Mme Keller vient de rappeler que la question des déchets a été considérée à ce point primordiale dans le cadre du Grenelle de l'environnement que le Gouvernement a accepté de donner un délai supplémentaire à l'intergroupe « déchets », dont j'ai l'honneur de faire partie, pour rendre ses conclusions.
Même si les déchets ménagers ne représentent que 6 % de l'ensemble des déchets, ils constituent un problème particulièrement important mais aussi particulièrement sensible, d'une part, parce qu'il doit être réglé au quotidien par les élus locaux et, d'autre part, parce qu'il touche directement « au portefeuille » nos concitoyens tous les ans lorsqu'ils acquittent leurs impôts locaux.
Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que le xxe siècle a été le siècle des trois « s », la surproduction, la surexploitation et la surconsommation et que le xxie siècle doit être celui des trois « r », la réduction, la réutilisation et le recyclage.
Cela fait plaisir à dire, mais, comme toujours, la question est de savoir comment faire ! Moi qui fréquentais les colloques sur les déchets bien avant d'avoir les cheveux blancs, j'ai entendu au sein de l'intergroupe des propositions qui étaient déjà formulées voilà quinze ans mais sur lesquelles il n'y a jamais eu la moindre avancée.
On ne va pas y revenir, la taxe actuelle est totalement injuste. Le système de la redevance serait - je dis bien « serait » - un peu plus juste, mais il semble que les expériences en la matière qui ont été conduites dans l'Est sont à ce point intéressantes... qu'elles n'ont été reproduites nulle part, et cela pour des raisons que nous connaissons tous.
Il serait d'ailleurs instructif de savoir quelles sont les répercussions sur les collectivités voisines et sur l'environnement de la mise en place d'un système au demeurant, je le dis, très onéreux. Or la maîtrise des coûts est un des objectifs prioritaires du Gouvernement et de tous ceux qui s'occupent de la gestion des déchets.
Alors, « r » comme réduction ! Tout le monde en est d'accord, il faut réduire les déchets à la source : le déchet le moins cher et le plus facile à traiter est celui que l'on ne produit pas, nous le disons depuis vingt ans, ce qui n'a pas empêché qu'entre 1997 et 1998 nous ayons passé la barre du kilogramme quotidien de déchets par habitant sans que personne ne s'en émeuve, alors que beaucoup étaient persuadés qu'il s'agissait d'une barre psychologique dont le dépassement nous pousserait aussitôt à faire machine arrière !
Il n'en reste pas moins que le prix du traitement devrait être fonction des produits, si nous voulons un système à la fois plus efficace et plus juste, ce qui passe par la responsabilité élargie du producteur.
Actuellement, le traitement des déchets est financé à hauteur de 85 % par le contribuable. Est-ce juste ? Manifestement, non !
Le traitement des déchets devrait être payé par ceux qui en ont « profité », c'est-à-dire par les consommateurs. Est-ce possible ? Oui, c'est possible en introduisant, enfin, la responsabilité élargie du producteur, ce qui signifie que le consommateur paie, au moment où il achète un produit, le coût du traitement de ce produit en fin de vie.
Je reconnais que c'est un système qui, en France, a déjà été mis en place dans plusieurs domaines : chacun connaît Éco-emballage, et Gérard Miquel peut-être mieux que quiconque, mais force est de constater que ce n'est qu'une avancée partielle dans le sens de cette logique, car, comme toujours dans notre pays, on commence, mais on ne va pas au bout ! On le constate d'ailleurs une fois de plus, et nous en reparlerons tout à l'heure, madame la secrétaire d'État, avec le nouveau décret sur les DASRI, les déchets d'activités de soins à risques infectieux : là encore, on commence à prendre le chemin et on se demande bien pourquoi on ne va pas jusqu'au bout...
Tous ces amendements visent donc à mettre en place la responsabilité élargie du producteur, dans le but d'instituer un système juste qui responsabilise le citoyen.
Du même coup, nous aurons atteint nos autres objectifs, puisque tous les producteurs s'efforceront de limiter les déchets à la source, les emballages notamment, et que cela favorisera aussi la valorisation matière.
Il y a en effet plusieurs façons d'éliminer les déchets, et nous savons tous, madame la secrétaire d'État, que la valorisation matière en est une, mais elle exige des opérations en amont, comme l'éco-conception ou l'éco-construction, elles aussi bien insuffisantes dans notre pays, ce qui explique notre retard pour la valorisation matière.
Reste l'autre type de valorisation, décriée, et je me demande bien pourquoi, par tout le monde. Je veux parler de la valorisation énergétique et, plus particulièrement, de l'incinération.
Oui, j'ose employer ce gros mot, mais quel crime y a-t-il, mes chers collègues, à utiliser, à l'instar des autres pays européens, les déchets comme combustibles pour fournir de l'énergie, pour peu, naturellement, que les incinérateurs ne produisent pas plus de polluants que les centres de production thermique, lesquels n'utilisent d'ailleurs pas toujours du fioul à basse teneur en souffre ? Abandonnons donc l'idéologie pour le pragmatisme !
La plupart des pays européens considèrent que la partie des déchets qui ne peut pas être valorisée matière doit être valorisée autrement et, pour l'heure, la seule façon de faire autrement passe par la valorisation énergétique.
Tel est l'esprit de ces amendements.
L'amendement n° II-152 rectifié vise les produits de grande consommation effectivement mis sur le marché.
L'amendement n° II-153 rectifié vise les déchets dangereux, et vous reconnaîtrez, madame la secrétaire d'État, que la collecte de ces déchets est une priorité, puisque, même s'ils sont très peu importants en quantité, ils sont excessivement importants en termes de pollution. Il faut donc se fonder non pas sur les tonnages, mais sur les conséquences sur l'environnement.
L'amendement n° II-154 rectifié vise les DASRI, qui peuvent blesser les personnels chargés de la collecte ou du tri, problème auquel tous les maires sont confrontés, et cela d'autant plus que l'automédication à domicile augmente. Bien sûr, il y a les malades - des diabétiques, par exemple, nombreux dans notre pays, et qui utilisent plusieurs seringues chaque jour - qui ont le sens civique et qui, au fil des ans, ont entassé dans leur garage trois tonnes de déchets, mais la plupart de nos concitoyens ignorent les risques liés à ce type de déchets, qu'il faut bien éliminer. Or, rien n'est prévu !
Il y a bien un projet de décret, mais il me semble, madame la secrétaire d'État, qu'il prévoit seulement la fourniture d'un petit contenant gratuit aux personnes en automédication, qui devront ensuite le déposer à une borne. Or le contenant ne vaut rien ; c'est le traitement qui est coûteux, et, une fois encore, on le met à la charge du contribuable. Quand bien même on pourrait discourir sur la solidarité à l'égard de tous ceux qui sont automédication, c'est totalement injuste et, là encore, il faut aller au bout du système.
Enfin, l'amendement n° II-155 rectifié vise les déchets encombrants.
Madame la secrétaire d'État, comme celui de Fabienne Keller, tous ces amendements sont donc extrêmement importants puisqu'ils contribueraient à résoudre enfin le problème des déchets.
Je terminerai en vous demandant si, comme l'a annoncé le Premier ministre dans son discours de clôture, le 22 novembre dernier, au congrès des maires, il y aura une loi spécifique aux déchets : nous savons bien que, dans notre pays, pour avancer, il nous faut un cadre et des objectifs, comme le prouve d'ailleurs le fait qu'il y ait eu si peu d'avancées depuis la loi de 1992...