Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 6 décembre 2007 à 15h00
Loi de finances pour 2008 — Compte spécial : contrôle et sanction automatisés des infractions au code de la route

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux :

Vous avez également la chance d'intervenir dans un cadre tant international que national entièrement renouvelé.

Au niveau international, tout d'abord, l'attribution récente du prix Nobel de la paix à l'ancien vice-président des États-Unis, Al Gore, ainsi qu'aux membres du Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat, le GIEC, souligne de façon éclatante combien les enjeux environnementaux sont cruciaux et désormais reconnus comme tels.

Le principal défi pour les mois à venir sera de convaincre les pays en développement - le Brésil, l'Inde, la Chine - et les pays développés encore réticents - la Nouvelle-Zélande et, surtout, les États-Unis - de s'engager en faveur d'un régime multilatéral du climat.

Dans cette perspective, notre pays et l'Europe auront un rôle déterminant à jouer pour parvenir à un accord sur les objectifs et les moyens, et éviter ainsi toute interruption du régime du protocole de Kyoto en 2012. Un pas important a d'ailleurs été franchi cette semaine, lors de la conférence de Bali, avec la ratification du protocole de Kyoto par l'Australie.

De même, au niveau national, cette fois, la cause de la protection de notre environnement a connu, en quelques mois, d'importants progrès. Fait nouveau, le Grenelle de l'environnement a permis à tous les acteurs de se rencontrer et de débattre de la protection de l'environnement.

Nous attendons désormais d'examiner le « paquet législatif » qui permettra de transcrire juridiquement les engagements qui ont été pris. Pourrez-vous, madame, monsieur les secrétaires d'État, nous donner quelques détails sur le contenu de ce paquet, sur le calendrier législatif et sur les méthodes qui seront employées ?

D'un point de vue budgétaire, on ne peut que s'interroger sur la mise en oeuvre des mesures les plus décisives, qui ont été repoussées ou différées. Aucune ligne budgétaire ne fait apparaître de crédits destinés au financement des premières actions susceptibles d'être mises en oeuvre dès l'exercice budgétaire 2008, celui qui nous préoccupe en ce moment.

J'appelle de mes voeux la discussion d'un projet de loi de finances rectificative comprenant des dispositions en faveur de l'environnement afin de remédier au silence de ce projet de budget. Faute de cela, le Grenelle de l'environnement se résumerait à une très bonne opération médiatique et à un catalogue de voeux pieux.

Je développerai maintenant quatre thèmes qui me semblent particulièrement importants.

Je commencerai tout d'abord - ce sera le premier thème - par évoquer les énergies renouvelables. J'insisterai notamment sur l'énergie solaire.

Pour la première fois, la politique de l'énergie et des matières premières fait l'objet d'un programme budgétaire à part entière. Mais je regrette, monsieur le secrétaire d'État, qu'il soit si peu question des énergies renouvelables dans le programme « Énergie et matières premières ». Certes, les moyens de la politique énergétique et de la politique des matières premières dépassent très largement les crédits budgétaires.

Le projet annuel de performances, lui, présente le montant des dépenses fiscales rattachées au programme « Énergie et matières premières ». Celles-ci devraient s'élever à 2, 5 milliards d'euros en 2008, à comparer aux 54 millions d'euros d'autorisations d'engagement du programme 174. La principale dépense fiscale de ce programme, estimée à 2, 4 milliards d'euros pour 2008, correspond au crédit d'impôt pour dépenses d'équipement de l'habitation principale en faveur des économies d'énergie et du développement durable. Toutefois, je crains que cette incitation fiscale, bien que très importante, ne soit pas à la hauteur des enjeux, d'autant moins qu'elle concerne, pour l'essentiel, l'isolement des lieux d'habitation.

En mars 2007, les dirigeants européens se sont engagés à respecter un objectif commun consistant à produire 20 % de leur énergie à partir de sources renouvelables d'ici à 2020. Nous sommes encore très loin du compte, si loin en fait que l'objectif peut sembler à certains quasi impossible à atteindre.

Prenons l'exemple de l'énergie solaire. À la fin 2005, notre voisin l'Allemagne, pays qui n'est pourtant pas réputé pour son ensoleillement, comptait sur ses toits une surface installée de capteurs solaires thermiques de 6, 7 millions de mètres carrés, représentant une puissance thermique de 4 700 mégawatts, 4 % des foyers allemands étant équipés.

En outre, l'Allemagne a produit plus de 1 000 mégawatts d'électricité photovoltaïque en 2006, soit les trois-quarts de l'électricité solaire européenne. L'Allemagne dispose donc à présent d'un savoir-faire technologique et industriel qui en fait, comme c'est déjà le cas pour l'éolien, le leader européen en matière d'énergie solaire, avec toutes les retombées très positives que cela entraîne en termes de créations d'emplois qualifiés.

Pendant ce temps, en France, la production solaire, qu'elle soit photovoltaïque ou thermique, reste marginale et insignifiante. Pourtant notre pays dispose d'un excellent potentiel solaire. Plus de vingt départements du sud de la France bénéficient de plus de 2 000 heures d'ensoleillement par an. Même en Île-de-France, le rayonnement solaire moyen annuel n'est inférieur que de 20 % à celui du sud de la France !

Il est donc regrettable et, pour tout dire, incompréhensible que la France, qui a la chance de disposer d'un excellent gisement solaire, ne parvienne pas à utiliser cette énergie gratuite, non polluante et dont la durabilité est assurée, avec le même niveau d'efficacité que l'Espagne ou l'Allemagne.

J'évoquerai maintenant - c'est le deuxième thème - les biocarburants.

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2008, la défiscalisation dont bénéficient les différentes filières de biocarburants a été diminuée. Sans doute fallait-il le faire. Je déplore cependant, monsieur le secrétaire d'État, la remise en cause partielle de ce dispositif, tel que cela a été fait, alors que les différentes filières sont en train de se structurer au niveau industriel. L'amendement que le Gouvernement a inspiré, et que le Sénat a voté, crée une distorsion de traitement en ce qui concerne le pourcentage de diminution de l'aide accordée aux entreprises.

Il est absolument indispensable que la France soit présente demain dans ces filières, en particulier qu'elle mette en place une véritable expertise dans le secteur de la chimie verte - on en parle beaucoup, mais il faut y venir ! - pour faire face à la montée en puissance des États-Unis et du Brésil.

Il est donc primordial que nous nous investissions tous dans ce secteur, qui non seulement représente une solution de rechange, moins polluante et moins coûteuse que celles qui sont proposées par ailleurs, par rapport aux énergies fossiles que nous utilisons actuellement, mais qui, en outre, offre un avenir prometteur à l'agriculture et ouvre des perspectives déjà encourageantes pour la valorisation de la biomasse.

Ce n'est pas en matraquant les résultats financiers des entreprises que nous leur donnerons confiance en l'avenir. Or nous avons besoin qu'elles financent les dépenses de recherche et de développement pour la seconde génération de biocarburants, dont tout le monde parle et que tout le monde réclame.

Cette erreur est rattrapable. La commission mixte paritaire peut y remédier. Je compte sur vous, madame, monsieur les secrétaires d'État, pour que le ministère de l'industrie maintienne sa réputation de partenaire fiable en matière de développement industriel.

J'aborderai maintenant - c'est le troisième thème - la poursuite d'une politique de transports durables.

Le budget des transports est fortement influencé par le Grenelle de l'environnement. Les avancées et les objectifs énoncés sont nombreux : financement de nouvelles lignes à grande vitesse d'ici à 2020, aménagement de 1 500 kilomètres de lignes supplémentaires de tramway, projet du canal Seine-Nord Europe et réalisation d'autoroutes de la mer sur la façade atlantique, enfin, mise en place envisagée d'une écotaxe kilométrique sur les poids lourds pour l'utilisation du réseau routier national non concédé.

Je me félicite que le mode de transport fluvial soit enfin reconnu, au travers notamment du projet de canal à grand gabarit Seine-Nord Europe, qui doit relier les bassins de la Seine et de l'Oise à l'ensemble du réseau européen. La décision budgétaire prise à Bruxelles nous conforte. La déclaration d'utilité publique devrait intervenir bientôt. On ne peut que soutenir ce projet emblématique de la politique de développement durable, qui doit reposer sur un partenariat public-privé original et permettre de créer de nombreux emplois dans les zones concernées.

Je dirai un mot sur les autoroutes.

Bien sûr, la construction d'une nouvelle route doit pouvoir être décidée si elle répond à un besoin de sécurité ou si elle a pour but de résoudre un problème de congestion ou de desserte de certaines installations, comme cela a été dit lors du Grenelle de l'environnement. C'est le cas notamment - raison pour laquelle je vous en parle, monsieur le secrétaire d'État - de l'autoroute A24, qui part d'Amiens vers la Belgique. Où en est-on concernant ce projet, monsieur le secrétaire d'État ? Il ne peut que rester dans les « super priorités ». Je compte sur votre attention.

Toutefois se pose le problème du financement de ces infrastructures. L'AFITF porte plusieurs des projets déjà décidés. Cependant, il lui manque déjà 10, 5 milliards d'euros d'ici à 2012 pour financer ces projets, sans compter les choix nouveaux énoncés lors du Grenelle de l'environnement, qui représentent un investissement que certains ont évalué à plus de 20 milliards d'euros. Comment trouver ces sommes ? Comment, si on ne les trouve pas, procéder aux arbitrages permettant de décider ce qu'on fait et ce qu'on ne fait pas ? Le sous-financement de l'AFITF est patent et j'ai de véritables inquiétudes sur son devenir. Je tiens d'ailleurs ici à rappeler la grave erreur commise par le précédent gouvernement lors de la cession des participations de l'État dans les sociétés autoroutières.

Enfin, j'en viens à mon quatrième et dernier thème : les OGM.

Je sais, monsieur le secrétaire d'État, qu'un projet de loi sur les OGM est en cours de finalisation par vos services. C'est pourquoi je tiens à réaffirmer que la France ne doit pas adopter une position de repli et refuser tout ce qui a trait aux OGM, comme certains le préconisent.

D'une part, pour connaître les risques réels, il faut pouvoir expérimenter. D'autre part, un encadrement strict, une information publique et des mesures d'isolement efficaces sont les éléments indispensables pour que des essais puissent avoir lieu dans de bonnes conditions et que des autorisations de mises en culture soient données. En termes de rendement, d'utilisation d'intrants, de gestion de l'eau, les OGM pourront sans doute apporter des réponses demain, au même titre que les semences hybrides hier. Laissons donc aux chercheurs la possibilité de faire leur travail et de le continuer.

Dans un second temps, il sera sans doute indispensable de garantir une coexistence des cultures. Chaque agriculture, qu'elle soit traditionnelle, biologique ou OGM, a sa place et devra toujours pouvoir l'avoir. Telle est la position que les sénateurs centristes avaient défendue lors de l'examen du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés et à laquelle nous restons attachés.

Il faudra donc agir sur deux points.

Premièrement, les mesures d'isolement doivent permettre de mieux lutter contre les disséminations possibles. Pourquoi ne pas reprendre les distances d'isolement prévues lors des essais de semences, qui peuvent aller jusqu'à 300 mètres ou 400 mètres ? C'est un ordre de distance qui est reconnu par la profession.

Deuxièmement, pourquoi ne pas envisager la création de zones protégées où les OGM ne pourraient pas être produits ?

Pour aller plus loin, il sera sans doute nécessaire de prévoir des mesures contraignantes afin que les disséminations, s'il doit y en avoir, soient limitées sur les étapes en aval, à savoir la récolte, le stockage et le transport. Tout cela est possible.

Je terminerai par une question d'actualité.

Ce matin, un quotidien nous révélait sur une double page le niveau de la taxe appelée « éco-pastille ». Nous en connaissions déjà le principe, mais nous disposons désormais d'informations plus précises.

Ainsi, comme nous l'avons découvert, la voiture hybride, qui bénéficie aujourd'hui d'un crédit d'impôt de 2 000 euros, aura droit demain à un bonus de 700 euros. Est-ce une erreur ? Est-ce une orientation nouvelle ? Votre réponse nous intéresse, monsieur le secrétaire d'État.

Je suis en effet prêt à soutenir la politique gouvernementale en matière d'environnement. Encore faut-il qu'elle soit lisible, compréhensible et irréprochable !

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