Intervention de Christine Albanel

Réunion du 7 janvier 2009 à 21h30
Communication audiovisuelle nomination des présidents de sociétés de l'audiovisuel public — Suite de la discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Christine Albanel, ministre :

Nous nous sommes alors demandé si nous ne devions pas remettre à plus tard cette réforme importante, mais cette solution, je le répète, a paru dangereuse, car elle aurait pu fragiliser France Télévisions, économiquement, psychologiquement et professionnellement.

La décision a donc été prise de demander au président de France Télévisions de cesser de commercialiser ses espaces publicitaires après vingt heures. Toutefois, il me paraît tout à fait important de donner aujourd'hui à cette mesure force de loi.

De même, le projet de loi prévoit la suppression totale de la publicité, sous réserve d’une clause de revoyure, et il définit les modalités de compensation de la perte des ressources publicitaires, ce qui est évidemment tout à fait essentiel. Enfin, ce texte comporte de nombreuses dispositions sur la gouvernance de France Télévisions, dont il a beaucoup été question dans vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que sur l’audiovisuel extérieur.

En ce qui concerne la compensation de la perte des recettes publicitaires et, d’une façon plus générale, les ressources de l’audiovisuel public, je pense que celles-ci ne sont pas négligeables. Comme l’a rappelé M. Robert del Picchia, France Télévisions dispose en réalité d’un budget de 3 milliards d'euros, dont près de 2, 5 milliards de ressources publiques, ce qui n’est pas rien. D'ailleurs, un précédent contrat d’objectifs et de moyens a prévu que ces ressources augmenteraient en moyenne de 3 % par an, ce qui représente un effort important de l’État.

Il est certain que la modification des règles publicitaires entraînera un manque à gagner pour France Télévisions. C'est pourquoi le Parlement a voté en loi de finances une subvention de 450 millions d'euros. Cette somme correspondait aux estimations réalisées par la commission pour la nouvelle télévision publique, qui avait d'ailleurs recueilli l’avis de tous les professionnels et des responsables de France Télévisions eux-mêmes.

Je crois donc que les ressources sont présentes et que l’État s’est engagé très fortement. Notre objectif n’est pas d’appauvrir l’audiovisuel public ni de mettre en place une télévision publique au rabais, bien au contraire !

En ce qui concerne les modalités de la compensation de la perte de ressources publicitaires, je rappelle que nous avions choisi d’indexer la redevance sur l’inflation. Cette mesure avait été adoptée lors d’une précédente loi de finances, et pour ma part j’ai regretté qu’elle soit soudain gelée, ce qui a entraîné un véritable manque à gagner pour France Télévisions.

Nous aurons de nouveau l’occasion de débattre de cette question, je l’espère de façon constructive, mais il est vrai que le choix a été fait de recourir à des taxes, dont l’une porte sur les ressources publicitaires des chaînes privées. En effet, tout porte à croire que la publicité se déplacera depuis les télévisions publiques vers les chaînes privées, et il est donc normal de taxer les recettes correspondantes.

Mais encore faut-il que ces transferts de publicité aient lieu ! Nous souhaitons apprécier la réalité de ces surplus de recettes. En effet, s’ils n’étaient pas avérés, en raison de la crise économique et du repli que l’on observe aujourd'hui sur le marché publicitaire, nous ne pourrions pas les taxer. Nous ne pouvons imposer que des surplus de recettes, pas des déficits ! D’où les dispositions qui ont été adoptées.

Par ailleurs, une taxe a été instituée qui frappe les opérateurs de télécommunications. Pourquoi ce secteur ? Parce qu’il est en expansion et se porte bien. En outre, je le rappelle, les opérateurs, qui sont peu nombreux, sont producteurs et utilisateurs d’images – pour s’en persuader, il suffit d’observer les chaînes consacrées au cinéma ou aux séries télévisées par Free ou Orange, entre autres –, et ils le seront toujours davantage. Enfin, le chiffre d’affaires de ce secteur est considérable – il représente plus de 42 millions d'euros – et les marges bénéficiaires des opérateurs sont extrêmement importantes puisqu’elles sont de l’ordre de 20 %. Pour toutes ces raisons, il a donc semblé pertinent de le mobiliser.

Dans ces conditions, je ne pense pas que la taxe qui vous est proposée, mesdames, messieurs les sénateurs, soit de nature à mettre en péril ce secteur ni même à provoquer une hausse considérable de ses tarifs, tout simplement parce que s’y exerce la concurrence.

En ce qui concerne la création d’une société unique, qui a été approuvée par de très nombreux orateurs, je pense qu’il s’agit d’un très bon projet, dont on débattait d'ailleurs depuis longtemps.

Nous suivons le modèle mis en œuvre par Radio France, dont on voit bien qu’il est cohérent, qu’il permet de susciter des synergies et de mutualiser les moyens, tout en respectant l’identité forte des différentes chaînes – le cas de RFO a été particulièrement évoqué par M. Virapoullé –, que les auditeurs apprécient. De même, les téléspectateurs aiment France 2, France 3 ou France 5, et ils sont habitués à la présence de ces grands réseaux au sein du paysage audiovisuel. D'ailleurs, les différentes lignes éditoriales devront absolument être préservées – le projet de loi le prévoit explicitement –, ce qui constitue un élément fort de la réforme.

Des longues discussions dont la gouvernance a déjà fait l’objet dans le passé, il ressortait parfois que l’État actionnaire, qui garantit les ressources et fixe les programmes et les cahiers des charges, devait procéder à la nomination des dirigeants.

Je rappelle que, dans le paysage qui se dessine, tout le monde disposera de la TNT d’ici à 2011. Il est d'ailleurs très important, monsieur Plancade, que tous les Français puissent accéder à ce réseau, et nous sommes en train de préparer les décrets nécessaires pour que nul ne soit privé du numérique, même dans des zones difficiles comme les zones de montagne, qui nécessitent des mesures d’accompagnement.

Dans ce paysage audiovisuel diversifié, où de très nombreux téléspectateurs ont accès à la TNT mais aussi à des centaines d’autres chaînes via le câble et le satellite, où les pratiques évoluent – les enquêtes montrent que l’on passe aujourd'hui sans cesse de la télévision à l’ordinateur –, il n’est pas absurde que le président des chaînes publiques soit nommé par l’État

En outre, des verrous importants sont prévus, à savoir l’avis conforme du CSA et le vote du Parlement, qui suppose une délibération publique, car on peut imaginer – le débat actuel sur l’audiovisuel le prouve abondamment ! – que le choix du président de France Télévisions sera examiné avec la plus grande attention par les parlementaires.

Honnêtement, je crois donc que le dispositif prévu est cohérent, qu’il témoigne d’un certain esprit de responsabilité et d’une réelle logique, et qu’il nous offre même davantage de liberté. Ainsi, nous pourrons peut-être faire appel à des personnalités qui n’auraient pas été candidates avec le système actuel parce qu’elles se trouvent à la tête de telle ou telle entreprise, alors qu’elles seraient susceptibles d’apporter beaucoup à l’audiovisuel public.

Je rappelle que, avec l’appui de François Mitterrand, André Rousselet, qui avait été son directeur de cabinet, fonda Canal Plus. Cette initiative se révéla des plus heureuses : François Mitterrand avait fait appel à un proche, pressentant que ce dernier donnerait le meilleur de lui-même dans cette nouvelle entreprise.

C’est dans cet esprit qu’il faut envisager la présente réforme.

On aurait pu proposer au regretté Jean Drucker, par exemple, de prendre la tête de France Télévisions. Il n’aurait certainement pas été spontanément candidat : en tant que président d’une autre chaîne, il n’aurait pas pris le risque d’une telle candidature. En tout cas, le nouveau système donnera cette liberté, cette cohérence, dans un esprit de responsabilité.

C’est une proposition que je soutiens avec beaucoup de conviction, certaine qu’elle trouvera toute sa place dans notre paysage audiovisuel moderne.

Cette réforme touche aussi l’audiovisuel extérieur, dont M. del Picchia rappelait l’importance et la nécessaire diversité. Certes, beaucoup d’argent – peut-être pas assez, selon lui ! – est dépensé pour l’audiovisuel extérieur, mais ces sommes sont à peu près comparables à celles que consentent d’autres pays européens, bien que réparties d’une manière extrêmement éclatée entre France 24, TV5 Monde et RFI.

Il est essentiel que, grâce au présent projet de loi, des synergies et des mutualisations puissent être trouvées, afin que non seulement la francophonie, qui est une cause très chère à nombre d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, soit plus soutenue et aussi que la voix de la France soit mieux entendue.

C’est pour cette raison que la réforme de l’audiovisuel extérieur est un axe majeur de ce projet de loi. Nous y reviendrons au cours de la discussion.

La modification des décrets concernant la publicité fait dire à certains que le Gouvernement veut faire des cadeaux aux chaînes privées, notamment à TF1.

Cependant, l’intérêt de tous est que les ressources de ces chaînes privées soient confortées : en effet, toutes leurs obligations vis-à-vis du cinéma et de la création audiovisuelle sont assises sur leur chiffre d’affaires. Or, actuellement, ce chiffre d’affaires n’est pas aussi flamboyant que d’aucuns le laissent accroire. J’en veux pour preuve le recul du marché publicitaire. Mieux vaut que les chaînes privées soient fortes, pour pouvoir participer elles aussi à la création cinématographique et à la création audiovisuelle.

La réforme touche également les accords interprofessionnels, qui ont remplacé les décrets de Mme Tasca, lesquels ont joué pleinement leur rôle.

Chacune des parties prenantes a signé : les auteurs, les producteurs, les représentants de toutes les chaînes de télévision. Ces accords visent à faciliter la circulation des œuvres, ce qui la rendra plus intéressante pour ceux qui la financent. L’accent est mis sur la production, sur le patrimonial. Ce sont de bons accords, qui traduisent une belle ambition.

C’est ainsi que France Télévisions va voir son investissement dans la production audiovisuelle française passer de 365 millions d'euros à 420 millions d'euros en 2011. C’est dire l’ampleur de l’effort engagé en faveur de la création et de la production.

C’est donc une réforme d’ensemble que je vous présente, mesdames, messieurs les sénateurs, réforme que beaucoup de créateurs saluent.

Ainsi, le réalisateur Pascal Thomas écrivait ces jours-ci dans : « On ne mesure pas assez ce que pourrait être un espace télévisuel où seront absents les films publicitaires. Si on le veut bien, ce sera la liberté de création retrouvée. Tout est possible. C’est l’usage qui crée la forme de la culture. »

Je suis persuadée que les programmateurs doivent, en effet, faire montre d’audace, de liberté, d’imagination.

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