La télévision publique doit se libérer de la contrainte de l’audimat, mais non de celle d’assurer une large audience et de rester populaire.
La commission des affaires économiques, si elle approuve le sens de la réforme, estime, comme la commission des affaires culturelles, que ladite réforme peut être encore améliorée.
Je voudrais rapidement évoquer en mon nom personnel la question du financement.
Taxer un secteur – celui des opérateurs et des fournisseurs d’accès – au seul motif qu’il est extrêmement dynamique, et ce pour financer l’obsolescence d’un modèle de financement, selon le principe des vases communicants, ne me paraît pas économiquement raisonnable. On va ainsi faire supporter 85 % de la compensation financière à un secteur qui ne bénéficiera en rien de la suppression de la publicité, et pour cause, puisque son modèle économique est fondé sur des abonnements, des forfaits, ou de la consommation.
De surcroît, quelle est la logique de cette taxation, puisque l’essentiel de l’activité de ces opérateurs n’a rien à voir avec l’image ? Certes, il y a la télévision par ADSL, mais les revenus tirés de cette activité, qui concernent donc directement l’image, ont été retirés de l’assiette. Ce qui reste dans l’assiette, ce sont des activités – téléphone fixe, SMS, mails – qui n’ont plus rien à voir avec l’image.
Le lien entre cette taxation et l’image est donc profondément distendu.
Le risque tient non pas tellement au risque juridique d’inconstitutionnalité de cette taxation, mais plutôt au risque économique.
Plus de taxes, cela risque d’être moins d’investissements de la part des opérateurs au moment où l’on demande à ces derniers un effort important pour la couverture du territoire en très haut débit, en fibre optique, en vue de réduire la fracture numérique.
Or, une diminution des investissements pourrait fragiliser un secteur dont le Gouvernement sait bien qu’il est un passeport pour la croissance, un relais de croissance extraordinaire. Alors que tous les pays développés misent de plus en plus sur le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication, la France a en ce domaine un retard qu’il lui faut combler.
Le Gouvernement lui-même a reconnu à plusieurs reprises qu’un doublement des investissements dans l’économie numérique en France représenterait sans doute un point de croissance supplémentaire.
Au moment même où nous envisageons de taxer les fournisseurs d’accès à internet et les opérateurs de téléphonie mobile, M. Obama propose au cœur de son plan de relance de moderniser les réseaux pour l’économie numérique et l’exonération de taxe dont les opérateurs bénéficiaient l’année dernière, aux États-Unis, est reconduite pour cette année.
Je ferme la parenthèse. Je tenais à évoquer ce point de vue personnel, même s’il ne remet absolument pas en cause la réforme.
J’ai été heureux d’entendre mes collègues rapporteurs de la commission des affaires culturelles défendre une assiette et, surtout, une base plus dynamique pour la redevance, qui représente clairement l’instrument naturel de financement de l’audiovisuel public. J’ai été aussi heureux d’entendre Michel Thiollière indiquer que les taxes n’avaient pas vocation à se prolonger indéfiniment.
J’en viens à l’importante question de la régulation d’internet en France. Le secteur de l’internet est prometteur et en plein développement. La France ne doit pas être à la traîne dans ce domaine. De plus, ces activités naissantes ont besoin de stabilité juridique.
En France, ce cadre a été posé par une loi datant de 2004, la loi pour la confiance dans l’économie numérique, qui distingue très clairement les activités d’éditeur et les activités d’hébergeur. Nous tenons à la frontière entre ces statuts, par ailleurs confirmée par la jurisprudence. Il ne faut surtout pas la troubler.
À ce titre, la directive européenne sur les services de médias audiovisuels est excellente. Il faut rester au plus près possible de sa lettre.
En revanche, je ne vous cache pas que les membres de la commission des affaires économiques sont très dubitatifs quant à l’initiative des députés visant à confier au Conseil supérieur de l’audiovisuel la régulation de la publicité en ligne sur les sites de partage de contenus. Cette préoccupation était sans doute légitime, mais nous jugeons la réponse mauvaise et présenterons une autre proposition.
Le moment est peut-être venu de donner une base législative à un nouveau type de régulation, moins administratif, plus souple et plus adapté au champ ouvert qu’est internet, comme Éric Besson l’a d’ailleurs proposé dans son plan « France numérique 2012 ». Nous en ferons la proposition au travers d’un amendement dont l’examen constituera, je pense, un moment important pour discuter de la régulation moderne sur internet.
Pour conclure, nous avons la conviction, madame la ministre, que votre réforme est parfaitement nécessaire.
L’enjeu est considérable, puisque la télévision est le socle de l’exception culturelle française, mais aussi de bien d’autres choses. Vous avez cité sans les nommer les personnalités qui ont compté pour le service public. Je voudrais en évoquer une qui, d’après moi, représente vraiment le grand serviteur du service public de l’audiovisuel à la française. Il s’agit de Jean d’Arcy qui, dans une très belle phrase, a défini la télévision comme « un formidable outil de communication au service de l’homme ».
Mes chers collègues, au-delà de toutes nos divergences et nos différences, qui sont parfaitement naturelles sur un tel sujet, je forme le vœu que nous contribuions tous ensemble à construire un service public de l’audiovisuel permettant à l’homme de grandir en humanité.