Intervention de Fabienne Keller

Réunion du 6 décembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route, amendements 24 206

Photo de Fabienne KellerFabienne Keller, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, avant d'achever le tour d'horizon des programmes de cette mission, je tiens à souligner que mes quatre collègues rapporteurs spéciaux et moi-même avons pris beaucoup de plaisir à travailler ensemble sur ce sujet.

Il m'appartient de vous présenter les trois programmes suivants : le programme 181, « Protection de l'environnement et prévention des risques », le programme 174, « Énergie et matières premières », et le programme 217, « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables ».

Le programme 181 comprend près de 450 millions d'euros de crédits. Ce montant ne doit toutefois pas nous faire oublier que l'écrasante majorité des moyens de la politique environnementale sont extrabudgétaires, les ressources propres et les taxes affectées aux opérateurs atteignant 2, 8 milliards d'euros.

Monsieur le secrétaire d'État, eu égard à l'importance des mesures qui viennent d'être décidées dans le cadre du Grenelle de l'environnement, je suis moi aussi impatiente de recueillir vos éclairages, et ceux de Mme la secrétaire d'État, que je salue, sur leur traduction budgétaire et fiscale à court terme, tant il est vrai que la tenue effective des engagements politiques s'évalue toujours, en définitive, en « espèces sonnantes et trébuchantes ».

À cet égard, je me félicite de ce que nos collègues députés examinent aujourd'hui même, dans le cadre du collectif budgétaire pour 2007, un amendement du Gouvernement tendant à instituer le système de « bonus-malus » dans le but d'encourager l'acquisition de véhicules sobres en carbone.

Il faut le reconnaître, mes chers collègues, la priorité gouvernementale donnée aux problématiques environnementales se traduit par une augmentation sensible des dotations du programme 181, augmentation qui aura naturellement vocation à être mise en regard de l'amélioration des performances de l'action publique.

L'accent est particulièrement mis sur la prévention des risques technologiques et naturels, la préservation de la biodiversité et la gestion intégrée de la ressource en eau. Je relève que cette dernière se voit associer un objectif spécifique, qui devrait permettre un suivi précis des progrès accomplis par notre pays sur la voie du « bon état écologique des eaux » que nous devons atteindre en 2015 pour nous conformer aux obligations européennes en la matière.

Venons-en, à présent, aux points qui suscitent des interrogations de la part de la commission des finances.

Un effort de 8 millions d'euros est consenti en faveur des plans de prévention des risques naturels. Ces plans sont financés à 25 % par des crédits budgétaires et à 75 % par des crédits du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier. Or, la situation financière de ce fonds est précaire et a peu de chances de s'améliorer dans les années à venir.

Madame, monsieur les secrétaires d'État, il n'y a aucun sens selon moi à afficher des objectifs ambitieux en loi de finances si la contrepartie extrabudgétaire est inexistante. J'y reviendrai tout à l'heure, lors de l'examen de l'amendement n° II-24 de la commission des finances, utilement complété par le sous-amendement n° II-206 du Gouvernement. Leur adoption permettra de progresser dans ce domaine et d'assurer un meilleur équilibre dans le financement du fonds Barnier.

Il me semble également important d'attirer votre attention sur les besoins budgétaires croissants que va nécessiter le déploiement des PPRT, les plans de prévention des risques technologiques, besoins qui seront à moyen terme encore accrus par l'obligation pour l'État de financer partiellement les mesures foncières qui pourraient être prescrites dans le cadre de ces plans. Je souhaiterais, à cet égard, que le Gouvernement puisse nous éclairer sur les estimations des dépenses budgétaires à venir.

Par ailleurs, je relève que 15, 64 millions d'euros sont inscrits au programme en vue de couvrir les dépenses liées aux contentieux nationaux ou communautaires pour lesquels la probabilité de condamnation de l'État est jugée supérieure à 50 %. Ces montants, dérisoires en comparaison de certaines sanctions pécuniaires actuellement encourues par la France, nous imposent de demeurer très vigilants dans un domaine où les procédures risquent de se multiplier.

J'en viens maintenant au programme 174 « Énergie et matières premières », qui n'appelle pas de développements trop longs. Ce programme n'a pas de cohérence réelle, et son unité est avant tout thématique.

En réalité, les deux finalités poursuivies par le programme, qui consistent, d'une part, à piloter la politique énergétique et, d'autre part, à gérer les conséquences de l'arrêt de l'exploitation minière, relèvent de problématiques fondamentalement différentes.

Cette division se traduit d'ailleurs dans la répartition très inégale des crédits, puisque 90 % d'entre eux sont concentrés sur l'action n° 4, qui finance les prestations versées aux retraités des mines, la tutelle de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGDM, et celle de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, la CANSSM.

L'intégration du programme au sein de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » n'a évidemment pas conduit la politique énergétique à accomplir une « révolution verte », même si l'on constate que la définition des priorités stratégiques intègre la lutte contre le changement climatique.

Je crois, madame, monsieur les secrétaires d'État, que le dispositif d'évaluation de la performance, et singulièrement l'objectif 1, « Maîtriser l'énergie en réduisant la consommation et en développant l'usage des énergies renouvelables », pourra opportunément être étoffé afin d'être à la hauteur des enjeux écologiques en matière de consommation énergétique.

Les principales évolutions budgétaires à noter pour 2008 sont, premièrement, l'effort accru pour la prévention des problèmes de sécurité des biens et des personnes liés à l'après-mines, que traduit l'élargissement de la mission de surveillance du département « prévention et sécurité minière » du Bureau de recherches géologiques et minières, le BRGM, deuxièmement, la majoration de 205 millions d'euros de la subvention versée par l'État à l'ANGDM, qui reprendra tous les droits sociaux des anciens salariés et les obligations sociales de Charbonnages de France, et, troisièmement, l'accompagnement de l'élargissement des missions de l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, l'ANDRA, qui prendra en charge les déchets du « nucléaire diffus » et le traitement des sites pollués, en application de la loi de programme du 28 juin 2006.

J'en termine en abordant le programme « soutien », qui est doté de 4 milliards d'euros de crédits et couvre l'ensemble des thèmes que nous avons balayés. Je vous épargnerai une description détaillée de l'architecture quelque peu baroque de ce programme, qui résulte de la constitution d'un ministère d'État au périmètre sans précédent.

Le programme se voit rattacher le crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable, qui représente 2, 4 milliards d'euros. Je constate que la progression de cette dépense fiscale est particulièrement dynamique, ce dont nous pouvons nous réjouir. Il serait certainement opportun d'en actualiser les conditions d'octroi en procédant à une réévaluation de l'impact des équipements éligibles sur la consommation d'énergie et en introduisant des critères du type consommation globale d'un bâti.

Par ailleurs, la discrimination opérée par le crédit d'impôt entre propriétaires occupants et propriétaires non occupants ne me semble pas pertinente au regard de l'objectif fixé, et la possibilité d'une adaptation du mécanisme aux logements sociaux devrait être mise à l'étude. Madame, monsieur les secrétaires d'État, pourrez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ?

S'agissant du profil des emplois, le programme regroupe 86 305 équivalents temps plein travaillé, soit la quasi-totalité des emplois de la mission.

Je ne souhaite pas aborder les moyens en personnel sans vous faire part de mes craintes quant aux moyens des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et à leur aptitude à accomplir dans des conditions satisfaisantes leur mission dans le domaine des installations classées.

L'insuffisance des effectifs des DRIRE est un problème connu depuis 1995. Consécutivement au sinistre industriel majeur qui avait affecté l'usine AZF de Toulouse en 2001, le Gouvernement s'était engagé à augmenter de 400 postes les effectifs d'inspection sur la période 2004-2007, par création ou redéploiement d'effectifs.

Au terme de cette programmation, je constate, comme l'année dernière, que seuls 206 renforts sont aujourd'hui disponibles et que le projet de loi de finances pour 2008 prévoit une stabilité des effectifs. Je regrette, par conséquent, que le temps fasse son oeuvre et que des engagements gouvernementaux pris au lendemain d'événements suscitant l'indignation collective ne résistent pas au passage des années.

En définitive, l'architecture du programme 217 témoigne à plusieurs égards d'une période de transition. Elle concerne les moyens budgétaires et surtout humains d'un périmètre ministériel dont les structures ont déjà connu de profonds remaniements, notamment liés à la décentralisation, et au sein duquel de multiples expérimentations de réorganisation administrative sont en cours. Je citerai, sans être exhaustive, la fusion des DDE et des DDA, c'est-à-dire des directions départementales de l'équipement et des directions départementales de l'agriculture, et le rapprochement des DRIRE et des DIREN, les directions régionales de l'environnement

Les « chantiers » propres qui s'ouvrent avec la création du ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables sont, de surcroît, contemporains de la mise en oeuvre de la révision générale des politiques publiques, dont on imagine mal qu'elle n'aura pas d'effet sur ce ministère.

Je considère que la conjonction de ces phénomènes et de la priorité politique donnée aux enjeux environnementaux, dont je me réjouis, doit permettre de faire du ministère de l'écologie un véritable laboratoire de modernisation administrative. Nous serons, par conséquent, très attentifs aux efforts de rationalisation des structures et de perfectionnement des outils de pilotage des politiques publiques qui seront prochainement mis en oeuvre.

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, sous le bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements que mes collègues rapporteurs spéciaux et moi-même allons vous présenter, la commission des finances invite le Sénat à adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

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