Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je comprends tout à fait la motivation des auteurs de la proposition de loi qui nous est soumise.
En effet, depuis un an ou deux, le Gouvernement a voulu faire passer en force divers textes concernant notamment les collectivités territoriales et le droit en général. Cette attitude est tout à fait déplacée et intolérable. Je ne reviendrai pas sur le charcutage des circonscriptions législatives, qui sera très bientôt suivi du charcutage des cantons, en vue de l’élection des conseillers territoriaux, sans parler du charcutage des intercommunalités ! La pratique gouvernementale, adoptée sous l’autorité du Président de la République, est parfaitement indécente.
Nos collègues du groupe du RDSE ont donc raison de s’opposer à ces méthodes, mais la solution qu’ils préconisent ne répond pas au problème posé.
S’il s’agit d’obtenir du Gouvernement et de sa majorité qu’ils fassent preuve d’un minimum d’éthique, qu’ils adoptent un comportement correct à l’égard des collectivités territoriales et qu’ils respectent la démocratie locale, je suis tout à fait d’accord. En revanche, changer les rapports de force institutionnels et attribuer au Sénat un droit de veto dans certains domaines ne me paraît pas être le meilleur moyen de faire fonctionner la démocratie, ni d’ailleurs de conforter le rôle du Sénat. En effet, à vouloir trop en faire, on risque de susciter des contestations de la légitimité du Sénat.
J’ai été député avant de devenir sénateur : j’ai été élu à l’Assemblée nationale par quelque 100 000 électeurs, alors que les voix de 200 ou 300 grands électeurs ont suffi à m’envoyer au Sénat. Le suffrage universel indirect est certes tout aussi légitime que le suffrage universel direct, mais, qu’on le veuille ou non, ce n’est tout de même pas la même chose !
Je ne peux donc pas m’associer à cette proposition de loi. Si je désapprouve la politique du Gouvernement et l’attitude du Président de la République, si je juge certaines pratiques intolérables, voire scandaleuses, j’estime néanmoins que nous ne devons pas non plus tomber dans l’excès inverse. À mon avis, cette proposition de loi ne contribuera pas obligatoirement à conforter la légitimité du rôle du Sénat, parce qu’elle pourrait susciter un « effet boomerang ».
Par conséquent, je ne voterai pas cette proposition de loi.