Monsieur le président, madame le secrétaire d'État, mes chers collègues, mon intervention portera sur les actions 01 et 02 du programme 226 « Transports terrestres et maritimes », et plus particulièrement sur la question de la régénération du réseau ferroviaire.
La modification des périmètres ministériels et budgétaires fait que, cette année pour la première fois, les crédits des transports sont examinés dans le cadre du budget du ministère de l'écologie. À l'aune des priorités affichées par le Gouvernement et de l'impérieuse nécessité d'encourager les modes de transports alternatifs à la route, cette modification pourrait faire espérer des progrès notables dans l'engagement de l'État en faveur du transport ferroviaire. Qu'en est-il réellement ?
Le rapport établi en 2005 par le professeur Rivier, de l'École polytechnique fédérale de Lausanne, avait conclu à la dégradation progressive du réseau, faute d'investissements suffisants, et proposé de retenir un scénario optimal qui, moyennant l'attribution de 500 millions d'euros supplémentaires chaque année pour la période 2006-2010 et de 850 millions d'euros pour la période 2011-2015, garantirait, à terme, un réseau de qualité avec un coût d'entretien annuel minimal.
Retenant ces conclusions, Dominique Perben, alors ministre des transports, avait mis en place un plan d'action pour la période 2006-2010, avec une montée en charge toutefois largement en deçà des préconisations du rapport Rivier pour le début de la période.
Comment se déroule la mise en oeuvre de ce plan ?
Pour 2008, la subvention de régénération est fixée à 1, 64 milliard d'euros contre 985 millions d'euros en 2007 et 970 millions d'euros en 2006. Même si la subvention progresse, l'effort insuffisant consenti par l'État pour le renouvellement et la mise aux normes sur la période 2006-2010 ne permettra pas de rajeunir et de moderniser le réseau à un rythme suffisant.
Cette évolution est d'autant plus inquiétante que la contribution aux charges d'infrastructures baisse de 181 millions d'euros, alors même qu'elle contribue aussi à l'entretien et à l'exploitation courants du réseau. D'ailleurs, cette contribution ne cesse de baisser depuis 2005. Globalement, les crédits seront passés progressivement de 1, 11 milliard d'euros en 2004 à 731 millions d'euros en 2008, soit une réduction de plus de 34 %.
Si l'on additionne les crédits de régénération et la contribution aux charges d'infrastructures, la masse des crédits disponibles pour améliorer le réseau et en abaisser durablement l'âge moyen n'a progressé en réalité que de 10 millions d'euros entre 2004 et 2008 : nous sommes en effet passés de 1, 785 milliard d'euros en 2004 à 1, 795 milliard d'euros en 2008.
Ainsi, au-delà de ses affirmations, le Gouvernement laisse se dégrader une partie du réseau ferré national, avec les conséquences que cela entraîne, à savoir des ralentissements sur un nombre important de kilomètres de voies de l'Union internationale des chemins de fer 5 à 9, c'est-à-dire celles qui supportent le moins de trafic, ou encore un accroissement du nombre de déraillements sur ces voies, heureusement sans conséquences graves à ce jour.
Monsieur le secrétaire d'État, la réduction progressive des crédits d'entretien courant ne serait logique que si les investissements en renouvellement progressaient de manière très forte chaque année, comme le recommande le rapport Rivier. Or tel n'est pas le cas !
C'est dans ce contexte marqué par un important retard dans la mise en oeuvre du plan de régénération 2006-2010 que vient de s'achever, madame la secrétaire d'État, le Grenelle de l'environnement dont le volet « Mobilité et Transports » est considéré comme l'un des plus ambitieux : doublement des lignes à grande vitesse avec 2000 kilomètres lancés d'ici à 2020 et 2 500 kilomètres à plus long terme ; augmentation de 25 % de la part du fret ferroviaire d'ici à 2012 avec la promotion du transport combiné et la création d'autoroutes ferroviaires, ou encore la mise à niveau du réseau existant pour les transports urbains et régionaux.
Si ces objectifs sont, certes, ambitieux, il convient toutefois d'être prudent, car les contours ne sont pas définis.
Quant aux crédits d'entretien et de régénération qui sont déjà insuffisants dans la configuration actuelle du réseau et de son utilisation, il faudrait les faire progresser chaque année de plusieurs centaines de millions d'euros si l'on veut favoriser une utilisation plus intensive des infrastructures.
L'État en a-t-il la volonté ? A-t-il les moyens de le faire ? En tout cas, le constat que l'on peut faire des crédits votés depuis 2005 ne plaide malheureusement pas dans ce sens.
Cela m'amène à dire quelques mots de l'intervention des régions qui, pour certaines d'entre elles, acceptent déjà de participer à la régénération du réseau afin d'éviter la réduction de son périmètre d'exploitation.
Même si cette participation aux investissements de renouvellement était esquissée dans le plan d'action 2006-2010, il n'en demeure pas moins que, là encore, les collectivités territoriales sont obligées de se substituer en partie à Réseau ferré de France, gestionnaire du réseau national, et ce en raison de l'engagement insuffisant de l'État.
Si la régénération du réseau ferré suppose des moyens financiers importants, elle nécessite également que des objectifs de performance du réseau soient fixés.
Ainsi, pour chaque ligne, en fonction de son affectation - qu'il s'agisse de lignes dédiées aux trains de voyageurs, au fret, aux services régionaux, voire à l'utilisation mixte -, devront être définis les principaux paramètres suivants : vitesse, fiabilité, disponibilité et confort.
Il s'agit là d'un élément essentiel pour permettre au gestionnaire d'infrastructures d'optimiser sa politique de maintenance et ses programmes d'investissement.
Or force est de constater que, là encore, on n'a guère avancé !
Pour ces diverses raisons, nous voterons contre les crédits des actions 01 et 02 de cette mission, crédits qui sont notoirement insuffisants pour assurer dans un délai raisonnable la régénération du réseau ferroviaire. En effet, nous verrons ce qu'il en sera dans une dizaine d'années si l'on continue ainsi !