Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, j’ai eu l’honneur d’être rapporteur, au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, tant de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle que de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique. C’est cette dernière qui a autorisé les collectivités territoriales à établir et à exploiter des réseaux de télécommunications pour pallier l’insuffisance de l’offre privée.
En effet, les élus des territoires ruraux, des territoires de montagne savent ce qu’il en coûte, en termes de développement économique, de dynamisme, d’accès aux services et à la culture, d’être dépourvu d’accès au haut débit ou – car le problème est identique – d’habiter, de travailler dans une « zone blanche » en téléphonie mobile.
L’intervention de la puissance publique est donc nécessaire pour accélérer les connections, favoriser le dégroupage et permettre le développement de la concurrence, condition indispensable pour bénéficier de prix raisonnables.
Cette fracture géographique est-elle en passe de se résorber ? La réponse est ambivalente, surtout dans nos territoires de montagne et dans les zones frontalières. Il est toutefois certain que l’amélioration constante des technologies brouille la donne, puisque la question sera bientôt posée non plus en termes quantitatifs, mais en termes strictement qualitatifs. On se préoccupera de savoir non plus combien de pourcentage du territoire ou de la population ne sont toujours pas couverts ou connectés, mais à quel type de technologie ils le sont et pour quels services offerts.
La fracture, comme sa taille, est, me semble-il, un problème non pas absolu, mais essentiellement relatif qui sépare ceux de nos concitoyens ayant un accès aux technologies les plus innovantes de ceux qui restent à la traîne.
Selon moi, deux facteurs doivent être pris en compte.
Le premier est strictement économique. L’innovation numérique a un coût, lequel, lorsqu’on additionne tous les postes budgétaires, peut devenir un obstacle pour un ménage et même pour une PME.
On rejoint là une problématique classique de la pauvreté entendue, là aussi, de manière relative et non absolue : alors même que, globalement et statistiquement, l’offre de technologies de l’information et de la communication, TIC, se diversifierait, les flux augmenteraient, l’usage se répandrait, la fracture numérique, loin de se résorber, se maintiendrait, voire s’aggraverait, tout simplement parce que le développement profiterait plus à certaines couches de la société qu’à d’autres.
Le second facteur est sociétal. Il n’est évidemment pas totalement déconnecté du niveau des revenus, mais il ne l’épouse pas exactement, loin s’en faut.
Offrir à chaque citoyen la même possibilité réelle d’accès au numérique en particulier, aux TIC au sens large, est indispensable pour permettre à la France de s’inscrire dans l’ambition de l’Union européenne de développer une économie de la connaissance. C’est le gage d’un partage égal et équitable du savoir, et donc l’assurance d’un fonctionnement démocratique du pouvoir.
Comme vous le savez, à l’occasion de son 24e congrès, le 24 octobre 2008 à Saint-Flour, l’Association nationale des élus de la montagne, l’ANEM, à laquelle nombre de sénateurs appartiennent, a voté une motion sur le développement de la TNT et la couverture numérique audiovisuelle du territoire.
Par cette motion, elle demande « la constitution immédiate avec les élus de la montagne d’un groupe de travail conjoint avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel, CSA, pour analyser avec précision le calendrier et les conséquences du basculement prochain de l’analogique vers le numérique ».
Certains amendements que je serai amené à défendre traduiront cette inquiétude majeure des élus de montagne concernant la couverture du territoire.
Il nous faut par ailleurs être en mesure de déterminer et d’anticiper la situation et les coûts du passage au numérique pour les foyers situés dans des territoires n’ayant d’autres recours que le satellite pour la réception de la télévision.
Aussi deux questions sont-elles fondamentales pour l’ANEM : établir non seulement une cartographie précise et motivée de ces territoires, mais également une grille de coût du partage pour le passage au numérique par voie satellitaire.
Plus précisément, dès lors que les trois chaînes peuvent escompter une économie de coûts de diffusion, la question qui se pose est la suivante : hors personnes éligibles au fonds d’aides pour l’acquisition et l’installation d’une réception satellitaire numérique gratuite, quelle est la part supportée par les chaînes et celle qui est supportée par les téléspectateurs des zones non reconduites en couverture hertzienne ?
Il est important d’anticiper la réponse pour nos territoires. Le coût est en effet le premier élément mis en avant par les personnes – entre 8 % et 20 % – que le passage au numérique peut laisser sceptiques !