Monsieur le président, madame, monsieur les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous nous attendions, cette année, à innover en mettant en oeuvre dans le secteur des transports la « rupture puissante, forte et radicale » à laquelle appelait le ministre d'État, ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables le 3 octobre dernier, à l'Assemblée nationale.
Des signes ont été émis en ce sens avec la création d'un ministère de l'écologie, de l'aménagement et du développement durables et l'organisation, cet automne, d'un « Grenelle de l'environnement » : autant d'éléments qui pouvaient laisser présager une volonté gouvernementale forte de définir une nouvelle politique des transports, plus respectueuse des impératifs de préservation de l'environnement.
Ainsi, grâce à une prise de conscience exceptionnelle des dangers, pour notre planète, d'un développement uniquement fondé sur des critères de compétitivité économique, il a été décidé de prendre en compte des critères sociaux et environnementaux dans toute prise ou évaluation de décision publique.
Pour illustrer mon propos, je ferai référence au document final du Grenelle de l'environnement, qui indique que « le paradigme actuel, fondé sur la priorité accordée aux infrastructures routières et autoroutières, doit être abandonné au profit d'une logique de développement intégré, dans laquelle la route et l'avion deviennent des solutions de dernier recours ».
Le nouveau Président de la République affirmait également, durant sa campagne électorale, l'objectif d'augmenter de 25 % la part du fret ferroviaire dans le transport de marchandises, objectif qui a été repris dans les décisions arrêtées à l'occasion du Grenelle de l'environnement et dont la réalisation suppose des investissements massifs en faveur du rail.
Nous attendions donc avec une grande impatience de découvrir les crédits accordés aux transports. Mais quelle déception ! Nous sommes loin de la révolution annoncée : ces crédits sont une nouvelle fois en nette régression, puisque les seuls crédits alloués aux transports terrestres et maritimes baissent de 13 %. De plus, le nouveau périmètre de la mission permet habilement de restreindre le temps de parole des groupes parlementaires dans le débat budgétaire...
Nous sommes donc consternés de constater un tel fossé entre les discours et les actes posés par ce gouvernement, dont le projet de loi de finances reste un acte fondateur.
Ce comportement a également été souligné dans l'avis de la Cour des comptes sur le secteur des transports, où il est notamment question de la mise en oeuvre de la LOLF.
Ainsi, la Cour des comptes regrette que l'application de la LOLF n'ait pas été l'occasion d'accomplir des progrès décisifs en matière d'intermodalité, en constituant un programme « Infrastructures de transport » et en désignant un responsable de l'intermodalité et du report modal.
Cette remarque datant de juin dernier, elle aurait pu être prise en compte dans l'élaboration des documents budgétaires, lesquels sont loin d'être satisfaisants pour qui souhaite trouver des informations précises sur la destination des crédits.
La Cour des comptes estime aussi que « le discours récurrent sur le rééquilibrage des modes de transports ne se traduit pas en actes ». Son jugement serait-il bien différent aujourd'hui ?
Même la commission des finances de la Haute Assemblée dénonce, dans un communiqué de presse, « l'absence de traduction financière et budgétaire des orientations proposées par le Grenelle de l'environnement ».
Pourtant, et les travaux de cet automne l'ont une nouvelle fois souligné, l'absence de réduction significative des émissions de gaz à effet de serre aura des conséquences dramatiques et irréversibles sur l'environnement.
Dans cette perspective, je rappelle que la part du secteur des transports dans le total des émissions françaises de gaz à effet de serre atteint 26, 5 %, le transport routier représentant 93 % de cette part.
Il s'agit, en outre, du secteur qui a connu la plus forte croissance en matière d'émissions de gaz à effet de serre depuis 1990, puisque la progression est de 22 %. Or il a précisément été décidé, lors du Grenelle de l'environnement, de revenir au niveau d'émissions de 1990.
Je rappelle également que, en France, la part de la route dans le marché du fret est passée en vingt ans de 58 % à 80 %, celle du rail de 26 % à 12 %. Il y a donc fort à faire pour parvenir à un rééquilibrage modal, véritable levier pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour reprendre la terminologie employée dans les documents du Grenelle de l'environnement, il s'agit d'un objectif « d'intérêt général pour la société ».
Nous partageons ce point de vue, et nous sommes intervenus régulièrement, chaque année, lors de la discussion du projet de loi de finances, pour demander davantage de moyens pour les modes de transport autres que la route.
Pourtant, prenant le contre-pied de toutes les déclarations d'intention, ce projet de budget organise une nouvelle fois le désengagement de l'État du secteur des transports.
D'ailleurs, à la lecture des documents budgétaires, et notamment de ceux qui présentent le programme « Transports terrestres et maritimes », nous comprenons assez vite que la rupture annoncée ne sera pas si radicale.
En effet, dès la présentation stratégique du projet annuel de performances, il est dit que la priorité sera donnée, « chaque fois que cela est réaliste au plan économique, aux modes de transports complémentaires à la route ». Nous voilà immédiatement cantonnés aux sacro-saints impératifs de rentabilité économique ! La politique du Gouvernement est donc la suivante : le développement durable est un objectif, mais seulement si c'est rentable !
Comment ne pas penser alors à la nouvelle politique d'entreprise de la SNCF ? Celle-ci reste une entreprise publique, mais les maîtres mots de sa gestion sont dorénavant compétitivité économique et augmentation de la productivité, ...