Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le bouleversement imposé à la télévision publique n’a rien d’une réforme.
Les deux textes législatifs qui nous sont soumis aujourd’hui sont nés d’une lubie présidentielle, la suppression de la publicité sur France Télévisions, et non d’un projet global, cohérent, porteur d’avenir pour notre audiovisuel public.
Madame la ministre, vous avez fait de la suppression de la publicité une fin en soi, l’objectif à atteindre par n’importe quel biais, alors qu’elle ne peut être qu’un moyen de faire autrement.
Vos projets de loi ne préparent pas notre télévision publique aux enjeux d’avenir du secteur, dont l’objectif prioritaire doit être la constitution d’un média global. Bien au contraire, ils déstabilisent un équilibre fragile entre télévision publique et privée, déjà menacé par la révolution numérique.
Leur contenu autant que la gestion de ce dossier font montre d’une méconnaissance forte de ce secteur économique et d’un mépris flagrant pour l’audiovisuel : vous n’auriez jamais joué à un tel jeu de chamboule-tout, aux dépens de la réalité économique, s’il s’était agi du secteur industriel. Pourtant le secteur audiovisuel représente plus de 200 000 emplois directs et indirects, soit bien plus que l’aéronautique par exemple.
Revenons donc sur la méthode, celle du fait du Prince et de sa cour restreinte de conseillers : une annonce du Président de la République, faite sans aucune consultation préalable, qui a pris de court tout le monde, y compris la ministre de tutelle ; une réforme voulue par personne sauf M. Nicolas Sarkozy et les dirigeants de TF1 ; ensuite, une commission chargée d’occuper le terrain et de donner le gage sur la forme, alors que les arbitrages sont déjà ficelés ; un calendrier de mise en œuvre totalement aberrant ; enfin, un dépôt des projets de loi repoussé pour cause d’impréparation et de tergiversations gouvernementales, le tout couronné par une application prématurée, précipitée, de sa mesure phare.
Ce calendrier s’est traduit par une marche forcée et aboutit à court-circuiter la discussion parlementaire et à piétiner le Sénat. Que ce mépris et cette insulte envers notre Haute Assemblée suscitent si peu de réaction de la part de la majorité montre bien que l’audiovisuel public n’est pas seul à être mis au pas. Ce n’est certainement pas en prenant les sénateurs pour des figurants – pour ne pas utiliser un autre mot, pourtant plus approprié vu l’ampleur de l’affront subi – que le Gouvernement revalorisera le Parlement !
Et prétendre que la gauche a rêvé de cette réforme et que vous faites ce que nous n’avons pas pu faire est une supercherie intellectuelle. Nous n’aurions jamais fait cela maintenant, ni de cette manière. Quand nous avons envisagé la suppression de la publicité sur la télévision publique, nous avons pris en compte le principe de réalité économique. Nous la voulions très progressive et surtout nous nous sommes donné les moyens d’une réelle compensation.
Le Président de la République s’est largement glorifié d’être le premier à procéder à une dotation en capital de France Télévisions. C’est oublier un peu vite que le gouvernement de Lionel Jospin avait inscrit, dans le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions pour 2001-2005, une dotation en capital de 152 millions d’euros sur cinq ans. Et c’est précisément la droite qui n’a pas honoré cet engagement à partir de 2002 !