Intervention de Michel Thiollière

Réunion du 7 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique déclarés d'urgence

Photo de Michel ThiollièreMichel Thiollière, rapporteur :

Au contraire même, tout reste à faire pour lancer la réforme de l’audiovisuel public.

Certes, le 5 janvier dernier – voilà donc deux jours –, une réforme importante est intervenue, à savoir la suppression de la publicité, qui modifie considérablement la grille des programmes.

Nous avons eu l’occasion d’en discuter entre nous et de nous exprimer à cet égard. Nous estimons qu’il s’agit d’une réforme utile, même s’il est vrai que son calendrier, c'est-à-dire le télescopage de son entrée en vigueur avec l’examen de ce texte au Sénat, a heurté un certain nombre d’entre nous.

Il nous appartient à présent de nous exprimer sur ce projet de loi, car, je le répète, la suppression de la publicité n’épuise pas le débat sur l’audiovisuel public, loin s’en faut, tant sont considérables les enjeux auxquels nous sommes confrontés.

D'ailleurs, le 5 janvier dernier au soir, France 2 a programmé une très belle émission, Rendez-vous en terre inconnue, qui a rencontré un grand succès d’audience. De nombreux Français ont pu l’apprécier sans coupure publicitaire. C’est l’occasion pour nous de rendre hommage à ceux qui conçoivent et programment ces émissions, lesquelles sont tout à l’honneur du service public.

Le paysage audiovisuel est bien différent aujourd'hui de ce qu’il était voilà maintenant vingt-deux ans, quand fut adoptée la dernière loi importante dans ce domaine. La télévision a en effet changé de périmètre. Son volume n’est plus du tout le même : il n’y a pas si longtemps, mes chers collègues, nous disposions de quelques chaînes seulement ; aujourd'hui, nous pouvons en recevoir dix-huit gratuitement grâce à la TNT, et des centaines grâce au satellite.

Compte tenu de ce grand changement, nous avons le devoir de légiférer en nous adaptant aux nouvelles pratiques de nos concitoyens.

Le 8 janvier 2008, l’annonce par le Président de la République de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques fut une surprise, une surprise heureuse pour nombre d’entre nous qui attendions cette mesure depuis longtemps.

Toutefois, ce jour-là, le chef de l’État a également souligné que cette réforme n’avait pas seulement des enjeux financiers : elle met en cause des valeurs, à savoir la transmission des connaissances, la création et l’éducation. Je souhaite y insister, après Catherine Morin-Desailly, au moment où s’engage une réforme essentielle de l’audiovisuel public, car ces valeurs sont au cœur du service que nous devons rendre aux Français.

Si, depuis quelques jours, le Sénat a paru parfois dépossédé de son débat, si quelques-uns d’entre nous ont été blessés par le calendrier adopté, je tiens néanmoins à vous indiquer, mes chers collègues, que la commission des affaires culturelles a l’intention de s’emparer de cette question dans tous ses aspects, et de débattre au fond de l’audiovisuel, sans céder à l’amertume. En effet, le Sénat doit être volontaire, ambitieux et constructif dans l’examen de ce projet de loi.

Dans cette perceptive, nous avons mené au sein de la commission une réflexion, qui se poursuivra d'ailleurs dans les semaines qui viennent. Nous avons beaucoup dialogué, en écoutant des avis nombreux, divergents parfois, mais qui avaient tous la même ambition : refondre l’audiovisuel public de notre pays.

Nous nous sommes aussi efforcés, autant que faire se pouvait, de développer une vision d’avenir, en réfléchissant à ce que doit être à long terme le paysage de l’audiovisuel français.

Confrontés à ces enjeux, et parfois aussi à certaines idées reçues, nous souhaitons évoquer quatre exigences, qui nous semblent fondamentales, afin de baliser les nouveaux territoires de l’audiovisuel : un bon équilibre entre les secteurs public et privé, l’indépendance du secteur public – cela va sans dire –, le service public rendu à tous les Français et le domaine de la création.

En ce qui concerne l’équilibre entre le secteur public et le secteur privé, notre pays a besoin, à mon avis, d’un pôle public fort, ambitieux et populaire dans le meilleur sens du terme, c'est-à-dire qui s’attache à toucher le plus grand nombre d’entre nous.

Comme le soulignait le réalisateur Pascal Thomas dans l’entretien qu’il a accordé au journal Le Monde le 3 janvier dernier, ce nouveau pôle public devra être, en quelque sorte, désintoxiqué de la publicité. Il aura une véritable vocation de service public, avec des contraintes et un métier qui lui sont propres, certes, mais aussi des ambitions nobles.

Parallèlement, notre pays a tout intérêt à disposer d’un pôle privé qui soit fort, parce qu’il sera ainsi garant de la pluralité de l’offre et de la diversité des contenus offerts à nos concitoyens.

C’est l’occasion pour nous de rendre hommage aux salariés qui travaillent dans le service public ou dans le secteur privé de l’information, à la télévision comme à la radio, parce qu’ils sont compétents et mettent tout en œuvre pour offrir des programmes de qualité à nos concitoyens.

Ces deux pôles, essentiels pour garantir une offre de service diversifiée, contribuent aussi à assurer la présence de notre pays partout dans le monde, du moins là où nos nombreuses chaînes de télévision et de radio sont vues et entendues.

En ce qui concerne l’indépendance, nous devons nous arrêter un instant sur le sens de ce mot.

À qui doit profiter cette indépendance ? Selon nous, elle doit d'abord servir les Français, les valeurs de la République et la création ! S'agissant du service public, par rapport à quoi s’exerce-t-elle ? Par rapport aux intérêts commerciaux, au formatage des idées, dont on sait qu’il peut atteindre tous les domaines de la société, et à la pensée unique. Comment atteindre ce haut niveau d’indépendance ? Tout d'abord, en faisant confiance à l’indépendance d’esprit de ceux qui travaillent dans le service public et auxquels je rendais hommage, très sincèrement, voilà un instant.

Cette indépendance s’applique aussi au domaine de la création et de l’innovation. Ceux qui sont chargés de l’audiovisuel doivent faire preuve à la fois de créativité et d’innovation, car celles-ci constituent également des garanties d’indépendance.

Bien entendu, se posent les questions de la nomination et, éventuellement, de la révocation du mandat du président de France Télévisions, qui ont fait l’objet de longs débats.

En ce qui concerne la nomination du président de France Télévisions, il ne nous paraît pas illégitime, dans un pays comme le nôtre, que le Président de la République puisse indiquer clairement et de façon transparente à qui il souhaite confier la responsabilité de cette entreprise.

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