation pertinente du modèle de l’audiovisuel public français. Cette évolution s’inscrira dans une mutation européenne globale accompagnée par une transposition équilibrée de la directive « Services de médias audiovisuels », la directive SMA. Ce rapprochement des régimes juridiques en Europe devrait permettre de répondre aux impératifs de protection des mineurs, d’accessibilité des programmes et de développement des nouvelles méthodes de production et de diffusion.

Après avoir évoqué les conditions du succès de la présente réforme, je souhaite enfin dissiper quelques inquiétudes qui apparaissent ici et là.

Tout d’abord, nous nous attachons à ce que le secteur de la création sorte renforcé de ce projet de loi. Le risque est qu’une plus grande diversité n’engendre pas plus de création

Je veux maintenant dire quelques mots, mes chers collègues, sur le formidable secteur qu’est l’industrie de la création, source de nombreuses richesses et de nombreux emplois, elle qui fait travailler en partenariat des producteurs, des auteurs, des créateurs, des techniciens, ainsi que des réalisateurs, autant de métiers artistiques qui font vivre cette industrie et qui en vivent.

Notre pays peut s’enorgueillir de cette industrie culturelle. Rappelons que la moitié des films nommés aux César en 2008 étaient coproduits par France 2 Cinéma et par France 3 Cinéma. Il faut avoir cela à l’esprit lorsque l’on envisage une réforme profonde du paysage audiovisuel français. La richesse des métiers de la production pourra d’autant mieux s’exprimer, selon moi, que les regards des différentes chaînes du paysage audiovisuel français seront multiples, différents, singuliers.

Au cours des auditions qu’ils ont conduites, vos rapporteurs ont pu constater que l’idée de constituer des unités de programme au sein de l’entreprise unique éveillait l’intérêt mais suscitait aussi un certain nombre de craintes.

Mes chers collègues, tout en maintenant le principe des unités de programme, la commission des affaires culturelles vous proposera donc des amendements visant à assurer la collégialité des décisions prises par France Télévisions, afin que la mise en place de l’entreprise unique ne signifie pas qu’une seule personne tiendra dans ses mains l’ensemble de la programmation des chaînes publiques.

Garantir le financement de l’audiovisuel public, c’est préserver l’économie de ce secteur face à la concurrence du marché américain.

En outre, nous souhaitons renforcer l’identité des différents réseaux, et notamment de France 3, dite « la chaîne des régions ». J’évoquerai en quelques mots ce sujet auquel, mes chers collègues, je vous sais sensibles.

La chaîne préférée des Français doit sortir dynamisée de l’examen de ce texte. À cet égard, la commission des affaires culturelles a proposé de confirmer l’existence législative de France 3 et de préciser ses missions, au premier rang desquelles figure la dimension régionale, qui doit être renforcée.

Les temps de décrochage sont aujourd’hui largement insuffisants. Sans se départir de sa dimension nationale, France Télévisions devra non seulement diffuser plus – c’est évident –, mais aussi concevoir des programmes en région.

France 3 dispose en effet d’un énorme potentiel : elle est la seule chaîne qui puisse, jour après jour, refléter la richesse de la vie culturelle, économique, sociale et politique de nos territoires.

Avec la mondialisation, les Français aspirent à un ancrage territorial. Il faut donc laisser plus de place sur les antennes, y compris nationales, aux programmes conçus et réalisés dans les régions.

De même, la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France devra trouver un équilibre pertinent qui soit à la hauteur des ambitions que nous avons conçues pour elle. Les amendements que nous proposerons viseront principalement à améliorer le contrôle du Parlement sur cet organisme et à stabiliser son conseil d’administration.

Mes chers collègues, malgré ma satisfaction d’ensemble, qui ne sera entière que si le Sénat accepte de suivre les propositions de la commission dont j’ai l’honneur d’être le co-rapporteur, je souhaiterais vous faire part d’un regret personnel.

La commission Copé avait proposé que la suppression de la publicité après vingt heures ne soit effective qu’en septembre prochain, ce qui aurait permis de laisser plus de temps au débat et à l’analyse, ainsi que d’apaiser les esprits. Cette proposition n’a pas été retenue : le conseil d’administration de France Télévisions a dû accéder à la requête du Gouvernement et appliquer cette mesure dès le 5 janvier dernier.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J’en prends acte, par réalisme et pragmatisme, mais je ne pouvais, à ce moment de la discussion, faire taire en moi la voix du regret.

Avant de conclure, je soulignerai que nous allons vivre une période d’innovation passionnante, dont nous devons nous emparer.

Au cœur du paysage nouveau, le service public doit jouer un rôle central et exemplaire ; il doit être le moteur de la recherche, du développement et de la créativité des programmes.

Mes chers collègues, c’est un TGV que nous lançons. Il faut donc veiller – et nous comptons sur vous à cet égard, madame la ministre – à lui offrir, pour les années qui viennent, des moyens qui ne soient pas ceux d’un train corail !

Enfin, je me félicite de l’avis favorable émis par la commission sur ce projet de loi, sous réserve de l’adoption des amendements ambitieux, mais propres à conforter l’équilibre du texte, qu’elle vous proposera tout au long de ce débat.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après Mme Catherine Morin-Desailly, je vous livrerai à mon tour quelques éléments de réflexion puisés dans les travaux de la commission des affaires culturelles.

Catherine Morin-Desailly soulignait à l’instant que nous lancions un TGV. Or, comme vous l’aurez remarqué, un tel train, pour bien fonctionner, doit posséder une cabine de tête et une cabine de queue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

C’est ainsi que nous avons travaillé, ensemble, afin de faire avancer notre TGV !

Mes chers collègues, rarement projets de loi auront fait couler autant d’encre que ceux que nous examinons aujourd’hui.

Sur l’origine de la réforme qui nous occupe, tout a été dit, ou presque, depuis un an. La grande comme la petite histoire auront été scrutées, analysées et parfois même inventées. En effet, nous entamons l’examen de ces textes presque un an jour pour jour après le discours du Président de la République sur la réforme de l’audiovisuel public.

Mes chers collègues, nous avons l’impression que tout a été dit, mais je veux souligner que rien n’est encore fait.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Au contraire même, tout reste à faire pour lancer la réforme de l’audiovisuel public.

Certes, le 5 janvier dernier – voilà donc deux jours –, une réforme importante est intervenue, à savoir la suppression de la publicité, qui modifie considérablement la grille des programmes.

Nous avons eu l’occasion d’en discuter entre nous et de nous exprimer à cet égard. Nous estimons qu’il s’agit d’une réforme utile, même s’il est vrai que son calendrier, c'est-à-dire le télescopage de son entrée en vigueur avec l’examen de ce texte au Sénat, a heurté un certain nombre d’entre nous.

Il nous appartient à présent de nous exprimer sur ce projet de loi, car, je le répète, la suppression de la publicité n’épuise pas le débat sur l’audiovisuel public, loin s’en faut, tant sont considérables les enjeux auxquels nous sommes confrontés.

D'ailleurs, le 5 janvier dernier au soir, France 2 a programmé une très belle émission, Rendez-vous en terre inconnue, qui a rencontré un grand succès d’audience. De nombreux Français ont pu l’apprécier sans coupure publicitaire. C’est l’occasion pour nous de rendre hommage à ceux qui conçoivent et programment ces émissions, lesquelles sont tout à l’honneur du service public.

Le paysage audiovisuel est bien différent aujourd'hui de ce qu’il était voilà maintenant vingt-deux ans, quand fut adoptée la dernière loi importante dans ce domaine. La télévision a en effet changé de périmètre. Son volume n’est plus du tout le même : il n’y a pas si longtemps, mes chers collègues, nous disposions de quelques chaînes seulement ; aujourd'hui, nous pouvons en recevoir dix-huit gratuitement grâce à la TNT, et des centaines grâce au satellite.

Compte tenu de ce grand changement, nous avons le devoir de légiférer en nous adaptant aux nouvelles pratiques de nos concitoyens.

Le 8 janvier 2008, l’annonce par le Président de la République de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques fut une surprise, une surprise heureuse pour nombre d’entre nous qui attendions cette mesure depuis longtemps.

Toutefois, ce jour-là, le chef de l’État a également souligné que cette réforme n’avait pas seulement des enjeux financiers : elle met en cause des valeurs, à savoir la transmission des connaissances, la création et l’éducation. Je souhaite y insister, après Catherine Morin-Desailly, au moment où s’engage une réforme essentielle de l’audiovisuel public, car ces valeurs sont au cœur du service que nous devons rendre aux Français.

Si, depuis quelques jours, le Sénat a paru parfois dépossédé de son débat, si quelques-uns d’entre nous ont été blessés par le calendrier adopté, je tiens néanmoins à vous indiquer, mes chers collègues, que la commission des affaires culturelles a l’intention de s’emparer de cette question dans tous ses aspects, et de débattre au fond de l’audiovisuel, sans céder à l’amertume. En effet, le Sénat doit être volontaire, ambitieux et constructif dans l’examen de ce projet de loi.

Dans cette perceptive, nous avons mené au sein de la commission une réflexion, qui se poursuivra d'ailleurs dans les semaines qui viennent. Nous avons beaucoup dialogué, en écoutant des avis nombreux, divergents parfois, mais qui avaient tous la même ambition : refondre l’audiovisuel public de notre pays.

Nous nous sommes aussi efforcés, autant que faire se pouvait, de développer une vision d’avenir, en réfléchissant à ce que doit être à long terme le paysage de l’audiovisuel français.

Confrontés à ces enjeux, et parfois aussi à certaines idées reçues, nous souhaitons évoquer quatre exigences, qui nous semblent fondamentales, afin de baliser les nouveaux territoires de l’audiovisuel : un bon équilibre entre les secteurs public et privé, l’indépendance du secteur public – cela va sans dire –, le service public rendu à tous les Français et le domaine de la création.

En ce qui concerne l’équilibre entre le secteur public et le secteur privé, notre pays a besoin, à mon avis, d’un pôle public fort, ambitieux et populaire dans le meilleur sens du terme, c'est-à-dire qui s’attache à toucher le plus grand nombre d’entre nous.

Comme le soulignait le réalisateur Pascal Thomas dans l’entretien qu’il a accordé au journal Le Monde le 3 janvier dernier, ce nouveau pôle public devra être, en quelque sorte, désintoxiqué de la publicité. Il aura une véritable vocation de service public, avec des contraintes et un métier qui lui sont propres, certes, mais aussi des ambitions nobles.

Parallèlement, notre pays a tout intérêt à disposer d’un pôle privé qui soit fort, parce qu’il sera ainsi garant de la pluralité de l’offre et de la diversité des contenus offerts à nos concitoyens.

C’est l’occasion pour nous de rendre hommage aux salariés qui travaillent dans le service public ou dans le secteur privé de l’information, à la télévision comme à la radio, parce qu’ils sont compétents et mettent tout en œuvre pour offrir des programmes de qualité à nos concitoyens.

Ces deux pôles, essentiels pour garantir une offre de service diversifiée, contribuent aussi à assurer la présence de notre pays partout dans le monde, du moins là où nos nombreuses chaînes de télévision et de radio sont vues et entendues.

En ce qui concerne l’indépendance, nous devons nous arrêter un instant sur le sens de ce mot.

À qui doit profiter cette indépendance ? Selon nous, elle doit d'abord servir les Français, les valeurs de la République et la création ! S'agissant du service public, par rapport à quoi s’exerce-t-elle ? Par rapport aux intérêts commerciaux, au formatage des idées, dont on sait qu’il peut atteindre tous les domaines de la société, et à la pensée unique. Comment atteindre ce haut niveau d’indépendance ? Tout d'abord, en faisant confiance à l’indépendance d’esprit de ceux qui travaillent dans le service public et auxquels je rendais hommage, très sincèrement, voilà un instant.

Cette indépendance s’applique aussi au domaine de la création et de l’innovation. Ceux qui sont chargés de l’audiovisuel doivent faire preuve à la fois de créativité et d’innovation, car celles-ci constituent également des garanties d’indépendance.

Bien entendu, se posent les questions de la nomination et, éventuellement, de la révocation du mandat du président de France Télévisions, qui ont fait l’objet de longs débats.

En ce qui concerne la nomination du président de France Télévisions, il ne nous paraît pas illégitime, dans un pays comme le nôtre, que le Président de la République puisse indiquer clairement et de façon transparente à qui il souhaite confier la responsabilité de cette entreprise.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Cela étant, certaines garanties doivent être prévues.

Cette situation vaudra mieux, selon nous, que l’hypocrisie qui prévalait jusqu’à présent. Ainsi, le CSA devait tenir secrètes certaines de ses délibérations, alors que tout le monde connaissait l’existence de complicités, pour ne pas dire de connivences, entre cette instance et le pouvoir exécutif pour la nomination du président de France Télévisions. Mes chers collègues, nous ne referons pas l’Histoire aujourd'hui, mais tout le monde a cette réalité en tête !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Nous voulons que cette nomination soit transparente, que son processus se déroule devant tous ceux que nous représentons. C'est pourquoi nous souhaitons que l’audition du responsable proposé soit publique, y compris lorsque celui-ci se présentera au Sénat, devant notre commission, afin que tout le monde sache clairement pour quelles raisons il sera retenu.En outre, vous le savez, une majorité des trois cinquièmes sera nécessaire dans les commissions des deux assemblées afin de décider de la nomination du président de France Télévisions.

En ce qui concerne l’éventuelle révocation du président de France Télévisions, il faut tout d'abord ramener ce problème à de justes proportions : une telle procédure ne se produit pas tous les jours, et c’est heureux !

Néanmoins, si, par extraordinaire, ce cas de figure devait survenir, nous devons, cette fois encore, instituer une procédure qui garantisse la transparence et le respect d’un certain nombre de principes républicains. Sur ce point également, la commission des affaires culturelles vous fera des propositions permettant d’aller de l’avant.

L’indépendance de France Télévisions doit également être financière. La commission des affaires culturelles a beaucoup travaillé sur cette question, et je ne reviendrai pas sur les propos tenus par Catherine Morin-Desailly, notamment en ce qui concerne la redevance audiovisuelle. Comme vous l’aurez compris, nous souhaitons que cette imposition soit à l’avenir à la fois plus dynamique, plus juste et plus lisible.

Cela dit, l’entreprise unique que nous allons mettre en place à travers ce projet de loi doit bénéficier des moyens nécessaires à son fonctionnement. Avant de voter ce texte, nous souhaitons disposer des avis et conseils formulés par le CSA, qui nous éclaireront sur les moyens nécessaires au service public de l’audiovisuel.

Par ailleurs, certaines taxes ont déjà été mises en place. Nous aurons l’occasion d’en débattre, mais il est clair pour nous que ces impositions, qu’elles portent sur la publicité ou sur les fournisseurs d’accès à internet, ont pour vocation d’accompagner le lancement de la réforme de l’audiovisuel mais pas forcément d’être pérennisées !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

C'est pourquoi nous souhaitons que ces taxes soient évaluées au cours de l’année 2009 et que nous en débattions de nouveau, en fonction du résultat des études qui auront été menées.

Néanmoins, si nous voulons que France Télévisions dispose des moyens de fonctionner, il nous semble indispensable que ces deux taxes soient maintenues au niveau fixé lors de leur adoption par l’Assemblée nationale et qu’elles soient opérationnelles dès 2009.

Enfin, s'agissant de l’indépendance financière de l’audiovisuel public, je voudrais souligner, après Mme la ministre, que France Télévisions disposera en 2009 – nous en avons l’assurance – des moyens nécessaires à son fonctionnement, grâce à la redevance, à ses ressources propres et à la subvention de 450 millions d'euros versée par le budget de l’État.

Vous avez d'ailleurs rappelé, madame la ministre, que cette contribution serait pérenne, ou en tout cas pluriannuelle, et qu’elle serait indexée chaque année de manière à garantir à France Télévisions son indépendance financière.

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

La troisième exigence concerne le service rendu au public : nous préoccuper des attentes de nos concitoyens, alors que nous travaillons sur ce domaine de l’audiovisuel, me semble être la moindre des choses. Nous serons donc intransigeants à cet égard.

Le service public de l’audiovisuel se doit d’assurer des missions fondamentales – informer, cultiver, distraire –, qui nécessitent d’être mises au goût du xxie siècle.

Je prendrai quelques exemples très concrets.

Comme le soulignait Mme le rapporteur tout à l’heure, il y a des missions propres à nos territoires. Nous sommes tous enracinés dans nos territoires, nous avons besoin que ces derniers vivent et que leur vitalité soit reprise et traduite dans les programmes télévisés, notamment la télévision publique. C’est pourquoi nous souhaitons que les émissions de France 3 fassent état de ce qui se passe dans les territoires et que, sur le plan national, des émissions retracent ce que nous vivons dans nos départements dans les domaines de la culture, de l’économie et de l’activité sociale.

Par ailleurs, l’audiovisuel extérieur de la France est une très belle aventure française, une nécessité pour notre pays et une lumière de la France attendue partout dans le monde.

C’est, pour nous, l’occasion de nous ouvrir au monde : ainsi, la diffusion sur le service public d’émissions ou de films en version originale sous-titrée témoignerait d’un respect de la création mais aussi d’une ouverture de nos concitoyens au monde, et favoriserait l’apprentissage des langues étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Thiollière

Nous souhaitons également que les médias nouveaux puissent servir le public.

C’est la raison pour laquelle nous préconisons que les émissions de France Télévisions puissent être regardées gratuitement par nos concitoyens via internet pendant une semaine après leur première diffusion : ce serait une « télévision de rattrapage » pour ceux qui n’ont pas la possibilité de les voir « en première lecture », pour employer le vocabulaire parlementaire.

J’évoquais le rayonnement de notre pays à travers le monde : il est bien entendu essentiel que nous fassions connaître la création française à l’étranger. Nombre de nos concitoyens, à travers le monde, ont besoin de cet audiovisuel extérieur.

Je ne reviendrai pas sur le média global, Catherine Morin-Dessailly ayant fort bien exprimé notre position sur ce sujet.

Enfin, la dernière exigence a trait à la création.

La création véhicule l’image de notre pays, et elle est donc importante à la fois pour ce dernier et pour nos concitoyens. De par le monde, nombreux sont les opérateurs privés, les sociétés privées, les particuliers qui s’intéressent à la France et ont besoin de savoir où en est la création dans notre pays.

La création traduit tout à la fois une avancée par rapport à ce que vit une société et un regard sur la « vigilance républicaine » par rapport au monde actuel, parfois un peu fou, troublé par quelques désordres malheureux et des guerres face auxquelles nous nous sentons souvent impuissants.

La création est aussi un fabuleux levier de développement. Elle engendre des dizaines de milliers d’emplois en France – nous avons eu l’occasion d’en parler au cours de l’examen d’un précédent texte, madame la ministre –, et les créateurs ont donc besoin, aujourd’hui, qu’on leur fasse confiance pour que notre pays, avec eux, aille plus loin.

L’audiovisuel public doit être encouragé dans sa démarche de création. N’oublions pas qu’il est actuellement, et de loin, le premier commanditaire de fictions. Cela lui permet d’évoluer favorablement.

Mme le rapporteur évoquait tout à l’heure la crainte de certains que, dans le domaine de la création, l’entreprise unique ne se traduise par un guichet unique.

Bien entendu, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Afin que les choses soient claires, nous déposerons un amendement visant à garantir une commande diversifiée, dans le domaine de la création, pour l’audiovisuel public.

La commission des affaires culturelles a fait des propositions à la fois réfléchies, parce qu’elles sont le fruit d’un travail approfondi, et innovantes. Elle entend, par les amendements qu’elle présentera, faire œuvre utile et montrer que le Sénat compte dans la réforme de l’audiovisuel public.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, la télévision tient une place très particulière dans la vie de nos contemporains : c’est sans doute l’un des objets qui symbolisent le mieux la modernité.

Toutefois, en France, à cette dimension sociale s’ajoute une dimension politique particulière qui rend toute réforme profonde de l’audiovisuel toujours délicate.

Je rappelle que la loi de 1986, qui est encore le socle juridique de la télévision française, avait déjà été adoptée au forceps, avec l’article 49-3.

Comment expliquer cette dimension éminemment politique en France ? Tout simplement parce que, dans notre pays, la télévision est la pierre angulaire de la diversité et de l’exception culturelle françaises, grâce à un double mécanisme qu’il convient de rappeler pour que soient bien compris le sens et la logique du présent texte : d’une part, la mise à disposition gratuite du domaine public hertzien en contrepartie des obligations de production des chaînes, d’autre part, la contribution au financement de la création, qui est, elle, assise proportionnellement sur le chiffre d’affaires des chaînes, notamment privées.

Sans ces mécanismes – vous l’avez rappelé voilà quelques instants, madame la ministre –, nous n’aurions pas une industrie audiovisuelle et cinématographique parmi les plus dynamiques au monde.

Cependant, nous entrons dans une nouvelle ère.

La révolution numérique bouleverse radicalement cet écosystème.

D’une part, les Français dépendent de moins en moins de l’antenne râteau, c’est-à-dire de la réception hertzienne, pour recevoir la télévision.

D’autre part, le chiffre d’affaires des chaînes historiques diminue sous l’effet de l’explosion de l’offre des nouvelles télévisions numériques et satellitaires, et des nouveaux médias.

En quelques années, l’audience cumulée des chaînes historiques a diminué de près d’un quart, ce qui est énorme.

Cette réforme est donc non pas le fruit du hasard, mais une réponse à une nouvelle donne comme on n’en a pas connu depuis longtemps. Désormais, rien ne sera plus comme avant.

En réalité, les grands médias audiovisuels sont profondément et durablement déstabilisés par un triple choc.

Il s’agit, tout d’abord, du choc technologique de la convergence : avec la multiplication des écrans, la télévision n’a plus le monopole de l’image ; avec la multiplication des canaux de diffusion, la diffusion hertzienne traditionnelle n’a plus le monopole de la distribution des programmes.

Ensuite, nous assistons au choc des nouveaux usages : la télévision était familiale, et elle devient de plus en plus individuelle, les écrans personnels et le multi-équipement se répandant dans les foyers ; la télévision était une activité sédentaire, et elle devient nomade – j’espère d’ailleurs que, dans quelques mois, la télévision mobile personnelle sera accessible, madame la ministre –, mais, surtout, le téléspectateur n’est plus le même que jadis puisque, outre la liberté de zapper, il a désormais aussi celle de faire sa propre programmation et même sa propre production d’images.

Enfin, le choc est économique : il est la conséquence des deux premiers chocs, puisque la démultiplication de l’offre – chaînes numériques, internet, câble, satellite – a entraîné une hyperfragmentation des audiences et une atomisation des ressources publicitaires.

Un nouvel ordre audiovisuel est donc en train d’émerger sous nos yeux. Il ne sert à rien de s’en réjouir ou de le déplorer ; tout juste peut-on remarquer que ces évolutions sont en parfaite adéquation avec ce que l’on appelle l’individualisme démocratique.

Cependant, ces évolutions remettent beaucoup de choses en question. Face à ces changements radicaux, il y avait deux réponses possibles.

La première réponse, qui n’en est pas une, était de ne rien faire et d’assister en spectateurs impuissants à l’effondrement du système audiovisuel français public et privé et, avec lui, de la création française, dont les ressources sont indexées sur les budgets publicitaires.

L’autre voie, celle que vous avez choisie, madame la ministre, était celle d’une réforme profonde, d’une réforme d’ensemble du paysage audiovisuel français.

La commission des affaires économiques approuve les deux axes majeurs de la réforme : la restructuration de France Télévisions en une entreprise unique pour lui permettre de relever le défi du numérique – internet est non pas une menace pour l’audiovisuel, mais une chance

M. Jean-Pierre Fourcade acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Cette exigence de qualité ne veut pas dire qu’il faudra mépriser l’audience : la télévision de service public doit être une télévision fédérative, qui tisse du lien social. D’ailleurs, François Mauriac n’avait-il pas déclaré, dans l’une de ses chroniques télévisuelles – il les avait débutées en 1959 dans L’Express, à la demande de Jean-Jacques Servan-Schreiber – que « la télévision, c’est l’une des images que la France se donne d’elle-même » ?

Il faut refuser l’élitisme, d’autant que, pour moi comme pour beaucoup d’autres, le divorce avec le public n’a jamais été une garantie de génie ou de qualité.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La télévision publique doit se libérer de la contrainte de l’audimat, mais non de celle d’assurer une large audience et de rester populaire.

La commission des affaires économiques, si elle approuve le sens de la réforme, estime, comme la commission des affaires culturelles, que ladite réforme peut être encore améliorée.

Je voudrais rapidement évoquer en mon nom personnel la question du financement.

Taxer un secteur – celui des opérateurs et des fournisseurs d’accès – au seul motif qu’il est extrêmement dynamique, et ce pour financer l’obsolescence d’un modèle de financement, selon le principe des vases communicants, ne me paraît pas économiquement raisonnable. On va ainsi faire supporter 85 % de la compensation financière à un secteur qui ne bénéficiera en rien de la suppression de la publicité, et pour cause, puisque son modèle économique est fondé sur des abonnements, des forfaits, ou de la consommation.

De surcroît, quelle est la logique de cette taxation, puisque l’essentiel de l’activité de ces opérateurs n’a rien à voir avec l’image ? Certes, il y a la télévision par ADSL, mais les revenus tirés de cette activité, qui concernent donc directement l’image, ont été retirés de l’assiette. Ce qui reste dans l’assiette, ce sont des activités – téléphone fixe, SMS, mails – qui n’ont plus rien à voir avec l’image.

Le lien entre cette taxation et l’image est donc profondément distendu.

Le risque tient non pas tellement au risque juridique d’inconstitutionnalité de cette taxation, mais plutôt au risque économique.

Plus de taxes, cela risque d’être moins d’investissements de la part des opérateurs au moment où l’on demande à ces derniers un effort important pour la couverture du territoire en très haut débit, en fibre optique, en vue de réduire la fracture numérique.

Or, une diminution des investissements pourrait fragiliser un secteur dont le Gouvernement sait bien qu’il est un passeport pour la croissance, un relais de croissance extraordinaire. Alors que tous les pays développés misent de plus en plus sur le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la France a en ce domaine un retard qu’il lui faut combler.

Le Gouvernement lui-même a reconnu à plusieurs reprises qu’un doublement des investissements dans l’économie numérique en France représenterait sans doute un point de croissance supplémentaire.

Au moment même où nous envisageons de taxer les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphonie mobile, M. Obama propose au cœur de son plan de relance de moderniser les réseaux pour l’économie numérique et l’exonération de taxe dont les opérateurs bénéficiaient l’année dernière, aux États-Unis, est reconduite pour cette année.

Je ferme la parenthèse. Je tenais à évoquer ce point de vue personnel, même s’il ne remet absolument pas en cause la réforme.

J’ai été heureux d’entendre mes collègues rapporteurs de la commission des affaires culturelles défendre une assiette et, surtout, une base plus dynamique pour la redevance, qui représente clairement l’instrument naturel de financement de l’audiovisuel public. J’ai été aussi heureux d’entendre Michel Thiollière indiquer que les taxes n’avaient pas vocation à se prolonger indéfiniment.

J’en viens à l’importante question de la régulation d’internet en France. Le secteur de l’internet est prometteur et en plein développement. La France ne doit pas être à la traîne dans ce domaine. De plus, ces activités naissantes ont besoin de stabilité juridique.

En France, ce cadre a été posé par une loi datant de 2004, la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui distingue très clairement les activités d’éditeur et les activités d’hébergeur. Nous tenons à la frontière entre ces statuts, par ailleurs confirmée par la jurisprudence. Il ne faut surtout pas la troubler.

À ce titre, la directive européenne sur les services de médias audiovisuels est excellente. Il faut rester au plus près possible de sa lettre.

En revanche, je ne vous cache pas que les membres de la commission des affaires économiques sont très dubitatifs quant à l’initiative des députés visant à confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel la régulation de la publicité en ligne sur les sites de partage de contenus. Cette préoccupation était sans doute légitime, mais nous jugeons la réponse mauvaise et présenterons une autre proposition.

Le moment est peut-être venu de donner une base législative à un nouveau type de régulation, moins administratif, plus souple et plus adapté au champ ouvert qu’est internet, comme Éric Besson l’a d’ailleurs proposé dans son plan « France numérique 2012 ». Nous en ferons la proposition au travers d’un amendement dont l’examen constituera, je pense, un moment important pour discuter de la régulation moderne sur internet.

Pour conclure, nous avons la conviction, madame la ministre, que votre réforme est parfaitement nécessaire.

L’enjeu est considérable, puisque la télévision est le socle de l’exception culturelle française, mais aussi de bien d’autres choses. Vous avez cité sans les nommer les personnalités qui ont compté pour le service public. Je voudrais en évoquer une qui, d’après moi, représente vraiment le grand serviteur du service public de l’audiovisuel à la française. Il s’agit de Jean d’Arcy qui, dans une très belle phrase, a défini la télévision comme « un formidable outil de communication au service de l’homme ».

Mes chers collègues, au-delà de toutes nos divergences et nos différences, qui sont parfaitement naturelles sur un tel sujet, je forme le vœu que nous contribuions tous ensemble à construire un service public de l’audiovisuel permettant à l’homme de grandir en humanité.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Joseph Kergueris, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Joseph Kergueris

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la rénovation de l’audiovisuel public ne porte pas uniquement sur l’audiovisuel national. Elle comporte aussi un volet, important à nos yeux, qui est consacré à l’audiovisuel extérieur.

En effet, les deux projets de loi contiennent plusieurs dispositions visant à prolonger la réforme de l’audiovisuel extérieur, lancée sur l’initiative du Président de la République au cours de l’année dernière.

Compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue à l’échelle internationale, la commission des affaires étrangères a souhaité se saisir pour avis de ces deux textes. Naturellement, son avis porte non pas sur l’ensemble des dispositions, mais uniquement sur les articles ayant trait à l’audiovisuel extérieur.

Ainsi, l’aspect le plus emblématique de la réforme, la suppression progressive de la publicité sur les chaînes du service public, s’applique uniquement au territoire national et, à ce titre, ne concerne pas l’audiovisuel extérieur. Par conséquent, je ne l’évoquerai pas. Toutefois, je pense utile de dire un mot du financement de l’audiovisuel extérieur, dont nous nous sommes déjà entretenus ici, voilà quelques semaines, madame la ministre.

La commission des affaires étrangères et la commission des affaires culturelles ont travaillé ensemble et en bonne intelligence dans le cadre de l’examen des dispositions relatives à l’audiovisuel extérieur. Elles ont ainsi procédé, le 2 décembre dernier, à une audition commune du président-directeur général de la société Audiovisuel extérieur de la France, M. Alain de Pouzilhac, et de sa directrice générale déléguée, Mme Christine Ockrent. Ce travail en bonne entente a permis d’aboutir à des conclusions identiques ou très proches.

Permettez-moi d’ailleurs de saluer le travail effectué par les deux co-rapporteurs de la commission des affaires culturelles, Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière, ainsi que par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, M. Bruno Retailleau, que nous venons d’entendre.

Depuis plusieurs années, des parlementaires de sensibilités diverses appelaient de leurs vœux une réforme de l’audiovisuel extérieur.

À la différence de nos partenaires européens, qui disposent souvent d’un opérateur unique, comme la BBC pour le Royaume-Uni ou la Deutsche Welle pour l’Allemagne, l’audiovisuel extérieur français se caractérisait par la dispersion de ses opérateurs. Il comprenait ainsi deux chaînes de télévision, TV5 Monde et France 24, et deux radios, Radio France Internationale et sa filiale en langue arabe, Monte Carlo Doualiya.

De nombreux rapports avaient mis en évidence la fragmentation, la mauvaise organisation, voire le manque d’efficacité de l’audiovisuel extérieur français, malgré un budget équivalent à celui de nos partenaires. Sur l’initiative du Président de la République, un comité de pilotage a donc été chargé d’une réflexion sur la réforme de ce secteur et a remis ses conclusions en décembre 2007.

Ce rapport fixe deux missions à l’audiovisuel extérieur. La première est une mission d’influence, la France devant pouvoir rivaliser avec les grands médias internationaux tels que CNN ou Al Jazeera. La seconde est une mission culturelle consistant à promouvoir nos valeurs, à savoir la francophonie, la démocratie et les droits de l’homme.

Ces travaux ne sont pas restés lettre morte, puisque la principale recommandation du comité, la création d’une société holding Audiovisuel extérieur de la France, a été suivie d’effets en avril 2008.

Cette holding, qui a vocation à regrouper l’ensemble des participations publiques dans les sociétés du secteur audiovisuel extérieur, a pour mission de définir les priorités stratégiques et d’encourager les synergies entre les opérateurs que j’ai précédemment mentionnés.

Cette réforme vise donc à offrir plus de cohérence et d’efficacité à notre audiovisuel extérieur, et, tout à fait normalement, les deux projets de loi qui nous sont soumis comportent plusieurs dispositions visant à la prolonger.

Ainsi, le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision fait de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France une société nationale de programme, ce qu’elle n’était pas auparavant, à l’image de France Télévisions et de Radio France. Il définit ses missions, ainsi que ses moyens d’action.

De plus, nos collègues députés ont précisé par un amendement que, à l’instar des autres sociétés de programme, le capital de cette société restera entièrement détenu par l’État. Cette initiative me paraît bienvenue au regard de l’expérience malheureuse et, disons-le, tumultueuse de la reprise par l’État de la participation de TF1 dans le capital de France 24.

Les règles de gouvernance de la holding, notamment la composition de son conseil d’administration et la procédure de nomination de son président, sont largement inspirées de celles de France Télévisions et de Radio France.

Enfin, en proposant de soumettre la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France à l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens avec l’État, le projet de loi vise à combler une faille majeure : l’absence de véritable pilotage stratégique de l’audiovisuel extérieur. En raison des déficiences de la tutelle de l’État, cette obligation ne s’est jamais concrétisée pour Radio France Internationale, alors même que la loi l’impose depuis 2000.

La grande nouveauté du projet de loi tient donc au fait que Radio France Internationale, France 24 et, dans une certaine mesure, TV5 Monde seront désormais pilotées en fonction d’une stratégie globale, dans le cadre d’un contrat d’objectifs et de moyens.

Ce document sera commun à l’ensemble des sociétés de l’audiovisuel extérieur et, surtout, il contiendra des engagements pluriannuels de l’État sur le financement du secteur, ce qui est indispensable pour des sociétés audiovisuelles intervenant dans un contexte très concurrentiel.

Comme nous pouvons le constater, les règles applicables à la société en charge de l’audiovisuel extérieur sont largement inspirées de celles qui sont relatives à France Télévisions ou à Radio France. La réforme de l’audiovisuel extérieur est donc parfaitement cohérente avec celle de l’audiovisuel public national.

À l’occasion de l’examen des deux textes présentés, la commission des affaires étrangères a adopté plusieurs amendements visant à conforter cette réforme.

Ceux-ci peuvent être regroupés en trois volets.

Tout d’abord, tout en approuvant les nouvelles règles relatives à la gouvernance de la société en charge de l’audiovisuel extérieur, nous avons souhaité porter de quatre à cinq le nombre de personnalités indépendantes désignées par le Conseil supérieur de l’audiovisuel pour siéger à son conseil d’administration. Nous obtiendrons ainsi un nombre de membres équivalent à celui de France Télévisions.

Ensuite, en précisant qu’une de ces personnalités au moins doit disposer d’une expérience reconnue dans le domaine de la francophonie, nous avons voulu conforter la place de la francophonie dans la réforme de l’audiovisuel extérieur et rassurer nos partenaires francophones, en particulier ceux qui travaillent avec nous au sein de TV5 Monde.

Enfin, compte tenu de l’importance de l’audiovisuel extérieur pour la place et l’influence de la France et de notre langue au niveau international, il nous a semblé indispensable que la commission des affaires étrangères soit pleinement associée au contrôle parlementaire sur la société en charge de cette activité.

En effet, comment justifier, dès lors que la holding sera soumise à l’obligation de conclure un contrat d’objectifs et de moyens, que les commissions des affaires étrangères de l’Assemblée nationale et du Sénat ne soient pas destinataires de ce document au même titre que les commissions des affaires culturelles et les commissions des finances des deux assemblées ? Il y a ici une anomalie dont je m’étonne qu’elle n’ait pas été corrigée lors des débats à l’Assemblée nationale.

Enfin, pour conclure, je voudrais évoquer le financement de l’audiovisuel extérieur. La loi de finances pour 2009 attribue à ce dernier un montant d’environ 300 millions d’euros, en provenance de deux sources différentes : 65 millions d’euros au titre de la redevance audiovisuelle et 233 millions d’euros de subventions de l’État.

À titre de comparaison, le financement de l’audiovisuel public national s’élève à près de 3 milliards d’euros, dont plus de 2 milliards d’euros au titre de la redevance.

Quant à la dotation d’ARTE – ce n’est pas une critique, car j’apprécie le travail et la qualité de cette chaîne –, elle s’élève à elle seule à 300 millions d’euros alors que la structure est franco-allemande. Plus de 220 millions d’euros sont versés au titre de la redevance, soit l’équivalent de l’ensemble des crédits des opérateurs de l’audiovisuel extérieur pour une couverture mondiale.

Selon le document de programmation triennale, la subvention versée à la holding Audiovisuel extérieur de la France devrait même diminuer sur les trois prochaines années, passant de 233 millions d’euros en 2009 à 218 millions d’euros en 2010, puis à 203 millions d’euros en 2011.

Certes, j’en conviens, le développement des synergies et des mutualisations entre les opérateurs devrait favoriser des économies d’échelle, que je souhaite vivement voir se réaliser.

Pour autant, dans un contexte très concurrentiel, marqué par le développement de nouvelles technologies, évoqué voilà un instant, la réforme de notre audiovisuel extérieur serait, me semble-t-il, compromise si ses moyens venaient à diminuer fortement dans les prochaines années.

Debut de section - PermalienPhoto de Joseph Kergueris

Je pense non seulement au basculement de l’analogique au numérique, au développement d’émissions originales, au multimédia, mais aussi aux nécessaires réformes de structures, qui ont toujours, les premières années, un coût relativement élevé.

C’est la raison pour laquelle, tout en étant conscient des fortes contraintes budgétaires pesant sur notre pays, j’avais proposé, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009, plusieurs amendements visant à garantir un financement pérenne de l’audiovisuel extérieur. L’un d’entre eux – mais c’est déjà du passé ! – avait en particulier pour objet de transférer à l’audiovisuel extérieur la part de la redevance audiovisuelle actuellement versée à l’Institut national de l’audiovisuel, transfert intégralement compensé par une réduction d’un montant équivalent de la subvention versée à la holding.

Devant les réticences exprimées à la fois par certains de nos collègues et par le Gouvernement, j’avais toutefois accepté de retirer ces amendements.

Madame la ministre, vous avez en effet pris l’engagement que la question du financement de l’audiovisuel extérieur serait examinée à l’occasion du futur contrat d’objectifs et de moyens, dont le contenu, je l’espère, sera de nature à apaiser nos craintes.

Tels qu’ils ont été adoptés par l’Assemblée nationale, les deux projets de loi ne remettent pas en cause le mode de financement de l’audiovisuel extérieur. La suppression progressive de la publicité ne s’y appliquera pas.

Cependant, afin de trouver des ressources supplémentaires pour compenser la perte des recettes publicitaires, la tentation existe de transférer à France Télévisions la part de la redevance audiovisuelle versée aujourd’hui à l’audiovisuel extérieur. L’argument souvent employé pour justifier une telle mesure consiste à dire qu’il n’est pas normal que les Français payent une part de redevance à des médias qu’ils ne peuvent regarder ou écouter sur le territoire national.

Toutefois, cet argument ne me paraît pas réellement pertinent. D'une part, nombre de nos compatriotes résident à l’étranger et ont aussi le droit de recevoir des médias en français. D'autre part, ce domaine est d’une rare importance pour l'ensemble de notre pays.

À mon sens, la réforme de l’audiovisuel extérieur serait compromise si elle ne s’accompagnait pas de la garantie d’un financement pérenne.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et de ces propositions d’amendements, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a émis un avis favorable à l’adoption de ces deux projets de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Le groupe socialiste va enfin pouvoir s’exprimer !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre assemblée est bafouée et humiliée, et je sais que ce sentiment est partagé au-delà même des travées de mon groupe.

Le Président de la République a annoncé la fin de la publicité sur France Télévisions voilà exactement un an. Cela ne figurait pas dans son contrat passé avec les Français pendant la campagne de l’élection présidentielle. Ni le Premier ministre, ni vous, madame la ministre, – il fallait voir vos têtes quand Nicolas Sarkozy en a fait l’annonce ! –, ni même le président de France Télévisions n’avaient été informés. Au mieux, on trouve trace d’une telle recommandation dans un Livre blanc de TF1 à destination du pouvoir, comme par hasard...

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ensuite, on a « habillé » le fait du prince avec l’aide du très indépendant M. Copé : une commission composée de façon curieuse s’est réunie pendant des mois, mais sans avoir le droit de remettre en cause le bien-fondé de l’annonce présidentielle et à seule fin de rendre possible sa concrétisation. Nous avons cependant joué le jeu en participant à ses travaux, avec la volonté de proposer tout ce qui pouvait aller dans le sens du renforcement du service public de l’audiovisuel : nous avons milité pour la qualité de ses programmes, même si elle est déjà grande, pour sa modernisation, même si elle est déjà engagée avec les prémices du média global, projet dont le développement ne sera possible qu’avec l’engagement de personnels, qui, souvent décriés, sont pourtant compétents, innovants et dévoués au service public.

Quand nous avons constaté que les propositions dont accoucherait la commission affaibliraient le service public, feraient peser de lourdes menaces sociales sur les salariés de France Télévisions, ne permettraient pas de financer les investissements nécessaires à la modernisation du groupe, limiteraient l’indépendance économique et politique de ce dernier, nous avons quitté cette commission, en donnant au Gouvernement le seul rendez-vous qui vaille pour délibérer valablement en démocratie : celui du débat parlementaire.

On a appris par la suite que, faisant fi même de l’avis de la commission Copé, le Président de la République avait introduit dans la réforme la nomination et la révocation, par lui-même, des P-DG de France Télévisions, de Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur.

Annoncés cet été pour laisser le temps au Parlement de débattre avant un éventuel arrêt de la publicité dès le 5 janvier 2009, les deux projets de loi ne furent mis en débat à l’Assemblée nationale qu’en novembre et, comme c’est l’habitude depuis quelques années, l’urgence fut déclarée pour réduire la discussion publique à sa plus simple expression.

Or, pour vous, c’était encore trop ! Dès lors, vous n’avez cessé de vilipender l’opposition alors qu’elle ne faisait que son devoir à l’Assemblée nationale, en résistant avec force.

Aujourd’hui, la réforme, née du seul fait du prince, parvient au Sénat, qui ne pourra se contenter, comme le montrent d’ores et déjà les propositions d’amendements de la commission des affaires culturelles, d’exaucer le vœu présidentiel.

Toutefois, madame la ministre, puisque le Président de la République et son gouvernement ne s’interdisent rien quand il s’agit de piétiner les prérogatives des assemblées, vous avez ordonné à la direction de France Télévisions, avant même que nous commencions à étudier le rapport en commission, de faire acter par son conseil d’administration le vœu émis par Nicolas Sarkozy voilà un an !

Depuis lundi dernier, ce vœu est devenu réalité.

« Circulez, il n’y a plus rien à voir », nous dit-on ! Mais alors, à quoi servons-nous ? À quoi sert la démocratie ? Vous vous moquez de nous et de la démocratie dans cette affaire, et j’espère qu’il y aura quelques consciences républicaines, au-delà des travées de mon groupe et de l'ensemble de l’opposition, pour vous le dire !

M. Dominique Braye s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’espère que ce scandale, ce déni de démocratie, ce mépris du Parlement ne se passeront pas dans le silence et que ces projets de lois ne passeront pas tout court. Et, mes chers collègues, c’est possible ! Tout n’est pas joué d’avance, car, ici, nous avons le pouvoir de délibérer autrement qu’en nous soumettant aux ordres. Nous allons donc essayer de servir à quelque chose !

Il nous faut tout d’abord éclairer les citoyens sur l’enjeu du débat : s’agit-il de reprendre une idée prétendument de gauche, comme on nous l’a dit, qui consiste à réduire progressivement le temps de diffusion de publicité sur les antennes du service public en augmentant tout aussi progressivement le montant de la redevance pour donner à la télévision publique les moyens de ses ambitions ? Bien sûr que non !

C’est pourtant ce qu’a essayé de nous faire croire le Président de la République, en affirmant, en janvier 2008, son intention que l’audiovisuel public ne fonctionne plus « selon des critères purement mercantiles ». Oui, c’est Nicolas Sarkozy qui l’a dit, et il faudrait croire que c’est sa conviction profonde, lui qui a toujours prôné l’inverse, y compris dans sa campagne présidentielle, quand il affirmait qu’il fallait au contraire plus de publicité sur les chaînes publiques pour améliorer le financement de France Télévisions !

C’est pourquoi j’affirme ici que l’idéologie ultralibérale du Président de la République et sa conception de la culture et de l’audiovisuel en général ne sont pas habitées par la conviction que la publicité et la recherche de l’« audimat facile » sont des nuisances. Il en a donné la preuve en permettant aux télévisions privées d’augmenter la durée de leurs messages publicitaires, ces télévisions qui sont celles de ses amis, notamment ceux de TF1 qui le réclamaient dans leur fameux Livre blanc. Décidément, il y en a qu’on écoute au « château » ! La preuve, c’est l’autorisation de la seconde coupure publicitaire pendant les films, laquelle, on le sait, ne contribuera pas au respect des œuvres et de leur qualité. TF1 est pourtant une chaîne très regardée par les Français. Nos concitoyens pourraient-ils donc y subir, sans broncher, une overdose publicitaire et regarder des programmes de mauvaise qualité ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Avec, en prime, les encouragements et les facilités de celui qui s’émeut des effets néfastes de la publicité pour la qualité des programmes du service public ?

Quelle supercherie ! Ceux qui font mine de croire à la sincérité du chef de l’État et qui ne se privent pas d’attaquer la gauche sur le thème « nous osons faire ce dont vous avez toujours rêvé » ont entretenu la confusion du débat pour masquer le véritable enjeu de la réforme, lequel s’inscrit dans la parfaite continuité de la politique conduite dans tous les domaines par le Président de la République depuis 2007 : favoriser les concurrents privés du service public, remettre en cause celui-ci en l’affaiblissant et en portant atteinte à son indépendance.

Madame la ministre, c’est de cela qu’il s’agit dans les deux projets de lois que vous nous présentez aujourd'hui, et je veux ici vous le démontrer point par point.

Premier point, vous voulez favoriser la concurrence privée.

À cet égard, reconstruire la généalogie des « cadeaux » faits aux groupes privés de télévision par la droite au pouvoir depuis 2002 est édifiant.

Il y eut, d’abord, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui offre sans condition un deuxième canal aux éditeurs historiques de chaînes de télévision lors de l’extinction de la diffusion analogique prévue en 2011. Cela permet en particulier à TF1, qui a « raté » le virage de la télévision numérique terrestre au début des années 2000, de rattraper son retard sans effort.

Il y eut, ensuite, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui autorise un actionnaire à être majoritaire au capital d’une société éditant une chaîne de télévision réalisant jusqu’à 8 % de taux d’audience, alors que ce plafond était auparavant limité à 2, 5%. Cela permet d’ores et déjà à TF1, comme on vient de l’apprendre ce matin, d’envisager de prendre le contrôle de TMC, la chaîne leader de la TNT gratuite.

Et ces présents d’hier n’ont fait que précéder les cadeaux d’aujourd’hui.

Selon l’Agence des participations de l’État, les recettes consolidées de publicité et de parrainage de France Télévisions atteignaient 823 millions d’euros au titre de l’exercice 2007. Pour sa part, la commission Copé a chiffré, par consensus, à 450 millions d’euros les recettes engendrées par les écrans de publicité programmés après vingt heures.

Toutes choses égales par ailleurs, l’arrêt de la diffusion de la publicité sur les antennes de France Télévisions profitera principalement, et a d’ailleurs d’ores et déjà profité, aux chaînes ayant la capacité de commercialiser des écrans publicitaires sur les plages horaires captant les audiences les plus importantes, c’est-à-dire TF1 et, dans une moindre mesure, M6. Ainsi, selon des études récentes, la part de TF1 sur le marché de la publicité télévisée restera supérieure à 50 % dans les cinq ans à venir : autrement dit, l’essentiel du chiffre d’affaires réalisé jusqu’alors par les antennes de France Télévisions après vingt heures, qui correspond en valeur à près de 10 % du montant total des investissements publicitaires à la télévision, est en train d’être majoritairement capté par les concurrents historiques des chaînes publiques.

Ce transfert de valeur du secteur public vers le secteur privé sera d’autant plus important que le projet de loi soumis à notre examen autorise les éditeurs privés à insérer une deuxième coupure publicitaire pendant la diffusion des films et des téléfilms. De plus, un décret devrait prochainement acter, d’une part, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge pour le calcul de la durée des écrans de publicité, permettant ainsi la programmation de très longs tunnels de « réclame », et, d’autre part, la diffusion de neuf minutes de publicité par heure, alors que ce volume était jusqu’à présent limité à six minutes.

Qui plus est, afin d’optimiser au maximum leurs recettes dans une conjoncture économique difficile, TF1 et M6 ont engagé, dès le mois de septembre dernier, une politique commerciale très offensive pour vendre leurs écrans avant vingt heures, à des heures auxquelles la concurrence avec les antennes de France Télévisions est très vive depuis deux jours.

Il faut ajouter à cette impressionnante liste de cadeaux le prix, plus que survalorisé, payé par l’État à TF1 pour acquérir la moitié des parts du capital de la société France 24. Ainsi, pour une mise initiale de 18 500 euros réalisée voilà cinq ans, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… au terme de l’accord signé en octobre dernier, tout en restant l’un des principaux fournisseurs d’images de la chaîne !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline. Visiblement, tout cela émeut beaucoup M. Braye !

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

De fait, ces avantages concédés sans contrepartie à des acteurs économiques privés constituent de véritables délits de favoritisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

…dont la « légalisation » devrait en outre freiner le développement des acteurs de la télévision numérique terrestre, qui captent environ 5 % des investissements publicitaires annuels, mais dont le chiffre d’affaires sera taxé à hauteur de 3 % dès 2009, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

…alors que celui des opérateurs historiques, qui profiteront de la publicité captée de l’audiovisuel public, ne le sera qu’à hauteur de 1, 5 %.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Outre les forts doutes pesant sur la constitutionnalité de ce curieux dispositif fiscal, la pratique qui consiste à sanctionner les acteurs les plus dynamiques et les plus jeunes d’un secteur au profit des acteurs les moins innovants…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

…semble contredire tous les préceptes de la théorie économique.

Où est d’ailleurs la cohérence de l’action économique de ce gouvernement ? Certainement pas dans la contradiction insoluble entre, d’un côté, la volonté de faire de la France un pays moteur de la révolution numérique en mettant lourdement à contribution les opérateurs de télécommunications et, de l’autre, l’invention d’une nouvelle taxe pesant sur le chiffre d’affaires de ces mêmes entreprises prévue par le projet de loi ordinaire que nous examinons.

Tout en appelant fortement de nos vœux la participation des groupes de télécommunications au financement de la création, que le projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet ne prévoit malheureusement pas, nous ne pouvons que nous interroger sur le bien-fondé économique des taxes créées par cette réforme. D’une part, leurs produits ne compenseront pas le coût des nouvelles dotations consenties provisoirement aux sociétés de l’audiovisuel public mais, surtout, leur impact financier pour les entreprises assujetties sera directement répercuté sur les prix des abonnements téléphoniques qu’elles vendent, c’est-à-dire, en fin de compte, sur le pouvoir d’achat des ménages !

L’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision entraînera donc un bouleversement profond de l’ensemble de l’économie du paysage audiovisuel français, dont la fin réelle – protéger et renforcer les groupes privés historiques – s’oppose fondamentalement à la nécessité démocratique d’entretenir un « écosystème » favorable à la diversité et à la pluralité des acteurs, publics et privés.

J’en viens au deuxième point, qui concerne la remise en cause du service public.

Ce texte organise en réalité l’affaiblissement du service public pour mieux préparer sa transformation en instrument du pouvoir.

Depuis un an, rien n’aura été épargné aux collaborateurs de France Télévisions : de l’annonce « surprise » de la suppression de la publicité depuis le palais présidentiel jusqu’à l’ordre donné à la direction du groupe de ne plus commercialiser d’écrans publicitaires après vingt heures dès le 5 janvier, en passant par le vœu du patron du Service d’information du Gouvernement, le SIG, de diffuser une « émission de communication gouvernementale » sur les antennes du service public.

Plus fondamentalement, la transformation de France Télévisions en entreprise unique, changement qui pourrait être utile pour accompagner la mutation de la télévision publique en « média global », ne s’accompagne ni de garantie sur la pérennité du périmètre du groupe ni d’aucune assurance sur le maintien de l’identité de ses chaînes, de leur autonomie éditoriale et de leurs moyens de fonctionnement.

Qui plus est, certains, dans les sphères gouvernantes, ont entretenu avec une délectation certaine ce climat d’instabilité : par exemple, lorsqu’un parlementaire réputé proche du chef de l’État – vous le connaissez tous – multiplie les déclarations fracassantes en semblant devancer les désirs de ce dernier ; plus encore, lorsque les services du Premier ministre oublient de mentionner, dans le projet de cahier des charges de la future entreprise unique, le caractère national des programmes d’information diffusés par France 3, fragilisant par cette omission l’existence de la rédaction du siège de la chaîne, dont le 19/20 est pourtant une référence en matière de journaux télévisés, rencontrant un réel succès d’audience depuis sa création.

Dans le même temps, la volonté de créer une « voix de la France » hors de nos frontières a précipité la restructuration des opérateurs de l’audiovisuel public extérieur. La suppression de la diffusion des programmes de RFI en de nombreuses langues, dont l’allemand et le russe, ne peut que susciter l’inquiétude de tous ceux qui sont attachés au rayonnement de notre culture à l’étranger, en particulier sur le continent européen.

C’est donc dans une ambiance délétère, marquée par les restrictions budgétaires touchant aux missions internationales des grands reporters comme aux productions locales de France 3, que les équipes de notre télévision publique continuent à travailler, avec un dévouement auquel la représentation nationale doit rendre hommage et qui permet aux programmes du service public de réunir encore près de 35 % des téléspectateurs, ce qui fait de France Télévisions l’un des premiers groupes audiovisuels européens par son audience.

Comme le soulignait récemment Dominique Wolton, la réforme en cours est d’autant plus injustifiée qu’« après deux décennies de crise d’identité face aux chaînes privées, la télévision publique commençait à retrouver sa place, grâce au public qui ne l’a jamais lâchée ».

Le brutal retour en arrière que nous propose le Gouvernement dans l’organisation et le fonctionnement de la télévision publique est d’autant plus inacceptable que, une nouvelle fois, le mépris du Parlement et de toute forme de délibération publique gouverne l’élaboration des projets de loi le transcrivant. Conformément à la pratique en vigueur depuis mai 2007 au sommet de l’État, l’annonce de la réforme par le Président de la République fut en effet suivie d’une période de grande confusion, significative d’une personnalisation extrême du pouvoir, qui aboutit à la création d’une nouvelle structure ad hoc chargée de légiférer à la place du législateur, dans la lignée des commissions Attali, Mallet et autre comité Balladur. Et ce n’est pas fini !

Installée le 19 février 2008, et réunissant notamment les compétences et l’expérience de professionnels reconnus du secteur de l’audiovisuel, la commission Copé dut vite convenir que la seule solution pour assurer un financement pérenne de la télévision publique sans le complément des recettes publicitaires était bien sûr d’augmenter la redevance. Immédiatement rappelé à l’ordre par le chef de l’État, le président de la commission dut battre en retraite. D’où le « bricolage » auquel ressemblent les propositions de la commission Copé, alternant efforts de gestion aux effets de réduction des coûts surévalués et création de nouvelles taxes sans logique économique.

Tous les connaisseurs de l’audiovisuel savent pourtant, à l’instar de ce que recommande l’Union européenne de radiodiffusion, l’UER, que l’une des deux conditions nécessaires à l’indépendance de l’audiovisuel public tient à ce que son financement soit assuré par un régime sûr et pérenne, garant des moyens utiles à l’accomplissement de sa mission de service public, et dont les modalités de fixation et d’allocation ne sauraient dépendre du bon vouloir du gouvernement en place.

Dès lors, il revient à ce gouvernement la responsabilité de graver dans le marbre de la loi les modalités d’un régime de financement aussi exigeant, en respectant chacun des critères que je viens d’énoncer, comme le font d’ailleurs de nombreux voisins européens de la France, telle l’Allemagne, dont l’expérience a été citée en exemple par Mme le rapporteur.

Parfaitement au fait de ces problématiques, la commission des affaires culturelles, sur l’initiative régulière de notre ancien collègue M. de Broissia, et avec le soutien permanent du président Valade, a renouvelé depuis longtemps sa préoccupation que le financement de l’audiovisuel public soit assuré par une ressource dynamique et pérenne, en proposant notamment d’indexer l’évolution du taux de la redevance sur l’inflation.

Mais l’augmentation, même minime, de la redevance constitue une « rupture » d’autant plus inacceptable pour le chef de l’État que le sous-financement chronique que subit France Télévisions, en particulier, depuis quelques années est directement lié au retour de la droite au pouvoir en 2002. Parmi les premières décisions du gouvernement Raffarin figurait en effet l’arrêt du plan de développement numérique de France Télévisions, conçu par Marc Tessier.

Parallèlement, les pouvoirs publics organisèrent le tarissement du financement de ce plan ambitieux, qui était assuré par une augmentation progressive du taux de la redevance.

Ainsi était brisé le cercle vertueux enclenché par la loi Trautmann-Tasca d’août 2000 et concrétisé par la signature du premier contrat d’objectifs et de moyens liant France Télévisions à l’État, dont la poursuite aurait achevé la transformation de la télévision publique en un groupe puissant et diversifié, doté d’une stratégie numérique ambitieuse et d’un financement public pérenne et dynamique.

Dans ce contexte, la seule annonce de la décision de supprimer la publicité des antennes de la télévision publique, qui suffit à entraîner la migration d’une part importante des investissements publicitaires vers les chaînes privées dès 2008, a profondément mis en danger l’équilibre économique de France Télévisions.

Expliquez-nous, madame la ministre, comment les dirigeants de France Télévisions pourront financer, dans cette situation, les investissements nécessaires à la transformation des antennes publiques en média global, dont le coût annuel a été évalué à 200 millions d’euros par la commission Copé, tout en assurant le retour à l’équilibre des comptes et en reconstituant les capitaux propres et la trésorerie de l’entreprise !

Expliquez au Sénat, chambre représentative des collectivités locales, comment la direction de France Télévisions, soumise à de telles contraintes financières, pourra continuer à faire fonctionner les antennes régionales de France 3, qui diffusent des programmes d’information et de proximité auxquels les Français sont si attachés !

Sauf à croire aux miracles, la réponse est simple : la direction de France Télévisions devra restructurer en profondeur le groupe, en supprimant de nombreux emplois et en « taillant » dans les budgets des programmes, voire en sacrifiant une partie de son périmètre.

Quant au troisième point, il consiste à remettre en cause l’indépendance de l’audiovisuel public.

Il faut toujours se rappeler quel état d’esprit anime le chef de l’État dans ses rapports avec la presse, cet état d’esprit ayant notamment été révélé lorsqu’il déclara publiquement rêver d’en « finir avec le journalisme de dénigrement pour promouvoir un journalisme pédagogique de l’action gouvernementale ».Voilà sa doctrine !

La véritable « reprise en mains » que connaissent actuellement RFI et France 24 s’inscrit parfaitement dans cette logique, avec les licenciements, depuis septembre dernier, de trois responsables de la rédaction de France 24, professionnels reconnus, dont deux sont des journalistes titulaires du prix Albert Londres.

La même logique est à l’œuvre avec cette réforme, qui inscrira la vie sociale des chaînes de radio et de télévision publiques dans l’agenda politique, celui qui rythmera la nomination et la possible révocation de leurs dirigeants. Désormais, les dirigeants des chaînes publiques ne se donneront plus pour objectifs la qualité des programmes ou la crédibilité de l’information diffusés sous leur responsabilité, car ils seront obsédés par la seule ambition de durer, c’est-à-dire de ne pas déplaire au pouvoir.

Dans un tel contexte, comment les journalistes, mais aussi les responsables d’unités de programme, pourraient-ils rester tout à fait libres de leurs choix éditoriaux, tout à fait indépendants dans leur travail ?

C’est à l’intégrité et à la crédibilité mêmes du travail des journalistes et de tous les professionnels de la télévision que sont les collaborateurs de France Télévisions que cette réforme porte aujourd’hui atteinte.

Souvenons-nous, mes chers collègues, que c’est notre assemblée qui amenda, sur l’initiative du groupe socialiste, le projet de loi constitutionnelle voulu par le Président de la République, afin que notre loi fondamentale dispose, dans son article 34, que « la loi fixe les règles concernant [...] la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias [...] ».

Cette nouvelle obligation incombant au législateur devrait obliger celui-ci à concevoir un régime de désignation des dirigeants des organismes de l’audiovisuel public garantissant leur liberté à l’égard du pouvoir.

Un nouveau régime de nomination et de révocation, digne de la radio et de la télévision publiques d’une grande démocratie, pourrait consister en l’élection de leurs présidents par les conseils d’administration des sociétés, qui seraient majoritairement composés de personnalités qualifiées désignées par un CSA lui-même profondément rénové et enfin indépendant.

Si, malheureusement, les projets de lois organique et ordinaire que nous examinons aujourd’hui n’étaient pas amendés afin de garantir l’indépendance du service public de l’audiovisuel du double point de vue des modalités de son financement et de la désignation de ses dirigeants, leur inconstitutionnalité serait évidente.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Alors, notre République connaîtrait une de ses heures sombres, oubliant ce que Victor Hugo nous conseillait quand il déclarait devant l’Assemblée nationale, le 11 octobre 1848 : « [la] liberté [de l’Assemblée], [...] sa dignité même sont intéressées à la plénitude de la liberté de la presse [...] ». On dirait aujourd’hui : à la liberté des médias.

Mais je sais que le Sénat est capable de provoquer le sursaut. Ce sera son honneur et la démonstration spectaculaire de son utilité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous faire part de la désapprobation, pour ne pas dire de l’indignation, du Sénat quant aux conditions dans lesquelles nous devons examiner ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous devons en effet examiner un texte dont la mesure principale, aux yeux mêmes de son instigateur, le Président de la République, est la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, disposition désormais sans objet puisqu’elle a été obtenue par une décision du conseil d’administration de France Télévisions, à la demande expresse de son actionnaire, l’État.

Nous y voyons – je le dis avec mesure, mais gravité ! – une marque de mépris pour le Parlement, dont on nous dit pourtant qu’il convient de revaloriser le rôle, tout particulièrement pour ce qui concerne la Haute Assemblée.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le Président de la République a souligné ce matin, lors de ses vœux aux parlementaires – vous y assistiez, madame la ministre –, qu’il souhaitait un Parlement fort.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La suppression de la publicité sur France Télévisions n’avait certainement pas un caractère d’urgence de nature à justifier que l’on fasse ainsi fi de notre assemblée. Je rappelle que la commission Copé, au sein de laquelle siégeait notre collègue Mme Morin-Desailly, avait recommandé la mise en œuvre de cette mesure en septembre 2009.

Je ne vois pas en quoi l’allongement excessif des débats à l’Assemblée nationale justifie que le Sénat soit privé d’un examen au fond de cette mesure, sauf à considérer, comme un nombre trop élevé de nos concitoyens, que le Sénat ne sert à rien.

Et voilà ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il aurait été certainement plus correct et plus respectueux des droits et prérogatives du Sénat de différer d’un mois, voire de deux, l’application de cette disposition plutôt que de procéder ainsi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Cette décision ne crée pas, et je le regrette, le climat de confiance et de sérénité qui me semble pourtant nécessaire aux relations entre le Gouvernement et le Sénat, d’autant plus, vous le savez, que notre assemblée reste à convaincre du bien-fondé de votre réforme.

Pour tout dire, on peut même s’interroger sur la nécessité d’examiner ce projet de loi dès lors que la mesure centrale en est exclue !

Bien entendu, nous ne voterons pas les motions de procédure proposées par l’opposition, car nous souhaitons un débat au fond sur l’autonomie du service public de l’audiovisuel, c’est-à-dire sur son financement et, plus particulièrement, sur la question de la redevance et des différentes taxes que vous proposez.

Nous souhaitons également engager avec vous une véritable discussion permettant d’améliorer ce texte.

Avant d’en venir à ces questions qui constituent pour nous, vous l’avez compris, le « point dur » de ce débat, j’évoquerai d’autres aspects du texte, également importants, qui sont contenus dans les titres Ier et Il de ce projet de loi, les titres III et IV étant plus techniques, même si nous serons attentifs à certains aspects de la transposition de la directive de 2007.

Nous nous réjouissons que France Télévisions devienne un média global regroupant chaînes hertziennes, internet avec télévision de rattrapage, vidéo à la demande, télévision mobile personnelle.

Nous nous félicitons également, madame la ministre, de la transformation en une entreprise unique du groupe France Télévisions, qui compte aujourd’hui quarante-neuf sociétés et 11 000 collaborateurs. Nous y voyons clairement une mesure positive qui permettra de dégager – du moins l’espérons-nous – de réelles économies, évaluées à 140 millions d’euros par la commission Copé.

Ce projet de loi permet donc d’espérer que le service public de l’audiovisuel sera rationalisé et attractif. C’est bien, mais ce n’est pas suffisant.

Pour être en mesure de rivaliser avec ses principaux concurrents européens, le service public de l’audiovisuel doit aussi être autonome.

Sur ce point, la question de la nomination du président de France Télévisions est importante.

Le projet de loi prévoit que le président de France Télévisions soit nommé par décret en conseil des ministres après avis conforme du CSA et avis des commissions parlementaires compétentes.

Critiqué par certains de nos collègues, y compris au sein de notre groupe, ce dispositif ne me pose pas de problème à titre personnel, pas plus qu’à la majorité du groupe de l’Union centriste.

Il n’est pas anormal, en effet, que le dirigeant de France Télévisions soit choisi par son actionnaire, et nous considérons que la procédure proposée – avis conforme du CSA et avis des commissions compétentes – permet d’encadrer ce pouvoir de nomination. Le vote négatif émis récemment par la commission des affaires économiques sur la nomination d’un candidat à la présidence du Haut Conseil des biotechnologies démontre que les parlementaires, notamment les sénateurs, savent exercer pleinement et souverainement leurs prérogatives.

Je pense que les députés ont également bien fait de calquer la procédure de révocation sur la procédure de nomination, car les conditions de révocation sont, en termes d’indépendance, au moins aussi importantes que celles de nomination. Un dirigeant aisément révocable ne jouit en effet d’aucune autonomie.

Bref, tout irait bien sans la question du financement de France Télévisions !

J’ai dit tout à l’heure ce que nous pensions des conditions hâtives et cavalières de cette suppression.

Sur le principe, j’avoue, à titre personnel, ne pas être convaincu que publicité et télévision de qualité sont antinomiques.

Je crois que France Télévisions a pu, malgré la publicité, prouver au cours des dernières années sa spécificité de chaîne publique avec une programmation de qualité.

L’émission Des racines et des ailes en est la preuve, comme le sont également un certain nombre de fictions réalisées à partir d’œuvres littéraires, telles que Guerre et Paix et des romans de Maupassant.

Je crois également qu’une chaîne publique ne doit pas être totalement déconnectée de l’audimat pour, selon les termes du nouveau cahier des charges dont je salue le caractère ambitieux, « intéresser sans ennuyer » et « garder la dimension populaire ». Chaîne d’ores et déjà exigeante, France Télévisions doit, à mon sens, garder sa spécificité.

Toujours sur le principe même de la suppression de la publicité, j’ai du mal à comprendre que l’on s’attaque à des problèmes qui ne se posent pas quand il y en a, par ailleurs, tant à régler dans notre pays !

Qui donc demandait la suppression de la publicité à la télévision ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Personne, et, en tout cas, certainement pas les téléspectateurs, qui, je le reconnais, ne peuvent pas y être défavorables.

N’y avait-il pas des sujets plus urgents à traiter ? Aujourd’hui même, en pleine crise économique, ne devrions-nous pas plutôt discuter d’autres sujets qui intéressent plus directement les Français ? J’avoue avoir quelques scrupules à nous voir aujourd’hui débattre de ce texte déclaré d’urgence !

Rassurez-vous, je ne suis pas hostile à la suppression de la publicité !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Cette solution a été retenue par les principaux pays européens.

C’est une demande maintes fois formulée par les socialistes, qui devraient donc se réjouir de la voir acceptée et applaudir ce projet de loi. Les centristes eux-mêmes l’avaient réclamée en 2002.

Mais, très honnêtement, cette suppression n’est pas opportune en ce moment, et elle n’est pas acceptable dans ces conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Lorsque, le 8 janvier 2008, le Président de la République a annoncé sa décision, la situation du pays n’était pas celle que l’on connaît aujourd’hui.

Je rejoins pleinement Édouard Balladur – il est peu suspect d’« antisarkosysme » – qui, le 13 octobre, suggérait que l’on « suspende la suppression de la publicité sur les chaînes publiques de télévision pour dispenser l’État de les aider ».

Je rejoins également Édouard Balladur qui, à l’époque, suggérait que cette économie soit affectée au financement du RSA plutôt que de créer encore – ou devrais-je dire « déjà » ? – une nouvelle taxe !

Lorsque le Président de la République a annoncé la suppression de la publicité, le déficit prévisionnel du budget de l’État pour 2008 était de 41 milliards d’euros. On sait qu’il dépassera 57 milliards d’euros en 2008 et ira sans doute bien au-delà de 60 milliards d’euros en 2009.

A-t-on vraiment les moyens de se passer aujourd’hui de recettes publicitaires ? Assurément non !

Je partage également l’avis du rapporteur général du budget à l’Assemblée nationale, le député UMP Gilles Carrez, qui, au-delà des réserves émises sur les taxes que vous proposez et dont nous reparlerons, a regretté que l’on supprime la publicité, « moteur de la consommation au moment où la croissance bat de l’aile ».

Je rappellerai, enfin, que le secteur audiovisuel doit faire face non seulement à la crise économique mais également à des surcoûts liés à la double diffusion analogique et numérique jusqu’en 2012 et au passage à la télévision haute définition.

Incontestablement, et c’est ce que nous regrettons, le moment ne pouvait pas être plus mal choisi pour mettre en place cette réforme ; il aurait été beaucoup plus sage d’attendre 2012.

Plus grave, cette suppression n’est pas acceptable dans les conditions proposées, car elle n’offre pas à France Télévisions la garantie d’un financement autonome et pérenne.

Le financement autonome et pérenne est le seul véritable garant de l’avenir du service public, de sa qualité et de son autonomie, bien davantage que le mode de nomination de son président.

Dès lors que la télévision publique ne bénéficie plus de recettes publicitaires, le seul mode de financement possible, c’est la redevance. Tous les pays occidentaux, sans exception, ont procédé ainsi.

On sait ce qu’il en est en France, où la redevance s’élève à 116 euros quand elle est supérieure à 200 euros en Grande-Bretagne et en Allemagne.

En Allemagne, la redevance rapporte à la télévision publique le double de notre redevance, offrant ainsi à l’audiovisuel allemand les moyens de ses ambitions.

La redevance en France n’a pas augmenté depuis 2001, et elle a même légèrement diminué en 2004. La Cour des comptes a eu l’occasion de souligner que cette situation « correspond à une baisse en termes réels de l’ordre de 10 %, ce que déplore avec constance la commission des affaires culturelles.

Nous ne proposons naturellement pas de porter la redevance au même montant que dans les principaux pays européens, mais nous considérons qu’il convient d’augmenter son produit.

Nous proposerons, pour cela, d’élargir son assiette aux personnes qui ne la payent pas, car elles n’ont pas de téléviseur, mais reçoivent la télévision par un ordinateur ou un portable incluant une offre de télévision. Cette mesure, qui se pratique déjà en Allemagne, permettrait de dégager environ 30 millions d’euros.

Nous demanderons également qu’une redevance bénéficiant d’un abattement de 50 % soit payée par les occupants de résidences secondaires, ce qui rapporterait 120 millions d’euros. Quand on a une résidence secondaire, on peut acquitter, me semble t-il, moins de 60 euros par an !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Sinon, il vaut mieux la vendre !

En tout état de cause, le montant total de la redevance serait plafonné à une redevance et demie par foyer.

Nous suggérons également que la redevance soit augmentée de 3 ou 4 euros, c'est-à-dire d’environ 3 %. Je rappelle qu’elle n’a pas augmenté depuis 2001.

Quelles que soient leurs difficultés, je ne connais pas de Français qui ne puissent faire face à une augmentation de ce niveau.

Je rappelle par ailleurs que cinq millions de foyers sont exonérés de la redevance.

Je suis affligé – et je pèse mes mots – que le Gouvernement, par un manque de courage politique évident, se soit opposé à l’augmentation de 2 euros adoptée par le Sénat dans le cadre du projet de loi de finances rectificative, à la demande de notre commission des affaires culturelles et de notre commission des affaires économiques. On ne fait pas de réformes quand on n’a pas le courage de les financer !

Vous préférez recourir à des taxes, car vous pensez qu’elles passeront mieux politiquement, parce qu’elles sont réputées indolores ; mais vous savez très bien qu’elles seront finalement répercutées sur le consommateur. Il n’y a pas de taxe indolore !

Si les opérateurs de télécommunications doivent verser l’équivalent de 8 % de leurs résultats, ils augmenteront d’autant la facture des abonnés. Cela sera bien pire en termes de pouvoir d’achat pour nos concitoyens, car la hausse sera largement supérieure à 3 ou 4 euros par an !

La commission des affaires économiques évalue cette hausse à 15 euros minimum par an. Je pense, pour ma part, que l’on sera plus proche d’une treizième facture mensuelle par an !

En vérité, il n’y a pas d’autre solution que la redevance pour assurer le financement autonome et pérenne du service public de l’audiovisuel. Et si vous considérez vraiment que la redevance n’est pas juste, alors, réformez-la !

Mettez en place la commission de modernisation de la redevance dont le Premier ministre a annoncé la création !

Fixez-lui un calendrier « serré » et revenez dans quelques mois nous proposer un financement par une redevance réformée !

Mieux vaut attendre un peu et mettre en place une solution adaptée aux enjeux de l’audiovisuel public. En tout état de cause, dire qu’on va en débattre après le vote de ce texte, ce n’est pas sérieux ! C’est bel et bien dans le cadre de ce débat que cette question doit être tranchée !

Aujourd'hui, vous prévoyez l’instauration de deux taxes – encore des taxes, ai-je envie de dire ! – après le 1, 1 % créé pour financer le RSA.

Dois-je rappeler que nous appartenons à une majorité qui s’est engagée à réduire les prélèvements sur les entreprises pour favoriser l’emploi ? Au-delà, ces taxes présentent de nombreux inconvénients.

Tout d’abord, elles ne sont pas affectées au financement de France Télévisions, ce qui ne manque pas de nous inquiéter, car on a vu dans le passé un certain nombre de taxes se perdre dans la masse globale du déficit de l’État.

Sans remonter à la défunte vignette automobile, l’exemple de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA, qui rapporte plus de 600 millions d’euros pour 80 millions d’euros affectés au Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC, est, hélas ! révélateur.

France Télévisions n’a donc aucune garantie quant à ses ressources au-delà de 2011 puisque son financement n’est assuré que pour trois ans.

Comment peut-on construire un secteur audiovisuel public fort que nous appelons tous de nos vœux sans lui assurer les moyens de ses ambitions ?

Comment peut-on affirmer des ambitions fortes pour France Télévisions et laisser le devenir de son financement au bon vouloir des gouvernements futurs ?

Fait plus préoccupant peut-être, ces taxes sont illégitimes.

Pourquoi, en effet, taxer les recettes publicitaires des chaînes privées pour financer le service public ? Quelle curieuse démarche de financer une société par la taxation de ses concurrents et de lier, par là même, les ressources du service public à la réussite du secteur privé !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est étrange, en effet ! C’est même complètement paradoxal !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je rappelle, par ailleurs, que la publicité à la télévision et à la radio est déjà taxée et que la pression fiscale sur les recettes publicitaires est aujourd’hui estimée à 6, 28 %.

L’Assemblée nationale a quelque peu amélioré le dispositif initial en réservant cette taxation à l’effet d’aubaine, et non à la totalité du chiffre d’affaires.

Mais aujourd’hui, le dispositif est complexe, et personne ne sait ce qu’il rapportera, en tout cas certainement pas les 80 millions d’euros initialement prévus !

Quant à la taxation des opérateurs de télécommunications, ce dispositif est encore plus « baroque » que le précédent, et je m’associe pleinement aux propos de M. Bruno Retailleau sur ce sujet.

Il n’y a, en effet, aucun rapport entre l’activité de ces sociétés et la télévision, d’autant que, comme l’a rappelé M. Retailleau, la partie audiovisuelle de leurs activités, extrêmement faible au demeurant, a été exclue de l’assiette de la taxation, ce qui est quand même un comble ! Comment ne pas s’étonner que 85 % des recettes destinées à compenser la suppression de la publicité n’ont aucun rapport avec la production et la diffusion d’images ?

Je vous rappelle par ailleurs que les fournisseurs d’accès à internet, en acquittant un versement au Compte de soutien à l’industrie cinématographique et à la production audiovisuelle, le COSIP, qui sert à financer le Centre national de la cinématographie, le CNC, participent déjà au financement de la création.

Quitte à instaurer une taxe, j’aurais trouvé plus logique de taxer les ventes de téléviseurs. Il existe en effet un lien entre téléviseur et télévision. De surcroît, les sites de production étant implantés bien loin de notre pays, une telle taxe n’aurait eu aucun effet sur l’emploi.

En réalité, vous cherchiez une assiette large pour dégager des recettes et votre choix s’est, malheureusement, porté sur ce secteur, qui paye ainsi son dynamisme. Taxer ceux qui réussissent me semblait pourtant aux antipodes du projet du Président de la République.

Dans quelques jours, nous allons débattre du plan de relance du Gouvernement. Ce plan ne mentionne à aucun moment le numérique comme moteur de l’économie.

Aux États-Unis, le président Obama a fait le choix inverse, en centrant son plan de relance sur les télécommunications et le numérique. Nous, nous préférons taxer ce secteur, l’un des plus dynamiques et des plus stratégiques de l’économie, alors que nous savons, selon les prévisions de l’INSEE, que près de 170 000 emplois seront détruits au premier semestre de cette année.

Nous demandons en outre à ce secteur de financer le plan France numérique 2012, présenté en octobre par le Président de la République lui-même.

Comment ce plan, dont il convient de saluer l’ambition et le bien-fondé, sera-t-il réalisé si les entreprises sur lesquelles il repose sont lourdement taxées ?

La couverture numérique du territoire, que ce soit du point de vue de l’internet haut débit ou de la téléphonie mobile, constitue pour nous une priorité. Et, en tant que sénateurs, nous sommes bien placés pour savoir que trop de territoires en sont encore privés. Je le dis solennellement, je préfère que les opérateurs soient incités à couvrir ces zones blanches, voire contraints de le faire, plutôt que les voir, une fois encore, « ponctionnés ».

Aussi, si cette taxe devait être adoptée par le Sénat, nous demanderions, au minimum, que les investissements réalisés pour assurer la couverture du territoire soient déduits de l’assiette taxable et que le taux de 0, 5 % proposé par la commission Copé soit préféré à celui de 0, 9 %.

Enfin, toujours sur la question du financement, nous devrons veiller à ce que l’objectif d’économie de 140 millions d’euros évoqué par le rapport Copé soit atteint. Naturellement, le service public de l’audiovisuel devra chercher, lui aussi, à optimiser ses coûts.

Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les principaux points que je voulais évoquer à ce stade de la discussion.

Vous l’aurez compris, ce texte comporte à nos yeux des éléments positifs.

Nous nous réjouissons de votre volonté de rationaliser le service public audiovisuel ; nous soutenons les ambitions que vous lui fixez ; en revanche, nous ne comprenons pas votre refus d’en tirer les conséquences financières. C’est pour cela que votre projet de loi n’est pas, en l’état, acceptable par les membres de l’Union centriste.

Vous le savez, madame la ministre, nous avons à cœur d’apporter notre soutien au Gouvernement et nous souhaitons réellement pouvoir voter en faveur de ce projet de loi. Mais il faudra pour cela que vous acceptiez de nous entendre et que vous preniez en compte nos remarques et nos propositions.

Nous sommes vos partenaires ; nous avons toujours été des alliés loyaux et nous entendons le rester. Mais être dans la majorité ne signifie pas être des « godillots ».

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Être partenaire n’implique pas de dire toujours oui, même quand on refuse de nous entendre. La solidarité n’implique pas d’approuver le contraire de ce à quoi l’on croit.

Sourires ironiques sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le groupe du Nouveau Centre a montré à l’Assemblée nationale qu’il souhaitait être davantage entendu. C’est dans le même esprit que le groupe Union centriste du Sénat aborde l’examen de ce projet de loi, avec le sincère espoir, je le répète, de pouvoir apporter son soutien au Gouvernement.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le 5 février 2008, de seize heures à vingt heures, la commission des affaires culturelles avait réuni une table ronde sur le thème : « Quelles réformes pour le secteur de l’audiovisuel ? »

Étaient présents, outre des sénateurs, les cinq chaînes historiques et des organisations professionnelles. Vingt-six personnes extérieures étaient conviées mais aucun syndicaliste, aucun journaliste, aucun artiste, aucun chercheur, aucun représentant des téléspectateurs ne l’était ! Nous nous situions dans la foulée du coup d’éclat présidentiel du 8 janvier qui, sans même que la ministre de la culture ou le président de France Télévisions n’en soient préalablement avertis, annonçait la suppression de la publicité à la télévision publique.

Une étude du cabinet Goldman et Sachs du 6 novembre 2007 annonçait : « Nous nous attendons à ce que le secteur audiovisuel français connaisse des changements importants dans les mois qui viennent, ce qui devrait être un facteur positif pour TF1 et M6. » Une étude de la Société Générale du 2 novembre 2007 tonnait contre le « cadre réglementaire le plus contraignant en Europe » pour la télévision. Quant au Livre blanc, ou plutôt au cahier de doléances de TF1, il présentait dans le détail la réforme du Président de la République. Cela illustre, au passage, le lien étroit entre économique et pouvoir politique. Comme si les affaires du Gouvernement étaient désormais réduites au « Gouvernement des affaires »…

Pour sa part, Mme la ministre était intervenue au MIPCOM - marché international des contenus audiovisuels - d’octobre 2007. Un courtier en bourse avait alors commenté : « Tout est positif dans ce projet ! » Les grands diffuseurs commerciaux avaient déjà reçu une cascade de cadeaux en 2006 et 2007, tout cela sous le régime du « nouvel esprit des lois », à savoir le dogme libéral franco-européen de « la concurrence libre et non faussée ».

Le 9 janvier 2008, le secrétaire général de l’UMP, M. Devedjian, jugeait qu’il y avait « peut-être un peu beaucoup de chaînes publiques » et suggérait « quelques privatisations ». Pour sa part, le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, estimait que France Télévisions pourrait faire des économies.

Depuis, toutes les questions que je viens de rappeler ont été illustrées par l’instruction du dossier de la télévision publique. La dernière preuve en a été apportée sur France Inter, le 3 décembre dernier, quand le député UMP Frédéric Lefebvre a expliqué que la télévision publique comptait 11 000 employés alors que toutes les télévisions privées n’en comptaient que 8 500 CQFD ! Il oubliait que l’essentiel des effectifs de la télévision publique est lié au maillage du territoire par les équipes d’information et de production de France 3, facteur majeur de démocratie et de cohésion sociale. Ce point est essentiel pour les sénateurs qui sont proches des collectivités territoriales.

Sans malice, j’ajouterai qu’au printemps dernier Christine Lagarde affirmait : « La France est un pays qui pense. » Aujourd’hui, j’aimerais vous dire : assez pensé, maintenant, retroussons nos manches !

Eh bien, je vais retrousser mes pensées, enrichi de toutes les auditions que j’ai pu conduire, et examiner quatre grandes questions traitées par les deux projets de loi Sarkozy qui nous sont soumis : l’élection du président de France Télévisions, l’organisation de son financement, le traitement du pluralisme et, enfin, la politique de création.

S’agissant de la présidence de France Télévisions, je noterai que c’est la première fois en Europe, aux États-Unis et au Canada qu’un président d’un groupe de chaînes de télévision publique est nommé par le chef de l’État. C’est contraire à la démocratie ! Le chef de l’État n’est ni un patron ni, seulement, un actionnaire. La télévision et la radio publiques appartiennent aux citoyens ; elles sont leur affaire et ceux-ci doivent s’en mêler au premier chef, directement et par l’intermédiaire de leurs élus. L’État et, a fortiori, le Gouvernement n’y agissent que par délégations et ne doivent y exercer qu’une influence minimale, voire nulle. La pratique d’autonomie de cette responsabilité de l’audiovisuel public vis-à-vis de l’ensemble des auditeurs et téléspectateurs est et doit demeurer un principe cardinal de notre démocratie. On ne peut se contenter de répéter l’antienne « ce qui est bon pour General Motors est bon pour le pays »… Comme le rappelle Pierre Legendre, « État vient du latin stare - se tenir debout. Autrement dit, ce curieux mot intraduisible en dehors de la civilisation de tradition ouest-européenne renvoie à certaines opérations destinées à faire tenir quelque chose debout - en France faire tenir debout c’est ce que nous appelons la République ».

Or le projet de loi organique met en cause l’indépendance et l’autonomie des chaînes publiques. Pire, le droit monarchique de nommer est complété du droit princier de révoquer : c’est une première dans la tradition du service public à la française ! Quand TF1 a été privatisée, on a parlé de « mieux-disant culturel », ici c’est « le mieux-disant autoritaire ». Ce n’est pas la fin d’une hypocrisie mais le début de l’arbitraire. L’avis demandé au CSA est effarant puisqu’il a été qualifié d’« hypocrite » par le Président de la République lui-même. Quant à l’avis du Parlement, c’est une joyeuseté indécente quand on sait comment le pouvoir actuel le traite et annule des décisions, fussent-elles unanimes !

Nous proposons quant à nous un processus : les assemblées créeraient une commission permanente spécialisée en matière d’audiovisuel, de médias et de pluralisme qui traiterait de toutes les questions concernant le domaine des images et des sons. Cette commission proposerait une liste de cinq noms de candidats à la présidence de France Télévisions, laquelle serait examinée par le CSA, lui-même reconfiguré. Enfin, le Conseil d’administration de France Télévisions, lui aussi recomposé afin d’être plus représentatif, procéderait à l’élection de son président. Une telle formule serait mieux à même de respecter l’autonomie des entreprises publiques. Le Président de la République n’aurait pas le pouvoir de révocation, tant il est vrai que ce dernier ne saurait être utilisé que pour des fautes très graves, qui relèvent de la justice ordinaire.

Dans ces conditions, la loi organique n’a plus lieu d’être et nous en demandons la suppression, l’élection du président de France Télévisions étant mentionnée à l’article 8 du projet de loi ordinaire.

Pour le financement de France Télévisions, le constat est clair. Il est insuffisant dans la première période, de 2009 à fin 2011 : il faudrait 650 millions d’euros et l’État n’en apporte que 450 millions. De surcroît, il n’est pas pérenne puisque ses modalités ne sont pas précisées au-delà des trois ans, alors qu’une gestion responsable exigerait une garantie de recette induite par une redevance fixée à l’avance pour au moins dix ans, comme dans le cas de la BBC, où le montant indexé de la redevance est un pilier essentiel du contrat passé entre les citoyens, via le Parlement et l’opérateur public.

Au-delà de 2011, l’insuffisance du financement devient une béance et une menace majeure pour le périmètre de France Télévisions. Il faudra alors trouver un milliard d’euros – 830 millions d’euros pour la suppression de la publicité et 200 millions d’euros pour les programmes de remplacement. Il est dramatique que l’État mette ainsi en abîme la télévision publique. Précisons que la compensation actuelle des 450 millions d’euros proposée par l’Élysée coûtera bien plus cher que prévu au budget général, puisque la majorité de l’Assemblée nationale a déjà minoré les taxes assises sur la publicité des télévisions privées ainsi que sur les opérateurs de télécommunications et les fournisseurs d’accès à internet, les FAI. De plus, ce financement doit encore être examiné par la Commission européenne, dont l’opinion reste incertaine. Comment le Gouvernement ose-t-il présenter un plan de financement aggravant dans d’aussi fortes proportions le sous-financement déjà récurrent de France Télévisions et pour lequel le Président de la République avait même envisagé une augmentation de la publicité ?

Nous avançons pour le financement trois propositions.

Première proposition : une augmentation de la redevance et sa modulation selon les revenus. C’est la seule authentique, significative et légitime mesure garantissant la pérennisation du service public. Le Premier ministre propose qu’une commission parlementaire et professionnelle soit créée pour étudier un produit de substitution à la redevance. Nous récusons ce projet, y compris la composition d’une telle commission. L’expérience de la commission Copé est suffisante pour ne pas être renouvelée. Les parlementaires représentent l’intérêt général. Ils doivent donc avoir la maîtrise de l’élaboration des solutions. Certes, ils doivent auditionner mais ils ne coproduisent pas la loi avec une partie des intéressés, notamment avec des lobbies industriels ou autres groupes de pression. Vous pourrez toujours, mes chers collègues, chercher dans la proposition du Premier ministre les syndicalistes, les artistes, les techniciens, les chercheurs et les représentants des téléspectateurs. Ils sont introuvables ! Mais il est vrai que cela devient une habitude…

La deuxième ressource financière proviendrait d’une taxe de 1 % sur la totalité des investissements publicitaires bruts dans et hors médias, à l’exception de ceux concernant le spectacle vivant, la presse écrite quotidienne, l’édition et le cinéma. Une telle taxe, assise sur une assiette de 32 milliards d’euros, rapporterait plus de 300 millions d’euros par an.

La troisième proposition serait de renoncer à la suppression de la part de publicité demeurant sur France Télévisions en 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Dans une proposition de loi relative à l’audiovisuel du 22 avril 1999, que j’avais élaborée durant six mois de travail avec des personnalités représentatives et pluralistes, je soulignais, à l’article 6, l’importance d’un financement mixte du service public de la radio et de la télévision avec une composante publicitaire plafonnée et des clauses indiquant que les contrats pour la publicité ne pouvaient être fondés sur l’audience des émissions, comme c’était alors le cas, mais qu’ils devaient reposer uniquement sur des critères liés à l’heure de diffusion.

En ce qui concerne le pluralisme, que le projet de loi Sarkozy amollit et rétrécit, je reprends l’énoncé de la Déclaration des droits de la culture, prononcée au Zénith, en novembre 1987, devant 7 000 personnes, artistes et public. Le pluralisme est un élan qui s’impose, car rien ne vit qu’au pluriel : pluralisme de la culture dans l’espace et le temps de la nation, pluralisme des arts dont aucun n’est mineur quand rien ne le rapetisse, pluralisme des esthétiques et des techniques, des goûts et des couleurs, pluralisme qui ne vise pas au démembrement et au décloisonnement, pluralisme où chacun est soi en apprenant l’autre.

Pour la télévision proprement dite, l’article 4 de la proposition de loi stipulait que le pluralisme était au cœur des missions du service public qui doit, par une programmation généraliste – j’insiste sur ce point – et de qualité, tout à la fois « informer, cultiver et distraire » les publics les plus larges.

Quant à la politique de création, il faut la libérer de l’esprit des affaires qui, pour l’heure, l’emporte sur les affaires de l’esprit. Aujourd’hui, il faut en avoir conscience, tout un « beau monde » tire l’art vers le bas en le marchandisant à outrance, en le transformant en marques et produits, ce que Claude Lévi-Strauss, dont nous avons récemment fêté le centième anniversaire au musée du quai Branly, exprime dans Tristes tropiques par cette phrase terrible : « L’humanité s’installe dans la monoculture, elle s’apprête à produire la civilisation en masse comme la betterave. »

Comme il l’a écrit à sa ministre de la culture le 1er août 2007, Nicolas Sarkozy préfère répondre à la demande. Or la réponse à la demande, c’est la logique du marketing. Elle conduit à une politique au plafond bas, à l’opposé de l’exigence de Vilar d’« offrir aux gens ce qu’ils ne savent pas encore qu’ils désirent ».

Il faut savoir, comme le disait Man Ray, que « la différence entre les hommes politiques et les artistes, c’est que les artistes n’ont pas besoin de majorité ». De la même façon, le divertissement, le rire, le plaisir, l’intelligence, la science n’ont pas besoin de majorité. Ils doivent trouver leur place dans le cadre d’une télévision généraliste, une télévision qui ne rabote pas les savoirs et les créations sauvages.

Bien entendu, une politique de création doit comporter des obligations de production valables pour toutes les chaînes et tous les supports techniques de diffusion. Une politique de création doit s’entremêler aux innovations technologiques, d’où l’importance de la recherche dans le domaine audiovisuel comme avait su la créer Pierre Schaeffer, afin que la « belle numérique » – je le répéterai inlassablement dans cette assemblée –, qui passionne tant, se mêle à « la bête fabuleuse », comme André Breton nommait la création.

Évidemment, notre approche de la télévision ne se limite pas à ces quatre grands chapitres. Elle inclut d’autres considérations dont nos amendements proposeront la mise en droit, même si tout ne doit pas relever du droit pour être. Quoique... On peut se le demander dans un monde où les groupes privés ont souvent une loi d’avance, comme disait Robert Hersant, comme l’a montré la direction de TF1 pour le présent projet. Mais il faut faire confiance aux femmes et aux hommes qui assurent avec conscience et professionnalisme le service public, sans crainte de l’inconnu, mais redoutant à juste titre les formes formatées, surtout par un État et un Président omniscients et omniprésents.

Le contenu de la programmation doit-il être évoqué dans l’exposé des motifs et dans le cahier des charges ? On ne peut que craindre de la définition des programmes et des horaires par les dirigeants de l’État et des groupes. Sauf à célébrer les noces de l’étatisme et de l’affairisme ! Telle est « l’idéologie des affaires » qu’évoquaient voilà plus de trente ans Adorno et Horkheimer dans leur texte sur les industries culturelles.

Soyons francs, j’ai précisé quelle était mon orientation, mais je ne cache pas mes questionnements. Il n’y a rien de pire que d’avoir réponse à tout !

Première question : la société Orange, que nous avons reçue, nous a indiqué que l’Assemblée nationale avait voté un amendement lui retirant une exclusivité favorisant ses abonnements. Orange n’est pas contente ! Qui le serait à sa place ? À l’évidence, il y a derrière cela le lobbying de Vivendi et de Canal Plus France, qui, si le projet de loi est voté en l’état, recevront de gros cadeaux. Il y a une distorsion de traitement. Comment faire ? C’est la guerre économique des entreprises qui ne sont d’accord que contre les principes de régulation et contre les citoyens qui ne peuvent pas enfiler un dossard sur lequel est écrit « Je suis solvable, donc je suis! ».

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Ces entreprises, jusqu’ici, ne dépendaient pas de la même régulation et n’avaient pas la même fonction : Vivendi et Canal Plus France étaient sur les contenus et Orange sur les contenants. Si la loi s’applique de manière identique à tous les acteurs, cela favorise Orange ; si elle ne s’applique pas à Orange, comme le prévoit l’amendement adopté par l’Assemblée nationale, elle favorise seulement Vivendi et Canal Plus France.

On peut certes dire que ce sont les beautés du capital, mais il faudra bien, dans le cadre d’une responsabilité publique, trouver le moyen de résoudre cette contradiction qui a quitté l’esprit des lois pour créer une concurrence non libre et très faussée. C’est la quadrature du cercle. Et pourtant, tous les acteurs doivent vivre ensemble. Il faut donc prendre en compte l’intérêt général, que nous représentons, les citoyens, et non se réduire à un arbitrage entre des lobbies. Nous ne sommes pas encore à Bruxelles, où 25 000 fonctionnaires sont face à 17 000 lobbyistes. On voit que la démarche de Nicolas Sarkozy rencontre un butoir.

La deuxième question concerne le devenir numérique et intermédia de France Télévisions. Je préfère le mot intermédia à l’anglicisme global « média » qui envahit la langue gouvernementale.

Si la modernisation technique est un prétexte pour justifier l’entreprise unique et supprimer des chaînes, nous la refusons.

La modernisation technologique est nécessaire et elle fait partie des missions de service public, mais elle nécessite des investissements, de la recherche et de la formation, donc des moyens financiers. N’est-ce pas contradictoire avec la réduction des ressources programmées par le projet de loi ? Comment plaider pour une nouvelle politique industrielle en poursuivant dans les faits une mesquine démarche comptable ?

Troisième question : les producteurs ont passé un accord avec les auteurs et les télévisions sur les moyens dont ils veulent – et c’est légitime – pouvoir disposer. Ils déclarent que l’accord leur donne satisfaction.

Or, à la lecture de l’accord, on constate qu’ils ont demandé, et obtenu, plus d’augmentations d’obligations de production au service public et qu’ils ont concédé à TF1 une diminution des mêmes obligations de production. Une telle démarche tenaille tout lecteur un peu averti. En effet, elle n’est pas garantie puisque le contrat signé ne s’accompagne pas d’un financement pérenne du service public et qu’il favorise le secteur privé.

En vérité, le pouvoir ne voulait pas arbitrer et s’est défaussé sur les intéressés qui n’ont pas pris en considération l’ensemble du problème et se sont arrêtés à leurs seuls intérêts. Une fois encore, la loi ne fait que sanctifier un contrat particulier. Cela divise les hommes : il n’y a qu’à rencontrer les personnes qui travaillent à France Télévisions ou des auteurs pour s’en convaincre. Je préfère cette pensée de Paul Nizan « homme cherche homme » et que leurs singularités, ensemble, pensent debout.

Quatrième question : les personnels, tout comme la direction de France Télévisions, réclament la possibilité de produire en interne.

Certains poussent des cris parce qu’ils ont aujourd’hui un quasi-monopole. Mais la RAI sous Berlusconi, ZDF ou ARD sous l’alliance des chrétiens-démocrates et des sociaux-démocrates, la BBC sous le thatchérisme ou le travaillisme blairiste, se sont toutes vu reconnaître leur droit de produire. Comment corriger avec sérieux cette situation en France ?

Cinquième question : il y a un différend sur la définition de l’œuvre patrimoniale. Les producteurs de documentaires veulent que soient considérés non seulement les documentaires de création, mais aussi des documentaires diffusés dans des émissions comme Thalassa, Des racines et des ailes ou Capital.

Il s’agit d’un problème complexe. On ne peut pas pour autant le rejeter d’un revers de main. Les documentaires de Cinq colonnes à la une sont aujourd’hui édités en DVD.

Je termine ce questionnement non exhaustif en évoquant un trou noir dans la présidence française de l’Union européenne, par ailleurs tartinée de louanges. En effet, le Président Sarkozy n’a pas pensé, ou pas voulu, favoriser l’organisation d’une rencontre de toutes les chaînes publiques européennes pour envisager la création d’un pôle public européen de l’audiovisuel et des médias afin de lutter contre la domination hollywoodienne de l’industrie des programmes.

L’esprit public en serait le cœur. Les intérêts privés y seraient associés, à partir d’un cahier des charges simple mais rigoureux dont le non-respect pourrait être sanctionné.

Une telle initiative aurait une autre stature, une autre solidité, une autre influence, une autre efficacité que cette quête éperdue, qui est menée depuis des années dans notre pays, de grands groupes champions nationaux. Lorsqu’ils ont pu aller jusqu’au bout de leurs possibilités, certains d’entre eux se sont soldés par un fiasco qui coûte encore très cher à nos concitoyens ; je pense à l’aventure de Jean-Marie Messier et au rachat de la MGM par le Crédit Lyonnais.

Il faut penser audiovisuel et médias en gardant présentes à l’esprit les références industrielles historiques et toujours ultramodernes d’Airbus et d’Ariane, qui tous deux ont damé le pion aux États-Unis. Il ne faut pas attendre l’après 2020, la prochaine présidence française de l’Union, pour y travailler.

En conclusion, je dirai que les lois Sarkozy présentent le défaut fondamental de traiter l’audiovisuel et les médias comme un monde fini alors que ce monde, comme la vie d’ailleurs, est ouvert à l’infini. Lorsque je dis « fini », c’est fini dans la situation actuelle, sous le règne provisoire de M. Sarkozy.

Déjà, le 18 mai 1857 – c’est un problème permanent – Flaubert écrivait : « Aucun grand génie n’a conclu et aucun grand livre ne conclut parce que l’humanité elle-même est toujours en marche et ne conclut pas. Homère ne conclut pas ni Shakespeare, ni Goethe, ni la Bible elle-même. »

L’histoire de la télévision n’est jamais écrite, un point c’est tout ! Il faut prendre au sérieux l’inachèvement. Or les lois Sarkozy fossilisent l’inachèvement alors que tout est processus, surtout en ces temps d’impétuosités financières et technologiques qui ne peuvent être considérées comme un fatum. Elles résultent des orientations néolibérales qui inspirent toute la politique sarkozyenne. Les lois Sarkozy se présentent comme un tout, un accomplissement définitif. Leur auteur n’aime que les « actes-puissances », les « actes-fins » et, en fait, ne rêve que de retour à l’ordre. C’est inscrit au cœur de sa loi : il veut une télévision pédagogique, culturelle, une « télé-école » s’adressant à des citoyens considérés comme des élèves, signifiant par là même que la véritable école serait la télé.

Et, en même temps, il veut une télé sans rivage, mais non sans mirage, parce que commerciale : la « télé-caddy ». On aurait ainsi une combinaison, dans la société que Sarkozy vit comme délitée, de deux lieux encore porteurs de « socialité » : le petit écran et l’hypermarché.

Le chercheur Pierre Musso écrit que « c’est couper la représentation du monde en deux en opposant l’État grand éducateur au marché libre et divertissant. Tel est le message subliminal, la dichotomie que ce projet de loi voudrait inscrire dans l’imaginaire populaire des téléspectateurs : tantôt vous êtes des citoyens que l’État éduque et surveille, tantôt vous êtes des consommateurs dont le marché se plaît à satisfaire les désirs ».

Bien évidemment, nous refusons cet État surveillant général de la consommation et de l’imaginaire populaire. Si on laissait faire, on courrait le risque de perdre un bijou de mémoire, illustré par cette vieille mais fulgurante maxime : « On noue les bœufs par les cornes et les hommes par le langage. » §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il me soit permis, une fois n’est pas coutume, de sortir quelque peu de la sphère politique et de vous dire qu’avant-hier soir, en même temps que des millions de Français, j’ai partagé, en famille et en direct, un moment particulier.

Moment particulier, tout d’abord, parce que cette soirée marquait le début d’une ère nouvelle pour le service public, « libéré » de la contrainte publicitaire. Beaucoup a déjà été dit sur le sujet, à tort ou à raison ; j’y reviendrai par la suite.

Moment particulier, surtout, parce que la télévision publique est revenue à sa vocation première de culture, d’information et de divertissement.

Plus libre, plus audacieuse, elle va désormais pouvoir prendre des risques, innover, miser sur de nouveaux programmes qui réservent une large part à la culture, à la création sous toutes ses formes, à la fiction, au documentaire, aux émissions historiques, à des programmes scientifiques, citoyens, ou encore à des programmes éveillant les esprits aux grands défis de notre temps, comme l’Europe ou le développement durable.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Pour « inaugurer » la nouvelle grille, France 2 avait d’ailleurs fort judicieusement choisi, pour son prime-time de lundi dernier, un magazine de culture et de découverte qui illustrait et exploitait parfaitement les nouvelles possibilités ouvertes au service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Mme Catherine Dumas. Moment particulier, enfin, parce que, avec cette nouvelle télévision publique, nous allons pouvoir éveiller l’intérêt du téléspectateur en promouvant la qualité des programmes, bien au-delà des schémas traditionnels dictés par les courbes d’audience et rythmés par la « sacro-sainte course à l’audimat ».

Mme Annie David s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Nombre d’entre nous, je n’en doute pas, ont vécu en direct ce même moment, lundi soir, à la fois tranche de vie quotidienne et moment important et, en quelque sorte, historique : historique, parce que les grandes réformes audiovisuelles sont rares ; important, parce que le poste de télévision occupe aujourd’hui une place considérable dans la vie de millions de nos compatriotes, qu’ils soient aisés ou non, ruraux ou citadins, du nord ou du sud.

Tout changement dans ce domaine implique donc un grand courage.

Du courage, notre assemblée n’en a jamais manqué sur ce sujet. Je souhaite rappeler que c’est grâce à l’impulsion décisive du Sénat, dans une volonté partagée tant par la droite que par la gauche, que l’une des dernières grandes transformations du paysage audiovisuel français a pu voir le jour : la télévision numérique terrestre, la TNT, a modifié en profondeur et considérablement élargi l’éventail de la télévision gratuite pour les Français en proposant à tous dix-huit chaînes accessibles en clair et sans abonnement supplémentaire.

Du courage, il nous en faudra encore, aujourd’hui, pour transformer le service public de l’audiovisuel et le moderniser afin qu’il réponde aux évolutions sociétales et technologiques, afin d’affirmer sa spécificité et de garantir sa qualité.

De courage, la présente loi en est empreinte, madame la ministre. C’est avant tout une grande réforme culturelle. Le service public sans publicité : la gauche en a longtemps rêvé, et c’est une nouvelle fois notre gouvernement qui le fait !

Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Depuis que le Président de la République a annoncé, voilà quasiment un an, sa volonté de libérer la télévision publique de la publicité et de la dictature de l’audimat, un vaste débat s’est engagé.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

« La dictature de l’audimat » ! Ce n’est pas possible…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Mais ce débat doit bel et bien se fonder sur des faits et non sur des procès d’intention. La réforme de l’audiovisuel public mérite, mes chers collègues, un réel débat de fond et non des postures politiciennes.

Parce qu’il touche à la télévision de tous les Français, qui s’invite chaque jour directement au cœur de millions de foyers et fait partie de leur quotidien et même de leur patrimoine culturel commun, ce débat mérite mieux, en effet, que des petites phrases, des polémiques et des indignations factices !

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Que propose réellement le projet de loi défendu par le Gouvernement ? Il vise à substituer à la logique aléatoire de la ressource publicitaire – dont tout le monde sait qu’elle pâtit aujourd’hui sévèrement de la crise –…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

… un financement public garanti, pérennisé et stable, dont le montant a été fixé par la commission parlementaire présidée par Jean-François Copé, dont je salue d’ailleurs le formidable travail.

L’État garantira donc à France Télévisions 450 millions d’euros par an pendant les trois prochaines années. C’est inscrit noir sur blanc dans la loi de finances pour 2009 que nous avons adoptée. Dans un contexte économique mondial contraint, tendu, voire très incertain, la garantie des recettes est un gage fondamental de sécurité pour l’audiovisuel public.

Je souhaite d’ailleurs insister sur le travail qui incombera aux commissions du Sénat pour, chaque année, surveiller l’utilisation de ces crédits, notamment par le biais d’un rapport dont l’élaboration pourrait être confiée au Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, et qui serait examiné par le Parlement dans le cadre de la discussion de la loi de finances. Les membres de la commission des affaires culturelles, dont je suis, seront, aux côtés de leur président Jacques Legendre, très attentifs à cette question.

Ce financement sera dynamique puisque indexé sur l’inflation, tout comme le sera désormais la redevance. Celle-ci reste l’une des plus basses en Europe – moins de 10 euros par mois –, et le Parlement, seul compétent pour fixer son évolution, devra se faire entendre afin que soit trouvé un équilibre, nécessaire, qui n’entame pas le pouvoir d’achat des Français.

Toujours à propos de la redevance audiovisuelle, il nous faudra certainement, à terme, engager une réflexion sur sa modernisation. À l’heure actuelle, son nom lui-même et sa présentation – elle est adossée à la taxe d’habitation – sont trop souvent source de confusion et d’incompréhension de la part du public en ce qui concerne à la fois sa nature, son fondement et son utilisation.

Pourquoi de tels moyens ? Pour que la télévision publique – et c’est là, mes chers collègues, le cœur, l’objet principal de cette réforme, ce qu’il ne faut pas perdre de vue – puisse retrouver la liberté, loin de la course à l’audience et de la pression de la publicité, la liberté d’être elle-même, différente, inventive, de prendre des risques et d’affirmer encore davantage sa spécificité et sa singularité. Cela passe par la création et la diffusion de fictions ambitieuses, de chefs-d’œuvre du patrimoine cinématographique, de programmes culturels comme du théâtre en direct une fois par mois, mais aussi par des émissions plus populaires et audacieuses comme Plus belle la vie, un programme qui, sur une chaîne privée, n’aurait jamais eu le temps de rencontrer son public et d’avoir le succès qu’il connaît aujourd’hui.

Sortons de la caricature facile : non, le Gouvernement ne fait pas de « cadeau » aux chaînes privées !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Le texte prévoit de taxer les recettes publicitaires de ces chaînes. Il faut en effet être bien conscient qu’aujourd’hui les télévisions privées, elles aussi, concourent fortement à la création audiovisuelle à travers leurs obligations de production.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

C’est une spécificité française à laquelle nous tenons tous.

Ces obligations étant assises sur le chiffre d’affaires des chaînes, tout le monde a intérêt à ce que celles-ci soient en bonne santé.

M. Jean-Pierre Sueur s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

La réglementation française est parmi les plus strictes, et nous savons que les circuits publicitaires qui sont à la disposition des annonceurs se sont diversifiés, ce qui remet profondément en cause les schémas publicitaires traditionnels.

Là encore, il était nécessaire d’agir pour que les investissements publicitaires ne se reportent pas vers le hors-média ou l’affichage, qui, eux, ne sont soumis à aucune obligation de production et dont la concurrence menace l’équilibre financier de notre audiovisuel public.

Désormais, la programmation de fictions longues permettra de mieux financer encore les programmes de création.

Non, mes chers collègues, le Gouvernement ne souhaite pas le retour à l’ORTF ! Le projet de loi prévoit que le président de France Télévisions, chargé de veiller aux missions de service public, sera désigné par un système de « triple autorité ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

L’État le nommera après que le CSA y aura consenti, ainsi que – et cela nous concerne directement – la commission des affaires culturelles de chacune des deux assemblées. Nous allons donc, par ces mesures, gagner en transparence…

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

… et mettre fin à un système de nomination hypocrite.

Un Président de la République et un Gouvernement qui se donnent la possibilité d’aller chercher des personnalités de talent qui n’auraient peut-être pas pu se porter candidates avec l’ancien système ; un CSA qui devra donner un avis conforme ; des commissions parlementaires qui valident ce choix : peut-on sincèrement voir là la marque d’un quelconque totalitarisme ? Comment, en tout état de cause, le représentant du principal actionnaire pourrait-il ne pas avoir son mot à dire sur la nomination du président ?

Le texte qui nous est aujourd’hui soumis ne remet absolument pas en cause le « périmètre » de la télévision publique. Il vise même, en rénovant en profondeur l’organisation de la structure, à lui offrir les moyens de ses nouvelles ambitions.

Actuellement holding, France Télévisions va devenir une entreprise unique qui réunira différentes antennes. Ce nouveau statut lui permettra d’avoir une direction et une stratégie homogènes. Il permettra aussi d’alléger les contraintes de gestion qui pèsent sur les différentes chaînes afin que celles-ci puissent se recentrer sur l’activité de diffuseur de programmes, et de faire émerger des synergies entre les activités et les ressources humaines ou techniques des antennes.

Nous serons attentifs à ce que la transformation de France Télévisions en entreprise unique renforce l’identité des chaînes qui la composent : France 2, chaîne fédératrice de tous les publics ; France 3, chaîne de la proximité ; France 4, chaîne de la jeunesse et des nouvelles générations ; France 5, chaîne des savoirs et de la connaissance ; France Ô, chaîne des cultures d’outre-mer et de la diversité.

Nous veillerons également à ce que la transformation en entreprise unique garantisse l’indépendance et l’identité éditoriale des rédactions et conforte France Télévisions dans la poursuite de ses missions de service public.

Je tiens d’ailleurs à souligner que M. de Carolis, dès son arrivée à la tête de France Télévisions, s’est attaché à développer les synergies internes afin de construire un groupe plus cohérent, plus efficace, capable de tenir son rang face aux opérateurs privés et d’améliorer sans cesse la qualité et la spécificité de ses programmes.

Cette modernisation du fonctionnement du groupe, amorcée en interne bien avant les annonces du Président de la République, démontre toute la nécessité que revêtait la réorganisation de l’entreprise France Télévisions.

Enfin, mes chers collègues, et puisque le Sénat est le représentant des territoires au sein du Parlement, je tiens à rassurer ceux d’entre vous qui pourraient s’inquiéter du devenir de ce précieux vecteur d’information, voire de cohésion locale, que sont les antennes régionales de France 3.

Le projet de loi confirme en effet la vocation régionale de France Télévisions à travers la diffusion, y compris aux heures de grande écoute, de décrochages spécifiques et de programmes reflétant la diversité régionale, et grâce à l’information de proximité. Ainsi, les différentes antennes du groupe assureront plus que jamais la synthèse entre les différents niveaux d’information : national et international, régional et local.

Le développement régional de France 3 reposera sur la création de web TV, via internet, à partir des vingt-quatre bureaux régionaux d’information, sur l’instauration d’un décrochage régional au sein du dernier journal télévisé ainsi que sur le renforcement de l’offre régionale du 19-20.

C’est d’ailleurs sur ce point que je souhaite insister pour conclure mon propos : la capacité d’innovation du service public et la possibilité qu’ouvre cette réforme de véritablement inventer un nouveau service public de la communication audiovisuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

À l’heure de la généralisation des nouvelles technologies, il faut en effet souligner que le service public a déjà fait beaucoup plus que le secteur privé pour le développement du « média global ». Il doit encore être encouragé dans cette voie et démontrer sa formidable capacité d’innovation, car c’est aussi sur ce terrain que se jouera l’avenir de l’audiovisuel.

Mes chers collègues, ce que propose, en définitive, le projet de loi, c’est une réforme globale et cohérente qui donne à l’ensemble du paysage audiovisuel les moyens de miser sur les contenus, leur qualité, leur originalité et leur accessibilité, et dont bénéficieront tous les téléspectateurs, c’est-à-dire tous les Français.

Nous avons devant nous un plan de réforme complet, sans précédent.

Comme l’a affirmé le président du Sénat, il est de notre responsabilité, mes chers collègues, que sur ce texte qui touche le quotidien de tous les Français dans leur diversité le Sénat fasse entendre sa voix et prenne toute sa part dans cette importante réforme.

Je souhaite d’ores et déjà préciser que, pour sa part, le groupe UMP aborde ce débat dans un esprit constructif, dans un esprit d’ouverture, et qu’il sera attentif aux contributions et amendements émanant de tous les groupes politiques, dans la mesure bien sûr où ils participeront à l’enrichissement du texte.

Madame la ministre, c’est un texte courageux et audacieux que vous défendez.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Dumas

Mme Catherine Dumas. Le projet de loi marque une réelle ambition pour le service public de l’audiovisuel. C’est la raison pour laquelle le groupe UMP lui apportera tout son soutien.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.