Intervention de Paul Raoult

Réunion du 6 décembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

Sans entrer dans les détails, votre budget est globalement en augmentation - encore qu'il soit parfois difficile de s'y retrouver et de faire des comparaisons, car le mode de présentation diffère de celui de l'année dernière -, alors que beaucoup d'autres missions voient leurs crédits plutôt diminuer et que les cadeaux fiscaux, dont on attend toujours les retombées économiques, ont limité vos marges de manoeuvre.

Cela dit, par rapport aux espoirs soulevés par le Grenelle de l'environnement, le décalage est abyssal. Des moyens financiers significatifs ne sont pas au rendez-vous, et c'est pourquoi je ne pourrai pas approuver les crédits de cette mission.

Madame la secrétaire d'État, j'espère tout de même qu'en 2009 votre budget aura une autre allure, car, pour le moment, on reste sur sa faim ! Il ne faudrait pas que le Grenelle de l'environnement se réduise à une très belle opération de communication. Les espoirs soulevés sont trop importants et, après un travail de fond sérieux et de plusieurs mois, ce rendez-vous a permis au moins de poser publiquement les vraies questions du développement durable.

On peut considérer qu'un cycle d'une trentaine d'années, ouvert par la candidature de René Dumont aux élections présidentielles de 1974, se termine. On assiste aujourd'hui à une véritable prise de conscience des limites des ressources naturelles et des risques liés à une croissance exponentielle. Je crois que l'on assiste aujourd'hui à un véritable retournement de l'opinion publique.

Il nous faut changer de modèle énergétique, maîtriser l'étalement urbain, reconquérir la richesse de la biodiversité, développer des façons culturales respectueuses des sols et du sous-sol, mettre en oeuvre le principe pollueur-payeur, prévenir et réparer les dommages écologiques. Il s'agit d'un programme très coûteux, qui exigera des moyens financiers importants. Or, pour le moment, ceux-ci n'apparaissent pas du tout dans votre budget. Dans les mois qui viennent, nous serons vigilants sur les suites concrètes du Grenelle de l'environnement, dans un esprit constructif.

Si j'aborde de plus près votre budget pour 2008, madame la secrétaire d'État, je constate que les crédits attribués à la gestion des milieux et de la biodiversité sont en augmentation de 12, 5 % en autorisations d'engagement et de 15 % en crédits de paiement.

Ces moyens permettront de faire face à la mise en place des parcs nationaux de la Réunion et de la Guyane, à l'animation des sites Natura 2000 et à la gestion des réserves naturelles. Il était absolument nécessaire de conforter ces politiques, tant la France avait pris du retard par rapport aux directives européennes ; toutefois, il faudra beaucoup de pédagogie et de force de conviction pour qu'elles soient adoptées par les forces vives de la nation, qui sont parfois récalcitrantes, hélas.

Madame la secrétaire d'État, vous avez augmenté les crédits des parcs naturels régionaux, les PNR, dont les dépenses de fonctionnement ont été calculées sur la base de 120 000 euros minimum par parc, contre 115 000 euros l'année dernière. Néanmoins, êtes-vous certaine que les préfets respecteront cette dotation ? En effet, ils gardent une autonomie de gestion de leurs crédits, et l'expérience montre que la fibre environnementale du corps préfectoral n'est pas toujours très développée...

Quant à votre proposition d'un appel à projets de 2 millions d'euros pour les PNR axés sur la qualité des paysages, en particulier périurbains, la reconquête des espaces dégradés, la trame écologique et le plan Climat, elle est intéressante, mais je souhaite avoir des précisions sur les modalités de sa mise en oeuvre.

S'agissant de la préservation de l'eau et de la lutte contre les inondations, là encore, les crédits augmentent significativement, mais il est vrai que les attentes, sur l'ensemble du territoire, sont considérables. Les crises météorologiques répétées ont accru les demandes, en particulier dans le sud-est de la France.

La mise en oeuvre de la loi sur l'eau implique des changements substantiels.

La liste des communes considérées comme rurales a été modifiée, et le nombre de ces dernières a fortement diminué. Aussi, bien des municipalités sont aujourd'hui privées des subventions des conseils généraux et des agences de l'eau qui étaient destinées à leurs programmes d'assainissement.

Ensuite, la décision de faire payer la redevance d'assainissement aux communes rurales de moins de 400 habitants conduira à une augmentation sensible du prix de l'eau, même si un lissage sur cinq ans est prévu. Au sein du syndicat d'eau et d'assainissement que je préside, quelque 160 communes sont touchées. Certes, cette mesure peut se justifier, puisque les communes concernées bénéficient aujourd'hui d'aides financières pour leurs travaux, mais encore faut-il l'expliquer et la faire accepter.

Agences et communes devront financer le réseau de surveillance de la qualité de l'eau, qui est exigé par la directive-cadre de l'eau, et l'auto-surveillance des stations et des réseaux de transport. Il leur faudra également appliquer partout la directive relative aux eaux résiduaires urbaines, ou directive ERU. Or je voudrais être certain que nous disposerons des moyens nécessaires. Je le rappelle, nous devons respecter ces échéances européennes, sous peine de devoir payer à Bruxelles d'importantes amendes.

Madame la secrétaire d'État, je voudrais vous alerter sur les problèmes posés par la publication de l'enquête relative aux factures d'eau dans le mensuel Que choisir ? de novembre 2007. Celle-ci a suscité un écho médiatique considérable et elle interpelle les responsables politiques que nous sommes. Nous nous devons d'y répondre, face à une opinion publique en état d'alerte.

En effet, si cet article pose des questions tout à fait justifiées, je crains que les politiques d'investissement, pourtant tout à fait nécessaires dans les années à venir, notamment pour créer ou renouveler les stations d'épuration, ne soient paralysées par la peur d'une augmentation de leurs factures d'eau.

Les comptes des entreprises des opérateurs publics ou privés doivent être clairs et transparents. Madame la secrétaire d'État, je vous demande donc d'accélérer la mise en place de l'ONEMA, l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques. Celui-ci doit mettre en oeuvre un système d'évaluation objective des services d'eau et du prix facturé aux usagers, mais en prenant en compte la qualité du service, la sécurité de l'approvisionnement des usagers, la protection de l'environnement et la transmission d'installations en bon état aux générations futures.

Certes, la mise en place, par le décret du 2 mai 2007, d'indicateurs de performance des services d'eau et d'assainissement, obligatoires dans le rapport annuel rédigé par le maire, va dans la bonne direction.

Encore faut-il, madame la secrétaire d'État, que vos services, en relation avec la FNCCR, la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, nous aident à définir, à partir d'expertises solides et de méthodes incontestables, une modélisation concrète, pragmatique, judicieuse et irréprochable des services d'eau et d'assainissement, qui tienne compte des conditions d'exploitation différentes d'une collectivité à l'autre.

Nous avons des progrès à faire pour présenter des comparaisons sur les modes de gestion de l'eau, comme le souhaitent les opérateurs.

Je profite du vote de ce budget pour réclamer la publication d'un décret instituant une taxe au bénéfice de la gestion des eaux pluviales. Celle-ci serait certes facultative, mais elle permettrait de faire face à des besoins qui sont croissants et de cesser de financer illégalement ces travaux par le prix de l'eau au robinet.

Pleinement conscient des problèmes très lourds qui nous attendent, je souhaite qu'un contrat clair soit défini, qui prévoirait des programmes de financement planifiés dans la durée et définirait des engagements francs et massifs de l'État, au bénéfice d'un nouveau modèle économique.

Toutefois, en aurez-vous les moyens, demain, alors que ce budget reste globalement insuffisant et que je crains toujours un transfert de charges vers les collectivités territoriales ? Aurez-vous la force politique de normaliser, réglementer, réguler et inciter, dans le cadre du Grenelle de l'environnement ? Et, puisque ce dernier a été l'occasion d'une réflexion particulière sur le ferroviaire, pouvez-vous nous préciser vos intentions s'agissant de la modernisation de notre réseau ferroviaire, aujourd'hui bien défaillant ?

Enfin, car il s'agit d'un important problème régional, qu'en est-il de l'implantation d'un centre d'essais ferroviaires près de Valenciennes ? Les élus et les populations, qui nourrissent des attentes et des inquiétudes fortes, réclament des réponses claires.

Madame la secrétaire d'État, monsieur le secrétaire d'État, telles sont les quelques questions que je souhaitais vous poser. J'attends à présent vos réponses.

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