Intervention de Bruno Retailleau

Réunion du 7 janvier 2009 à 16h00
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Discussion d'un projet de loi et d'un projet de loi organique déclarés d'urgence

Photo de Bruno RetailleauBruno Retailleau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, mais aussi dans beaucoup d’autres pays, la télévision tient une place très particulière dans la vie de nos contemporains : c’est sans doute l’un des objets qui symbolisent le mieux la modernité.

Toutefois, en France, à cette dimension sociale s’ajoute une dimension politique particulière qui rend toute réforme profonde de l’audiovisuel toujours délicate.

Je rappelle que la loi de 1986, qui est encore le socle juridique de la télévision française, avait déjà été adoptée au forceps, avec l’article 49-3.

Comment expliquer cette dimension éminemment politique en France ? Tout simplement parce que, dans notre pays, la télévision est la pierre angulaire de la diversité et de l’exception culturelle françaises, grâce à un double mécanisme qu’il convient de rappeler pour que soient bien compris le sens et la logique du présent texte : d’une part, la mise à disposition gratuite du domaine public hertzien en contrepartie des obligations de production des chaînes, d’autre part, la contribution au financement de la création, qui est, elle, assise proportionnellement sur le chiffre d’affaires des chaînes, notamment privées.

Sans ces mécanismes – vous l’avez rappelé voilà quelques instants, madame la ministre –, nous n’aurions pas une industrie audiovisuelle et cinématographique parmi les plus dynamiques au monde.

Cependant, nous entrons dans une nouvelle ère.

La révolution numérique bouleverse radicalement cet écosystème.

D’une part, les Français dépendent de moins en moins de l’antenne râteau, c’est-à-dire de la réception hertzienne, pour recevoir la télévision.

D’autre part, le chiffre d’affaires des chaînes historiques diminue sous l’effet de l’explosion de l’offre des nouvelles télévisions numériques et satellitaires, et des nouveaux médias.

En quelques années, l’audience cumulée des chaînes historiques a diminué de près d’un quart, ce qui est énorme.

Cette réforme est donc non pas le fruit du hasard, mais une réponse à une nouvelle donne comme on n’en a pas connu depuis longtemps. Désormais, rien ne sera plus comme avant.

En réalité, les grands médias audiovisuels sont profondément et durablement déstabilisés par un triple choc.

Il s’agit, tout d’abord, du choc technologique de la convergence : avec la multiplication des écrans, la télévision n’a plus le monopole de l’image ; avec la multiplication des canaux de diffusion, la diffusion hertzienne traditionnelle n’a plus le monopole de la distribution des programmes.

Ensuite, nous assistons au choc des nouveaux usages : la télévision était familiale, et elle devient de plus en plus individuelle, les écrans personnels et le multi-équipement se répandant dans les foyers ; la télévision était une activité sédentaire, et elle devient nomade – j’espère d’ailleurs que, dans quelques mois, la télévision mobile personnelle sera accessible, madame la ministre –, mais, surtout, le téléspectateur n’est plus le même que jadis puisque, outre la liberté de zapper, il a désormais aussi celle de faire sa propre programmation et même sa propre production d’images.

Enfin, le choc est économique : il est la conséquence des deux premiers chocs, puisque la démultiplication de l’offre – chaînes numériques, internet, câble, satellite – a entraîné une hyperfragmentation des audiences et une atomisation des ressources publicitaires.

Un nouvel ordre audiovisuel est donc en train d’émerger sous nos yeux. Il ne sert à rien de s’en réjouir ou de le déplorer ; tout juste peut-on remarquer que ces évolutions sont en parfaite adéquation avec ce que l’on appelle l’individualisme démocratique.

Cependant, ces évolutions remettent beaucoup de choses en question. Face à ces changements radicaux, il y avait deux réponses possibles.

La première réponse, qui n’en est pas une, était de ne rien faire et d’assister en spectateurs impuissants à l’effondrement du système audiovisuel français public et privé et, avec lui, de la création française, dont les ressources sont indexées sur les budgets publicitaires.

L’autre voie, celle que vous avez choisie, madame la ministre, était celle d’une réforme profonde, d’une réforme d’ensemble du paysage audiovisuel français.

La commission des affaires économiques approuve les deux axes majeurs de la réforme : la restructuration de France Télévisions en une entreprise unique pour lui permettre de relever le défi du numérique – internet est non pas une menace pour l’audiovisuel, mais une chance

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion