Avec, en prime, les encouragements et les facilités de celui qui s’émeut des effets néfastes de la publicité pour la qualité des programmes du service public ?
Quelle supercherie ! Ceux qui font mine de croire à la sincérité du chef de l’État et qui ne se privent pas d’attaquer la gauche sur le thème « nous osons faire ce dont vous avez toujours rêvé » ont entretenu la confusion du débat pour masquer le véritable enjeu de la réforme, lequel s’inscrit dans la parfaite continuité de la politique conduite dans tous les domaines par le Président de la République depuis 2007 : favoriser les concurrents privés du service public, remettre en cause celui-ci en l’affaiblissant et en portant atteinte à son indépendance.
Madame la ministre, c’est de cela qu’il s’agit dans les deux projets de lois que vous nous présentez aujourd'hui, et je veux ici vous le démontrer point par point.
Premier point, vous voulez favoriser la concurrence privée.
À cet égard, reconstruire la généalogie des « cadeaux » faits aux groupes privés de télévision par la droite au pouvoir depuis 2002 est édifiant.
Il y eut, d’abord, la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, qui offre sans condition un deuxième canal aux éditeurs historiques de chaînes de télévision lors de l’extinction de la diffusion analogique prévue en 2011. Cela permet en particulier à TF1, qui a « raté » le virage de la télévision numérique terrestre au début des années 2000, de rattraper son retard sans effort.
Il y eut, ensuite, la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, qui autorise un actionnaire à être majoritaire au capital d’une société éditant une chaîne de télévision réalisant jusqu’à 8 % de taux d’audience, alors que ce plafond était auparavant limité à 2, 5%. Cela permet d’ores et déjà à TF1, comme on vient de l’apprendre ce matin, d’envisager de prendre le contrôle de TMC, la chaîne leader de la TNT gratuite.
Et ces présents d’hier n’ont fait que précéder les cadeaux d’aujourd’hui.
Selon l’Agence des participations de l’État, les recettes consolidées de publicité et de parrainage de France Télévisions atteignaient 823 millions d’euros au titre de l’exercice 2007. Pour sa part, la commission Copé a chiffré, par consensus, à 450 millions d’euros les recettes engendrées par les écrans de publicité programmés après vingt heures.
Toutes choses égales par ailleurs, l’arrêt de la diffusion de la publicité sur les antennes de France Télévisions profitera principalement, et a d’ailleurs d’ores et déjà profité, aux chaînes ayant la capacité de commercialiser des écrans publicitaires sur les plages horaires captant les audiences les plus importantes, c’est-à-dire TF1 et, dans une moindre mesure, M6. Ainsi, selon des études récentes, la part de TF1 sur le marché de la publicité télévisée restera supérieure à 50 % dans les cinq ans à venir : autrement dit, l’essentiel du chiffre d’affaires réalisé jusqu’alors par les antennes de France Télévisions après vingt heures, qui correspond en valeur à près de 10 % du montant total des investissements publicitaires à la télévision, est en train d’être majoritairement capté par les concurrents historiques des chaînes publiques.
Ce transfert de valeur du secteur public vers le secteur privé sera d’autant plus important que le projet de loi soumis à notre examen autorise les éditeurs privés à insérer une deuxième coupure publicitaire pendant la diffusion des films et des téléfilms. De plus, un décret devrait prochainement acter, d’une part, le passage de l’heure glissante à l’heure d’horloge pour le calcul de la durée des écrans de publicité, permettant ainsi la programmation de très longs tunnels de « réclame », et, d’autre part, la diffusion de neuf minutes de publicité par heure, alors que ce volume était jusqu’à présent limité à six minutes.
Qui plus est, afin d’optimiser au maximum leurs recettes dans une conjoncture économique difficile, TF1 et M6 ont engagé, dès le mois de septembre dernier, une politique commerciale très offensive pour vendre leurs écrans avant vingt heures, à des heures auxquelles la concurrence avec les antennes de France Télévisions est très vive depuis deux jours.
Il faut ajouter à cette impressionnante liste de cadeaux le prix, plus que survalorisé, payé par l’État à TF1 pour acquérir la moitié des parts du capital de la société France 24. Ainsi, pour une mise initiale de 18 500 euros réalisée voilà cinq ans, …