La séance est ouverte à quatorze heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2011.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance d’hier, mardi 7 décembre, prennent effet.
L’ordre du jour appelle la désignation de deux membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de MM. Jean-Claude Etienne et Christian Gaudin, dont le mandat sénatorial a cessé, et la désignation de trois membres de la Délégation sénatoriale à la prospective, en remplacement de MM. Jean-Claude Etienne, Christian Gaudin et Michel Thiollière, dont le mandat sénatorial a cessé.
En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, les listes des candidats présentés par les groupes ont été affichées.
Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi constitutionnelle tendant à renforcer la fonction de représentation par le Sénat des collectivités territoriales de la République, présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE (proposition n° 58, rapport n° 128).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Yvon Collin, auteur de la proposition de loi constitutionnelle.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec le soutien de l’ensemble des membres du groupe du RDSE, et par-delà les clivages politiques de celui-ci, j’ai l’honneur de soumettre aujourd’hui à l’examen de la Haute Assemblée une proposition de loi qui a l’ambition de combler un silence regrettable de notre Constitution, et par là même de renforcer le Sénat dans sa fonction constitutionnelle de représentation des collectivités territoriales.
Mes chers collègues, nous vous proposons, par ce texte, d’aller au bout de la logique qui sous-tend les articles 24 et 39 de la Constitution, en soustrayant les projets et propositions de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales à la procédure offrant, le cas échéant, à l’Assemblée nationale la possibilité de statuer définitivement, sans l’accord du Sénat.
En vous proposant cette modification de l’article 45 de la Constitution, nous sommes bien conscients de soulever un débat qui va au-delà d’un simple ajustement technique de la procédure parlementaire. En tout état de cause, c’est bien toute la question cruciale de la place du Sénat dans nos institutions et celle du respect qui est dû à sa fonction de représentation des collectivités territoriales qui est posée.
À l’évidence, l’actualité de ces derniers mois a malheureusement démontré qu’en dépit des prérogatives qui lui sont constitutionnellement réservées, la Haute Assemblée a fait l’objet d’un mépris souverain qui a affecté l’ensemble de ses membres, et par-delà tous les grands électeurs dont nous sommes ici l’émanation et la représentation. C’est donc bien l’actualité, et en l’espèce les conditions d’examen – et d’adoption – du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, qui m’a inspiré cette proposition de loi n’ayant d’autre objectif que de garantir constitutionnellement et formellement au Sénat toute la place qui doit être la sienne.
Car, mes chers collègues, vous n’êtes pas sans savoir que l’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ». Cela signifie que, dans notre République unitaire et indivisible, la représentation des collectivités par le Sénat est bien sûr une modalité technique de la représentation du peuple souverain qui s’exprime par le suffrage universel indirect, mais cela exprime également l’idée d’une représentation de la nation par des corps intermédiaires territoriaux, comme le concevaient d’ailleurs les rédacteurs de la Constitution. En clair, la représentativité du Sénat est politique, et aussi légitime, quoique différente, que celle de l’Assemblée nationale.
C’est à l’aune de cette idée qu’après de longs débats a été instituée en 2003, au profit du Sénat, et sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, une priorité d’examen des « projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales ». Cette heureuse modification du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution a ainsi en quelque sorte institutionnalisé une pratique, presque systématique, des gouvernements successifs. Elle est également venue prolonger la logique qui sous-tendait depuis 1958 la fonction représentative du Sénat, en formalisant cette priorité découlant du rôle qui lui est dévolu de chambre reflétant la diversité de nos territoires.
Dans notre esprit, le Sénat n’est pas doté d’une supériorité irréfragable sur l’Assemblée nationale en matière de collectivités territoriales, de la même façon qu’il n’est pas le porte-voix unique des préoccupations des élus locaux. Nous ne constituons pas le réceptacle d’intérêts purement catégoriels. Nous sommes cependant en première ligne sur ce front ; avec le texte que nous présentons aujourd’hui, nous ne mettons pas le Sénat au-dessus de l’Assemblée nationale en matière de collectivités territoriales, nous plaçons simplement les deux assemblées parlementaires au même niveau.
« Une Constitution, c’est un esprit, des institutions, une pratique », déclarait le général de Gaulle en 1964. Précisément, la pratique de nos institutions aurait en toute logique dû conduire à assurer le respect de cette prérogative consacrée par le constituant. Lors de l’examen de la désastreuse réforme des collectivités territoriales, nous avons eu, par la pratique, la démonstration malheureuse du détournement non seulement de l’esprit, mais aussi de la lettre de la Constitution.
Sans refaire l’historique de ce texte, il est évident qu’il était dès l’origine mal conçu sur le plan de la méthode même, méthode qui était à l’opposé du consensus et de la négociation nécessaires sur un sujet qui dépasse les appartenances partisanes. Pourtant, les conclusions de la mission d’information Belot, qui associait toutes les sensibilités du Sénat, ont été superbement ignorées. De fait, une réforme aussi essentielle pour l’avenir de nos collectivités, et à travers elles celui de nos concitoyens, n’aurait jamais dû faire l’objet des passages en force auxquels nous avons assisté avec consternation.
La navette entre les deux chambres vit ainsi se mettre en œuvre un détournement de l’esprit de la Constitution. Le Gouvernement avait initialement annoncé que les dispositions relatives au mode de scrutin du conseiller territorial et aux compétences des collectivités territoriales feraient l’objet de projets de loi distincts.
Tout débat sur ce sujet nous fut d'ailleurs presque interdit dans cet hémicycle en première lecture, et renvoyé à plus tard.
Mais cet engagement de dupes n’empêcha pas le Gouvernement d’introduire lui-même, ou par l’entremise de la commission, ces dispositions par voie d’amendement à l’Assemblée nationale, au mépris de la parole donnée préalablement devant le Sénat !
Comme le démontra brillamment notre excellent collègue Jacques Mézard en défendant la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité en deuxième lecture, la procédure législative avait été dénaturée en vidant de son contenu l’article 39 de la Constitution, qui accorde la priorité d’examen au Sénat.
L’application au droit d’amendement de la règle de l’entonnoir, dégagée par le Conseil constitutionnel, a en réalité été menée de telle sorte que la procédure législative en a été dénaturée, …
… voire viciée au regard de l’atteinte portée au principe de clarté et de sincérité des débats. En étant contraint d’accepter de se prononcer dans ces conditions, je le dis solennellement, le Sénat fut humilié.
Mes chers collègues, les deux chambres du Parlement ont exprimé, à l’occasion de l’examen de ce texte, de profonds désaccords sur des points majeurs touchant à l’organisation et au fonctionnement de nos collectivités. L’esprit de notre Constitution mais aussi celui de nos institutions commandent que la parole du Sénat soit écoutée, entendue et surtout respectée.
Au terme de deux lectures dans chacune de nos assemblées, il n’était tout simplement pas possible que soit convoquée une commission mixte paritaire, sauf à vouloir se moquer du Sénat. C’est d’ailleurs en ce sens que j’avais écrit au Premier ministre, le 17 septembre dernier, pour lui demander solennellement ne pas convoquer une CMP, ce qui ne peut relever que de lui, et d’organiser une troisième lecture dans chacune des deux assemblées, compte tenu du profond désaccord qui persistait. J’en avais d'ailleurs également avisé les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je sais que nombre de nos collègues, sur l’ensemble des travées de cet hémicycle, partageaient la position que j’ai défendue.
Il était manifeste que faire le choix de réunir une CMP reviendrait, pour le Gouvernement, à opérer un véritable coup de force à l’égard du Sénat et des collectivités territoriales. Tous les sénateurs, à tous les stades de la procédure, auraient dû pouvoir se prononcer, et pas seulement une poignée d’entre eux, savamment choisis pour composer la CMP.
En d’autres termes, c’est un véritable chantage politique qui s’est ainsi exercé sur le Sénat, chantage alimenté par la menace, à peine voilée, de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale, en contradiction avec l’esprit même de la Constitution.
Lors de l’élaboration de la grande loi de 1983 répartissant les compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État, alors portée par une majorité de gauche, le gouvernement de l’époque avait su afficher tout son respect pour le Sénat à majorité de droite. La Haute Assemblée avait eu tout l’espace nécessaire pour s’exprimer. Parmi les apports majeurs de cette loi, certains étaient d’initiative sénatoriale, telle l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre.
C’est dire si un sujet aussi primordial permet toujours de réunir les bonnes volontés lorsque le dialogue et l’écoute sont retenus comme méthode de travail.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, notre proposition de loi n’a d’autre objet que d’empêcher, pour l’avenir, que se reproduise une situation aussi intolérable que celle que nous venons de connaître, et que l’on puisse aussi aisément porter atteinte à la dignité de la Haute Assemblée.
Notre texte ne fait finalement qu’aller au bout de la logique de la révision constitutionnelle de 2003. De surcroît, un tel dispositif, plaçant le Sénat et l’Assemblée nationale sur un pied d’égalité, existe déjà, s’agissant des lois organiques qui concernent le Sénat, ainsi que des projets ou propositions de loi de révision de la Constitution. Nous n’entendons donc pas ouvrir une brèche dans le bel ordonnancement constitutionnel, mais mettre fin à une double incohérence, juridique et politique.
Nous n’avons d’ailleurs pas la primeur de cette idée : je me réjouis qu’elle ait pu et qu’elle puisse encore – je l’espère - être partagée sur d’autres travées. Nos collègues Christian Poncelet, alors président de notre assemblée, …
… Jean-Pierre Raffarin et Jean-Pierre Fourcade avaient déposé en 2000 une proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications financières et fiscales. Son article 3 visait à insérer un nouvel article 72-3 dans la Constitution, qui aurait disposé que « les projets ou propositions de loi relatifs à l’administration des collectivités territoriales doivent être votés dans les mêmes termes par les deux assemblées ». L’objectif de nos collègues était, selon leur exposé des motifs, de « tirer les conséquences de la responsabilité spécifique du Sénat de garant de la libre administration des collectivités locales en confortant son rôle ». C’est une idée à laquelle nous souscrivons pleinement aujourd’hui.
Lors des débats sur ce texte, le président Christian Poncelet soutint, avec la force de conviction qu’on lui connaît, qu’un rôle accru devait nécessairement être accordé au Sénat, …
… car « une telle extension de ses compétences, qui découle tout naturellement de sa vocation constitutionnelle, serait le gage d’une bonne législation au service de cette République territoriale dont l’avènement doit être et sera le catalyseur d’une France que nous voulons moderne, dynamique et solidaire ». Je partage pleinement cette définition de la décentralisation.
Telle est d’ailleurs la position que les membres du RDSE ont constamment défendue tout au long de l’examen de la réforme territoriale.
Toujours lors des débats de 2000, notre collègue Jean-Pierre Raffarin défendait l’idée que la légitimité du Sénat, « pour être renforcée, a besoin d’une puissance législative elle-même renforcée ». C’est précisément l’idée que nous soutenons aujourd’hui : doter notre Sénat, dans le seul cadre qu’offre la Constitution, des outils lui permettant de ne pas laisser sa volonté souveraine de pouvoir constitué être annihilée par d’autres pouvoirs constitués.
Certes, le Sénat adopta finalement en 2000 une rédaction différente du texte, qui prévoyait qu’une loi organique fixerait l’organisation et les compétences des collectivités territoriales, sauf en matière de ressources, pour ne pas empiéter sur la spécificité des lois de finances. En cas de désaccord entre les deux assemblées, le dernier mot serait revenu à l’Assemblée nationale, mais à la majorité absolue de ses membres, comme pour toutes lois organiques à l’exception de celles qui sont relatives au Sénat.
C’est sur ces recommandations du rapporteur de l’époque, M. Patrice Gélard, que cette rédaction fut retenue. M. Gélard estimait alors que l’adoption en termes identiques par les deux chambres permettrait « au Sénat de jouer tout son rôle pour prévenir l’adoption de dispositions de nature à remettre en cause les principes essentiels de la décentralisation ». M. Gélard avait raison avec dix ans d’avance, puisque nous venons malheureusement de voir que le Sénat, malgré ses efforts redoublés, n’a pu effectivement empêcher l’adoption d’une loi qui porte une régression majeure de la décentralisation.
J’ai naturellement lu avec attention le rapport de M. Gélard sur notre texte. J’ai été heureux de constater qu’il partageait toujours notre volonté de défendre le rôle éminent du Sénat dans le domaine des collectivités territoriales. Son opinion a même évolué depuis 2000, puisqu’il n’estime « pas injustifiée l’exigence d’un accord des deux assemblées pour l’adoption de textes concernant, à titre principal, l’organisation des collectivités territoriales ». La suite m’a, hélas, laissé perplexe, et pour tout dire m’a un peu déçu.
Je ne peux absolument pas partager son analyse des raisons qui justifieraient le renvoi à la commission de notre proposition de loi. Il est vrai qu’une révision constitutionnelle d’origine parlementaire nécessiterait une approbation par voie référendaire. Il est sans doute tout aussi vrai que convoquer le peuple français pour qu’il se prononce sur ce sujet ne déchaînerait pas, a priori, de grandes passions. Mais ce n’est pas si sûr, car nos compatriotes comprendraient aisément les enjeux véritables de cette réforme, dont ils seraient bénéficiaires.
Permettez-moi de dire que cette argumentation est surtout très commode pour évacuer le fond de la question qui est posée à chacun de nos collègues. Pourtant, en présentant son rapport, M. Gélard a reconnu que les députés n’avaient pas suffisamment tenu compte de la position du Sénat lors de la réforme des collectivités territoriales !
Sur tous ces points de notre argumentation, le rapporteur est d’accord avec nous. Pourquoi alors évacuer ce texte par un soupirail ? Le conserver en réserve pour le rattacher à un très hypothétique futur projet de loi constitutionnelle est au mieux un manque d’audace, au pire une façon dérobée de ne pas réparer l’humiliation infligée au Sénat ! En raisonnant selon le simple utilitarisme, en termes de chances et de succès, on peut tout justifier, tout et son contraire !
Nous raisonnons, quant à nous, sur les principes. Et les principes que nous défendons aujourd’hui revêtent un caractère de particulière gravité. En allant au bout de la logique institutionnelle mise en œuvre en 2003, en ôtant le dernier mot à l’Assemblée nationale en matière de collectivités territoriales, le Sénat enverrait un message politique très clair, à la fois au Gouvernement et à nos collègues députés : celui du refus du rabaissement.
Mes chers collègues, la Constitution n’a pas fait du Sénat une chambre consultative, comme du temps du Conseil de la République. Loin de nous l’idée de déclencher une bataille institutionnelle, mais force est de constater que les autres détenteurs de l’initiative législative ne nous ont, jusqu’à présent, guère épargnés sur le sujet des collectivités territoriales. Comment expliquer demain aux élus locaux de ce pays que les sénateurs qu’ils élisent pour, entre autres missions, les représenter sont en train de perdre leur pouvoir d’influer sur le statut et les compétences de leurs collectivités ? Quelle cohérence y aurait-il à donner au Sénat une priorité d’examen des projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales, si son vote n’a guère d’importance ? À quoi bon avoir le premier mot, depuis la révision constitutionnelle de 2003, si l’Assemblée nationale peut avoir le dernier ?
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, notre proposition de loi constitutionnelle est d’abord un message fort destiné à réparer l’humiliation subie par le Sénat au regard des conditions navrantes de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Mais elle n’est pas que cela, puisqu’elle répond à un véritable silence du texte constitutionnel en le comblant de façon cohérente, mais aussi mesurée. Il y va, aujourd’hui, de l’honneur du Sénat de la République, mais aussi de celui de tous ses membres, eux qui concourent à l’expression de la volonté générale.
Pour toutes ces raisons, dans l’intérêt du Sénat et des collectivités territoriales de ce pays, je vous invite, mes chers collègues, à faire preuve de responsabilité, d’une part en repoussant la motion tendant au renvoi à la commission, d’autre part en adoptant cette proposition de loi constitutionnelle du groupe du RDSE.
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’Union centriste.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, en remplacement de M. Patrice Gélard, rapporteur.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle tendant à renforcer la fonction de représentation par le Sénat des collectivités territoriales de la République présentée avec brio par M. Yvon Collin et ses collègues du RDSE tend à compléter l’article 45 de la Constitution. Il s’agit d’écarter le recours aux dispositions visant à donner le « dernier mot » à l’Assemblée nationale lorsque le Parlement se prononce sur des projets de loi ou des propositions de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales.
La disposition présentée a pour objet d’interdire que des modifications importantes touchant aux collectivités territoriales soient adoptées sans tenir compte des positions du Sénat, voire contre son avis. Elle repose sur trois arguments constitutionnels et une considération de circonstance.
Tout d’abord, aux termes de l’article 24 de la Constitution, le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».
Ensuite, depuis la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, l’article 39 de la Constitution dispose que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».
En outre, l’accord du Sénat est d’ores et déjà requis pour les lois organiques le concernant, en vertu de l’article 46 de la Constitution, ainsi que pour les projets ou propositions de loi constitutionnelle, selon l’article 89 de la Constitution. Il y a donc égalité entre les deux chambres dans ce domaine, bien que le Conseil constitutionnel, s’agissant des lois organiques concernant le Sénat, ait sérieusement restreint le champ de cet article.
Enfin, vous avez rappelé, monsieur Collin, l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, adopté par le Parlement le 17 novembre 2010 et qui aurait, selon les auteurs de la proposition de loi, « démontré que de profonds désaccords peuvent exister entre le Sénat et l’Assemblée nationale sur des points majeurs et des dispositions particulièrement importantes touchant à l’organisation et au fonctionnement des collectivités territoriales. En toute logique, un texte comme celui-ci, ayant un tel impact sur l’organisation territoriale de la République et, au-delà, sur la vie de tous les citoyens, doit recueillir l’assentiment du Sénat. »
La commission des lois partage la volonté exprimée par M. Yvon Collin de défendre le rôle éminent du Sénat dans le domaine des collectivités territoriales.
Ce n’est pas forcément le cas de tout le monde, même au Sénat ! Historiquement, votre groupe a toujours défendu le rôle du Sénat.
La commission des lois n’estime pas injustifiée l’exigence d’un accord des deux assemblées pour l’adoption de textes concernant à titre principal l’organisation des collectivités territoriales. Cependant, elle considère que la procédure référendaire qu’implique nécessairement une proposition de loi constitutionnelle n’est pas la plus adaptée.
Depuis 1958, les deux tiers des 3203 lois adoptées l’ont été dans le cadre de la navette, sans qu’il soit nécessaire de provoquer l’intervention d’une commission mixte paritaire, 22, 17 % des textes ont été votés à l’issue d’une CMP, et pour 11, 11 % d’entre eux le dernier mot est revenu à l’Assemblée nationale.
Ces divergences, certes en nombre limité, portent néanmoins sur les textes les plus sensibles, en particulier sur ceux qui concernent l’État et les collectivités territoriales.
Néanmoins, tel n’est pas toujours le cas. Parmi les premières lois de décentralisation, la loi du 7 janvier1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’État a été adoptée sur le fondement du texte établi par la commission mixte paritaire. Parmi les apports du Sénat, il convient de signaler l’interdiction de la tutelle d’une collectivité sur une autre – certaines collectivités feraient d’ailleurs bien de s’en souvenir ! – …
… ou encore l’affirmation du principe d’un transfert par « bloc de compétences ».
De même, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale a donné lieu à un accord à l’issue de la commission mixte paritaire.
Ainsi, les positions défendues par le Sénat, compte tenu de l’expérience et de l’expertise qu’il a acquises dans le domaine des collectivités territoriales, sont susceptibles d’emporter l’adhésion, malgré les clivages politiques.
Plusieurs principes fondamentaux promus par le Sénat ont d’ailleurs été inscrits dans le titre XII de la Constitution à la faveur de la révision du 28 mars 2003 et encadrent désormais l’évolution du droit dans le domaine des collectivités territoriales.
Ainsi, la mission de représentation des collectivités territoriales assignée au Sénat par l’article 24 de la Constitution ne s’arrête pas au seul mode d’élection des sénateurs, mais s’exprime aussi dans l’influence que le Sénat exerce sur la législation intéressant ces questions.
Le principe d’un accord entre les deux assemblées pour l’adoption de tels textes permettrait bien entendu de garantir ce rôle.
Cette évolution de notre droit constitutionnel pourrait être d’autant mieux acceptée que la notion d’« organisation » des collectivités territoriales a été précisée et circonscrite à l’occasion des débats parlementaires concernant la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République. Cette notion recouvre le choix du nom des collectivités territoriales, la détermination des règles relatives à leurs organes et à leurs actes, ainsi que la fixation de leurs limites territoriales. Elle ne comprend pas, en revanche, les modes de scrutin, monsieur Collin.
En outre, l’exigence d’un accord entre les deux assemblées pourrait constituer le prolongement de la priorité d’examen reconnue au Sénat par la révision constitutionnelle du 28 mars 2003. Au demeurant, le Sénat a déjà envisagé, à l’occasion de cette révision, une modification des dispositions de l’article 45, avant d’y renoncer par souci de compromis.
Ainsi, la commission des lois avait proposé que la loi organique relative aux ressources financières des collectivités territoriales soit votée dans les mêmes termes par les deux assemblées. Elle reprenait une disposition de la proposition de loi constitutionnelle, présentée par le président Christian Poncelet et plusieurs de nos collègues, relative à la libre administration des collectivités territoriales, selon laquelle l’Assemblée nationale n’aurait pu avoir le « dernier mot » pour l’adoption des lois organiques fixant la liste, l’assiette et les modalités de recouvrement des recettes fiscales propres des collectivités territoriales.
Cependant, la commission estime qu’une proposition de loi constitutionnelle n’est pas le vecteur le plus adapté pour une telle réforme. En effet, cela implique, aux termes de l’article 89 de la Constitution, une adoption par voie référendaire, seul un projet de loi constitutionnelle pouvant être soumis au Parlement convoqué en Congrès. Or un sujet comme celui-ci, de nature plus institutionnelle que politique, se prête moins à une consultation populaire qu’à une adoption par le Congrès, selon une procédure d’ailleurs retenue pour la quasi-totalité des réformes constitutionnelles conduites sur la base de l’article 89, à l’exception bien entendu de l’introduction du quinquennat par la loi constitutionnelle du 2 octobre 2000.
Monsieur Collin, le Sénat représente certes les collectivités territoriales – c’est sa fonction constitutionnelle –, mais ce n’est pas parce qu’il est élu au suffrage universel indirect qu’il n’est pas une assemblée parlementaire de plein exercice.
Il me semble nécessaire de le rappeler parfois, car certains voudraient nous cantonner à l’examen des questions relatives aux collectivités territoriales.
Nous sommes des législateurs de plein exercice, nous pesons dans tous les débats de société autant que l’Assemblée nationale, même si, bien entendu, il faut bien que les désaccords éventuels soient finalement tranchés, pour que les lois puissent être votées. Cela étant, le Sénat doit garder sa spécificité, et je pense que, à une époque où l’on manque de repères, sa valeur ajoutée n’est pas à négliger, notamment dans le domaine des libertés publiques.
Au bénéfice de ces observations, la commission, pour ne pas insulter l’avenir, a décidé de ne pas établir de texte et d’adopter une motion tendant au renvoi à la commission de la présente proposition de loi, dans l’attente de son examen éventuel lors d’une prochaine révision constitutionnelle. Contrairement à ce que certains disent, le renvoi à la commission des lois n’est pas nécessairement un enterrement de première classe !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi constitutionnelle vise à modifier l’article 45 de la Constitution, afin que la procédure du « dernier mot » ne puisse plus s’appliquer aux propositions et aux projets de loi ayant pour objet principal l’organisation des collectivités territoriales.
Je voudrais tout d’abord rappeler, à titre liminaire, le cadre général de la procédure du « dernier mot ». L’article 45 de la Constitution prévoit que, dans le cas où les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord sur une proposition ou un projet de loi à l’issue de la commission mixte paritaire, le Gouvernement peut demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur le texte.
La procédure est la suivante : une ultime navette est alors organisée en vue d’une nouvelle lecture par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat, et enfin seulement le « dernier mot » est donné, le cas échéant, à l’Assemblée nationale. Le constituant a souhaité donner le dernier mot à l’assemblée élue au suffrage universel direct par le peuple.
La procédure du « dernier mot » et la navette parlementaire sont des moyens de lever les désaccords entre les assemblées.
La philosophie de l’article 45 de la Constitution et la pratique révèlent que l’usage du « dernier mot » reste, et doit rester, limité. Le principe est celui qui est fixé au premier alinéa de l’article 45 : la loi résulte de l’adoption, par les deux chambres, d’un texte identique. La quasi-totalité des lois sont adoptées conformes par les deux assemblées, sans qu’il soit nécessaire de recourir au « dernier mot ». La procédure est tout entière construite pour faire converger les positions des deux assemblées du Parlement.
Le plus souvent, d’ailleurs, l’accord intervient entre les chambres sans qu’il soit même besoin de convoquer une commission mixte paritaire : depuis le 1er octobre 2007, sur 316 lois adoptées, 65 seulement ont nécessité la réunion d’une commission mixte paritaire. Les chiffres de l’activité parlementaire montrent également que nombre de textes votés par le Sénat sont adoptés par l’Assemblée nationale sans modification : sur la même période, c’est le cas pour 45 des 316 textes adoptés.
Le recours au dispositif du dernier alinéa de l’article 45 est donc exceptionnel. Si le « dernier mot » a été donné plusieurs fois à l’Assemblée nationale entre 2001 et 2002 –s’agissant de la loi de modernisation sociale, de la loi sur la Corse, de la loi relative aux professions de santé –, la procédure a depuis été utilisée une seule fois, au printemps 2010, pour une disposition de la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution. Excepté donc ce dernier cas, l’Assemblée nationale et le Sénat se sont accordés.
La navette donne l’occasion aux commissions, ainsi qu’aux deux assemblées parlementaires, d’exprimer, mais aussi de rapprocher progressivement leurs points de vue. On l’a vu avec la loi de réforme des collectivités territoriales : entre le texte déposé par le Gouvernement et la loi adoptée par le Parlement, des modifications substantielles ont été apportées par chacune des assemblées. La navette permet d’améliorer les lois, mais aussi de rapprocher les positions des deux assemblées. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le travail en commission y contribue fortement.
J’évoquerai maintenant la logique institutionnelle du bicaméralisme.
La faculté laissée à l’Assemblée nationale, en cas de blocage persistant, de trancher ultimement est un élément de l’équilibre de la procédure législative et de notre démocratie. Cette logique a d’ailleurs été préservée par la réforme constitutionnelle de juillet 2008, aucun d’entre vous n’ayant alors souhaité sa remise en cause.
Il est vrai que la Constitution a confié à votre assemblée une priorité d’examen pour les textes portant à titre principal sur l’« organisation » des collectivités locales. Le constituant consacre ainsi votre fonction de représentation de ces collectivités et lui donne toute sa portée. Cela vous confère un rôle déterminant dans la définition de la législation dans cette matière. Lors de l’examen de la réforme des collectivités territoriales, vous avez imprimé votre marque sur de nombreux sujets, comme l’achèvement de la carte intercommunale, le mode d’élection des délégués communautaires, les métropoles… Au plus fort de la crise, vous avez choisi de mettre en place le remboursement anticipé du Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, qui a permis de soutenir l’économie locale.
Je le répète, depuis octobre 2007, pas moins de quarante-cinq textes ont été adoptés conformes par l’Assemblée nationale sur la base de la rédaction issue des travaux du Sénat.
Faut-il se priver d’une disposition qui permet, dans des cas somme toute exceptionnels, de dépasser les clivages et d’empêcher la paralysie institutionnelle ? Aurait-il fallu, en 1982, se priver de la grande loi de décentralisation ?
Le constituant a déjà prévu deux exceptions à la procédure du « dernier mot » de l’article 45, et ces exceptions sont strictement limitées. Ainsi, les lois organiques relatives au Sénat doivent impérativement être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées. On comprend aisément qu’un vote conforme soit requis pour les textes qui concernent l’organisation et la composition de votre assemblée. Il en va de même pour les révisions constitutionnelles : la portée de ces textes justifie qu’ils soient adoptés dans les mêmes termes par les deux assemblées.
J’aborderai enfin la question de l’équilibre du bicaméralisme.
En réalité, monsieur Collin, les modifications que vous proposez tendent à rapprocher notre manière de légiférer de la pratique en œuvre dans plusieurs pays d’Europe, par exemple en Allemagne.
Dans ce pays, le Bundesrat, qui représente les Länder, a la possibilité de refuser la mise en œuvre des textes votés par le Bundestag qui portent sur les collectivités, la fiscalité ou les finances s’ils ne reçoivent pas son accord. Dans ces domaines, le dernier mot ne revient pas au Bundestag.
En contrepartie, le Bundesrat n’est pas compétent pour tous les textes et n’est donc pas systématiquement saisi ; ne lui sont soumis que les textes portant sur ses domaines de compétence. Il n’examine pas les lois « ordinaires » qui concernent la communauté nationale. C’est un autre équilibre institutionnel qui prévaut en Allemagne.
En France, le Sénat est saisi de l’ensemble des textes, car il a les mêmes compétences que l’Assemblée nationale. Il faut donc déterminer une procédure de décision en dernier ressort. Si le Sénat devait s’orienter vers un rôle analogue à celui du Bundestag, …
… il nous faudrait alors réfléchir à un nouvel équilibre global. Le Gouvernement et sa majorité ont essayé d’engager une telle réflexion à l’occasion de la révision constitutionnelle de 2008, mais la gauche s’est alors très clairement opposée à ce que le Sénat dispose d’un quelconque moyen de blocage, de quelque droit de veto que ce soit.
Pour que le projet de loi de révision constitutionnelle soit adopté, il fallait réunir une majorité non seulement dans chacune des deux chambres du Parlement, mais également au Congrès. C'est la raison pour laquelle il n’a pas été possible, à l’époque, de trouver l’équilibre indispensable.
Monsieur Collin, vous connaissez ma sensibilité à ce sujet, mais un équilibre institutionnel est nécessaire pour que le Parlement puisse travailler dans de bonnes conditions. C’est pourquoi le Gouvernement, saluant la sagesse de M. Gélard et de la commission des lois, propose au Sénat d’adopter la motion tendant au renvoi à la commission.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées de l ’ Union centriste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je comprends et partage les préoccupations de M. Collin et des membres de son groupe, mais, je le dis d’emblée, je ne souscris ni à la présente proposition de loi ni même aux motivations qui la sous-tendent.
La réforme des collectivités territoriales, telle qu’elle a été adoptée – je parle du fond et de la forme –, est significative moins de l’incapacité du Sénat à imposer son point de vue que d’un mode de gouvernement et d’une pratique législative peu conformes à ce qu’ils devraient être dans une véritable démocratie.
Le Président de la République nous avait prévenus. Sa réforme devait absolument aboutir, et ce dans les termes qu’il voulait voir retenus. Fi donc de l’avis du peuple et des élus ! D’ailleurs, ils n’ont pas été consultés, et les nombreuses motions votées par des assemblées locales, de même que les critiques émises par les associations d’élus, ont été balayées.
Certes, notre assemblée a peu ou prou relayé – c’était bien le moins – ces critiques, ce qui n’a pas eu l’heur de plaire au Président et au Gouvernement. Les coups de force de ce dernier à l’Assemblée nationale, avec l’appui de sa majorité, étaient autant d’expressions d’un mépris à l’égard de notre assemblée et des élus, ce qui est évidemment inacceptable.
Mais je veux tout de même rappeler que, au bout du compte, la majorité au Sénat a accepté de se déjuger, permettant à l’Assemblée nationale de s’en sortir sans avoir à user de son « dernier mot », comme nous en avait menacés le Président de la République. Soyons clairs : la majorité sénatoriale a donné son aval à l’Assemblée nationale.
Ce choix de la solidarité de la majorité dans les deux chambres était éminemment politique, ce qui est assez logique, sinon opportuniste.
Dans ces conditions, la proposition de loi de nos collègues permettrait-elle de remédier au problème ? Je suis loin d’en être convaincue… À mon sens, la question est avant tout politique et renvoie au fonctionnement de nos institutions, fondé sur la présidentialisation et le fait majoritaire et ne laissant qu’un rôle tout à fait secondaire au débat parlementaire. Cela n’a rien à voir avec le fait d’aimer ou pas le Sénat, monsieur le président de la commission des lois.
Ce n’est pas ce que j’ai prétendu ! J’ai juste rappelé que certains voulaient le supprimer !
À mon sens, il ne serait pas légitime d’adopter une disposition écornant la primauté d’une assemblée élue au suffrage universel direct au profit d’une deuxième assemblée élue au suffrage universel indirect, autrement dit de privilégier les élus par rapport aux citoyens.
J’irai même plus loin : contrairement à nos collègues du groupe du RDSE, je pense qu’il faut non pas rogner les prérogatives de l’Assemblée nationale, mais lui donner ou lui redonner des pouvoirs et une véritablement représentativité des citoyens. À l’inverse de ce que nous connaissons aujourd'hui, il faut lui assurer la primauté sur l’exécutif et, par conséquent, asseoir sa légitimité.
L’hyperprésidentialisme actuel, aggravé par la réforme constitutionnelle de juillet 2008, entraîne des pratiques très contestables et met en évidence la nécessité d’une démocratisation en profondeur.
Aujourd'hui, qui décide dans le processus législatif ? Ce ne sont pas « les parlementaires » qui décident de l’ordre du jour, du recours à la procédure accélérée, des limites du droit d’amender ; dans le cadre institutionnel actuel, c’est la majorité parlementaire, en relation directe avec un chef de l’État surpuissant, les députés qui le soutiennent lui devant tout, du fait de l’instauration du quinquennat et de l’inversion du calendrier électoral.
Ajoutons à cela les restrictions au pouvoir de décision budgétaire des parlementaires, le vote bloqué, le troisième alinéa de l’article 49 de la Constitution…
… et, désormais, l’examen de textes issus des commissions et la limitation croissante du temps de parole… En outre, un mode de scrutin législatif injuste amène l’Assemblée nationale à ne pas être représentative du peuple tel qu’il est !
Un hyperprésident, une Assemblée nationale aux pouvoirs réduits et le fait majoritaire : voilà les problèmes !
Quant au Sénat, mon groupe s’était déjà opposé, en 2002, lors des travaux du groupe de réflexion sur l’institution sénatoriale, à l’accroissement de ses compétences législatives sur les questions liées aux collectivités territoriales. Nous avions considéré que, en aucun cas, l’esprit et la lettre de la Constitution et, au-delà, la tradition républicaine n’autorisent à donner la primauté à l’assemblée élue au suffrage indirect par rapport à l’assemblée issue du suffrage direct. C’est ce que nous avons réaffirmé à l’occasion de la révision constitutionnelle de 2003.
Loin de vouloir nier la spécificité du Sénat, nous pensions plutôt utile de recentrer le rôle de la Haute Assemblée sur cette spécificité.
C’est dans cette perspective que nous répondons « oui » à la question, qui peut se poser, de la nécessité d’une deuxième chambre dans un régime démocratique. D’aucuns la soulèvent ; nous-mêmes l’avons fait, d’une certaine manière, à une époque, mais nous considérons que l’existence d’une deuxième chambre se justifie, à condition qu’elle ait un rôle nouveau et spécifique. Nous avons à plusieurs reprises suggéré que ce rôle nouveau soit celui de « caisse de résonance » des initiatives des citoyens et des collectivités locales. Nous avons formulé de telles propositions avec la conviction que l’instauration d’une démocratie plus participative est la clé d’une relance de la vie démocratique. Cela doit, je l’ai indiqué, s’accompagner d’un renforcement de la représentation nationale, à rebours de la logique présidentialiste actuelle.
Mais, de notre point de vue, la généralisation de l’initiative citoyenne rend nécessaire l’institution d’une interface entre elle et l’activité parlementaire, de même que la démocratie locale a besoin d’une interface avec l’Assemblée nationale. Le Sénat, transformé, pourrait assumer une telle mission. Il pourrait contribuer au travail démocratique, qui manque aujourd’hui, pour assurer le débat sur le contenu des propositions législatives, dans un échange entre les collectivités locales, les citoyens et l’Assemblée nationale.
Selon nous, la véritable réforme à faire serait d’accroître la représentativité du Sénat et de renforcer les libertés locales, ainsi que le rôle du Parlement : voilà qui mériterait un vrai débat !
Une telle réforme ne saurait passer par une remise en cause des équilibres institutionnels, déjà bien malmenés. La question qui demeure posée est bien celle d’une véritable démocratisation des institutions de la République.
Pour ces raisons, vous comprendrez que nous ne puissions pas soutenir la présente proposition de loi. Cela étant, nous déplorons que les propositions de loi émanant de l’opposition se voient toujours signifier une fin de non-recevoir, alors que certaines propositions de loi déposées par des membres de la majorité aboutissent, à l’instar des projets de loi.
Au mieux, l’examen des propositions de loi de l’opposition est renvoyé à plus tard, c’est-à-dire à jamais, sauf exception.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous sommes contre cette proposition de loi, mais nous ne saurions accepter que le débat soit escamoté par un renvoi à la commission.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi constitutionnelle du groupe du RDSE a été déposée dans un contexte particulier, à la veille de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Si ses dispositions avaient été applicables à cette époque, elles auraient, selon toute vraisemblance, eu une influence certaine sur le déroulement du débat, et probablement sur son issue…
Comme l’a rappelé à juste titre M. le président de la commission des lois tout à l’heure, l’article 24 de la Constitution dispose depuis 1958 que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République ».
Mais c’est bien plus récemment, depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, que la norme suprême prévoit que les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat.
Selon nous, il est donc tout à fait légitime de nous interroger : ne faut-il pas aller encore plus loin ? Ne faut-il pas, demanderont certains, mener le raisonnement jusqu’à son terme – on peut avoir l’impression de s’être arrêté au milieu du gué – et accorder au Sénat le « dernier mot » ou, à tout le moins, exiger un accord parfait entre les deux assemblées pour les textes relatifs aux collectivités territoriales ?
Sur le fond, une large majorité des membres du groupe de l’Union centriste est plutôt favorable à un tel changement.
En effet, comme je l’ai déjà indiqué en commission, les collectivités territoriales ont besoin de stabilité pour bien fonctionner…
… et donc de cette forme de consensus qu’exprime un accord des deux assemblées. On a vu récemment toute la difficulté, voire le risque, qu’il y avait à forcer la manœuvre en utilisant au maximum les possibilités offertes par la Constitution.
Dans la continuité des dernières évolutions constitutionnelles, il apparaît totalement légitime que le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, ait le dernier mot sur les textes relatifs à celles-ci. Je crois que nous pouvons tous être d'accord sur ce point. Il s’agit non pas de remettre en cause le bicamérisme, mais d’aller jusqu’au bout des prérogatives dévolues à chacune des deux chambres.
Toutefois, en tant que membre de la commission des lois, je suis sensible aux arguments qui ont été avancés par son rapporteur.
En effet, une proposition de loi constitutionnelle n’est sans doute pas le meilleur vecteur pour une telle réforme. Cela suppose que le texte soit adopté par voie référendaire, or, chacun en conviendra, organiser un référendum sur un tel thème serait peu pertinent. En tout cas, je ne m’avancerais pas, pour ma part, sur les résultats d’une telle consultation par voie référendaire.
Comment atteindre l’objectif ? À titre personnel, j’ai indiqué en commission que je comprenais parfaitement le sens de la motion déposée par M. le rapporteur. Comme l’a souligné M. Hyest, renvoi à la commission n’est pas synonyme d’enterrement de première classe ; je puis en témoigner.
Cela étant, mes chers collègues, une majorité des membres du groupe de l’Union centriste votera contre la motion tendant au renvoi à la commission, …
M. François Zocchetto. … pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure, et se prononcera en faveur de l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle, qui ne peut que clarifier et renforcer le rôle du Sénat et ses relations avec les élus locaux.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la finalité de cette proposition de loi est très claire, son intitulé la traduit d’ailleurs explicitement : « renforcer la fonction de représentation par le Sénat des collectivités territoriales de la République » pour les textes « ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales au sens du deuxième alinéa de l’article 39 de la Constitution », c’est-à-dire ceux qui sont soumis en premier lieu au Sénat.
Il s’agit donc d’appliquer à ces textes la procédure prévue pour « les lois organiques relatives au Sénat [qui] doivent être votées dans les mêmes termes par les deux assemblées », ainsi que pour les propositions ou projets de loi de révision de la Constitution. Concrètement, il s’agit d’attribuer au Sénat un droit de veto pour les textes relatifs à l’organisation des collectivités territoriales, examinés en premier lieu par le Sénat.
Pourquoi le groupe du RDSE et son président proposent-ils une telle disposition ? La réponse est simple : parce que la majorité sénatoriale n’a pas joué son rôle et a gravement failli à sa mission ! Nous ne serions peut-être pas en train de débattre de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les membres de la majorité sénatoriale, si, lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, vous aviez pleinement rempli la fonction de grands défenseurs des collectivités territoriales et des élus locaux que vous revendiquez et qui est d’ailleurs inscrite dans la Constitution !
Au lieu de cela, que s’est-il passé ? Vous avez renié les travaux de la mission commune d’information Belot-Krattinger qui proposait, après une large concertation, une réforme plus consensuelle des collectivités territoriales.
Lors de la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, cédant à la volonté élyséenne – du moins, je le suppose… – et gouvernementale – j’en suis certain ! –, vous êtes, après moult tergiversations et marchandages, et sans craindre de vous contredire, revenus sur des dispositions qui avaient été adoptées à la quasi-unanimité dans cet hémicycle.
Ainsi, après avoir dans un premier temps voté contre la suppression de la clause générale de compétence des départements et des régions, vous avez fini par l’accepter, au détriment de la cohérence et de la solidarité des territoires. Vous l’avez fait contre l’avis de toutes les associations d’élus des régions, des départements et des communes, hormis l’association, totalement marginale à mon avis, créée au dernier moment par notre ex-collègue devenu ministre chargé des collectivités territoriales !
Le report de l’application de cette disposition n’y change absolument rien. Peut-être vous souvenez-vous de l’intervention du président du groupe UMP, M. Gérard Longuet, toujours très bon orateur, comme on a encore pu le voir hier soir : il faut la relire, car c’est un véritable monument ! Après avoir reconnu que l’Assemblée nationale était revenue sur tout, il avait néanmoins annoncé que son groupe voterait le texte, tout en proclamant sa volonté de reprendre le sujet dans les plus brefs délais ! Telle avait été la substance des propos de M. Longuet, se livrant à un exercice que je ne qualifierai pas, par respect pour le président du groupe UMP !
De la même manière, il est frappant de voir la majorité sénatoriale approuver la réduction du nombre des élus locaux, entérinant ainsi la défiance de l’exécutif à l’égard de ces élus, qui seraient trop nombreux et mauvais gestionnaires… Une telle attitude est paradoxale, de la part de la chambre qui émane des suffrages des élus locaux !
La réduction du nombre des élus locaux par la création du conseiller territorial, élu hybride à deux têtes dont on ne sait pas encore – le Conseil constitutionnel le dira – s’il exerce un mandat ou deux, n’a pas pour objectif, contrairement à ce qui a été soutenu, de faire des économies, mais bien plutôt de diminuer l’effectif des élus départementaux et régionaux, majoritairement de gauche aujourd’hui – mais ce ne sera peut-être plus le cas demain ! En tout cas, la fusion des élections régionales et cantonales privera les citoyens d’un débat démocratique. La réduction du nombre d’élus locaux portera un coup à la parité et restreindra l’expression du pluralisme politique.
À cet égard, je suggère à notre estimé président de la commission des lois d’élaborer une proposition de loi électorale simple, pour déterminer si le conseiller territorial disposera d’une voix ou de deux dans le collège des élus sénatoriaux à partir de 2014. Qu’il exerce un mandat ou deux, la question se posera de toute façon !
Voilà donc, chers collègues de la majorité, ce que vous avez voulu pour les collectivités territoriales ! Nous comprenons donc parfaitement que, dans ce contexte, nos collègues du RDSE, toujours très attentifs aux pouvoirs du Parlement, et notamment du Sénat, aient déposé cette proposition de loi constitutionnelle. Sa discussion permet de souligner la formidable occasion manquée de faire un pas supplémentaire vers une démocratie décentralisée.
Cette proposition de loi ne manque pas d’ambition, puisqu’elle vise à résoudre un problème politique susceptible de survenir entre l’Assemblée nationale, le Sénat et le Gouvernement.
Toutefois, renforcer les pouvoirs du Sénat, afin qu’il puisse mieux jouer son rôle à l’égard des collectivités territoriales, est-ce la solution pour rééquilibrer les institutions et pallier l’absence de volonté politique et de cohérence au sein de la majorité sénatoriale d’aujourd’hui ? Je ne le pense pas ! Il serait en effet vain de donner le dernier mot au Sénat si, par ailleurs, sa majorité finit toujours par céder aux desiderata du Gouvernement ou du Président de la République.
Le Sénat n’est pas soumis aux mêmes contraintes institutionnelles que l’Assemblée nationale : il ne peut être dissous et, nonobstant le fait que l’Assemblée nationale ait le dernier mot, il dispose d’une plus grande marge de discussion que celle-ci. Il lui revient de convaincre, de faire vivre la navette parlementaire : c’est à mon sens l’unique moyen de renforcer sa légitimité et de faire valoir sa spécificité de défenseur des collectivités territoriales, due à son mode d’élection.
D’ailleurs, lorsque le Sénat refuse de voter un texte conforme – il aurait pu le faire pour le projet de loi de réforme des collectivités territoriales – et qu’une commission mixte paritaire est convoquée par le Gouvernement, le Sénat a eu le dernier mot dans bien des cas, car il défendait des positions sages, relativement consensuelles, auxquelles se sont ralliés sénateurs et députés de gauche membres de la CMP. Il en a été ainsi, notamment, lors de la discussion de la loi pénitentiaire ou de la loi relative à la rétention de sûreté. Cela a le mérite de ne pas bouleverser les équilibres institutionnels.
Pour notre part, nous considérons que le Sénat est membre à part entière du Parlement. Élu au suffrage universel indirect, il représente lui aussi le peuple souverain et fait montre d’une universalité d’intérêts. Il légifère sur tous les sujets ; les sénateurs sont les élus de la nation, ils sont comptables de l’intérêt général et aucunement des seuls intérêts des collectivités territoriales : la fonction du Sénat est bien plus large que cela.
Vouloir « particulariser » la procédure législative concernant les textes relatifs aux collectivités territoriales présenterait, à notre avis, l’inconvénient de perturber gravement le fonctionnement de nos institutions, en particulier le bicamérisme auquel nous sommes très attachés et qui consacre la prééminence de la chambre élue au suffrage universel direct.
L’existence même d’une seconde chambre dans notre système institutionnel ne fait plus débat. Il en va de même de la nature des compétences de cette dernière, qui doit conserver sa capacité législative générale. Nous ne voudrions donc pas que le Sénat voie ses compétences limitées, un jour, au seul domaine des collectivités territoriales, comme l’ont suggéré certains, et perde ainsi sa qualité de législateur de plein exercice, au même titre que l’Assemblée nationale.
Nous comprenons la démarche de nos collègues du groupe du RDSE, mais nous ne partageons pas, sur le fond, les objectifs de cette proposition de loi. Nous souhaitons cependant souligner dans quel contexte elle a été déposée. Nous sommes favorables à l’ouverture d’un débat institutionnel allant dans le sens d’un rééquilibrage des pouvoirs, notamment en élargissant la base électorale du Sénat, mais il n’est pas question pour nous, en l’état, de confier un droit de veto supplémentaire au Sénat.
Cependant, nous sommes évidemment opposés à ce que la commission des lois demande le renvoi à la commission d’une proposition de loi dont elle ne sait que faire. Bien qu’étant hostiles, sur le fond, à cette proposition de loi constitutionnelle, nous voterons donc contre la motion déposée par la commission des lois, afin que le débat puisse se poursuivre !
M. Jacques Mézard applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je comprends tout à fait la motivation des auteurs de la proposition de loi qui nous est soumise.
En effet, depuis un an ou deux, le Gouvernement a voulu faire passer en force divers textes concernant notamment les collectivités territoriales et le droit en général. Cette attitude est tout à fait déplacée et intolérable. Je ne reviendrai pas sur le charcutage des circonscriptions législatives, qui sera très bientôt suivi du charcutage des cantons, en vue de l’élection des conseillers territoriaux, sans parler du charcutage des intercommunalités ! La pratique gouvernementale, adoptée sous l’autorité du Président de la République, est parfaitement indécente.
Nos collègues du groupe du RDSE ont donc raison de s’opposer à ces méthodes, mais la solution qu’ils préconisent ne répond pas au problème posé.
S’il s’agit d’obtenir du Gouvernement et de sa majorité qu’ils fassent preuve d’un minimum d’éthique, qu’ils adoptent un comportement correct à l’égard des collectivités territoriales et qu’ils respectent la démocratie locale, je suis tout à fait d’accord. En revanche, changer les rapports de force institutionnels et attribuer au Sénat un droit de veto dans certains domaines ne me paraît pas être le meilleur moyen de faire fonctionner la démocratie, ni d’ailleurs de conforter le rôle du Sénat. En effet, à vouloir trop en faire, on risque de susciter des contestations de la légitimité du Sénat.
J’ai été député avant de devenir sénateur : j’ai été élu à l’Assemblée nationale par quelque 100 000 électeurs, alors que les voix de 200 ou 300 grands électeurs ont suffi à m’envoyer au Sénat. Le suffrage universel indirect est certes tout aussi légitime que le suffrage universel direct, mais, qu’on le veuille ou non, ce n’est tout de même pas la même chose !
Je ne peux donc pas m’associer à cette proposition de loi. Si je désapprouve la politique du Gouvernement et l’attitude du Président de la République, si je juge certaines pratiques intolérables, voire scandaleuses, j’estime néanmoins que nous ne devons pas non plus tomber dans l’excès inverse. À mon avis, cette proposition de loi ne contribuera pas obligatoirement à conforter la légitimité du rôle du Sénat, parce qu’elle pourrait susciter un « effet boomerang ».
Par conséquent, je ne voterai pas cette proposition de loi.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après de longues semaines de discussion sur le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, M. Collin nous soumet une proposition de loi constitutionnelle tendant à écarter le recours à la procédure du « dernier mot » donné à l’Assemblée nationale, en cas d’échec de la commission mixte paritaire, pour les textes ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales.
Il est vrai que la tentation est grande d’abroger cette disposition de l’article 45 de la Constitution ! Mais quelle erreur ferions-nous en adoptant cette proposition de loi ! En effet, monsieur Collin, nous ne saurions adopter aujourd’hui votre texte : non pas au nom de quelque principe ou d’une quelconque objection politique, mais pour des raisons constitutionnelles et républicaines.
La discussion des textes législatifs dans les deux chambres parlementaires ne figure-t-elle pas parmi les fondements de notre démocratie et nos principes républicains ? Le peuple français a lui-même ratifié par référendum, le 28 septembre 1958, le principe du « dernier mot à l’Assemblée nationale », inscrit à l’article 45 de la Constitution. Il peut être révisé, conformément à l’article 89 de la Constitution, à l’initiative du Président de la République, sur proposition du Premier ministre ou des membres du Parlement. Cependant, la procédure diffère selon les cas, et il me semble important de rappeler, à cet instant, ce qui les distingue.
Tout projet ou proposition de révision constitutionnelle doit être examiné et voté en termes identiques par les deux assemblées. Les deux chambres disposent par conséquent d’un égal pouvoir constituant. La révision constitutionnelle ainsi adoptée doit ensuite être ratifiée soit par référendum, soit par vote à la majorité des trois cinquièmes du Congrès, convoqué sur décision du Président de la République.
La coexistence de ces deux procédures tient évidemment à des raisons politiques. Le général de Gaulle craignait que les initiatives parlementaires de révision constitutionnelle n’aient pour objet de détruire son œuvre. Aussi, connaissant la réserve de certains parlementaires à l’égard de la pratique référendaire, espérait-il limiter leurs tentations en prévoyant que tout projet de révision de la Constitution d’origine parlementaire serait obligatoirement soumis à référendum.
Alors, quelle disposition nous empêche aujourd’hui d’engager une telle procédure ? Sur le plan formel, aucune. Pourtant, c’est bien le renvoi à la commission de la présente proposition de loi que nous propose M. Gélard, rapporteur de la commission des lois. Comme l’a brillamment exposé M. Hyest en son nom, si nous devions adopter cette proposition de loi en l’état, la procédure référendaire pourrait être lancée. Or elle ne serait pas adaptée à la circonstance.
La question que vous soulevez aujourd’hui, monsieur Collin, est, en réalité, institutionnelle avant d’être politique. Or l’histoire de la Ve République nous montre que les révisions constitutionnelles de 1998, de 2005 et de 2007, relatives respectivement à la Nouvelle-Calédonie, à la charte de l’environnement et au statut pénal du chef de l’État, ont été adoptées par la voie de la ratification par le Congrès. Seule celle concernant le quinquennat, en 2000, a été adoptée par la voie référendaire : l’enjeu était alors de faire choisir par le peuple français la durée du mandat de son représentant à la fonction suprême, tandis que les autres révisions avaient trait à l’organisation de nos institutions.
La pratique observée, me direz-vous, a conduit à conférer au chef de l’État un véritable « droit de veto » en matière de révision de la Constitution, alors que celle-ci ne le prévoit pas. Il n’en est rien, puisque tout dépend de qui prend l’initiative de la révision ! Si le projet de révision constitutionnelle est d’origine parlementaire, il devra être approuvé par référendum ; en revanche, s’il émane du pouvoir exécutif, il appartient au Président de la République de choisir la procédure.
Mais ne nous égarons pas, mes chers collègues : le problème qui nous occupe aujourd’hui a trait non pas à la méthode, mais bien au fond du sujet traité. Pensez-vous raisonnablement que les Français ressentent le besoin de s’exprimer par voie référendaire sur l’organisation des travaux des chambres parlementaires ? Car il s’agit bien ici d’une « guerre de chapelles » entre les deux chambres sur le processus d’examen des textes législatifs.
L’article 45 de la Constitution, que vous souhaitez compléter, ou plutôt amputer, est totalement transparent. Il est nécessaire de le lire à la lumière de l’article 39, qui précise que les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat. C’est bien cet article de la Constitution qui nous intéresse au premier chef, et qui fonde toute notre légitimité législative. Quel besoin aurions-nous de modifier la procédure existante, alors que l’article 24 de la Constitution sanctuarise le statut du Sénat, en précisant qu’il « assure la représentation des collectivités territoriales de la République » ? Les Français le savent, et les élus ne s’y méprennent pas.
Mes chers collègues, légiférer sur l’ensemble des textes qui nous sont soumis avec le souci permanent du respect de l’équité territoriale, des élus qui gouvernent les collectivités et des besoins de nos concitoyens nous grandirait. De surcroît, il me semble important que députés et sénateurs se fassent mutuellement confiance pour réussir à trouver les dispositions les plus appropriées sur chacun des sujets sur lesquels ils légifèrent ensemble.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutiendra la motion tendant au renvoi de la proposition de loi à la commission déposée par M. le rapporteur.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi, par M. Gélard, au nom de la commission, d'une motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale la proposition de loi constitutionnelle tendant à renforcer la fonction de représentation par le Sénat des collectivités territoriales de la République (n° 58, 2010-2011).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n’est admise.
La parole est à M. le président de la commission des lois, pour présenter la motion.
Monsieur le président, j’ai déjà expliqué, lors de la discussion générale, pour quels motifs le renvoi à la commission nous paraissait être la meilleure solution. Un débat constitutionnel sur l’équilibre des institutions parlementaires pourra le cas échéant se tenir ultérieurement.
Je me suis également exprimé sur cette motion lors de mon intervention liminaire.
Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe du RDSE.
Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 127 :
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion de l’article unique.
L’article 45 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
L’alinéa précédent ne s’applique pas aux projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales au sens du deuxième alinéa de l’article 39, ainsi qu’aux propositions de loi ayant le même objet.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.
En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 7 décembre 2010, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité (2010-97 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux télécommunications, présentée par M. Daniel Marsin, M. Yvon Collin et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 676 [2009-2010], rapport n° 139).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Daniel Marsin, auteur de la proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le début du XXIe siècle, la téléphonie mobile et l’internet connaissent un développement considérable dans le monde entier. Rien qu’en France, ce marché est extrêmement important : il représentait un chiffre d’affaires de quelque 20, 4 milliards d’euros en 2009, pour plus de 61, 5 millions d’abonnés à la téléphonie mobile, le marché de la vente et de la location de téléphones mobiles atteignant pour sa part près de 760 millions d’euros.
Les fabricants de téléphones mobiles, ainsi que les exploitants de réseaux et les opérateurs, cherchent continuellement à séduire de futurs clients ou à fidéliser leurs abonnés par des offres toujours plus étendues, tant en matière de services – courrier électronique, GPS, internet 3 G – que d’équipements – photo, MP 3, vidéo –, reposant sur des technologies sans cesse renouvelées.
Si le client ou l’abonné ne peut que se réjouir de cet éventail de choix, force est de constater qu’il se heurte rapidement aux limites et aux inconvénients découlant de certaines pratiques des constructeurs et des opérateurs.
De la relation triangulaire entre constructeur, opérateur et client naissent des pratiques abusives, un imbroglio d’engagements et d’accords toujours plus complexes conditionnant l’utilisation du mobile par son propriétaire, dont le gagnant est rarement l’utilisateur-abonné, qui en est même souvent tout simplement la victime !
En effet, le revers de la médaille, dans ce domaine, c’est que le consommateur est entraîné dans une jungle impitoyable ! À première vue, la liberté semble de mise, mais, en fait, la loi du plus fort règne sur fond de guerre de positions, dont seul le consommateur, dindon de la farce, sort au bout du compte perdant.
Il est donc de notre devoir, mes chers collègues, d’agir et de proposer des normes pour encadrer cette relation triangulaire et, surtout, protéger davantage le consommateur, comme nous y invite Montesquieu dans L’Esprit des lois : « Une chose n’est pas juste parce qu’elle est loi. Mais elle doit être loi parce qu’elle est juste. »
C’est donc inspirés et guidés par ces mots que plusieurs de mes collègues du RDSE et moi-même avons rédigé et déposé cette proposition de loi. Car, en la matière, il est grand temps de corriger la loi, et plus encore de combler un vide juridique qui profite, comme toujours, aux plus forts, au détriment des plus faibles.
M. Bruno Sido acquiesce.
Notre mission de législateur n’est-elle pas précisément de venir en aide aux plus faibles, en l’espèce le client-consommateur de téléphonie mobile ? N’oublions jamais, mes chers collègues, qu’il est des cas où la liberté opprime et la loi libère. Le sujet qui nous occupe aujourd’hui constitue un de ces cas, et, avec mes collègues du RDSE, nous espérons emporter votre adhésion pour porter remède à cette situation.
Bien entendu, nous ne voulons accabler ni les constructeurs ni les opérateurs ; nous entendons seulement trouver un juste équilibre entre les réalités du marché, les contraintes économiques et la protection du consommateur.
Ainsi, par ce texte, nous proposons, d’une part, de rendre plus transparentes les relations entre les fabricants d’équipements connectables et les opérateurs de téléphonie mobile, et, d’autre part, de mettre un terme aux pratiques abusives de certains opérateurs, visant à faire payer des frais de déblocage, dit « désimlockage », d’un mobile nouvellement acquis dans le cadre d’un réengagement pour une durée de douze mois au minimum.
Tout d’abord, pour tendre vers une réelle transparence sur le marché de la téléphonie mobile, les opérateurs doivent être tenus d’ouvrir leur réseau à tous les appareils conformes aux normes européennes, afin de libérer et de favoriser la concurrence, ce qui, comme le préconise le rapport de la commission Attali pour la libération de la croissance française, contribuera à améliorer le pouvoir d’achat du citoyen-consommateur.
Nous avons souhaité que ce principe, affirmé à l’échelon de l’Union européenne, soit inscrit dans notre loi nationale. Mais, nous a-t-on fait valoir à juste titre, l’article R. 20-22 du code des postes et des communications électroniques a déjà réglé ce point, en transposant la directive 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 1999. Nous en prenons acte, même si, dans la pratique, les choses n’ont pas encore véritablement évolué.
Mais ce problème, auquel nous souhaitons apporter une solution décisive, ne se limite pas à la seule téléphonie mobile. De nombreuses connections au réseau sont aujourd’hui établies grâce à des tablettes, tel l’iPad, et il faut savoir s’adapter à la réalité de ce secteur en l’ouvrant également aux transferts de données. Dès lors, il convient d’intégrer définitivement la notion d’« équipements connectables ».
Ensuite, si nous sommes favorables à la libre concurrence et à l’élargissement des gammes et des offres, nous sommes tout aussi convaincus que le marché de la téléphonie mobile ne peut être efficace, ni équilibré et donc favorable au consommateur, si le fabricant d’un téléphone peut interdire l’accès à son matériel à certains opérateurs. De ce point de vue, le cas de l’iPhone a été révélateur.
En effet, Apple Europe avait volontairement bloqué l’iPhone pour le rendre exclusivement utilisable sur le réseau d’Orange. Craignant de voir fuir ses clients et souhaitant avoir la possibilité de commercialiser cet équipement, Bouygues Telecom a saisi l’Autorité de la concurrence d’une demande de mesures conservatoires, en arguant que l’exclusivité contractuelle accordée par Apple à Orange constituait une entente prohibée, notamment en raison du caractère injustifié de certains critères de sélection et de leur application discriminatoire.
L’Autorité de la concurrence, après avoir recueilli l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le 4 novembre 2008, a enjoint à Apple et à France Télécom de suspendre l’application pour la France des stipulations contractuelles faisant d’Orange l’opérateur mobile exclusif pour l’iPhone et de ne pas introduire, dans les éventuels contrats futurs, une exclusivité supérieure à trois mois. Le 4 février 2009, la cour d’appel de Paris a confirmé cette décision.
Mais voilà, si a priori cette décision de justice a pu satisfaire les abonnés de Bouygues Telecom et de SFR, elle n’a pas réglé totalement la situation, puisque, au final, d’autres opérateurs, ceux que l’on appelle les opérateurs virtuels, qui louent les réseaux physiques d’Orange, de SFR et de Bouygues Telecom, sont lésés par Apple Europe, l’iPhone restant, pour eux, encore inaccessible aujourd'hui. À travers ces opérateurs virtuels, des centaines de milliers de clients sont concernés et lésés par ricochet.
En effet, ces derniers, ayant acheté un iPhone « nu », non lié à un abonnement, se trouvent bernés par le constructeur, puisque cet appareil est techniquement bloqué et donc inutilisable, sauf à le « bricoler », au risque de perdre des fonctionnalités, ainsi que la garantie du constructeur.
Par conséquent, mes chers collègues, nous ne pouvons pas attendre que la situation se règle d’elle-même ; nous devons légiférer sur ce point. Tel était d'ailleurs l’objet de l’amendement que nous avions déposé sur l’article 2, qui, pour des raisons de technique législative, a été repris par notre excellent rapporteur, notre collègue Pierre Hérisson, que je remercie chaleureusement de son investissement dans l’examen de ce texte. Cet amendement, qui nous permet de revenir à l’esprit initial de notre proposition de loi, tend à lutter contre de telles pratiques.
Néanmoins, réalistes et soucieux des règles du marché, des stratégies et des coûts des campagnes de lancement d’un nouveau produit, nous avons tout de même pris en compte le cas des contrats d’exclusivité temporaire liés à la mise sur le marché d’un nouveau matériel.
Enfin, au-delà des pratiques anticoncurrentielles précédemment évoquées entre constructeurs et opérateurs, il ne faut pas oublier que, pour le citoyen-consommateur lambda, tout ce système est flou, pour ne pas dire opaque et dépourvu de normes établies et limpides.
Le citoyen-consommateur est tiraillé entre des offres de services téléphoniques et d’équipements toujours plus alléchantes les unes que les autres, comportant des tarifs préférentiels assortis d’un abonnement et du dernier téléphone mobile à la mode. Séduit, il s’engage pour douze ou vingt-quatre mois, sans véritablement connaître les obligations qui s’imposeront à lui dans la pratique. Qui plus est, les conditions générales de vente, en cas d’acquisition d’un nouvel appareil, avec ou sans points de fidélité, accompagnée d’un réabonnement à l’offre initiale de services téléphoniques pour une nouvelle durée de douze à vingt-quatre mois, sont étrangement muettes sur la question du verrouillage et les conditions financières du déblocage.
Ainsi, jour après jour, le consommateur se trouve pris dans un système dont il ne connaît, à vrai dire, ni les tenants ni les aboutissants. Il constate simplement qu’on l’oblige à se réengager pour douze ou vingt-quatre mois supplémentaires pour obtenir un téléphone à un tarif prétendument préférentiel, en réalité largement payé tout au long de l’exécution de son contrat initial, voire au-delà du fait des consommations hors forfait facturées au prix fort. Lié par cet engagement, il ne peut s’en libérer sans acquitter des pénalités.
De plus, malgré sa fidélité, l’utilisation de son téléphone est restreinte par l’opérateur : le compteur repart de zéro et il devra attendre jusqu’à six mois supplémentaires…
… à partir de ce réengagement pour pouvoir l’utiliser librement, à condition qu’il en demande le déverrouillage. Avant le terme de ce délai, un tel déverrouillage est payant et peut coûter jusqu’à 300 euros !
Les raisons de sécurité, de lutte contre la fraude et le vol invoquées par les opérateurs pour justifier le maintien de ce délai sont fallacieuses, puisque, dans ces cas, il suffit de communiquer le numéro de la carte SIM ou le code IMEI – international mobile equipment identity – à l’opérateur pour qu’il bloque le téléphone à distance.
Les pratiques des opérateurs sont officiellement justifiées par le risque de fraude, mais, en réalité, nous le savons bien, elles sont motivées par des considérations économiques : il s’agit d’« enfermer » le client et d’empêcher la concurrence de jouer.
Ces pratiques désarment nos concitoyens ! Ils peuvent alors être tentés de faire déverrouiller leur mobile par le « bricoleur » du coin, solution illégale et pénalisante. Perdu dans cette jungle de règles plus ou moins douteuses qu’il ne maîtrise pas, le consommateur ne peut être blâmé. En effet, comme l’a justement dit Hervé Bazin, « quand la loi redevient celle de la jungle, c’est un honneur d’être déclaré hors-la-loi ».
Ici même, dans les couloirs de la Haute Assemblée, on entend parfois dire qu’il est logique et de bonne guerre de faire déverrouiller son téléphone en marge de la procédure payante de l’opérateur. Mais cette position, apparemment frappée au coin du bon sens, ne tient pas lorsque l’on sait que le déverrouillage sauvage fait perdre à l’utilisateur la garantie du constructeur et le prive de certaines des fonctionnalités de l’équipement nouvellement acquis.
Ainsi, si nous pouvons accepter, comme l’a proposé par le biais d’un amendement M. le rapporteur de la commission de l’économie, que, au titre de l’engagement initial, le téléphone puisse être bloqué pendant trois mois, contre six aujourd'hui, nous ne pouvons, en revanche, accepter que la concurrence soit bridée par le blocage du téléphone en cas de réengagement. Il y aurait d’ailleurs sans doute beaucoup à dire sur les modalités de ce réengagement.
Il est juste que le « désimlockage » soit gratuit et immédiat dès lors que le client utilise déjà l’offre de service téléphonique depuis douze mois, voire dix-huit mois. Tel est le sens de l’article 3, qu’un compromis réussi entre les propositions du rapporteur et notre sous-amendement doit enrichir.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, nous ne pouvons plus cautionner ces pratiques plus ou moins abusives, qui pénalisent lourdement nos concitoyens ! Ne pas légiférer aujourd’hui, c’est accepter que le consommateur soit piégé et qu’il reste à la merci de ces oligopoles.
Il est de notre devoir de législateur d’agir pour que cela cesse ! Ce faisant, nous assumerons tout simplement nos responsabilités.
Pour l’heure, nos concitoyens se plaignent, les plus avertis saisissant la justice, souvent avec succès, tandis que les autres optent pour un déverrouillage sauvage et risqué. Les associations de consommateurs ne cessent de nous interpeller. Des tables rondes sont organisées, des engagements sont pris par les opérateurs, qui n’engagent en fait que ceux qui les écoutent… Des initiatives sont prises, telle la consultation publique lancée par l’ARCEP, faisant suite à ses travaux sur l’application de l’article 17 de la loi Chatel.
Malgré tout cela, rien ne change, parce que les oligopoles savent bien que peu de consommateurs engageront des actions en justice. Il est donc de notre devoir d’intervenir et de légiférer aujourd’hui, de la façon la plus juste qui soit, en notre âme et conscience, hors de toute pression, fût-elle amicale !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous réjouissons que notre texte initial ait pu être enrichi des amendements de notre excellent rapporteur Pierre Hérisson, tendant à insérer des articles additionnels relatifs aux conditions du désengagement, à l’interdiction de la surfacturation des hotlines d’assistance aux abonnés et, enfin, à l’encadrement des frais de résiliation d’abonnement.
D’autres collègues, de tous bords politiques, ont également contribué à améliorer cette proposition de loi par le biais d’amendements opportuns, visant à répondre à certains besoins.
Le débat s’est donc ouvert sur ce sujet dans notre assemblée. Il est tout à notre honneur d’avoir osé exprimer clairement notre volonté de garantir les droits des consommateurs.
Certains, notamment les opérateurs ou les constructeurs, estiment que nous allons trop loin et trop vite ; d’autres, tels les consommateurs ou les associations de consommateurs, jugent que nous sommes trop timorés, comme j’ai pu le lire dans la presse. Entre ces deux avis intéressés, nous recherchons un juste équilibre, pour parvenir à élaborer un texte efficace, ayant du sens, permettant, par une politique des petits pas, de régler des problèmes concrets, tout en prenant en compte les contraintes économiques, que nous comprenons parfaitement, en clarifiant les règles du jeu pour les consommateurs et en introduisant plus de transparence.
Mes chers collègues, en légiférant avec de tels objectifs et dans un tel état d’esprit, il est patent que nous, élus de proximité, assumons la mission qui nous incombe devant nos concitoyens. Au-delà des pressions que nous subissons tous et qui, somme toute, sont bien naturelles, nous devons avoir conscience qu’en votant ce texte, opportunément amendé et enrichi, nous cherchons à libérer des millions de nos concitoyens d’un engagement léonin par lequel on voudrait les contraindre. Il me semble que le Sénat s’honorerait en adoptant cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées du RDSE et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez tous, j’imagine, un téléphone portable. Vous êtes donc tous abonnés, a priori, auprès d’un opérateur de téléphonie mobile. Lequel d’entre nous n’a pas passé d’interminables minutes au téléphone ou envoyé de multiples courriers pour changer d’opérateur ou obtenir de celui-ci le déverrouillage de son téléphone portable, avant de finir le plus souvent par renoncer, découragé ?
Ce sont à de telles situations, que des milliers de consommateurs connaissent, que cette proposition de loi de notre excellent collègue Daniel Marsin et du groupe du RDSE vise à mettre un terme. Nous ne pouvons que partager cet objectif, car il s’agit d’instaurer plus d’équilibre dans des relations entre opérateurs et utilisateurs qui tournent nécessairement à l’avantage des premiers. Simplement, nous souhaitons apporter à cette proposition de loi un certain nombre de précisions et de compléments, que j’exposerai ultérieurement.
Auparavant, je voudrais rappeler quelques chiffres donnant la mesure de l’importance du marché de la téléphonie mobile.
La France comptait, à la mi-2010, 61, 5 millions d’abonnés à la téléphonie mobile, ce qui représente un taux de pénétration de 95, 8 %. La population est couverte en réseaux de deuxième génération à 99, 8 % et en réseaux de troisième génération à environ 90 %. Les débits des réseaux de téléphonie mobile ont quasiment doublé entre 2008 et 2009. Le revenu engendré par les services de téléphonie mobile et de transport de données continue de progresser et dépassait 20 milliards d’euros en 2009.
Si ce marché reste donc en forte croissance, il n’est pas parfaitement fluide pour le consommateur, qui rencontre des difficultés pour utiliser son mobile sur le réseau de son choix ou changer d’opérateur. De nombreux rapports ont mis en évidence les limites qui en découlent en matière de concurrence : je pense en particulier au deuxième rapport de la mission Attali, à ceux de l’Autorité de la concurrence ou du régulateur du secteur, l’ARCEP.
Ainsi, l’utilisateur d’équipement portable se trouve contraint par un certain nombre de pratiques des constructeurs et, surtout, des opérateurs : la longueur et la nature des abonnements, les possibilités limitées de résiliation, la pratique des points de fidélité, la convergence des offres, ou encore les procédures de déverrouillage, que vise spécifiquement ce texte.
Certes, des progrès ont été réalisés pour améliorer l’interopérabilité des terminaux et des réseaux, ainsi que pour conforter les droits des consommateurs, que ce soit grâce à la loi Chatel du 3 janvier 2008 ou au travers des engagements pris par les opérateurs devant M. Novelli le 24 septembre dernier. Je vous renvoie à cet égard au rapport de la commission, mes chers collègues.
Cependant, et l’ARCEP l’a souligné dans son récent rapport sur la mise en œuvre de la loi Chatel, le bilan de ces mesures est encore très en deçà des attentes de nos concitoyens.
C’est pourquoi les auteurs de cette proposition de loi entendent, à juste titre, faire « bouger les lignes » et défendre les droits du consommateur par le biais de dispositions dont M. Marsin a donné à l’instant le détail.
La commission a travaillé sur la base de ce texte, et vous proposera d’en supprimer l’article 1er, qui est déjà satisfait en l’état du droit, de renvoyer les thématiques connexes à l’article 2 à un rapport de l’autorité de régulation – cela laissera le temps de la réflexion –, tout en conservant le contenu de cet article, qui porte plus précisément sur l’interopérabilité des équipements, enfin de conforter la teneur de l’article 3, en prévoyant le déverrouillage immédiat et gratuit en cas de réabonnement.
Je proposerai par ailleurs, au nom de la commission, d’insérer trois articles additionnels visant respectivement à obliger les opérateurs à informer chaque mois leurs clients du solde d’abonnement restant à payer en cas de résiliation anticipée de leur contrat, à interdire la surfacturation des hotlines d’assistance téléphonique aux abonnés, et à encadrer les frais de résiliation d’abonnement à des services de téléphonie mobile ou d’internet, afin d’empêcher la facturation de frais indus.
Je voudrais, avant de conclure, me féliciter des échanges nourris que j’ai pu avoir avec notre collègue Daniel Marsin, auteur de la proposition de loi. Ils devraient permettre de faire évoluer le texte vers un équilibre satisfaisant, je l’espère, pour le plus grand nombre de nos collègues et, au bout du compte, pour les consommateurs. Je me félicite également de la richesse des discussions que nous avons eues ce matin en commission de l’économie. Elles pourraient permettre de compléter et d’étoffer le texte initial de la proposition de loi, grâce à l’adoption de certains des amendements dont nous allons maintenant discuter.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser M. Frédéric Lefebvre, qui a dû être hospitalisé à la suite d’un malaise. Je le remplace au pied levé, car le Gouvernement tenait à ce que ce débat puisse se dérouler comme prévu.
Monsieur le ministre, au nom du Sénat, je vous prie de transmettre tous nos vœux de rétablissement à M. Lefebvre.
Je n’y manquerai pas, monsieur le président.
En tant que président de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, j’ai eu l’occasion de me familiariser avec le sujet qui nous occupe.
Je voudrais remercier M. Marsin et tous les sénateurs signataires de cette proposition de loi d’avoir pris l’initiative d’élaborer et d’inscrire à l’ordre du jour de la Haute Assemblée un texte visant à assurer la protection du consommateur et la concurrence dans le secteur des télécommunications mobiles.
Je voudrais également saluer la qualité du travail accompli par le rapporteur, M. Pierre Hérisson, dont je connais les compétences et l’implication sur ces sujets, puisque nous avons eu à plusieurs reprises l’occasion de travailler ensemble, dans le cadre de commissions mixtes paritaires. Je sais combien le Sénat est attaché à défendre les consommateurs.
Les dernières mesures législatives importantes dans ce domaine concernant la téléphonie mobile remontent à 2008. La loi Chatel a permis d’apporter des améliorations substantielles au quotidien de nos compatriotes. La Haute Assemblée avait alors contribué, avec l’Assemblée nationale, à renforcer la protection des consommateurs.
Les téléphones mobiles sont devenus aujourd’hui de véritables objets de mode et de haute technologie. Ils permettent à nos concitoyens d’accéder à des services et à des contenus de plus en plus riches et variés, tout en restant libres de leurs mouvements.
Vous savez, comme moi, à quel point nos concitoyens sont attachés à la liberté, qu’il s’agisse de la liberté de communiquer, d’être informé ou d’entreprendre. Le slogan « Un monde sans fil » s’affichait voilà quelques années sur les placards publicitaires d’un opérateur. Tout était dit : un monde sans fil, donc, mais pas sans liens !
Quoi de plus naturel aujourd’hui que le spectacle d’une personne marchant dans la rue, un téléphone collé à l’oreille, absorbée dans une conversation avec une autre personne, ou encore celui d’un homme d’affaires composant un message sur son smartphone ? Le monde change. Voilà une quinzaine d’années, des scènes semblables auraient prêté à sourire ! Voltaire a toujours raison : « Le superflu, chose très nécessaire » ! §
Le téléphone mobile fait aujourd’hui partie de nos habitudes de vie. Il nous accompagne partout, dans presque tous les actes de notre vie courante. Il permettra bientôt d’acheter son journal, sa baguette de pain ou de payer – c’est déjà le cas ! – la cantine scolaire de ses enfants.
Il est ainsi devenu en quelques années – vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur – un marché d’une taille économique significative puisqu’il représente plus de 60 millions d’abonnés, pour un chiffre d’affaires supérieur à 20 milliards d’euros, avec un réseau de troisième génération qui couvre 90 % de la population.
Monsieur Marsin, votre proposition de loi traite donc à la fois d’une activité industrielle de première importance et du thème, tout aussi central, de la consommation, qui préoccupe particulièrement le Gouvernement. Frédéric Lefèvre a d’ailleurs présenté les priorités de l’action du Gouvernement dans ce domaine, la semaine dernière, lors d’une conférence de presse à Bercy.
Il faut être particulièrement attentif – je sais que vous l’êtes et le Gouvernement le sera également, pour toutes les raisons que j’ai indiquées précédemment – à ce que ce marché se développe de manière équilibrée. Il faut éviter les abus de la part des professionnels, fabricants de terminaux mobiles et opérateurs de réseaux. Tel est l’objet de cette proposition de loi sur les télécommunications et on ne peut que s’en réjouir.
Cette proposition de loi comporte deux volets : l’un sur les questions de l’interopérabilité entre terminaux mobiles et réseaux ; l’autre sur la pratique du verrouillage des téléphones mobiles.
Les deux premiers articles ont ainsi pour objectif d’imposer une totale interopérabilité entre les téléphones mobiles et les réseaux des opérateurs. À cet effet, ils prévoient, d’une part, que les opérateurs ne peuvent interdire la connexion à leur réseau d’un équipement et, d’autre part, que les fabricants ne peuvent refuser l’accès de leurs équipements à certains exploitants de réseaux.
Le Gouvernement souscrit pleinement à l’objet de cette proposition de loi qui vise à favoriser la libre utilisation des réseaux et des terminaux. Comme vous le savez, cet objectif sous-tend d’ores et déjà la réglementation nationale et européenne.
La liberté de connexion des équipements terminaux conformes aux spécifications techniques des réseaux est ainsi reconnue par la directive européenne de 1999 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité, dite R&TTE, selon l’appellation anglaise : radio and terminal telecommunications equipment. Ses dispositions ont été reprises dans le code des postes et des communications électroniques. De ce fait, l’article 1er de la proposition de loi est d’ores et déjà satisfait par les dispositions existantes. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans la suite de la discussion.
J’ai d’ailleurs noté que la commission de l’économie partage cette analyse et propose, dans un souci de clarté du droit, de ne pas retenir cet article. Le Gouvernement sera donc favorable à cet amendement.
La proposition de loi traite également la question inverse de l’accès des exploitants de réseaux aux équipements terminaux. Cette question est beaucoup plus délicate. Comme vous le savez, le Gouvernement a été – comme vous d’ailleurs – particulièrement préoccupé par des accords d’exclusivité qui ont pu lier certains opérateurs et fabricants d’équipements. Notre devoir est de veiller à l’équilibre de marché entre ces différents acteurs industriels au bénéfice des consommateurs.
Nous n’hésiterons pas à agir à l’encontre de tout comportement de prédation qui priverait les consommateurs de leur liberté de choix et créerait des situations de rentes pour tel ou tel acteur économique. Les lois votées, notamment depuis 2007, nous ont donné tous les outils nécessaires de supervision et de répression des acteurs de ce secteur. Tous doivent comprendre que le marché de la téléphonie a besoin de l’innovation pour continuer de se développer et que la capacité d’innover s’éteint très vite lorsque le choix se restreint.
L’Autorité de la concurrence a d’ailleurs été saisie de cette question complexe, voilà quelques années, et elle s’est prononcée sur le cas de l’exclusivité de la commercialisation de l’iPhone par Orange. Elle a estimé que ces accords pouvaient être acceptables sous certaines conditions : concerner la première présentation d’un modèle, être de durée limitée, permettre un retour sur investissement. Elle a, par ailleurs, rappelé que la directive européenne de 1999 organise une libre circulation des équipements dans l’Union européenne et confère une large liberté aux fabricants.
Cette question doit également être traitée à l’échelon européen. Comme vous le savez, le marché des terminaux est de dimension européenne, et même mondiale. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de susciter une discussion entre les États membres et la Commission européenne sur ce sujet, dans le cadre de la révision de la directive de 1999. Dans cette perspective, les autorités françaises défendront la mise en place de règles de transparence renforcées sur les interfaces pour les fabricants de terminaux.
La proposition du rapporteur de demander à l’ARCEP un rapport sur cette question est donc particulièrement opportune. Ce rapport nous permettra de préparer cet exercice, difficile, en disposant de toutes les informations techniques nécessaires sur les pratiques des fabricants d’équipements terminaux.
Le second volet de la proposition de loi traite des pratiques de verrouillage des terminaux mobiles, le fameux simlockage. Le Gouvernement partage la volonté des auteurs de la proposition de loi et du rapporteur de réprimer les comportements des opérateurs visant à limiter les choix des consommateurs.
Toutefois, sur cette question particulière, il faut agir avec prudence si l’on veut éviter de produire des effets contraires à l’intérêt des consommateurs. En effet, la pratique du verrouillage fait partie intégrante d’une politique de lutte contre la fraude sur le marché des terminaux mobiles et, surtout, du modèle économique de la téléphonie mobile. Vous le savez, monsieur le rapporteur, nous avons déjà longuement travaillé sur ce sujet.
En outre, elle permet aux opérateurs d’offrir aux consommateurs un terminal mobile à un prix réduit en contrepartie de la durée d’engagement. Modifier les règles de verrouillage nécessite donc d’examiner la question de l’équilibre économique entre les opérateurs et les consommateurs et de l’impact sur l’évolution de l’offre commerciale qui doit proposer à ces derniers un choix suffisant pour répondre à leurs besoins ou à leurs souhaits. Tout est question d’équilibre !
II faut impérativement se garder de prendre des mesures qui auraient pour effet de priver nos compatriotes de la possibilité d’acquérir un terminal mobile doté des dernières technologies à un prix modéré, et ce d’autant plus que nous sommes dans une phase de sortie de crise pendant laquelle l’accès au crédit est plus mesuré et la reprise de la consommation timide.
Sur la question du déverrouillage, un premier pas a d’ailleurs été fait par les opérateurs de réseaux. Le desimlockage est d’ores et déjà offert par les opérateurs de téléphonie mobile à tout consommateur qui le demande dès le troisième mois du contrat.
Vous proposez d’aller plus loin en cas de réengagement et posez ainsi une question importante. Je vous indique que Frédéric Lefèvre réunira prochainement les opérateurs de réseaux afin de régler ce point précis.
Je souhaite que nos discussions permettent de trouver une solution équilibrée qui préserve l’offre de financement du prix des terminaux par les opérateurs. Dans cet état d’esprit, le Gouvernement est très favorable aux discussions qui s’annoncent sur cette proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après les propos complets de M. Marsin et de M. le rapporteur, je ne reviendrai pas sur les détails d’un texte dont les objectifs de fluidification du marché des communications électroniques et d’amélioration de la protection du consommateur sont pleinement partagés par les sénateurs du groupe de l’Union centriste.
Je tiens à saluer l’initiative de notre collègue Daniel Marsin et le travail de notre rapporteur pour renforcer les droits des consommateurs qui ont souvent, à juste titre, le sentiment que les contrats qui les lient aux opérateurs sont déséquilibrés.
Le texte qui nous est soumis vise à lever les contraintes qui pèsent sur le consommateur dans l’utilisation de son téléphone mobile, d’une part, en proscrivant les limitations induites par le choix d’un opérateur ou d’un matériel, et, d’autre part, en allégeant les conditions de déverrouillage des téléphones.
Notre rapporteur l’a dit, il proposera des amendements visant à insérer des articles additionnels afin de lutter contre les abus constatés et de renforcer la transparence. Je me permettrai de faire de même pour compléter également le texte de notre collègue.
Pour autant, les problèmes visés par la présente proposition de loi et par les amendements qui ont été déposés sont, hélas ! – j’insiste sur ce terme – étrangers à nombre de nos concitoyens qui n’ont toujours pas accès à la téléphonie mobile.
Améliorer la qualité d’un service est un objectif louable, généraliser ce service serait encore beaucoup mieux ! Chacun sait bien que l’accès aux services de téléphonie mobile n’est toujours pas une réalité sur l’ensemble du territoire, en particulier dans les zones rurales.
Cette situation est tout simplement inacceptable, car l’accès à la téléphonie mobile est indispensable pour la sécurité de nos concitoyens, leur qualité de vie et l’attractivité, notamment économique, de nos territoires.
Pour mémoire, je rappellerai qu’aux termes des engagements pris dans les licences d’attribution des fréquences, le taux de couverture de la population, en 2009, aurait dû atteindre 98 % pour Orange et 99, 3 % pour SFR. Nous en sommes loin, et d’ailleurs, voilà près d’un an, l’ARCEP a mis en demeure les trois opérateurs pour le non-respect de leurs objectifs de couverture du territoire. Je pense qu’il faudra un jour aller au-delà des simples mises en demeure.
J’ajoute que les chiffres officiellement annoncés sont bien en deçà des réalités, car, pour mes collègues qui ne le sauraient pas, une commune est considérée comme couverte dès lors qu’un point de celle-ci est effectivement couvert ! Si, debout sur le clocher de son église, un maire peut émettre et recevoir des appels, sa commune est réputée couverte ! Je présenterai donc un amendement visant à préciser qu’une commune ne peut être considérée comme couverte que lorsque la totalité de son territoire l’est effectivement par au moins un opérateur.
Dans quelques semaines, le Gouvernement attribuera les fréquences de la 4G qui permettront d’améliorer la couverture du territoire en matière de téléphonie et d’accès à l’internet mobile.
Monsieur le ministre, je le rappelle, le Parlement a inscrit dans la loi le principe selon lequel les fréquences issues du dividende numérique doivent être attribuées en privilégiant le critère de l’aménagement du territoire et non celui de la valeur vénale des fréquences. Nous serons extrêmement vigilants sur ce point et nous veillerons à ce que les contraintes financières de l’État ne remettent pas en cause cette volonté forte du Parlement.
L’aménagement numérique des territoires est – vous l’aurez compris ! – au cœur des préoccupations de la Haute Assemblée, et la question de la téléphonie mobile n’est malheureusement qu’une facette de la fracture numérique que vivent au quotidien nos territoires, l’autre aspect étant celui de leur couverture par le réseau internet.
En février dernier, le Président de la République a fixé pour notre pays des objectifs ambitieux en matière de déploiement des réseaux à très haut débit, selon lesquels 70 % des foyers devront être raccordés en 2020 et 100 % en 2025.
Malheureusement, vous le savez, le programme national « Très haut débit », lancé en octobre dernier par le Premier ministre, suscite des inquiétudes, notamment chez les collectivités territoriales. Ces dernières craignent, à juste titre, que le choix fait par le Gouvernement de laisser aux opérateurs la responsabilité du déploiement ne conduise à un écrémage des territoires rentables au détriment des zones rurales, et ne renchérisse le coût de l’intervention publique dans ces zones.
Le Premier ministre m’a fait l’honneur de me nommer parlementaire en mission pour réfléchir au financement de ces déploiements. Le travail que j’ai effectué m’a permis de mesurer à quel point un engagement fort de l’État est indispensable pour que la fracture numérique ne s’accentue pas davantage avec des territoires qui auraient accès, demain, un très haut débit à 100 mégabits, tandis que d’autres continueraient à espérer du haut débit à 512 kilobits.
L’engagement de l’État doit être politique et financier.
Politique, tout d’abord, parce que l’État doit être un acteur de ce déploiement. La somme des intérêts des opérateurs n’égalera jamais l’intérêt général ! La vocation des opérateurs – et on ne peut pas les en blâmer – est de faire des profits et non pas d’aménager le territoire.
Financier, ensuite, car il faut bien abonder le Fonds d’aménagement numérique des territoires, créé par le Sénat dans le cadre de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, adoptée en décembre dernier sur l’initiative de notre collègue Xavier Pintat.
Dans cette perspective, j’avais, voilà tout juste deux semaines, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, proposé qu’une partie des recettes nouvelles tirées de l’augmentation de la TVA sur les offres tripleplay – représentant une augmentation d’1, 1 milliard d’euros – soit utilisée pour abonder ce fonds.
Toutefois, avant de viser le très haut débit, nous devons me semble-t-il garantir un véritable haut débit pour tous. Or, là encore, la situation n’est pas aussi satisfaisante que certains voudraient nous le faire croire. Comme vous tous, mes chers collègues, je reçois chaque semaine plusieurs courriers ou coups de fil me signalant des difficultés de réception du haut débit dans nos territoires.
Le plan France numérique 2012, présenté en octobre 2008 par Éric Besson, alors secrétaire d’État chargé de la prospective, de l’évaluation des politiques publiques et du développement de l’économie numérique prévoit – mais peut-être vaudrait-il mieux parler au passé – que « 100 % de la population aient un accès au haut débit d’ici à 2012 ». Cet objectif sera-t-il réellement atteint ? J’avoue en douter, mais j’espère me tromper.
À ce titre, la question de l’inclusion du haut débit dans le service universel méritera d’être posée lors de la transposition du « paquet télécom » qui vient d’être examiné par l’Assemblée nationale et dont le Sénat devrait être saisi au début de l’année prochaine.
C'est pourquoi, plutôt que de taxer régulièrement les opérateurs, il serait opportun de leur imposer des obligations de service public, c’est-à-dire la couverture du territoire en téléphonie mobile et en haut débit.
Dans ce contexte, vous comprendrez, monsieur le ministre, que les sénateurs du groupe de l’Union centriste s’inquiètent de voir que l’économie numérique est non plus un département ministériel en tant que tel, mais une compétence entrant dans un ministère beaucoup plus large, rassemblant l’industrie, l’énergie et l’économie numérique, ce qui explique sans doute d'ailleurs que le ministre chargé de ces questions ne soit même pas présent aujourd'hui.
Sur toutes les travées de cette assemblée, les initiatives sont nombreuses qui témoignent de l’intérêt que le Sénat porte au développement de l’économie numérique. Il y a eu, hier, la proposition de loi de M. Pintat relative à la lutte contre la fracture numérique. Aujourd'hui, il y a celle de notre collègue Marsin, mais aussi celle de notre collègue Leroy relative au service public local du très haut débit, pour laquelle j’ai été nommé rapporteur ce matin.
Pourtant, cette implication de notre chambre ne peut suffire, monsieur le ministre. Nous voudrions, enfin, sentir une volonté politique forte du Gouvernement d’agir en faveur de ce secteur de notre économie et de nos territoires ruraux. Or, là encore, la disparition d’un ministère spécifique chargé de l’aménagement du territoire n’est pas un signal positif. Nous souhaitons donc que le Gouvernement prenne la mesure de l’importance de ce sujet et propose rapidement les réponses ambitieuses qui s’imposent.
Mes chers collègues, au vu de l’importance de ces questions, vous me pardonnerez, je l’espère, de m’être éloigné du strict examen de cette proposition de loi. Toutefois, comment débattre de ce texte sans évoquer globalement la question fondamentale de l’aménagement numérique de nos territoires ? Comment ne pas tenter, grâce à cette proposition de loi, de convaincre le Gouvernement de l’importance de ces enjeux ?
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par Daniel Marsin et certains de ses collègues du groupe du RDSE vise à mettre fin à un certain nombre de pratiques des constructeurs de téléphones mobiles et des opérateurs, qui peuvent léser l’abonné en entravant la libre utilisation de son téléphone mobile.
La proposition de loi prévoit tout d’abord de remédier au décalage existant entre les obligations des opérateurs et celles des constructeurs. Aujourd'hui, en application d’une directive européenne de 1999, transposée en 2001, les opérateurs ont l’obligation d’ouvrir leur réseau à l’ensemble des appareils de téléphonie mobile, quel que soit le constructeur.
En revanche, les constructeurs de téléphones mobiles peuvent refuser l’accès à leurs appareils à certains opérateurs. Nous avons tous présent à l’esprit l’exemple de l’iPhone que son constructeur, Apple, avait configuré pour qu’il soit inaccessible aux opérateurs virtuels, c’est-à-dire à ceux qui ne disposent pas de leur propre réseau.
La présente proposition de loi vise aussi à imposer la gratuité du déverrouillage d’un téléphone mobile dès lors que l’abonné a acquis cet appareil dans le cadre d’un réengagement d’une durée égale ou supérieure à douze mois.
Le contenu de ce texte a été salué par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. Or Pierre Hérisson, rapporteur de cette proposition de loi, a présenté, le 30 novembre dernier, devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, un certain nombre d’amendements qui avaient, à mon sens, dénaturé le texte en atténuant sa portée, et dont je dirai quelques mots.
Au travers d’un premier amendement, le rapporteur proposait la suppression de l’article 1er, au motif que les opérateurs ont déjà l’obligation d’ouvrir leur réseau à tous les appareils de téléphonie mobile, en application des dispositions de l’article R. 20-22 du code des postes et des communications électroniques. Notre groupe s’était abstenu lors de cette réunion de la commission, car nous préférions le texte de Daniel Marsin aux dispositions réglementaires existantes.
Au travers d’un deuxième amendement, dont les dispositions se substitueraient au texte de Daniel Marsin interdisant aux fabricants de téléphones mobiles de refuser l’accès de leurs appareils à certains opérateurs de téléphonie mobile, M. le rapporteur proposait de prendre le temps de la réflexion et de la concertation. Il proposait de revenir sur ce sujet après la remise d’un rapport de l’ARCEP au Parlement et au Gouvernement, dans un délai d’un an après la promulgation de la loi.
Le groupe socialiste s’était étonné par ma voix, et il continue de le faire, d’ailleurs, que M. le rapporteur demande un énième rapport alors que, d’habitude, la majorité sénatoriale a tendance à juger superflues toutes les propositions que nous présentons en ce sens.
Le groupe socialiste avait donc voté contre cet amendement, puisqu’il est favorable au maintien du texte de la proposition de loi.
Au travers d’un troisième amendement, M. le rapporteur prévoyait que le verrouillage, lors d’un abonnement initial, ne peut durer que trois mois – deux mois en cas de réabonnement – et que le déverrouillage est gratuit dans tous les cas. Le groupe socialiste ne s’était bien évidemment pas opposé à cet amendement.
Probablement pour se faire pardonner d’avoir atténué la portée de cette proposition de loi, M. le rapporteur avait déposé, en parallèle, trois amendements tendant à insérer des articles additionnels.
Le premier visait à imposer aux opérateurs de mettre les consommateurs en mesure de connaître le restant des sommes qu’ils doivent payer dans le cas d’une résiliation de leur contrat avant le terme de leur période d’engagement. Le deuxième tendait à prohiber la surfacturation, par les fournisseurs de services de communications électroniques, des services d’assistance téléphonique à leurs abonnés. Le troisième, et dernier, avait pour objet d’encadrer les frais de résiliation des abonnements à internet et de téléphone mobile. Lors de la réunion de la commission, le groupe socialiste avait voté ces trois amendements visant à insérer des articles additionnels.
Pour sa part, le groupe socialiste avait déposé trois amendements.
Aux termes du premier d’entre eux, à compter du 1er juin 2011 tout téléphone portable mis en vente sur le marché devra être équipé d’une prise standard pour sa recharge. Nous avons proposé des dispositions similaires à maintes reprises…
M. Michel Teston. … lors de l’examen de précédents textes, avec le succès que l’on sait, à cause de la majorité sénatoriale.
Mme Odette Terrade fait un signe d’assentiment.
Les deux autres amendements visaient une question qui nous paraît également importante, à savoir le droit à la connaissance des réseaux.
Par ailleurs, un certain nombre d’amendements ont été déposés par des sénateurs appartenant à d’autres groupes.
Mes chers collègues, nous en étions là avant la réunion de la commission qui s’est tenue ce matin, à onze heures trente. À cette occasion, M. le rapporteur a fait machine arrière pour revenir quasiment au texte initial, notamment en introduisant un amendement visant à intégrer, avant l’article 2 un article additionnel qui reprend quasiment l’article 2 de la proposition de loi de Daniel Marsin.
Par ailleurs, un certain nombre d’amendements tendant à mieux garantir les droits des abonnés ont été votés, avec l’accord de M. le rapporteur. Par exemple, comme l’a rappelé Hervé Maurey, qui est à l’origine de cette proposition, il serait reconnu pour la première fois qu’une commune est réputée couverte en téléphonie mobile quand les services qui sont visés à l’article L. 41 du code des postes et télécommunications électroniques sont offerts sur l’ensemble de son territoire. Cette disposition ne peut que nous satisfaire.
Cela étant, quelle mouche a donc piqué Pierre Hérisson depuis la semaine dernière ? §
Nouveaux sourires.
Quelle est la raison de ce soudain revirement ? Nous pouvons raisonnablement penser, tant c’est logique, que c’est la concertation avec l’auteur de la proposition de loi. Toutefois, s’agit-il de la seule explication ?
Mes chers collègues, je vous demande d’y réfléchir.
Quoi qu’il en soit, avant de nous prononcer définitivement sur cette proposition de loi, nous attendrons de constater que les bonnes intentions manifestées ce matin sont confirmées.
M. Roland Courteau applaudit.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur des télécommunications constitue un merveilleux exemple de l’incapacité du marché à susciter une véritable concurrence qui, à défaut de servir l’intérêt général, profiterait au moins un peu aux consommateurs.
L’ouverture du secteur à la concurrence, notamment en ce qui concerne la téléphonie mobile, a très vite donné lieu à des condamnations du Conseil de la concurrence concernant les trois opérateurs principaux.
Dès la fin des années 1990, l’autorité administrative indépendante dénonçait les ententes commerciales, établies à travers l’existence de documents manuscrits mentionnant de manière explicite un « accord » entre les trois opérateurs. Elle signalait l’existence d’une « pacification du marché », ou encore de ce que l’on avait appelé un « Yalta des parts de marché », et décrivait les similitudes relevées au cours de cette période dans les politiques commerciales des opérateurs, notamment en matière de coûts d’acquisition et de tarification des communications.
Dans ce contexte de déséquilibre dans les relations commerciales, le Gouvernement a fait le choix d’un droit peu contraignant, accompagné d’un code de bonne conduite. Ce fut le cas, dans d’autres secteurs, avec la loi de modernisation de l’économie, mais également avec la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche.
Bien entendu, cette politique ne fonctionne pas, et il n’est guère étonnant de voir l’ARCEP conclure, deux ans après l’entrée en vigueur de la loi Chatel, que « les dispositions de la loi n’ont été que partiellement appliquées par les opérateurs et [que] les modalités de leur mise en œuvre appellent certaines critiques ».
Cette instance constate également que la concurrence demeure limitée, les consommateurs restant majoritairement engagés pour des périodes longues chez leurs opérateurs.
On se souvient par ailleurs des engagements sans lendemain de la grande distribution envers les producteurs. Dès lors, vous comprendrez que les accords du 23 septembre 2010 entre le secrétaire d’État chargé du commerce et de la consommation, Hervé Novelli, et la Fédération française des télécoms, nous laissent dubitatifs.
Aujourd’hui, nous constatons que la concurrence libre et non faussée n’a pas su démocratiser l’accès aux nouvelles technologies, pas plus qu’elle n’a favorisé un développement équitable et harmonieux des infrastructures et des réseaux sur l’ensemble du territoire.
Les lacunes du service universel, comme les offres spéciales RSA, montrent à quel point il est fait peu de cas de la situation des plus démunis de nos concitoyens, auxquels on demande encore de payer pour un service très réduit.
Nous avons eu de nombreux débats sur le thème des télécommunications au Sénat. Voilà un an, Michel Mercier, alors ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, qui présidait le comité de pilotage du plan « Zones blanches téléphonie mobile », évoquait « son objectif de faire bénéficier tous les Français du très haut débit fixe et mobile, y compris dans les zones rurales, car les standards de vie urbains sont désormais partagés par l’ensemble de la population ».
Si des progrès ont été peu à peu réalisés, des zones blanches existent encore et le désengagement de l’État pèse lourdement sur les collectivités territoriales.
Mes chers collègues, arrêtons-nous sur l’exemple du déploiement de la fibre optique jusqu’à l’abonné, qui prend tout son intérêt dans le contexte des offres groupées.
L’appétence des opérateurs alternatifs pour la mise en place de réseaux de fibre optique jusqu’à l’abonné dans les zones denses trouve sa source dans des considérations économiques. Comme le note très justement l’ARCEP, ces entreprises préfèrent investir dans une infrastructure propre plutôt que de payer des sommes importantes à France Télécom – plus d’un milliard d’euros par an – pour la location de son réseau de cuivre, notamment au titre du dégroupage.
En revanche, dans le cadre du programme national « Très haut débit » du Gouvernement, les collectivités territoriales sont amenées à jouer un rôle dans le déploiement de la fibre, en particulier dans les zones non rentables, dites « zones III ». En bref, on leur demande de financer des opérations d’aménagement qui sont incompatibles avec les logiques de rentabilité des opérateurs privés.
On assiste toujours au même scénario : on ouvre à la concurrence des secteurs clés pour l’économie et la vie de nos concitoyens au profit des intérêts privés, et les collectivités doivent payer pour préserver l’intérêt général.
La proposition de loi de nos collègues du groupe du RDSE s’inscrit dans ce contexte de contrôle du marché par un oligopole privé. Elle vise à protéger les consommateurs contre des pratiques abusives des opérateurs, mais également à éviter que certains opérateurs, plus installés, ne profitent trop de leur position sur le marché. Cette proposition tente, en quelque sorte, d’instaurer une véritable concurrence.
Si nous partageons le constat dressé par les auteurs du texte, nous considérons, pour notre part, que la réponse se trouve dans un autre système économique, qui passe par une maîtrise publique du secteur et un réengagement de l’État dans l’aménagement de son territoire.
Je voudrais exposer ici, en quelques mots, notre avis sur les dispositions de la proposition de loi. Nous aurons l’occasion de revenir, au cours du débat, sur les amendements de la commission des affaires économiques.
L’article 1er de la proposition de loi interdit aux exploitants de réseaux de télécommunications de restreindre ou de refuser la connexion des équipements terminaux de télécommunications. Il reprend notamment les dispositions de l’alinéa 3 de l’article 7 de la directive européenne concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité.
Il aurait peut-être été opportun de viser tous les équipements connectables aux réseaux de télécommunications, pour être certains que la législation s’applique aux autres équipements connectables, comme les tablets.
L’article 2 est très intéressant. Il fait aux ententes qui existent entre les opérateurs et les constructeurs. En interdisant aux fabricants d’équipements de terminaux de télécommunications de refuser l’accès de leurs équipements à certains exploitants, bien que le choix de ce déterminant soit ambigu, les auteurs de la proposition de loi entendent mettre un terme aux accords d’exclusivité. Cette disposition pourra-t-elle, à terme, profiter au consommateur ?
Enfin, l’article 3 prévoit la gratuité du déverrouillage d’un téléphone mobile acquis dans le cadre d’un réengagement d’abonnement pour un an ou plus. Nous regrettons que cet article modifie l’article L. 35-5 du code des postes et des communications électroniques et qu’il concerne seulement le service universel, ce qui limite sérieusement le dispositif.
Par ailleurs, d’après l’association UFC-Que choisir, le simlockage a été conçu comme une possibilité transitoire dans l’attente de solutions efficaces contre le vol des terminaux. Or, depuis 1998, d’importants progrès ont été réalisés et n’ importe quel téléphone peut désormais être bloqué ou débloqué à distance. Il suffit, pour cela, de communiquer son numéro IMEI, pour International Mobile Equipment Identity, à son opérateur.
Par conséquent, le simlockage du téléphone mobile n’est plus nécessaire pour le protéger du vol. En outre, le blocage technique, via l’utilisation du numéro IMEI, est plus efficace, puisque le simlockage permet toujours d’utiliser le téléphone sur le réseau de l’opérateur qui l’a vendu au consommateur. Nous nous interrogeons donc sur la nécessité de maintenir cette pratique.
En conclusion, si nous saluons l’initiative de nos collègues du RDSE, nous considérons que la proposition de loi ne répond que partiellement aux nombreuses préoccupations des consommateurs.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pallier le manque de transparence dans les pratiques entre les fabricants et les exploitants de réseaux de télécommunications et clarifier la législation en vigueur, tel est l’objectif de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
Nous tenons donc à saluer l’initiative de M. Daniel Marsin, auteur de la proposition de loi, visant la protection des consommateurs en matière de téléphonie mobile. Notre collègue soulève, avec raison, la problématique des relations entre les utilisateurs de services de téléphonie mobile et les constructeurs et opérateurs les leur fournissant.
Le premier volet de ce texte concerne le manque de transparence dans les pratiques entre les fabricants et les exploitants de réseaux de télécommunications, qui peut léser l’abonné quant à l’utilisation de son téléphone mobile.
En effet, tous les téléphones n’ont pas accès à tous les réseaux de télécommunications, et, inversement, tous les réseaux de télécommunications ne sont pas ouverts à tous les téléphones.
Dans ce domaine, la directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 9 mars 1999, transposée partiellement en 2001, prévoit que les États membres « veillent à ce que les exploitants de réseaux publics de télécommunications ne refusent pas la connexion des équipements terminaux de télécommunications aux interfaces appropriées pour des raisons techniques ». Cela signifie que tous les opérateurs doivent permettre l’accès de leur réseau à tous les appareils de téléphonie mobile, quel que soit le constructeur.
Pourtant, l’inverse n’est pas vrai : un fabricant de téléphones mobiles peut interdire l’accès de ses appareils à certains opérateurs. À ce titre, l’exemple de l’iPhone est remarquable. Le fabricant l’avait verrouillé pour qu’il soit techniquement inaccessible aux opérateurs virtuels, c’est-à-dire aux opérateurs qui n’avaient pas leur propre réseau, contrairement à Bouygues Télécom, France Télécom ou SFR.
C’est pourquoi les articles 1 et 2 de la proposition de loi visent à interdire, d’une part, aux opérateurs de téléphonie mobile de refuser l’accès de leur réseau à certains fabricants de mobiles, et, d’autre part, aux fabricants de mobiles de refuser l’accès de leurs appareils à certains opérateurs de téléphonie mobile.
Le rapporteur de la commission a fait observer avec pertinence que les dispositions de l’article 1er étaient déjà satisfaites par les mesures réglementaires en vigueur. Il propose également, avec sagesse, de renvoyer les dispositions de l’article 2 à un rapport, qui pourrait donner lieu à l’adoption d’un texte plus adapté aux caractéristiques économiques du secteur des télécommunications.
Le second volet de la proposition de loi concerne les pratiques abusives des exploitants de réseaux de télécommunications, qui font payer des frais importants de déverrouillage du téléphone nouvellement acquis, dans le cadre d’un réengagement d’une durée supérieure ou égale à douze mois.
Ainsi, dans le cadre de l’utilisation de points de fidélité et d’une somme d’argent prédéfinie, il est alors possible pour l’abonné de changer son mobile, tout en gardant le bénéfice de son contrat, moyennant un réengagement de douze ou de vingt-quatre mois.
Le nouveau téléphone acquis appartient à l’utilisateur qui en est l’unique propriétaire : libre à lui de s’en servir comme bon lui semble. Pourtant, dans la pratique, l’utilisation de ce mobile est restreinte par l’opérateur, puisque le téléphone est verrouillé : l’utilisateur ne peut insérer dans son appareil que la carte SIM de l’opérateur avec lequel il est engagé. Si l’utilisateur veut utiliser la carte SIM d’un opérateur différent, il doit alors faire déverrouiller son téléphone. Son choix se limite alors à deux possibilités : soit il attend l’expiration d’un délai de six mois, pour que ce déverrouillage se fasse gratuitement, soit il n’attend pas six mois, et il doit alors payer les frais de déverrouillage.
Les opérateurs de téléphonie mobile rattachent l’usage de la procédure de déverrouillage à différents arrêtés leur permettant d’utiliser et d’exploiter un réseau de radiotéléphonie publique. Selon ces arrêtés, dans le cadre de la conclusion d’un contrat, il est prévu que le déverrouillage des téléphones ne peut se faire gratuitement qu’à l’issue d’un délai de six mois, justifié par les mesures que peut prendre l’opérateur, visant à assurer la protection contre le vol des terminaux destinés à être connectés à son réseau.
Toutefois, que se passe-t-il dans le cadre d’un renouvellement de contrat entre l’abonné et son opérateur, moyennant l’utilisation de points, complétée par une somme d’argent pour l’achat d’un nouveau mobile ? Le nouveau téléphone est verrouillé, alors qu’il s’agit non pas d’un nouveau contrat, mais bien d’une prolongation du contrat initial. Se pose alors la question de la légalité de la procédure imposée par l’opérateur.
En effet, dans les conditions générales de vente et de services, il n’est nullement indiqué que le mobile acquis par l’utilisation de points de fidélité et le paiement d’une somme d’argent est verrouillé et qu’il faut engager des frais supplémentaires pour le déverrouiller avant l’expiration d’un délai de six mois. En outre, la référence aux arrêtés précités ne peut jouer dans la mesure où il ne s’agit pas de la conclusion d’un nouveau contrat.
Dès lors que le mobile est devenu la propriété de l’utilisateur, ses conditions d’utilisation ne peuvent être restreintes, puisque l’abonné est déjà sous contrat depuis plus de douze ou vingt-quatre mois et s’engage une nouvelle fois à prolonger son contrat de douze ou vingt-quatre mois supplémentaires.
Observons que, sur ce point, un juge de proximité a récemment tranché cette question, en considérant que l’opérateur devait déverrouiller gratuitement le téléphone de l’abonné. S’il n’y a pas souscription d’un nouvel abonnement, le déverrouillage ne doit donc pas être facturé.
Afin de clarifier la législation en vigueur et de mettre un terme à cette pratique des opérateurs de téléphonie mobile, l’article 3 de la proposition de loi impose la gratuité du déverrouillage d’un mobile lorsqu’il est acquis dans le cadre d’un réengagement d’une durée supérieure ou égale à douze mois, en utilisant ou non des points de fidélité, complétés ou non par une somme d’argent.
Le rapporteur de la commission propose, pour sa part, de ne pas imposer le déverrouillage immédiat en cas de renouvellement d’abonnement. Il estime, en effet, dans sa sagesse, que laisser une courte période de verrouillage doit permettre, en contrepartie, aux consommateurs d’obtenir des offres commerciales avantageuses de la part des opérateurs.
La téléphonie mobile connaît un succès commercial gigantesque et elle est à la pointe de la technologie. Les fabricants de téléphones mobiles, comme les exploitants de réseaux de télécommunications, cherchent à séduire de futurs clients ou à fidéliser leurs abonnés par une offre toujours plus étendue, en matière tant de services offerts que d’équipements.
Si le futur client ou l’abonné ne peut que s’en féliciter, il se heurte aussi rapidement aux limites du système. C’est pourquoi cette proposition de loi devrait mieux le protéger et donc le rassurer.
Les amendements présentés par la commission de l’économie, sur l’initiative de son rapporteur, notre collègue Pierre Hérisson – auquel nous tenons à rendre hommage pour ses grandes compétences dans ce domaine –, nous semblent tout à fait pertinents. Ils améliorent significativement le texte de la proposition de loi et la complète utilement par des articles additionnels. Ces amendements tendent tous à un renforcement des droits des consommateurs face aux opérateurs. C’est la raison pour laquelle nous y apporterons notre entier soutien.
Monsieur le ministre, avec mes collègues du groupe UMP, nous voterons cette proposition de loi, modifiée et complétée par la commission. Elle concerne, je le rappelle, plus de 61 millions d’abonnés mobiles. Nous souhaitons que ce texte soit adopté à l’unanimité de cette assemblée.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le ministre, je vous rappelle que le temps imparti à la discussion de cette proposition de loi sera épuisé à dix-huit heures trente. Dans la mesure où il semble qu’un réel consensus se dégage sur ce texte, j’invite chacun d’entre vous à un effort de concision, les auteurs d’amendements identiques pouvant, par exemple, s’en remettre à l’argumentaire de leurs collègues. Peut-être le Sénat pourrait-il, alors, être en mesure d’adopter ce texte avant dix-huit heures trente. Il serait en effet dommage pour notre collègue Daniel Marsin de devoir couper la discussion de cette proposition de loi.
La parole est à M. le ministre.
Je vais faire un effort de brièveté, car je souhaite, moi aussi, conduire cet examen à son terme.
Monsieur Maurey, M. Frédéric Lefebvre n’est pas présent cet après-midi, car il est hospitalisé.
Selon les dernières nouvelles qui m’ont été communiquées, son état s’est amélioré, et nous nous en réjouissons, mais il devrait toutefois rester à l’hôpital jusqu’à la fin de la semaine.
J’en reviens à la proposition de loi. La couverture 2G est bien supérieure à celle que vous avez indiquée, monsieur le sénateur. Elle concerne 99, 82 % de la population, même si certaines zones sont moins bien traitées que d’autres.
Tous les opérateurs se sont engagés, au milieu de l’année 2010, à atteindre, à la fin de 2013, une couverture 3G équivalente à celle de la 2G aujourd’hui, ce qui va bien au-delà de leurs obligations.
La mesure de la couverture par le réseau mobile est transcrite sur des cartes accessibles à la population, et soumises à des contrôles réalisés chaque année selon un protocole établi par l’ARCEP, qui se montre très vigilante sur ce sujet.
Monsieur Maurey, vous souhaitez qu’une commune soit considérée comme couverte lorsque tout son territoire est couvert, et pas seulement le haut de son clocher, sur lequel doit monter le pauvre maire pour avoir une accroche au réseau. §Cette mesure n’est prise en compte que dans le cadre du plan de couverture des zones blanches. Il s’agit d’une démarche concertée avec les opérateurs qui va bien au-delà de leurs obligations de couverture. Cette précision me semble importante.
L’attribution des licences 4G fera l’objet d’un appel à candidatures lancé au début de l’année 2011. M. Éric Besson a récemment annoncé que cette opération sera lancée en janvier ou en février prochain, en fonction de l’état d’avancement de la proposition de l’ARCEP. Notre objectif est d’attribuer ces licences au plus tard durant l’été 2011. Nous sommes donc parfaitement dans les temps.
Conformément aux dispositions de la loi sur la lutte contre la fracture numérique, les conditions d’attribution tiendront prioritairement compte des impératifs d’aménagement du territoire. Le fait que le ministère de l’aménagement du territoire ait fusionné avec le ministère de l’agriculture, de l’alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l’aménagement du territoire est plutôt un bon signe, qui démontre l’intérêt que le Gouvernement porte à la cohésion des actions qui sont conduites dans le domaine du monde rural. Pour ma part, j’avais des raisons d’être favorable à ce regroupement.
En matière de couverture, les obligations existent à l’échelon national et sont envisagées pour les départements. En matière de partage des infrastructures, elles sont à l’étude pour les zones les moins denses. Ces nouvelles obligations permettront de résorber en partie les zones grises de la téléphonie mobile.
Dans l’optique de l’action n° 1 du plan France numérique 2012, le Gouvernement a lancé, en décembre 2009, le label « haut débit pour tous », qui vise à identifier les offres disponibles sur l’intégralité du territoire, à un coût raisonnable, en proposant des conditions techniques satisfaisantes. À ce jour, quatre offres se sont vu décerner ce label. J’ajoute, dans un souci de précision, que les offres, qui s’appuient sur une technologie satellitaire, offrent un débit de 2 mégabits par seconde, pour un coût mensuel de moins de 35 euros, avec des frais initiaux d’installation inférieurs à 100 euros. L’action n° 1 a donc bien été mise en œuvre, ce qui devrait vous rassurer, monsieur Maurey.
Monsieur le sénateur, vous avez également soulevé la question, importante, de la couverture des zones grises, dans lesquelles seuls un ou deux opérateurs sont présents. Il est en effet souhaitable d’avancer sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a engagé des travaux avec l’ARCEP.
Je vous mets en garde, parce que fixer à trop court terme des objectifs trop ambitieux, pourrait avoir deux effets.
Le premier serait de multiplier rapidement le nombre d’antennes dans nos villes et nos villages. Vous connaissez les difficultés que rencontrent les élus – je suis moi-même élu local – pour installer des antennes du fait de la réticence de la population. Il serait souhaitable à cet égard de disposer d’informations précises sur les dangers supposés de ces installations afin de pouvoir rassurer la population.
Le second effet serait l’augmentation des tarifs des abonnements, qui risque en effet d’intervenir. Il faut donc avancer avec prudence.
Monsieur Teston, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le Gouvernement reste vigilant quant aux accords d’exclusivité conclus entre les opérateurs et les fabricants de terminaux. L’Autorité de la concurrence, saisie sur ce sujet, a posé certaines conditions à la validité de ces accords.
Il ne paraît pas souhaitable de légiférer sur ce sujet difficile et technique. Des travaux sont en cours au niveau européen, qui me paraît être le bon niveau pour traiter certaines questions, notamment celle de la prise universelle de recharge, je vous l’ai dit tout à l’heure en aparté, je vous le répète en séance publique. Le marché des terminaux est de dimension européenne. Obliger les fabricants à concevoir des terminaux pour le seul marché français aurait des conséquences graves pour les opérateurs et provoquerait un renchérissement du prix des terminaux pour les utilisateurs français. Je suis certain que ce n’est pas votre objectif. Et ce n’est pas non plus ce que souhaite le Gouvernement.
La prise universelle fait l’objet de discussion sur le plan européen. C’est de là qu’il faut attendre la bonne solution, et j’espère qu’elle interviendra le plus vite possible. Le Gouvernement français se bat dans ce sens.
Mmes Terrade et Des Esgaulx ont abordé des sujets similaires. Le Gouvernement partage leur souhait d’offrir à nos compatriotes des produits de téléphonie mobile efficaces et peu coûteux. Mais ce vœu n’est pas facile à concrétiser. Il faut tenir compte, d’une part, de la situation du marché national et, d’autre part, des conditions d’organisation sur le plan européen. Le marché est non seulement national, mais aussi européen et mondial. Veillons à ce que des intentions très généreuses, qui vont dans l’intérêt des consommateurs, ne se heurtent pas à des règles de marché ou à des réglementations extérieures.
Il ne faut pas bouleverser les équilibres des contrats liant les opérateurs avec les fabricants, d’une part, et avec les consommateurs, d’autre part. Le déverrouillage fait partie de ces équilibres, car il permet à certains consommateurs d’acquérir à moindre coût des terminaux mobiles performants et innovants.
Mesdames, messieurs les sénateurs, en définitive, nous avons tous le même objectif. Le Gouvernement vous demande simplement d’être vigilants, afin d’éviter que vos bonnes intentions restent sans effet. Il faut cheminer avec prudence, dans le respect des réglementations européennes et des règles des marchés internationaux.
Tel est le cadre dans lequel doit se placer notre discussion. Tous animés des mêmes intentions, je suis persuadé que nous pourrons prendre des décisions efficaces, qui marqueront un progrès.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.
L’article L. 33-1 du code des postes et des communications électroniques est complété pour un paragraphe ainsi rédigé :
« V. - Il est interdit aux exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public et fournissant au public des services de communications électroniques de restreindre ou de refuser la connexion des équipements terminaux de télécommunication, sauf si cette restriction ou ce refus est demandé par les services de l’État pour les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique. »
L'amendement n° 2, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Pierre Hérisson.
L’article 1er vise à établir une interopérabilité entre les terminaux mobiles et les réseaux des opérateurs. Cependant, l’article R. 20-22 du code des postes et des communications électroniques, transposant la directive européenne du 9 mars 1999, prévoit déjà cette interopérabilité. Dès lors, cet article peut être supprimé.
Notre groupe s’est abstenu en commission sur cet amendement, car il préfère le texte de Daniel Marsin aux dispositions réglementaires existantes. Dans un souci de cohérence, il s’abstiendra également lors du vote en séance publique.
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié, est présenté par MM. Le Grand et Maurey et Mme Des Esgaulx.
L'amendement n° 13, est présenté par MM. Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 15 rectifié, présenté par MM. Mayet et Pinton, Mmes Procaccia et Lamure, MM. Huré, Dulait et P. Blanc, Mme Sittler, MM. Pillet, Belot, B. Fournier, Pierre, Milon, Doligé, Houel, Bailly et Bizet, Mmes Mélot et Rozier, MM. Pointereau, Lefèvre, Leroy, Cambon, Doublet, de Legge et Vial, Mme Bout et MM. Laurent, du Luart et Cléach.
Ces amendements sont ainsi libellés.
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 33-7 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques et les opérateurs de communications électroniques sont tenus de détenir les informations relatives à l'implantation et au déploiement de leurs infrastructures et de leurs réseaux sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans des systèmes d'informations géographiques et suivant un format largement répandu, avant le 31 décembre 2011. »
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 8 rectifié.
Dans un souci de concision, je présenterai en même temps les amendements n° 8 rectifié et n° 9 rectifié.
Monsieur le ministre, je suis au regret de vous indiquer que votre propos ne m’a pas rassuré, au contraire. J’y ai trop entendu le discours des opérateurs, qui consiste à dire : « Tout va très bien, madame la marquise ! »
Demandez à nos collègues, qu’ils siègent à droite ou à gauche de cet hémicycle, s’ils considèrent que tout va bien en matière de téléphonie mobile et d’internet. Ils vous répondront que ce n’est malheureusement pas le cas. Peut-être ne rencontrez-vous pas de difficultés dans les Hauts-de-Seine, mais je puis vous assurer que les problèmes sont réels dans les Hautes-Alpes ou dans d’autres départements.
J’en viens aux amendements n° 8 rectifié et 9 rectifié. La loi de modernisation de l’économie a introduit, dans le code des postes et des communications électroniques, le droit pour l’état et les collectivités locales d’accéder à la connaissance des réseaux. À la suite du décret qui a été pris, la Fédération française des télécommunications, la FFT, a commencé par mettre en avant le caractère inconstitutionnel de cet accès au réseau. Heureusement, elle n’a pas été suivie par le Conseil d’État. Celui-ci a toutefois annulé le décret, considérant qu’il allait au-delà des préconisations de la loi, cette dernière n’ayant pas expressément prévu la possibilité de communiquer des données à un tiers ni le format dans lequel ces données devaient être transmises.
L’amendement n° 8 rectifié vise à définir le format dans lequel ces données sont communiquées pour qu’elles soient utilisables par les collectivités compétentes en matière d’aménagement du territoire.
L’amendement n° 9 rectifié tend à autoriser la communication à un tiers de ces données.
Ces deux amendements ont donc pour objet de reprendre les dispositions du décret qui a été annulé.
La parole est à M. Jean-François Mayet, pour présenter l’amendement n° 15 rectifié.
Nous souhaitons que les collectivités territoriales détiennent les fichiers définitifs et que la matérialisation soit numérique, car c’est la seule façon d’en assurer la sécurité, la qualité, la précision, et j’ai envie de dire, la loyauté.
Il va y avoir de nombreux appels d’offres. Il revient aux collectivités territoriales, qui vont être maître d’œuvre, d’assurer une concurrence loyale entre tous les opérateurs. Elles doivent donc détenir l’ensemble des données, car les réseaux font partie de la cartographie d’une région.
L’amendement n° 16 rectifié répond aux mêmes préoccupations.
Cet amendement, comme les deux suivants, donne très opportunément aux acteurs de l’aménagement numérique du territoire la possibilité d’utiliser les données détenues par les gestionnaires d’infrastructures et de réseaux de communication électronique.
Cet usage sera essentiel dans la perspective de la montée en débit et de la couverture progressive en très haut débit, dont nous aurons prochainement à reparler ici-même. Cependant, au regard des contraintes techniques que représente la numérisation des données pour les opérateurs, il nous paraît sage de reporter d’un an la date prévue, du 31 décembre 2011 au 31 décembre 2012.
Si les amendements sont rectifiés en ce sens, la commission y sera favorable.
Monsieur Maurey, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens proposé par M. le rapporteur.
Je suis saisi donc de trois amendements identiques.
L'amendement n° 8 rectifié bis est présenté par MM. Le Grand et Maurey et Mme Des Esgaulx.
L'amendement n° 13 rectifié est présenté par MM. Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 15 rectifié bis est présenté par MM. Mayet et Pinton, Mmes Procaccia et Lamure, MM. Huré, Dulait et P. Blanc, Mme Sittler, MM. Pillet, Belot, B. Fournier, Pierre, Milon, Doligé, Houel, Bailly et Bizet, Mmes Mélot et Rozier, MM. Pointereau, Lefèvre, Leroy, Cambon, Doublet, de Legge et Vial, Mme Bout et MM. Laurent, du Luart et Cléach.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le premier alinéa de l'article L. 33-7 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les gestionnaires d'infrastructures de communications électroniques et les opérateurs de communications électroniques sont tenus de détenir les informations relatives à l'implantation et au déploiement de leurs infrastructures et de leurs réseaux sous forme de données numériques vectorielles géolocalisées pouvant être reprises dans des systèmes d'informations géographiques et suivant un format largement répandu, avant le 31 décembre 2012. »
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Monsieur Hervé Maurey, je ne veux pas créer une polémique entre nous, mais je constate notre désaccord. Je pourrais vous répondre que le parc des Écrins, qui couvre une surface de 100 000 hectares, n’est pas habité, sauf par les chamois, mais ces derniers n’ont pas besoin de téléphones mobiles pour correspondre entre eux. Je connais bien ce territoire, que j’ai représenté à l’Assemblée nationale pendant vingt ans.
Plus sérieusement, 99 % de la population, cela ne correspond pas à 99 % du territoire. Or, je raisonne en termes de population, et vous de territoire.
Vous n’avez certainement pas tort, mais il faut reconnaître que des efforts importants ont été faits pour couvrir une très grande partie de la population. Il subsiste certes des zones d’ombre sur notre territoire, mais elles seront progressivement desservies.
Afin de lever un suspens devenu insoutenable, je vous indique sans plus attendre que le Gouvernement est favorable à ces trois amendements, rectifiés à la demande de M. le rapporteur. En effet, la constitution de données numériques vectorielles géolocalisées est un exercice est très couteux pour les opérateurs. Mais de telles données permettent une meilleure exploitation par les collectivités et ces informations nous semblent donc nécessaires.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 8 rectifié bis, 13 rectifié et 15 rectifié bis.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 rectifié est présenté par MM. Le Grand et Maurey et Mme Des Esgaulx.
L'amendement n° 14 est présenté par MM. Teston, Guillaume et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 16 rectifié est présenté par MM. Mayet et Pinton, Mmes Procaccia et Lamure, MM. Huré, Dulait et P. Blanc, Mme Sittler, MM. Pillet, Belot, B. Fournier, Pierre, Milon, Doligé, Houel, Bailly et Bizet, Mmes Mélot et Rozier, MM. Pointereau, Lefèvre, Leroy, Cambon, Doublet, de Legge et Vial, Mme Bout et MM. Laurent, du Luart et Cléach.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase de l'article L. 33-7 du même code, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Ces informations peuvent être communiquées à un tiers concourant à l'aménagement du territoire avec lequel ils sont en relation contractuelle. »
La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié.
La parole est à M. Jean-François Mayet, pour présenter l’amendement n° 16 rectifié.
L’adoption de ces amendements identiques ouvrirait utilement la possibilité aux personnes publiques d’échanger avec leurs prestataires des informations sur les équipements de communication électronique, facilitant ainsi leur mission d’aménagement du territoire. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur ces amendements.
Permettez-moi d’expliciter l’avis du Gouvernement.
L'article L. 33-7 du code des postes et des communications électroniques impose aux opérateurs de fournir aux collectivités, à leur demande et à titre gratuit, des informations relatives à l’implantation et au déploiement de leurs réseaux sur le territoire concerné.
À la suite d’une requête déposée par la Fédération française des télécommunications et des communications électroniques, le Conseil d’État a partiellement annulé le décret n° 2009-167 du 12 février 2009 pris en application de l'article L. 33-7 au motif notamment que le pouvoir réglementaire n’était pas fondé à prévoir une communication des données à des tiers.
Cet amendement vise à inscrire dans la loi une disposition du décret ayant été annulée par le Conseil d’État. La communication des données à des prestataires spécialisés est indispensable pour la réalisation des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique. Les données reçues peuvent en effet être difficiles à exploiter : il serait contre-productif que les prestataires chargés d’assister les collectivités dans la préparation de ces schémas ne puissent pas s’appuyer sur ces données.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis favorable sur ces trois amendements identiques.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 9 rectifié, 14 et 16 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 25, présenté par M. Sido, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après l'article L. 34-8-3 du même code, il est inséré un article L. 34-8-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 34-8-4- Les zones, incluant les centre-bourgs ou des axes de transport prioritaires, non couvertes par tous les opérateurs de radiocommunications mobiles de deuxième génération, sont couvertes en services de téléphonie mobile de deuxième génération de voix et de données par l'un de ces opérateurs chargé d'assurer une prestation d'itinérance locale, dans les conditions prévues par l'article L. 34-8-1.
« Par dérogation à la règle posée à l'alinéa précédent, la couverture en téléphonie mobile dans certaines zones est assurée, si tous les opérateurs de radiocommunications mobiles en conviennent, par un partage d'infrastructures entre les opérateurs.
« Les zones mentionnées au premier alinéa sont identifiées par les préfets de région en concertation avec les départements et les opérateurs. En cas de différend sur l'identification de ces zones dans un département, les zones concernées seront identifiées au terme d'une campagne de mesures conformément à une méthodologie validée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Le ministre chargé de l'aménagement du territoire rend publique la liste nationale des communes ainsi identifiées et la communique à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes.
« Sur la base de la liste nationale définie à l'alinéa précédent et dans les deux mois suivant sa transmission aux opérateurs par le ministre chargé de l'aménagement du territoire, les opérateurs adressent au ministre chargé des communications électroniques, au ministre chargé de l'aménagement du territoire et à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes un projet de répartition entre les zones qui sont couvertes selon le schéma de l'itinérance locale et celles qui sont couvertes selon le schéma du partage d'infrastructures, un projet de répartition des zones d'itinérance locale entre les opérateurs, ainsi qu'un projet de calendrier prévisionnel de déploiement des pylônes et d'installation des équipements électroniques de radiocommunication. Le ministre chargé des télécommunications et le ministre chargé de l'aménagement du territoire approuvent ce calendrier prévisionnel dans le mois suivant sa transmission par les opérateurs. L'Autorité de régulation des télécommunications se prononce sur les répartitions proposées, qui ne doivent pas perturber l'équilibre concurrentiel entre opérateurs de téléphonie mobile, dans le mois suivant leur transmission par les opérateurs. La couverture d'une commune est assurée dans les trois ans suivant son identification par le ministre chargé de l'aménagement du territoire.
« Le ministre chargé de l'aménagement du territoire fait rapport annuellement au Parlement sur la progression de ce déploiement. »
II. - À la première phrase du deuxième alinéa de l'article L. 34-8-1 du même code, les mots : « de deuxième génération » sont supprimés.
La parole est à M. Bruno Sido.
Je rappellerai d’abord le contexte dans lequel nous nous sommes intéressés à la couverture en téléphonie mobile, à partir des années 2002-2003. J’ai eu l’honneur de déposer à cette époque une proposition de loi relative à la couverture territoriale en téléphonie mobile de deuxième génération par la mise en œuvre prioritaire de prestations d’itinérance locale entre opérateurs, qui a été votée d’ailleurs à une très large majorité par notre assemblée, avant d’être transmise à l'Assemblée nationale.
Au mois de juillet 2003, un accord a été signé avec l’Assemblée des départements de France, l’Association des régions de France et Jean-Paul Delevoye, alors ministre de la fonction publique, de la réforme de l’État et de l’aménagement du territoire. Nous avions retenu comme point de réception, le centre-bourg, face à la mairie.
Cet accord a permis un développement de la couverture mobile en trois phases.
La première phase, payée par la puissance publique – départements, région, État – et l’Europe a consisté à réaliser l’installation de la moitié des pylônes nécessaires : il y en avait plus de 1 000.
La deuxième phase – il faut le rappeler, car on l’oublie souvent –a été financée par une baisse du montant de la redevance sur les opérateurs.
La troisième phase, qui est en cours d’achèvement, vise à couvrir les 300 communes qui n’étaient pas encore desservies, en installant les pylônes non utilisés.
Le critère retenu en 2003 était pertinent. Selon l’ARCEP, il a permis de couvrir 99, 8 % de la population. Cette donnée me semble erronée. Je veux bien admettre que 99, 8 % des personnes qui utilisent leur mobile en centre-bourg, face à la mairie, ont une couverture réseau, mais, dans beaucoup de communes considérées comme couvertes, c’est un des seuls points effectivement couverts. En ce sens, je rejoins la position de M. Maurey. En effet, si l’on retient ce pourcentage, seules 100 000 personnes ne bénéficient pas de la téléphonie mobile. En réalité, j’estime que ce sont plus d’un million de nos concitoyens – au bas mot ! – qui en sont privés !
Je ne parle pas des zones grises ; seules les zones blanches m’importent. Le fait d’être en zone grise est un moindre mal, même s’il est bien évident qu’il est préférable d’être en zone noire, là où sont présents les trois opérateurs, et bientôt les quatre.
Avec cet amendement, il ne s’agit de rien d’autre que de se « mettre au goût du jour ». En 2003, nous avions pour objectif de garantir une couverture en téléphonie mobile en centre-bourg, face de la mairie. Aujourd’hui, nous voulons, dans les trois ans – mais il faudra tenir compte des données géographiques –, couvrir toute la population grâce à la réalisation des schémas de partage des infrastructures et d’itinérance locale. Je parle bien de la population et non pas du territoire, monsieur Maurey. Sur ce point, je suis d’accord avec M. le ministre.
Les dispositions prévues par cet amendement sont assorties d’une méthodologie de mesures, selon que les zones sont couvertes ou non et en fonction de la qualité de la couverture. En effet, comment affirmer qu’une zone est couverte lorsque le témoin de réception est faible et qu’une seule barre apparaît sur le mobile, soit un cinquième du plein débit ? Aujourd'hui, il faut achever la couverture du territoire en deuxième et troisième générations, afin de pouvoir se lancer dans la quatrième génération. Je rappelle que les pylônes qui ont été installés serviront pour le développement de la 3G et de la 4G.
J’ajoute que les opérateurs ne se sont pas lancés dans la réalisation des schémas d’itinérance et de partage des infrastructures avec un grand enthousiasme : ils l’ont fait contraints et forcés. Et, pour tout dire, les mesures qui sont prises sur le terrain attestent qu’ils sont en permanence à la limite de la loi.
Enfin, monsieur le ministre, aux termes de l’accord qui a été conclu, il était prévu que les opérateurs remettent un rapport annuel sur chaque pylône installé dans le cadre des schémas d’itinérance ou de partage des infrastructures, pour indiquer s’ils étaient, ou non, rentables. Or, ces rapports n’ont jamais été transmis. Nous aimerions pourtant avoir des informations en la matière !
Bruno Sido vient d’exposer largement le bien-fondé de cet amendement, dont l’objet nous semble répondre à une préoccupation réelle de nombreux utilisateurs mais aussi d’élus, notamment en zones rurales : améliorer la couverture du territoire en réseau de téléphonie mobile.
Le rapport n’était pourtant pas difficile à rédiger sur les pylônes d’itinérance, compte tenu de leur faible nombre. L’adoption de cet amendement permettrait de répondre à cette demande. Notre patience a des limites.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Monsieur Sido, le consensus que nous avons obtenu peut-il tenir jusqu’au bout ?
Je comprends tout à fait vos préoccupations : elles sont légitimes. Pour avoir participé, depuis leur origine, aux travaux sur la couverture des zones blanches en téléphonie mobile, vous savez parfaitement combien ce sujet est sensible pour nos concitoyens et pour les élus de terrain. Le rapport que vous avez rédigé en 2003 en fait foi.
Vous le savez, des progrès très importants ont d’ores et déjà été accomplis en matière de couverture des zones blanches, mais cela ne doit pas nous empêcher de continuer à traiter la question des zones grises, qui est elle aussi très importante.
Le problème de la couverture se pose dans des termes différents selon que l’on est en zone blanche ou en zone grise. Si une zone est grise, c’est parce qu’un opérateur a déjà pris le risque d’y investir !
Pour les opérateurs, la couverture des territoires est un facteur de différenciation. À plusieurs reprises, la concurrence entre opérateurs en matière de couverture a constitué un puissant facteur d’accélération de leur déploiement, et ce au bénéfice des consommateurs.
Il est important de préserver cette notion d’incitation à investir pour les opérateurs, notamment dans la perspective du développement de la 4G. Il faut donc, dans un premier temps, que les zones blanches deviennent grises. À quel moment risque-t-on de dissuader les opérateurs d’investir ? Il faut prendre garde à ce risque, monsieur Sido. Il faut donc, pour les zones grises, trouver une voie intéressante pour les populations et équitable pour tous les opérateurs.
Monsieur Sido, vous êtes trop averti sur ce sujet pour ignorer que, dans cette perspective, le Gouvernement a déjà agi. Ainsi, dans le cadre du comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire du 11 mai dernier, c'est-à-dire tout récemment, il a demandé à l’ARCEP de travailler avec les opérateurs mobiles pour établir une feuille de route sur les zones grises. Ce document est en cours de rédaction : il se fixe comme objectif de couvrir d’ici à la fin de l’année 2013 – c’est demain ! – l’ensemble des zones grises avec au moins deux offres de service.
Compte tenu de la démarche qui vient d’être engagée, une disposition législative sur la couverture des zones grises paraît prématurée. Je vous propose de vous associer à la démarche engagée par l’ARCEP. La commission de l'économie – son président et vous-même, monsieur Sido – a déjà fait preuve de pugnacité dans ce domaine et, par le contrôle de l’exécution de la loi, vous avez parfaitement les moyens d’aider le Gouvernement et d’accompagner ce processus. Grâce à un partenariat avec les différents acteurs et les opérateurs, il sera plus facile de trouver une solution équitable pour toutes les parties, et qui réponde pleinement aux attentes des citoyens.
Il faut une démarche progressive. Elle est engagée. La volonté du Gouvernement sur ce sujet est forte, et je sais que vous la partagez. Je le répète, une disposition législative risquerait de déséquilibrer les discussions engagées. C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il y sera défavorable.
Oui, je le maintiens, monsieur le président.
Nous avons déjà trop discuté avec les opérateurs. Pour ma part, je m’intéresse essentiellement aux zones blanches. Elles sont encore trop nombreuses et les opérateurs ne veulent pas y investir. Si la loi ne les contraint pas, alors même que l’État a baissé le montant de la redevance dont ils doivent s’acquitter, la situation ne changera pas.
Ce texte sera examiné par l'Assemblée nationale avant de revenir au Sénat en deuxième lecture, puisque la procédure accélérée n’a pas été engagée. Je souhaite donc que la discussion continue. Il faut impérativement contraindre les opérateurs.
Je voterai cet amendement. Je me réjouis de l’initiative de Bruno Sido, qui va dans le bon sens, puisqu’elle vise à permettre que l’on dispose enfin d’une couverture satisfaisante du territoire.
J’observe que Bruno Sido dresse le même constat que moi quant à la réalité de la couverture du territoire et quant aux doutes que l’on peut tous nourrir sur les statistiques officielles.
En matière de téléphonie mobile, ce qui compte, ce sont les territoires. Avec un téléphone mobile, on est itinérant et on peut avoir besoin de joindre quelqu’un ou d’être joint, même dans une région où, paraît-il, ne vivent que des chamois !
Bruno Sido a rappelé les critères qui ont été définis en 2003 et confirmés en 2004 pour déterminer si une commune était couverte ou non en téléphonie mobile. Ces critères doivent aujourd'hui être révisés et modifiés. C'est la raison pour laquelle nous sommes favorables à l’adoption de cet amendement.
L'amendement est adopté à l'unanimité.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 10, présenté par MM. Marsin, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 34-9 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’exploitant d’un réseau ouvert au public ne peut s’opposer au raccordement à son réseau des équipements connectables ou terminaux conformes à des spécificités définies par décret en Conseil d’État et destinés à un usage adapté aux caractéristiques de son réseau. »
La parole est à M. Daniel Marsin.
Lors de l’examen des amendements en commission, ce matin, il m’a été démontré que la préoccupation que j’exprimais à travers cet amendement était satisfaite. Par conséquent, je le retire, monsieur le président.
L'amendement n° 26, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 34-9 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit aux fabricants d’équipements connectables aux réseaux de télécommunication de refuser l’accès de leurs équipements à certains opérateurs, sauf si ce refus est dû à des accords d’exclusivité provisoires de lancement conformes aux règles prescrites par le droit de la concurrence, ou demandé par les services de l’État pour les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement reprend les dispositions d’un sous-amendement déposé initialement par Daniel Marsin et écarté pour des raisons de procédure. Il tend à poser le principe selon lequel les constructeurs de terminaux mobiles ne peuvent rendre leurs appareils incompatibles avec certains réseaux, sauf dans les cas autorisés par le droit de la concurrence ou pour des raisons d’ordre public. Il s’agit d’éviter par exemple qu’un terminal comme l’iPhone soit incompatible avec les réseaux des opérateurs virtuels.
Cet amendement vise également à compléter utilement la rédaction proposée par la commission pour l’article 2, lequel renvoie à un rapport de l’ARCEP sur les sujets plus globaux de l’interopérabilité des terminaux et de la neutralité des réseaux.
Monsieur le rapporteur, le Gouvernement serait favorable à votre amendement sous réserve que vous acceptiez de supprimer, après les mots : « des accords d’exclusivité », les mots : « provisoires de lancement ».
Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de modifier votre amendement dans le sens proposé par M. le ministre ?
Je suis donc saisi d’un amendement n° 26 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, ainsi libellé :
Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 34-9 du code des postes et des communications électroniques est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit aux fabricants d’équipements connectables aux réseaux de télécommunication de refuser l’accès de leurs équipements à certains opérateurs, sauf si ce refus est dû à des accords d’exclusivité conformes aux règles prescrites par le droit de la concurrence, ou demandé par les services de l’État pour les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique. »
Je le mets aux voix.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, avant l'article 2.
Après le deuxième alinéa de l’article L. 34-9 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il est interdit aux fabricants d’équipements de terminaux de télécommunication de refuser l’accès de leurs équipements à certains exploitants de réseaux de télécommunication ouverts au public et fournissant au public des services de communications électronique, sauf si ce refus est demandé par les services de l’État pour les besoins de la défense nationale ou de la sécurité publique. »
L'amendement n° 3, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes remet au Gouvernement et au Parlement, au plus tard un an suivant la promulgation de la présente loi, un rapport sur les pratiques des fabricants d’équipements terminaux mobiles de communications électroniques concernant l’accès depuis leurs équipements aux services de communications électroniques et leur impact pour les consommateurs.
La parole est à M. le rapporteur.
Les accords exclusifs entre fabricants de mobiles et opérateurs, que l’article 2 de la proposition de loi tend à prohiber, ne doivent pas être a priori interdits. L’Autorité de régulation de la concurrence a ainsi considéré qu’ils pouvaient être admis à certaines conditions.
Or, l’ARCEP mène actuellement, à la demande du Gouvernement, des travaux sur l’encadrement de ces pratiques, ainsi que sur des problématiques liées plus largement à l’interopérabilité.
Il paraît donc préférable d’attendre leur publication et de prévoir qu’ils seront transmis au Gouvernement et au Parlement avant, le cas échéant, de légiférer en la matière.
Le sous-amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Alinéa 2 de l'amendement n° 3
Supprimer le mot :
mobiles
La parole est à M. Hervé Maurey.
Le seul objet de ce sous-amendement est la suppression du mot « mobiles » afin de viser l’ensemble des terminaux et d’élargir, ce faisant, le champ d’application de l’article.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 17 rectifié ?
Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 9 et sur le sous-amendement n° 17 rectifié ?
Comme M. le rapporteur l’a souligné, l’Autorité de régulation de la concurrence a récemment rappelé que les accords exclusifs entre fabricants de terminaux et opérateurs de réseaux peuvent présenter un intérêt économique sous certaines conditions. C’est donc un domaine sur lequel il convient d’être prudent avant de légiférer.
Demander à l’ARCEP de remettre un rapport sur les pratiques des fabricants de terminaux concernant l’accès depuis leurs équipements au réseau des opérateurs apparaît une approche appropriée avant d’envisager une éventuelle réglementation.
Le Gouvernement est favorable à l’amendement n° 3 et au sous-amendement n° 17 rectifié.
La parole est à M. Michel Teston, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 17 rectifié.
Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, il n’est pas si fréquent que la majorité sénatoriale demande que l’on rédige des rapports. Elle a plutôt pour habitude d’écarter nos demandes en disant que les rapports n’ont absolument aucun intérêt.
Vous en tirerez les conclusions que vous voudrez. En tout cas, nous ne nous opposerons pas à l’adoption du sous-amendement n° 17 rectifié, pas plus qu’à celle de l’amendement n° 3.
Le sous-amendement est adopté à l’unanimité des présents.
Je mets aux voix l'amendement n° 3, modifié.
En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé.
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ...- Les fabricants d'équipements terminaux de télécommunication sont tenus de mettre à disposition de l'utilisateur de leur équipement l'information sur les limitations éventuellement imposées lors de leur utilisation pour des services de communications électroniques au public. Ces informations précisent notamment si ces limitations diffèrent en fonction des exploitants de réseaux de communications électroniques ouverts au public ou des prestataires de services de la société de l'information qui fournissent ces services. »
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement vise à mettre à la disposition des utilisateurs d’équipements les informations relatives aux limitations des usages de ces équipements. Cela répond au souci de transparence affirmé au cours de la discussion générale par le rapporteur et par un certain nombre de nos collègues.
La commission est favorable à cet amendement qui introduit plus de transparence au profit des utilisateurs des terminaux portables.
Je comprends bien votre préoccupation, mais les restrictions d’usage concernent les différentes fonctionnalités des terminaux. Il est légitime qu’elles donnent lieu à une information adéquate des consommateurs.
Toutefois, dans la mesure où les restrictions d’usage sont le fait des opérateurs de communications électroniques, une telle information relève de la responsabilité non du fabricant, mais de l’opérateur. C’est là notre point de divergence.
L’obligation de transparence qui s’impose aux opérateurs de communications électroniques sera prochainement précisée par une réglementation nationale au titre de la transposition d’un ensemble de directives figurant dans ce que l’on appelle le « paquet Télécom ».
Monsieur le sénateur, parce que vous parlez des fabricants et non des opérateurs et parce que le « paquet Télécom » va remédier à la situation, je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
Si nous voulons que cette proposition atteigne le terme de la navette, il nous faut dégager un accord sur les points essentiels.
Monsieur le ministre, pour tenir compte de vos observations, je rectifie mon amendement en remplaçant les mots : « Les opérateurs » par les mots : « Les fabricants ». L’objectif de transparence est ainsi satisfait.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 19 rectifié bis, présenté par M. Maurey, ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 34-9-1 du code des postes et des communications électroniques, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. ...- Les opérateurs d'équipements terminaux de télécommunication sont tenus de mettre à disposition de l'utilisateur de leur équipement l'information sur les limitations éventuellement imposées lors de leur utilisation pour des services de communications électroniques au public. Ces informations précisent notamment si ces limitations diffèrent en fonction des exploitants de réseaux de communications électroniques ouverts au public ou des prestataires de services de la société de l'information qui fournissent ces services. »
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement rectifié ?
Dans la mesure la rectification apportée va dans le sens du Gouvernement, je m’en remets à la sagesse du Sénat.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.
Le deuxième alinéa de l’article L. 35-5 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Figure, également dans le cahier des charges, la gratuité du déverrouillage d’un appareil de téléphonie mobile, permettant d’accéder aux réseaux des différents opérateurs de téléphonie, dès lors que l’abonné a acquis cet appareil dans le cadre d’un réengagement d’abonnement d’une durée égale ou supérieure à 12 mois, nonobstant l’utilisation d’avantages de fidélité complétée ou non par une somme d’argent. »
L'amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article L. 121-84-10 du code de la consommation, il est inséré un article L. 121-84-11 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-84-11. - Tout opérateur de communications électroniques qui commercialise, avec ou sans durée minimum d’exécution du contrat, une offre de téléphonie mobile comprenant la fourniture d’un terminal verrouillé ou commercialise un tel terminal est tenu, dès la fin du troisième mois suivant l’acquisition :
« 1° De communiquer gratuitement au consommateur le code de déverrouillage du terminal selon les modalités choisies par l’abonné ;
« 2° De rendre facilement accessible et de manière intelligible la procédure de déverrouillage et les opérations associées, notamment par téléphone, dans les conditions prévues par l’article L. 121-84-5 du présent code, et dans le réseau de distribution de l’opérateur lorsque ce dernier en dispose. »
« 3° À la demande du consommateur, de déverrouiller gratuitement l’équipement terminal. »
« Ce délai de trois mois est ramené à deux mois en cas de renouvellement d'abonnement. »
La parole est à M. le rapporteur.
S’il peut être justifié, le verrouillage d’un terminal présente l’inconvénient d’induire un coût de sortie pour l’abonné souhaitant changer d’opérateur.
L’article 3 de la proposition de loi dispose que le déverrouillage des terminaux est gratuit lorsqu’il intervient dans le cadre d’un réengagement d’abonnement d’une durée égale ou supérieure à douze mois.
Le présent amendement prévoit, premièrement, que le verrouillage lors d’un abonnement initial ne peut durer que trois mois – ce n’est aujourd’hui qu’un engagement des opérateurs –, deuxièmement, que ce même verrouillage ne peut durer que deux mois en cas de réabonnement, troisièmement, que le déverrouillage, en cas d’abonnement comme de réabonnement, doit être gratuit, quatrièmement, enfin, que le consommateur doit se faire communiquer les informations pratiques lui permettant de procéder ou de faire procéder à ce déverrouillage.
La rectification de l'amendement vise à contraindre l'opérateur à procéder lui-même au déverrouillage, si le consommateur le lui demande.
Le sous-amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Marsin, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En cas de modification des termes du contrat liée à l'acquisition d'un nouvel équipement et aboutissant à un engagement sur une nouvelle durée minimum d'exécution, le déverrouillage de cet appareil s'effectue, dans les mêmes conditions, gratuitement et sans délai. »
La parole est à M. Daniel Marsin.
Par ce sous-amendement, nous souhaitons faire en sorte qu’en cas de réengagement, après une utilisation pendant une période de douze mois, voire plus, il soit procédé au déverrouillage de l’appareil gratuitement et sans délai.
Les auteurs de la proposition de loi proposaient qu’en cas de renouvellement d’abonnement, le déverrouillage soit immédiat. L’engagement des opérateurs de la Fédération française des télécommunications est de réduire ce délai à trois mois. La proposition que nous avions adoptée en commission la semaine dernière était de le ramener à deux mois. L’auteur du sous-amendement propose maintenant de revenir à la rédaction initiale de la proposition de loi, c’est-à-dire au déverrouillage immédiat.
Après avoir longuement réfléchi, il semble qu’aucun argument n’aille à l’encontre d’une telle proposition, au demeurant très favorable aux consommateurs. En effet, le blocage d’une ligne peut être fait à distance, ce qui ne correspond plus à la situation qui prévalait lorsque cette disposition a été instituée.
L’amendement n° 4 rectifié, modifié par le sous-amendement n° 11 rectifié, contribue à renforcer les droits du consommateur. Il s’agit d’une disposition de bon sens. Le Gouvernement, qui avait pensé s’en remettre à sagesse du Sénat, émet finalement un avis favorable sur le sous-amendement et sur l’amendement.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 11 rectifié.
Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié, modifié.
En conséquence, l'article 3 est ainsi rédigé.
L'amendement n° 6, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé : Le deuxième alinéa de l’article L. 121-84-5 du code de la consommation est complété par une phrase ainsi rédigée : « Aucun coût complémentaire autre que celui de la communication téléphonique ne peut être facturé pour ces services au titre de cette communication téléphonique. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à interdire la surfacturation des hotlines d’assistance téléphonique aux services d’accès à l’internet ou de téléphonie mobile.
La loi Chatel a encadré le recours aux numéros surtaxés pour les appels vers les hotlines d’assistance téléphonique des opérateurs de communications électroniques et les frais de résiliation. Le recours aux numéros surtaxés est désormais prohibé pour les appels vers les hotlines d’assistance téléphonique des opérateurs de communications électroniques et les frais de résiliation ne peuvent excéder les coûts effectivement supportés par l’opérateur au titre de la résiliation.
Cependant, certains fournisseurs d’accès à internet facturent des frais de prestations de service lorsque les clients appellent les hotlines. Ces frais s’ajoutent à la facturation de l’appel téléphonique et aboutissent, d’un point de vue financier, à une surfacturation pour le client.
Le présent amendement vient simplifier les dispositions existantes du code de la consommation afin de mettre un terme à ces pratiques, et garantit ainsi que le coût réel de ces hotlines pour les clients correspond effectivement au coût d’une communication normale.
Monsieur le rapporteur, je regrette que, dans l’exposé des motifs, vous utilisiez un terme anglais.
Je partage votre observation sur l’usage des termes anglais, monsieur le président.
Cet amendement permet de rendre effective l’avance sur facturation des « services d’assistance téléphonique »
Sourires.
Le Gouvernement estime que cette disposition est nécessaire. Il convient, en effet, de mettre fin à la distorsion de concurrence qui résulte du contournement de cette interdiction par certains opérateurs. Pour cette raison, je suis favorable à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 6.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 22, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 121-84-6 du code de la consommation est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « vingt-quatre » sont remplacés par le mot « douze » ;
2° Les troisième à cinquième aliénas sont supprimés.
La parole est à M. Hervé Maurey.
Comme vous le savez, l’ARCEP a remis au Parlement, le 30 juillet dernier, un rapport dressant le bilan de l’article 17 de la loi Chatel, du 3 janvier 2008.
Dans ce rapport, l’ARCEP fait part des difficultés qu’elle rencontre pour apprécier l’application de l’article L. 121-84-6 du code de la consommation, du fait de l’absence de définition juridique des modalités « non disqualifiantes » auxquelles le législateur a voulu faire référence pour qualifier les différences entre les offres prévoyant un engagement de 12 mois et celles qui comprennent un engagement de 24 mois.
Elle note, par ailleurs, que « les versions des offres avec une durée d’engagement de 24 mois sont très souvent mises plus particulièrement en avant, et que l’écart de prix entre les deux types d’offres, calculé de façon très peu transparente par les opérateurs, est souvent particulièrement élevé ».
Prenant acte de la non-adéquation du dispositif voté par le législateur avec les objectifs poursuivis, je propose de limiter la durée d’engagement à 12 mois.
L’amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :Avant le dernier alinéa de l’article L. 121-84-6 du code de la consommation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :« ...° De mettre à disposition des consommateurs, selon le support qu’ils auront choisi, un outil permettant d’évaluer le montant dû en cas de résiliation du contrat, et notamment, le cas échéant, le montant dû au titre de la fraction non échue de la période minimum d’exécution du contrat tel qu’il résulte des dispositions du présent article et, à la demande des consommateurs, au moins une fois par an, et à chaque évolution du contrat liant le consommateur à l’opérateur, les informations personnalisées nécessaires à l’utilisation de cet outil. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 22.
Je commencerai par donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 22.
La loi Chatel a imposé aux opérateurs de proposer, parallèlement à tout abonnement de téléphonie mobile de 24 mois, un abonnement de 12 mois à des conditions tarifaires non disqualifiantes. Le présent amendement vise à réduire à 12 mois la durée de ces abonnements ; il nous semble que cela va trop loin.
Supprimer les abonnements d’une durée supérieure à 12 mois revient à réduire considérablement le montant des subventions accordées par les opérateurs, ce qui aurait pour conséquence de renchérir d’autant le prix d’acquisition des terminaux. Il convient donc de laisser les consommateurs choisir la durée d’abonnement qu’ils souhaitent, au regard des avantages et inconvénients y afférents.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 22.
L’amendement n° 5 rectifié de la commission tend à imposer aux opérateurs d’informer les consommateurs sur les sommes qu’il leur reste à payer dans le cas d’une résiliation de leur contrat avant le terme de la période d’engagement.
Le sous-amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l'amendement n° 5
Remplacer les mots :
De mettre à disposition des consommateurs, selon le support qu’ils auront choisi,
par les mots :
D'informer le consommateur par un message électronique de la mise à leur disposition d'
La parole est à M. Hervé Maurey.
Ce sous-amendement vise à prévoir que l’obligation d’information proposée par le rapporteur prenne la forme d’un message électronique. Nous avons eu un débat sur ce sujet en commission, ce matin. J’avais proposé, initialement, que cette information se fasse par tout moyen choisi par le consommateur, mais il est apparu que cela pouvait donner lieu à un certain nombre de difficultés, voire d’abus. La commission a donc décidé qu’il valait mieux retenir la présente solution.
J’ai pris acte des arguments de M. le rapporteur sur mon amendement n° 22, mais je souhaite entendre l’avis du Gouvernement avant de prendre une décision.
Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 21 rectifié ?
Le Gouvernement partage le point de vue de la commission.
Monsieur Maurey, je comprends tout à fait que vous souhaitiez interdire aux opérateurs de communications électroniques de proposer des offres prévoyant un engagement d’une durée supérieure à 12 mois, et défendre ainsi les intérêts des consommateurs.
Toute modification de la législation sur les périodes d’engagement doit, toutefois, être mûrement réfléchie. Il faut penser aux effets collatéraux que provoquerait une telle décision. Ces pratiques touchent directement aux équilibres économiques des opérateurs sur le marché, dans la mesure où les périodes d’engagement reposent sur la contrepartie du subventionnement d’un terminal. Le consommateur bénéficie un prix d’achat attractif, en contrepartie, il s’engage sur une période donnée. L’interdiction faite aux opérateurs de proposer des contrats de 24 mois risque de remettre en cause ce mécanisme de subventionnement et de se traduire par des hausses de prix démesurées pour le consommateur. C’est ce que j’appelle un risque d’effet collatéral.
Votre intention est bonne, mais une telle mesure peut avoir des effets pervers. J’entends cependant votre préoccupation, monsieur le sénateur, et je souhaite que nous puissions mener prochainement ensemble, ainsi qu’avec les opérateurs, une réflexion approfondie sur l’articulation des durées d’engagement et des équilibres économiques de subventionnement des terminaux, dans le souci constant, que nous partageons tous, de la défense des consommateurs.
Je vous rappelle par ailleurs, et le rapporteur l’a également évoqué, que les opérateurs de la Fédération française des télécommunications ont pris récemment, le 23 septembre 2010, l’engagement d’offrir à leurs clients au moins une offre mobile, sans durée d’engagement. C’est un fait nouveau !
Le Gouvernement propose que cet engagement pris par les professionnels soit inscrit dans la loi, afin qu’il devienne une obligation, et vous demande de bien vouloir retenir le sous-amendement, qui va dans ce sens. Le consommateur pourra ainsi faire son choix, de manière éclairée, entre une offre comprenant une durée d’engagement et une autre qui n’en prévoirait pas. Il sera ainsi en mesure de mieux apprécier le prix de son engagement.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur Maurey, de bien vouloir retirer votre amendement n° 22. À défaut, j’en demanderai le rejet. Par ailleurs, je suis favorable sous-amendement n° 21 rectifié et à l’amendement n° 5 rectifié, qui aura ainsi été modifié.
J’ai cru comprendre que M. le ministre déposait un sous-amendement pour inscrire dans la loi l’engagement des opérateurs.
C’est sur le sous-amendement que porte le quiproquo. Monsieur Maurey, c’est votre sous-amendement qui conditionne l’avis favorable du Gouvernement à l’amendement n° 5 rectifié.
C’est en tout cas ce que je voulais dire. Je suis favorable au sous-amendement n° 21 rectifié et à l’amendement n° 5 rectifié, modifié par le sous-amendement.
Ce que vous avez voulu dire n’est pas ce que j’ai entendu.
Je vais faire preuve de magnanimité en retirant l’amendement n° 22, le ministre nous ayant assuré que les opérateurs avaient pris des engagements. J’espère qu’ils les tiendront !
Je profite de cette occasion pour remercier M. le ministre, qui a la correction – pour ne pas dire la gentillesse ! – d’apporter de vraies réponses sur les amendements. Ce n’est pas toujours le cas : il nous est arrivé récemment de voir, au banc du Gouvernement, un ministre qui se contentait de dire « favorable » ou « défavorable », ce que je trouve un peu court.
L’amendement n° 22 est retiré.
Monsieur Maurey, M. le ministre a, dans une vie antérieure, présidé la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale : il comprend donc les soucis des parlementaires ! §
Le sous-amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 7, présenté par M. Hérisson, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé : Au deuxième alinéa de l'article L. 121-84-7 du code de la consommation, après les mots : « ne peut facturer au consommateur », sont insérés les mots : «, à l'occasion de la résiliation, ».
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à encadrer les frais de résiliation des abonnements internet et de téléphonie mobile.
Conformément à la préconisation de l’ARCEP, il tend à simplifier les dispositions existantes en prévoyant que les frais d’activation à perception différée sont bien assujettis aux règles encadrant les frais de résiliation classiques. Il précise ainsi que le fournisseur ne peut facturer au consommateur, à l’occasion de la résiliation, que les frais correspondant aux coûts qu’il a effectivement supportés au titre de la résiliation du contrat.
Je vais tenter de répondre, une nouvelle fois, au souhait de M. Maurey en donnant une réponse précise ... Cet amendement permet d’assimiler les frais d’activation à perception différée à des frais de résiliation.
Ces frais d’activation payés au moment de la résiliation échappent au champ d’application de l’article que cet amendement tend à compléter. Cela constitue une difficulté qui a été soulignée par l’ARCEP, dans son rapport de juillet 2010 sur l’article 17 de la loi Chatel du 3 janvier 2008.
Pour ces raisons, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l’article 3.
L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Teston, Raoul, Guillaume et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À compter du 1er juin 2011, tout téléphone portable mis en vente sur le marché est équipé d'une prise standard pour sa recharge.
Un décret précise la norme technique européenne retenue.
La parole est à M. Roland Courteau.
La disposition que nous soutenons dans cet amendement a fait l’objet de nombreuses discussions dans cette enceinte. Je ne reviens pas sur son intérêt pratique. Nous savons tous que les prises des chargeurs des téléphones mobiles d’une même marque ne sont pas toujours compatibles. Il faut mettre un terme à ce gaspillage.
La dernière fois que nous avions défendu un amendement analogue, le Gouvernement nous avait demandé de le retirer en attendant que les négociations entre les constructeurs avancent sur le plan européen. Elles étaient, paraît-il, en cours...
Confiant, le Gouvernement s’était engagé, à l’époque, à mettre la question à l’ordre du jour de tous les conseils des ministres de l’environnement de l’Union européenne. Nos collaborateurs se sont livrés à un exercice de vérification : il en résulte qu’à aucun moment, au cours de l’année 2009, qui a suivi nos discussions, le conseil des ministres n’a été saisi de la question ; la délégation française n’a même pas produit la moindre note sur le sujet. Manifestement, le Gouvernement ne tient pas ses promesses !
Cette disposition n’est pourtant pas très compliquée à mettre en œuvre sur le plan technique, puisque les plus grands constructeurs se sont mis d’accord sur une norme. Pourtant, le chargeur universel n’existe toujours pas !
Depuis, la presse n’a de cesse de faire des annonces en ce sens, mais je vous mets au défi de trouver dans le commerce un seul de ces fameux chargeurs universels.
Si vous tapez les mots « chargeur universel » sur n’importe quel moteur de recherche, vous trouverez un nombre impressionnant d’annonces, certaines prévoyant l’arrivée de ce chargeur dès 2010, d’autres à ’horizon 2012. Un accord a certes été passé avec les constructeurs, mais pour quel résultat ?
L’enjeu est de taille puisque 80 millions de téléphones portables usagés, soit autant de chargeurs, de batteries et de matériels divers de connectique dorment dans nos tiroirs.
C’est pourquoi, avec Michel Teston et Daniel Raoul, nous vous proposons d’agir sans attendre et d’interdire la commercialisation de tous les terminaux qui ne seraient pas dotés d’un chargeur universel.
Nous comprenons tout à fait la démarche des auteurs de cet amendement. Il est en effet insupportable de ne pouvoir charger son téléphone qu’avec une prise adaptée.
Il nous semble cependant que la standardisation des chargeurs ne peut être décidée qu’à l’échelle européenne, voire internationale. De plus, il se pourrait que le fait d’imposer une telle norme sur le territoire national ne soit pas compatible avec les exigences communautaires en matière de libre circulation des produits. La commission souhaite entendre l’avis du Gouvernement.
Votre remarque est frappée au coin du bon sens, monsieur le rapporteur, et je partage votre point de vue.
Je vous ai répondu tout à l’heure, monsieur Teston, lors de la discussion générale. Nous sommes d’accord avec l’objectif que vous visez, mais il ne nous semble pas nécessaire de légiférer pour l’instant.
La Commission européenne a déjà engagé ce travail en invitant les industriels à prendre l’engagement de résoudre le problème de la compatibilité des chargeurs, ce qui nous permet de ne pas devoir légiférer sur ce point.
Premièrement, les principaux fabricants de téléphones portables ont convenu d’uniformiser les unités d’alimentation de téléphones portables au sein de l’Union européenne.
Deuxièmement, cet engagement volontaire a été formalisé par un protocole d’accord remis à la Commission européenne en juin 2009. La décision est donc en cours de formation. La mise en œuvre de cet accord implique l’élaboration ou la modification de normes qui devront assurer la sécurité de ce nouveau chargeur universel et sa compatibilité avec les différents terminaux de téléphone mobile. Un mandat a donc été adressé, en octobre 2009, par la Commission européenne aux organismes de normalisation pour concevoir ces normes. Leur publication est attendue pour le début de 2011, c’est-à-dire dans quelques mois.
Troisièmement, on ne peut pas imaginer que le territoire national soit soumis à des normes particulières incompatibles avec les réglementations européennes et, mondiales. En raison de l’engagement volontaire des fabricants et de la bonne avancée des travaux, il n’est pas nécessaire d’élaborer une réglementation nationale. D’ailleurs, une législation spécifique pourrait être contraire à la directive concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité.
C’est pourquoi, monsieur Courteau, le Gouvernement vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Espérons-le ! Nous retirons l’amendement, mais en souhaitant que ce soit bien la dernière fois.
L'amendement n° 1 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 24 rectifié, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La mesure de la zone de couverture visée à l'article L. 42-1 du code des postes et des communications électroniques est faite au niveau de la commune.
Une commune est réputée couverte quand, sur l'ensemble de son territoire, sont offerts au public les services répondant aux obligations de permanence, de qualité et de disponibilité visées aux articles L. 41 et suivants du même code.
Un décret du ministre chargé des communications électroniques fixe les modalités d'application de cet article.
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement revient sur une question que nous avons évoquée au cours de la discussion générale.
Aujourd'hui, une commune est considérée comme couverte par la téléphonie mobile dès lors qu’un point de son territoire est couvert. Cette conception n’est évidemment pas satisfaisante.
Par le présent amendement, nous voulons qu’une commune soit considérée comme couverte que si la totalité de son territoire est effectivement couverte.
Dans un premier temps, j’avais proposé une autre rédaction, envisageant qu’était réputée couverte une commune dont une part substantielle disposait d’une couverture effective. Mais ce texte posait des difficultés et les travaux qui ont eu lieu en commission ce matin m’ont conduit à revenir sur ma rédaction initiale.
Cet amendement n’instaure pas l’obligation de couvrir la totalité du territoire, ce qui serait extrêmement difficile dans l’immédiat. Mais je souhaite que les statistiques, dont on nous a encore abreuvés au cours de cette séance, ne permettent pas de considérer comme couvertes des communes qui, en réalité, ne le sont pas.
Il s’agit d’une opération de transparence, de vérité.
Cet amendement, qui a pour objet de ne pas considérer comme couverte par le réseau mobile une commune dont une partie minoritaire du territoire est couverte, est tout à fait pertinent.
Dans sa version modifiée, l’amendement tend à ne considérer comme couvertes que les communes dont tout le territoire est effectivement couvert. Il forme, avec l’amendement n° 25 de notre collègue Bruno Sido, un dispositif complet pour garantir une couverture réellement extensive de notre territoire en matière de téléphonie mobile.
Si ces dispositions étaient adoptées définitivement, le Parlement donnerait aux opérateurs un signal fort, sans ignorer pour autant les contraintes qu’elles engendreraient pour ces derniers.
La commission émet donc un avis favorable.
Monsieur Maurey, comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je ne disconviens pas de l’importance de cette question.
Selon le programme de couverture des zones blanches, une commune est considérée comme couverte si son centre-bourg l’est. Je comprends qu’une telle conception soit source de problèmes pour les habitants d’un hameau isolé. On se heurte cependant à une difficulté. Faut-il prendre en compte la couverture du plus grand nombre de nos concitoyens et celle de la plus grande superficie du territoire ?
Mais votre amendement va bien au-delà du programme de couverture des zones blanches, puisqu’il vise toutes les décisions d’attribution des fréquences prises par l’ARCEP, y compris lorsqu’il s’agit des réseaux par satellite, ce n’est pas très pertinent.
S’agissant de la téléphonie mobile, il conduirait à revoir toutes les obligations de couverture inscrites dans les licences des opérateurs, et pas uniquement celles qui résultent du programme des couvertures des zones blanches, puisque ces obligations ne reposent pas sur une base communale.
Tout le monde entend le signal que vous lancez. Néanmoins, je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 24 rectifié. Je vous propose, en partenariat avec le Gouvernement, de travailler sur ces questions pour définir une approche de la couverture plus satisfaisante et, surtout, moins trompeuse pour les habitants des zones les moins denses.
Monsieur Maurey, l'amendement n° 24 rectifié est-il maintenu ? (Sourires.)
Je le maintiens, monsieur le président. Je souhaite simplement établir la réalité des choses. Loin de moi l’idée de vouloir une couverture totale et absolue du territoire dès la promulgation de la loi. Mais que l’on cesse de nous fournir des statistiques « pipées », si vous me permettez cette expression quelque peu triviale, et de considérer qu’une commune est couverte si son maire a une accroche au réseau du haut du clocher de sa commune. C’est faux ! Je demande simplement une opération vérité.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 3.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Daniel Marsin, pour explication de vote.
Conscient des contraintes horaires, je serai bref.
Monsieur le ministre, vous avez su faire preuve d’écoute et apporter des réponses précises à nos interrogations. Je suis extrêmement heureux que notre travail, qui a été constructif, ait permis d’enrichir le texte et de trouver un équilibre entre les réalités économiques et la nécessité de garantir les droits des consommateurs.
Eu égard à l’ambiance qui a présidé à nos travaux, je souhaite que, lors du vote, s’exprime une belle unanimité.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Je veux remercier l’auteur de la proposition de loi et l’ensemble de nos collègues qui ont participé aux travaux de la commission.
Cette proposition de loi vise à réaffirmer certains principes. Un certain nombre d’élus, tant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, sont très attentifs à l’évolution du monde des télécommunications. Les opérateurs, auxquels le présent texte adresse un signal fort, doivent comprendre que l’on ne peut se contenter de promesses, de reports. La loi a également pour rôle de fixer des règles d’organisation, en particulier en matière d’’aménagement du territoire. Il faut réduire la fracture numérique et permettre à tous nos concitoyens d’avoir accès à la téléphonie mobile, au haut débit, à internet.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je tiens à remercier M. Marsin et ses collègues d’avoir déposé la présente proposition de loi. Je remercie également le Sénat de l’accueil qu’il m’a réservé alors que les télécommunications ne relèvent pas de mon domaine de compétence.
Je puis vous assurer que Frédéric Lefebvre étudiera avec attention la suite qui devra être donnée à ce débat. Il sera très vigilant pour que les objectifs des auteurs de cette proposition de loi soient pris en compte par le Gouvernement.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis du consensus qui s’est exprimé. En définitive, au-delà de nos sensibilités, notre souci commun est de veiller à la protection et à la défense des consommateurs, notamment dans le secteur de la téléphonie mobile.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Mes chers collègues, je vous remercie tous de l’effort de concision dont vous avez fait preuve, car l’espoir d’achever l’examen de ce texte dans le temps imparti était faible. Cela montre que si l’on veut vraiment réussir, on le peut !
Au nom de la Haute Assemblée, permettez-moi d’adresser à M. Frédéric Lefebvre tous nos vœux de prompt rétablissement et de souhaiter qu’il veille à mettre en musique la proposition de loi de M. Marsin.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
La proposition de loi est adoptée.
Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.
Je vous rappelle que les groupes ont présenté leurs candidatures pour l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques. Pour la délégation sénatoriale à la prospective, la présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, elles ont ratifié, et je proclame MM. Christian Demuynck. et Hervé Maurey membres de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, MM. Daniel Dubois, Jean-Pierre Leleux Michel Magras, membres de la délégation sénatoriale à la prospective.
(Textes de la commission)
L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande de l’UMP, du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées (projet n° 602 [2009-2010], texte de la commission n° 132, rapport n° 131), et, en deuxième lecture, de la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (proposition n° 601 [2009-2010], texte de la commission n° 130, rapport n° 129).
La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le garde des sceaux.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, adapter les professions du droit aux évolutions économiques et sociales est indispensable au bon fonctionnement de la justice : ce constat a motivé les propositions du rapport de la commission, présidée par Maître Darrois, créée à la demande du Président de la République, et il inspire les dispositions soumises aujourd’hui à votre examen.
Les réformes engagées tant par le projet de modernisation des professions que par la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions sont attendues : elles ouvrent de nouvelles perspectives aux professionnels du droit et une sécurité juridique accrue pour nos concitoyens.
Ces textes reposent sur un consensus partagé. Vous partagez, monsieur le rapporteur, cette conviction : la modernisation des professions est nécessaire et les grandes innovations apportées par les deux textes pour y parvenir sont adaptées. Une concertation approfondie entre le Gouvernement, les parlementaires, les présidents des commissions des lois, les rapporteurs et les représentants des professions a eu lieu, et cette concertation a permis d’aboutir à des solutions équilibrées. Le Gouvernement entend bien se tenir à cet accord, tel qu’il a été établi avec l’ensemble des professions.
Il s’agit tout d’abord de moderniser les professions du droit et leurs outils.
Les professionnels du droit sont une garantie pour les justiciables. Leur intervention permet à nos concitoyens de mieux s’orienter dans un univers juridique et judiciaire complexe. Elle est aussi un gage de sécurité juridique.
Parmi les principales innovations que contient ce texte figure l’acte contresigné par un avocat. Il s’agit, en fait, de sécuriser les actes sous seing privé. L’instauration de l’acte contresigné par un avocat est une avancée majeure. Elle est la concrétisation d’une proposition centrale du rapport Darrois et d’un engagement du Président de la République.
Ce nouvel instrument juridique offre une protection renforcée aux actes sous seing privé. Ce contreseing atteste, en effet, que les parties ont reçu l’assistance d’un avocat, qui les a pleinement éclairées. Par ce contreseing, l’avocat engage sa responsabilité.
Je souhaite insister dès maintenant sur un point essentiel : l’acte contresigné par un avocat n’est pas un acte authentique, et il n’a aucune vocation à le remplacer.
Je souhaite ensuite souligner le rôle réaffirmé des notaires en matière immobilière. Le projet conforte le champ d’intervention des notaires en matière immobilière, puisqu’il réaffirme solennellement que seul l’acte authentique permet de procéder aux formalités de publicité foncière. Ce principe sera inscrit dans la loi. Je tiens à rappeler qu’un accord a été trouvé entre les notaires et les avocats à ce sujet. Là aussi, le Gouvernement entend s’y tenir. Par ailleurs, il confie aux notaires une nouvelle mission de service public, qui est de tenir un fichier en matière immobilière.
Il convient ensuite de souligner le rôle essentiel des professions juridiques dans notre société, qui justifie un haut niveau d’exigence.
La confiance de nos concitoyens dans la justice passe aussi par un haut niveau d’exigence vis-à-vis de ses professionnels : l’obligation de formation continue tout au long de la carrière, et le renforcement de l’indépendance des instances disciplinaires en régionalisant la discipline y contribueront, comme le développement de la dématérialisation.
Enfin, le rapprochement des professions doit favoriser leur compétitivité. Chaque profession dispose d’un statut et d’un champ d’intervention différents, et la réforme entend bien préserver ces spécificités. Néanmoins, toutes ces professions sont confrontées à la concurrence de leurs homologues ou de nouveaux acteurs.
L’interprofessionnalité capitalistique, inscrite dans la loi, facilitera le travail en commun, et donnera aux professions les moyens d’une collaboration renforcée.
Votre commission des lois a confirmé ce mouvement en élargissant l’interprofessionnalité capitalistique aux experts-comptables et aux commissaires aux comptes. C’est une bonne chose.
Nous avons également besoin d’une justice plus efficace, et cela nécessite de repenser les rôles de chacun et de clarifier les procédures. Mon ambition est aussi d’œuvrer à une meilleure accessibilité de la justice. Il faut rendre la justice plus lisible pour nos concitoyens. Pour satisfaire cet objectif, nous devons veiller à mettre en place des procédures claires, simples et efficaces.
Il s’agit tout d’abord d’améliorer l’exécution des décisions de justice. La confiance de nos concitoyens en la justice dépend en grande partie de la qualité de l’exécution de décisions de justice, sans laquelle un jugement reste lettre morte.
C’est pourquoi les textes qui vous sont soumis, d’une part, clarifient les règles de compétence entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance, et, d’autre part, renforcent les huissiers de justice en leur donnant plus de moyens pour exercer leur mission d’exécution.
Il s’agit, d’autre part, de recentrer le juge et le greffier sur les missions juridictionnelles. Les deux textes en discussion aujourd’hui prévoient, à la suite des préconisations du rapport de Serge Guinchard, que des missions actuellement confiées aux greffiers pourront être exécutées par les officiers publics et ministériels que sont les notaires et les huissiers de justice. Par exemple, le notaire pourra procéder directement à l’enregistrement d’un pacte civil de solidarité – PACS – lorsqu’il en a rédigé la convention.
Ce projet de loi vise enfin à renforcer le règlement amiable des conflits. C’est là un autre moyen de rendre la justice plus efficace. Il s’agit d’un enjeu majeur pour nos concitoyens pour lesquels, trop souvent, la voie contentieuse apparaît comme l’unique façon de régler leurs différends.
La création d’une procédure participative favorise ce règlement plus simple et amiable des conflits. II s’agit de promouvoir l’intervention préalable d’un avocat. Par cette procédure, l’avocat invitera les parties à rapprocher leurs positions pour parvenir à un accord amiable.
Le conseil de l’avocat permet de lever des incompréhensions et d’aboutir à une solution acceptable par chacun des protagonistes. Le juge n’interviendrait donc qu’en cas de difficultés persistantes entre eux, sauf, bien sûr, en cas de divorce, qui sera toujours prononcé par un juge.
Mesdames et messieurs les sénateurs, les dispositions soumises à votre examen sont très riches et les avancées nombreuses pour les professions juridiques et judiciaires réglementées. L’élaboration concertée de ces textes confère aux innovations législatives toute leur pertinence et toute leur force pratique. La modernisation, ou les modernisations de notre système judiciaire et juridictionnel s’opèrent dans un souci d’efficacité et, il est important de le rappeler, dans l’intérêt du justiciable.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi n° 602.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, à l’été 2007, j’avais déposé une première proposition de loi sur les frais d’exécution de justice. Il s’agissait d’un article unique, qui permettait au juge de laisser l’intégralité des frais de poursuite à la charge du professionnel dans les litiges ayant trait à la consommation.
C’est à partir de ce texte que j’ai bâti, après de nombreuses consultations, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui, déposée en octobre 2008. Il aura donc fallu plus de deux ans – 26 mois exactement – pour que ce texte revienne devant notre assemblée en deuxième lecture. Il faut dire que 15 mois se sont écoulés entre la transmission de la petite loi par le Sénat et l’examen du texte par l’Assemblée nationale en séance publique. Je ne doute pas que la durée de cette réflexion soit garante de la qualité de l’examen, mais qu’on ne nous parle plus de train de sénateur !
La principale ambition de ce texte consiste à améliorer les conditions d’exécution des décisions de justice et je rappelle à cet égard que la Cour européenne des droits de l’homme considère que l’exécution des décisions de justice est un des éléments d’un procès équitable.
Qui en douterait d’ailleurs, et à quoi servirait de pouvoir faire reconnaître son droit par un juge indépendant, rapide et compétent, si sa décision restait lettre morte ?
À ces deux premières préoccupations consistant à éviter des frais de recouvrement au consommateur et à permettre une meilleure exécution des jugements s’est ajoutée une série de mesures, concernant essentiellement la profession d’huissier de justice mais aussi d’autres professions réglementées, notamment en matière de formation.
En première lecture, François Zocchetto, qui a été l’excellent rapporteur de ce texte, l’a enrichi de plusieurs dispositions parmi lesquelles figure la procédure participative, dont nous dirons quelques mots tout à l’heure. L’Assemblée nationale a ensuite examiné ce texte, et procédé à différents ajouts et retranchements qui, à mon sens, sont positifs.
C’est évidemment le cas du rétablissement de l’article 2, concernant les constats d’huissiers. Ces constats existent, ils sont utilisés par les juges comme par les parties, et j’estime qu’il ne servirait à rien de nier leur existence. Établis par un officier ministériel soumis à une déontologie contrôlée par les pouvoirs publics, ces actes ne peuvent être assimilés à de simples renseignements, comme pourrait l’être le même constat établi par un simple particulier. Il me semble que, là aussi, c’est une question de bon sens.
De même, je pense qu’il faut approuver l’extension de la procédure participative au droit de la famille, dans la mesure où l’homologation judiciaire est réaffirmée suivant les règles du titre VI du Livre 1er du code de procédure civile, relatif au divorce.
Au total, je suis heureux que notre rapporteur propose d’aboutir à un vote conforme du Sénat, qui permettra à cette proposition de loi, dont j’ai la faiblesse de croire qu’elle est attendue par la profession, mais aussi par les justiciables, d’être enfin applicable.
J’en arrive maintenant au projet de loi, dont les objectifs sont complémentaires de ceux de la proposition de loi.
S’il traduit un certain nombre des recommandations formulées par la commission présidée par Me Jean-Michel Darrois, ce projet est aussi le résultat de la concertation conduite par la Chancellerie avec les représentants de chacune des professions concernées, et des équilibres définis entre elles.
Je ne vais pas revenir en détail sur l’architecture du texte que vous venez de nous présenter, monsieur le garde des sceaux. Je rappellerai seulement les deux principales dispositions du texte.
Tout d’abord, une série de dispositions tend à développer l’interprofessionnalité en prenant davantage appui sur des structures capitalistiques et en donnant aux professionnels du droit la possibilité de mieux se défendre face à leurs confrères étrangers. Des avocats, des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires pourront ainsi travailler ensemble au sein d’une structure commune.
Même si cette innovation peut paraître encore modeste par rapport à une interprofessionnalité d’exercice, elle ouvre la voie à une coopération sans bousculer les habitudes fortement ancrées dans nos traditions.
La commission des lois a souhaité étendre cette interprofessionnalité aux professions du chiffre – experts comptables et commissaires aux comptes – et aux conseils en propriété industrielle. Professionnels du droit et du chiffre pourront ainsi offrir, dans la même structure, des services complémentaires, en particulier aux entreprises.
L’article 1er prévoit, conformément à l’une des principales recommandations du rapport de la commission présidée par Me Darrois, la possibilité pour un avocat de contresigner un acte sous seing privé.
Cet acte contresigné aurait, entre les parties, une force probante renforcée, qui ne serait cependant pas celle d’un acte authentique, l’acte contresigné demeurant, juridiquement, un acte sous seing privé. L’apposition de ce contreseing attesterait du conseil fourni par le professionnel et dispenserait de toute mention manuscrite exigée par la loi.
J’en viens aux modifications apportées par la commission des lois. La commission a souhaité confirmer le mouvement de modernisation des professions du droit. Elle a adopté vingt-quatre amendements de votre rapporteur, ainsi que deux amendements de notre excellent collègue Patrice Gélard.
S’agissant tout d’abord de la profession d’avocat, la commission a souhaité appliquer aux avocats des barreaux de Nîmes et Alès la même possibilité de multipostulation qu’aux avocats des barreaux de Bordeaux et de Libourne. Cette possibilité de multipostulation paraît constituer une suite logique de la nouvelle définition de la carte judiciaire, qui a réduit les ressorts des tribunaux de grande instance de Nîmes et de Bordeaux.
Dans le cadre des nouvelles dispositions permettant aux avocats d’intervenir en qualité de mandataire d’un sportif, votre commission a jugé pertinent de préciser que l’avocat peut représenter non seulement un sportif, mais aussi un entraîneur ou un club sportif, pour la conclusion d’un contrat relatif à l’exercice rémunéré d’une activité sportive ou d’entraînement. Elle a parallèlement renforcé les obligations que devait respecter l’avocat dans le cadre de cette activité en les rapprochant de celles qui pèsent sur les agents sportifs.
La commission a également jugé opportun de réformer le régime des spécialisations dont les avocats peuvent faire mention. Elle a ainsi voulu imposer une véritable vérification de la compétence professionnelle de l’avocat dans sa spécialité. L’établissement d’une liste nationale des avocats titulaires d’une mention de spécialisation, qui devra s’accompagner d’un nouvel arrêté fixant la liste des mentions de spécialisations, améliore l’information du client sur les compétences spécifiques du professionnel dans un secteur du droit.
S’agissant de la profession d’huissier de justice, le règlement déontologique départemental a été supprimé. En effet, il n’est pas nécessaire de continuer à établir des règlements départementaux, qui risquent d’être en contradiction avec le règlement national.
À la demande des représentants de la profession, le mode d’élection des délégués à la Chambre nationale des huissiers de justice est élargi. Nous pensons utile de les faire élire par l’ensemble de la profession et non pas seulement par les bureaux des chambres régionales et départementales.
Il a également été procédé à l’adaptation du fonctionnement de la caisse des prêts des huissiers de justice. Cette caisse aurait ainsi la possibilité d’accorder des prêts aux huissiers de justice en activité, particulièrement aux huissiers salariés, pour l’acquisition d’une étude individuelle ou de parts de celle-ci.
La commission a défini une obligation, pour les administrateurs judiciaires et les mandataires judiciaires, d’établir ou de communiquer au Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires une situation financière au terme de chaque exercice, de façon à permettre l’appréciation par le Conseil national de la solvabilité des professionnels. La sécurité de chacun est ainsi renforcée.
La commission est favorable à la mise en place d’un portail électronique national des déclarations de créances. Ce portail permettra de s’informer plus facilement sur l’ensemble des créances pouvant toucher une entreprise en difficulté.
La commission s’est également intéressée aux notaires, en confirmant leurs compétences en matière immobilière. À ce titre, elle a adopté deux mesures : l’une résultant d’un amendement de Patrice Gélard ; l’autre faisant obligation au notaire établissant l’acte portant mutation immobilière d’exercer en France pour que celle-ci puisse être publiée.
Je passe sur les dispositions relatives aux avoués ou aux greffiers des tribunaux de commerce.
J’en viens à la compatibilité entre les professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle, ou CPI, sujet sur lequel nous aurons l’occasion de débattre tout à l'heure.
Lors de l’examen de la proposition de loi, il avait été envisagé, conformément à l’accord qui était intervenu entre le Conseil national des barreaux et les CPI, que les deux professions fusionnent. L’Assemblée nationale a repoussé cette disposition. Nous avons souhaité poursuivre la réflexion en supprimant l’incompatibilité entre les professions de conseil en propriété industrielle et d’avocat. De la sorte, un CPI titulaire d’une maîtrise de droit, d’un certificat d’aptitude à la profession d’avocat, qui aurait rempli toutes les conditions requises pour devenir avocat, pourrait exercer les deux professions et serait soumis aux contrôles déontologiques des deux professions.
L’enjeu n’est pas de faire plaisir aux uns ou aux autres, il est de faire en sorte que notre pays soit attractif sur le plan des juridictions traitant de la propriété industrielle. Dans d’autres pays européens, les professions se sont organisées et rapprochées, et présentent par conséquent une plus grande attractivité qu’en France.
Ce point a pu susciter une certaine hostilité de la part de cabinets d’avocats. Il convient de se demander si, dans cette affaire, on n’a pas tendance à privilégier l’intérêt à court terme de certains particuliers, au détriment de l’attractivité de la France en matière de propriété industrielle.
Voilà les quelques réflexions et observations que je voulais présenter à notre assemblée ce soir. Nous aurons, bien sûr, l’occasion d’en débattre de façon plus approfondie à l’occasion de l’examen des articles.
La parole est à M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois pour la proposition de loi n° 601.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Laurent Béteille sur l’exécution des décisions de justice, qui nous revient après une première lecture à l’Assemblée nationale, embrasse une triple ambition : premièrement, améliorer l’exécution des décisions de justice ; deuxièmement, moderniser l’organisation et les compétences des juridictions – elle reprend sur ce point certaines préconisations du rapport Guinchard ; troisièmement, actualiser les conditions d’exercice de certaines professions judiciaires et juridiques.
En première lecture, à quatre exceptions près, l’Assemblée nationale a largement validé les dispositions adoptées par le Sénat. Elle a même enrichi le texte, en respectant les principes qui l’animent.
Les principales divergences qui subsistent entre les positions de nos deux assemblées portent sur les points suivants : le rétablissement, à l’article 2, du renforcement de la valeur probante des constats d’huissiers ; l’extension des prérogatives d’accès aux parties communes d’un immeuble dont disposent les huissiers ; l’extension du champ de la procédure participative au divorce ; enfin, la suppression du projet d’intégration des conseils en propriété industrielle au sein de la profession d’avocat, qui vient d’être évoquée par notre collègue Laurent Béteille.
Cependant, en dépit de ces quelques différences, je vous invite dès à présent à réfléchir à la possibilité d’adopter conforme la présente proposition de loi, ses dispositions étant très attendues par les professionnels concernés…
… ainsi que par leurs clients et les usagers du droit.
Je souhaiterais maintenant formuler quelques observations concernant le renforcement des prérogatives reconnues aux huissiers.
L’Assemblée nationale a rétabli l’article 2 de la proposition de loi, adopté par la commission des lois du Sénat, mais supprimé en séance publique, sur l’initiative de notre collègue M. Jacques Mézard. Cet article vise à renforcer la valeur probante des constats d’huissiers. Après réflexion, nous vous proposons d’en rester au texte initial, qui présente toute une série de garanties ; nous y reviendrons ultérieurement.
La possibilité offerte aux huissiers d’accéder non seulement aux boîtes aux lettres et aux dispositifs d’appel des immeubles, mais également aux parties communes, dans le cadre de leurs missions de signification et d’exécution, ne me paraît pas poser de problème, dans la mesure où l’autorisation qui serait donnée serait limitée à la stricte mesure nécessaire pour procéder à ces exécutions ou significations.
Le fait qu’un huissier de justice porteur d’un titre exécutoire puisse obtenir sur le débiteur, sans en faire la demande au parquet, des informations relatives à l’état de son patrimoine immobilier est un ajout de l’Assemblée nationale tout à fait pertinent.
Cependant, monsieur le ministre, je voudrais dès maintenant attirer votre attention sur le problème qui se poserait si le Sénat adoptait conforme le texte de l’Assemblée nationale pour les organismes sociaux, telles les caisses d’allocations familiales, qui se verraient privés de la possibilité d’obtenir directement des informations sur le débiteur et seraient contraints d’avoir recours à des huissiers de justice.
Ce serait considéré comme un retour en arrière. J’indique très clairement que telle n’est pas la volonté du législateur.
Autant nous sommes prêts à faire preuve d’efficacité, autant nous ne souhaitons pas que les huissiers de justice, par ce biais, interviennent systématiquement auprès des organismes sociaux. Nous suggérons au Gouvernement qu’un amendement soit présenté afin de rétablir le plus rapidement possible la situation actuelle. Monsieur le ministre, je souhaiterais que vous puissiez nous indiquer officiellement quelle solution vous envisagez afin de faire disparaître toute ambiguïté.
J’en viens à l’extension de la procédure participative aux cas de divorce.
Le Sénat avait exclu la procédure participative pour tout ce qui tenait à l’état des personnes. L’Assemblée nationale a, quant à elle, formellement exclu les matières prud’homales de la procédure participative, et nous sommes bien sûr d’accord sur ce point. Elle a en revanche étendu le champ d’application de la procédure participative aux questions de divorce, que le Sénat n’avait pas cru bon de retenir. Cependant, compte tenu des garanties apportées par l’Assemblée nationale – sur lesquelles nous reviendrons –, je considère que le dispositif peut être utilement envisagé et qu’il est susceptible de diminuer le nombre de divorces contentieux, qui sont toujours douloureux pour les personnes concernées.
Enfin, je ne reviendrai pas sur la suppression de la fusion entre les professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle. À cet égard, je souscris totalement aux propositions de Laurent Béteille, rapporteur du projet de loi de modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées.
Sous le bénéfice de ces observations et de celles qui seront faites lors de l’examen des amendements, je propose au Sénat, au nom de la commission des lois, d’adopter la proposition de loi sans modification.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Les textes qui nous sont aujourd'hui soumis ne me réjouissent pas autant que MM. les rapporteurs et M. le garde des sceaux.
Tout d’abord, je m’étonne, monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, qu’un projet de loi soit examiné au cours d’une semaine d’initiative parlementaire. Je suppose que le groupe UMP doit tout au Gouvernement et que, de ce fait, il lui cède de son temps.
Ces textes sont de véritables fourre-tout ou, de façon plus littéraire, des sortes d’inventaires à la Prévert, inspirés de façon très partielle, pour ne pas dire très partisane, des rapports Guinchard et Darrois.
En effet, ils ne prévoient rien sur la formation des professionnels du droit. Je suppose donc qu’elle est excellente. Tel est d’ailleurs l’avis qu’a exprimé le président de la commission des lois ce matin. Selon lui, tout va bien dans le meilleur des mondes !
Non seulement ces textes ne contiennent rien sur l’accès au droit, mais ils ne prévoient rien non plus sur l’aide juridictionnelle. Il n’y a plus d’argent, ce n’est donc pas la peine d’en parler… Il le faudra pourtant, monsieur le garde des sceaux, lorsque nous parlerons de la garde à vue.
Ces textes ont donc non pas pour vocation principale d’améliorer le service offert aux justiciables, mais plutôt de servir les intérêts des différentes professions du droit, lesquelles se sont livrées à cette occasion à une véritable lutte corporatiste et fratricide.
Ces textes distribuent de nouvelles compétences aux uns et aux autres, selon la force des lobbies et leur proximité avec le Gouvernement, l’Élysée et le Président de la République lui-même, ou avec tel ou tel parlementaire faisant partie de tel ou tel cabinet d’avocats
M. le président de la commission des lois s’exclame
Nous y reviendrons tout à l’heure dans le détail.
Personnellement, je pense que les conflits juridiques doivent être traités par les tribunaux et que toutes les procédures annexes, qu’il s’agisse de la justice populaire au fond des cafés dans les banlieues parisiennes ou des procédures huppées entre cabinets d’avocats respectables, notamment parisiens, ce n’est pas la justice ; ce sont des compromis.
Je commencerai par évoquer l’acte d’avocat, disposition phare. Il a provoqué un tollé. Nous avons tous reçu des lettres passionnées à ce sujet. Celles que nous avons reçues cette semaine étaient beaucoup plus apaisées, des négociations ayant eu lieu entre-temps.
Pour ma part, je ne comprends pas l’intérêt de l’acte d’avocat. Il est vrai que les particuliers ont de plus en plus tendance à utiliser, pour des contrats simples, des formulaires types qu’ils trouvent sur internet et qui sont souvent de très mauvaise qualité. Je trouve donc très bien qu’un avocat puisse rédiger des contrats simples et y apposer sa signature pour rassurer les parties.
La question est de savoir si cet acte d’avocat aura un coût.
S’il a un coût, maître Mézard, je ne sais pas comment vous ferez dans votre étude à Aurillac !
Cette question est centrale, car la rémunération de cet acte n’a pas été fixée. À cet égard, je partage le point de vue de M. le rapporteur : puisque l’avocat n’a pas de tarifs, il fera ce qu’il voudra.
Or les citoyens qui voudront avoir accès à cette nouvelle disposition, qui peut être intéressante, auront besoin de savoir combien cela leur coûtera ou s’ils pourront, si nécessaire, bénéficier de l’aide juridictionnelle. Sur ces sujets, les textes sont muets. Ce n’est pas la création de l’acte d’avocat qui incitera les justiciables à consulter un professionnel du droit, mais bel et bien le coût d’un tel acte.
En contrepartie, les notaires ont reçu l’assurance que seuls les actes authentiques pourraient donner lieu à la publicité foncière. C’est très bien ! Les règles encadrant la publicité foncière seront inscrites dans le code civil. On leur a également transféré un certain nombre de compétences, ce qui n’est rien d’autre qu’une privatisation ; cela s’appelle comme ça !
Mais si, monsieur le président de la commission des lois !
Je me souviens que, lors de l’examen du projet de loi sur le PACS, les notaires étaient les seules professions qui y étaient un tant soit peu favorables parce qu’ils considéraient, bien entendu, que le PACS devait être enregistré dans leurs études !
On a tenu bon ; on leur a dit qu’il n’en était pas question.
Le PACS peut être conclu en utilisant une convention type. À cet égard, la Chancellerie a très bien fait son travail, qui plus est très rapidement. Au cours des débats, les rapporteurs ont dit que, si un mariage avait précédé le PACS, s’il y avait des enfants ou des biens, il fallait faire appel à un notaire pour un coût qui, selon les notaires, devait être proche de celui de l’établissement d’un contrat de mariage.
Aujourd'hui, on organise le transfert des compétences des greffiers des tribunaux d’instance en matière d’enregistrement du PACS vers les notaires, pour les PACS faisant l’objet d’une convention par acte authentique. Il y en a qui vont être très satisfaits ! Les greffiers, je n’en sais rien… Il faudra bien déposer cet acte chez les greffiers des tribunaux d’instance. En tout cas, je pense qu’on aurait pu faire autrement.
Nous sommes bien entendu contre ces dispositions, qui auraient mérité un débat plus approfondi. Qu’est-ce qu’un PACS ? Où doit-il être signé ? À la mairie ? Auprès des services de l’état civil ? Aux greffes des tribunaux d’instance ? Les greffes, il est vrai, ont beaucoup de travail. Ils sont assaillis par les notaires, qui veulent savoir s’il existe un PACS ou pas, notamment au moment des successions. Tout cela est exact. Néanmoins, ce sujet méritait mieux que le transfert aux notaires de cette compétence qu’ils réclamaient depuis dix ans et qu’ils ont enfin obtenu, en contrepartie, je suppose, de l’acte d’avocat restreint, en dehors de la publicité foncière.
Bien entendu, nous nous réjouissons, monsieur le rapporteur, que l’amendement de notre collègue Richard Yung, qui n’est malheureusement pas là pour assister à son triomphe aujourd'hui
Sourires
Les professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle ne pourront donc pas fusionner pour l’instant, jusqu’à ce que, peut-être, ils parviennent à un accord sur une autre formule. Sur ce point, nous sommes d’accord.
J’évoquerai maintenant la multipostulation, à laquelle, je le dis d’emblée, nous sommes absolument défavorables. La multipostulation, c’est le mercato.
Une carte judiciaire a été établie, sans véritable concertation, monsieur le garde des sceaux, vous le savez. Des tribunaux seront supprimés le 1er janvier prochain.
J’irai d’ailleurs manifester la semaine prochaine contre la suppression d’un tribunal en Haute-Saône. On ne sait d’ailleurs pas où les magistrats iront se loger. À Vesoul ? Rien n’est prévu sur le plan immobilier. Peu importe ! On suppose que tout ira très bien dans le meilleur des mondes…
La multipostulation est prévue dans deux départements en raison de la suppression du tribunal du Vigan.
Oui, du tribunal d’instance. La circonscription des autres TGI a été modifiée. Pourquoi autoriser la multipostulation dans ces deux départements et pas ailleurs, alors que 54 départements, dans lesquels les limites des tribunaux de grande instance ont également été modifiées, pourraient être concernés ?
Nous voterons contre ces dispositions. Le problème qui se pose va bien au-delà de la multipostulation. Le problème est celui de la postulation tout court.
Mais nous ne sommes pas au Gouvernement, monsieur le président de la commission des lois.
Lorsque nous serons au Gouvernement, nous ferons notre travail, dans l’intérêt général et non dans celui des professions qui nous seront les plus proches. Je ne parle pas de vous, monsieur le président de la commission, mais des autres…
Enfin, nous regrettons l’absence de dispositions concernant la formation des professionnels du droit. Une véritable modernisation des professions juridiques et judiciaires nécessite une réforme de fond de la formation. La démocratisation de l’accès à ces professions doit être une priorité. Nous avons déposé des amendements à cet égard, mais ils ont été balayés d’un revers de main par M. le rapporteur.
J’en viens maintenant à la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, dont notre collègue François Zocchetto est le rapporteur.
Nous restons sur les positions qui étaient les nôtres en première lecture. Permettez-moi de répéter ce que j’ai dit tout à l'heure : pourquoi faudrait-il que le Sénat se couche ?
M. Jean-Pierre Michel. Nous restons défavorables à la procédure participative en matière de divorce. Notre collègue Patrice Gélard avait d’ailleurs eu la mauvaise idée de déposer deux amendements sur cette question, il les a vite retirés. Cela a dû le rendre malade ; il n’est pas là aujourd'hui.
Protestations amusées sur les travées de l ’ UMP.
Je ne comprends absolument pas l’intérêt de cette procédure. Personne, pas même les éminents avocats que j’ai consultés il y a quelques heures encore, n’a été en mesure de me l’expliquer. Nous souhaitons en revenir au texte du Sénat, car cette procédure est inutile : il y a le divorce par consentement mutuel ; la négociation dans les procédures de divorce…
De même, nous suivrons notre collègue Jacques Mézard concernant les actes d’huissier. Nous resterons fermes sur les positions prises ici en première lecture.
Les objectifs de modernisation et d’efficacité ne doivent pas nous faire oublier qu’une véritable amélioration de notre système consisterait à garantir l’égal accès de tous à la justice. Or tel n’est pas malheureusement ce que prévoit ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat applaudit
Notre vote final dépendra de la discussion des articles et des amendements, en particulier de l’adoption de nos amendements et de ceux du RDSE.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 30 juin 2008, le Président de la République adressait une lettre de mission à Me Darrois, qui avait accepté de présider une commission de réflexion « tendant à réformer la profession d’avocat avec, comme objectif, la création d’une grande profession du droit ».
Le diagnostic était parfaitement bien posé dans cette lettre : « Les mutations qui ont bouleversé la profession d’avocat menacent son unité […] : le fossé s’est agrandi entre les différents modes d’exercice de la profession avec, à chaque extrême, les grands cabinets anglo-saxons […] et des avocats menacés de paupérisation, qui assistent dans des conditions difficiles les plus modestes de nos concitoyens. »
Le Président de la République fixait la feuille de route. Il s’agissait de créer « une grande profession du droit […], en conciliant l’indépendance nécessaire à l’exercice des droits de la défense avec les exigences propres à la réalisation de missions d’intérêt général » ; de « favoriser la concurrence et [la] compétitivité interne et internationale, [d’]améliorer la qualité des services rendus au profit de tous les usagers du droit » ; de « faire des propositions de réforme du système d’aide juridictionnelle », dossier cher à M. du Luart.
Cette feuille de route était intéressante. Qu’en est-il advenu ? Aucune réponse n’a été apportée aux deux questions fondamentales posées par le Président de la République. Le texte sur la modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées qui nous est aujourd'hui soumis n’est, comme l’a dit notre collègue Jean-Pierre Michel, que le résultat d’un lamentable marchandage corporatiste entre quatre professions, en aucun cas au profit de tous les usagers du droit, en particulier des plus modestes et des plus faibles d’entre eux. En aucun cas il ne respecte le service public et le service du public.
Oui, le Président de la République avait raison ! L’unité de la profession d’avocat est menacée ; elle n’existe plus !
Le droit des affaires, et souvent l’affairisme, a pris l’avantage sur la défense des citoyens et l’accès au droit.
Les dernières décennies illustrent en France le déclin d’une profession qui n’a pas su se défendre et qui, par conséquent, n’assure plus suffisamment bien la défense des citoyens ! Une profession qui n’a pas su, contrairement par exemple au notariat, se renforcer en assurant ses missions ! Une profession qui, après avoir réussi la fusion avec les avoués en 1972, a subi une fusion calamiteuse avec les conseils juridiques en 1990 ; et ce n’était pas la même majorité ! Une profession qui, en refusant tout numerus clausus, toute adéquation du recrutement aux besoins de la société, ne doit pas s’étonner de voir des milliers et des milliers d’entre ses membres en état de paupérisation, donc de dépendance, ce qui est totalement incompatible avec l’exercice d’un métier où l’indépendance est la condition cardinale d’une défense libre et efficace !
M. Jacques Mézard. Il suffit de lire le projet de loi et la proposition de loi qui sont soumis à l’examen de notre assemblée pour être convaincus que nous sommes confrontés à un énième patchwork de dispositions diverses, souvent peu cohérentes les unes avec les autres. Cela finit, mes chers collègues, par ressembler à une loi de simplification du droit
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve
Il y a néanmoins un point qui ressort de la volonté de l’exécutif et auquel nous ne pouvons pas souscrire. Il s’agit de la poursuite d’une déjudiciarisation à tout va autour d’un principe simple. Puisque la justice française est sinistrée, confer le classement européen, puisque l’on ne peut pas augmenter significativement ses moyens financiers et humains – ce que nous pouvons comprendre dans le contexte actuel –, on lui retire le maximum de missions. Pratiquement à chaque nouveau texte, ce sont des pans de compétences qui quittent les palais de justice, donc le service public, au détriment du citoyen.
Commençons par examiner ce qui n’est pas dans ces textes, contrairement à la mission donnée par le Président de la République. Vous voyez l’intérêt que je porte aux préconisations du Président de la République, monsieur le garde des sceaux !
La réforme de l’aide juridictionnelle est totalement absente. C’était le deuxième point fondamental de la mission.
Nous attendons de voir…
Bien plus que le paravent d’une réforme d’affichage, la question de l’aide juridictionnelle, après celle du recrutement des avocats, est au cœur du débat et marginalise toute réforme qui l’omet. Et les modifications du système de la garde à vue le démontreront d’une manière encore plus pertinente.
Était-il bien sérieux de demander à l’un des premiers avocats d’affaires de Paris de « plancher » sur l’aide juridictionnelle et l’accès au droit des moins fortunés ? Que savent-ils, eux et les éminences qui gouvernent les organismes représentatifs des professions judiciaires, de l’accès au droit des démunis, du montant des unités de valeur, de ces avocats qui font plusieurs centaines de kilomètres chaque mois, frais de déplacement non remboursés, pour aller plaider à la cour et recevoir une aumône de quatorze unités de valeur – quand je lis sous la plume de M. le rapporteur Béteille que, en matière de postulation, 1 000 euros ne changent rien, je reste pantois ! –, pour assurer une mission d’assistance « garde à vue » dans une gendarmerie éloignée, pour l’équivalent de deux unités de valeur ?
Quand on a pratiqué cela par éthique, monsieur le garde des sceaux, et que l’on assiste à ce type de débat entouré d’excellences de la République, oui on est convaincu qu’il existe effectivement une France d’en haut et une France d’en bas !
Or la justice, l’accès au droit, c’est d’abord le problème du citoyen dans un pays démocratique, un citoyen qui doit être défendu du mieux possible, quels que soient sa situation de fortune ou son lieu d’habitation. Sur ces deux points, l’écart se creuse, et la réforme de la carte judiciaire a aggravé la situation.
Monsieur le ministre « des libertés » – je sais que vous y êtes attaché comme moi –, à l’évidence, un citoyen modeste confronté, par exemple, à un problème pénal ne sera pas défendu de la même manière qu’un citoyen aisé. Souvent même, il ne sera pas défendu du tout.
Est-ce cela que nous voulons pour notre pays, pour notre justice ? Est-ce digne du grand pays des libertés et des droits de l’homme ?
Il est nécessaire de renforcer les cabinets d’affaires français face aux cabinets anglo-saxons, mais cela ne doit pas occulter toute la réalité de l’autre monde de la justice, qui est le sort, justement, de « M. Tout-le-monde ».
J’ai dit que ces textes correspondaient in fine à un marchandage corporatiste entre les diverses professions. D’ailleurs, à l’instar de notre collègue Jean-Pierre Michel, je constate que leurs représentants sont devenus plus discrets au fil des mois, au-delà des pétitions de principe. La « grande profession du droit », qui est une bonne idée, est jetée aux orties.
Les notaires, « vainqueurs sur le ring », se délectent de constater que le monopole de l’acte authentique – pratiquement de la publicité foncière – leur est garanti. D’ailleurs, je reconnais que c’est plus sécurisant pour le citoyen.
La création de l’acte d’avocat est surtout à usage de communication interne du Conseil national des barreaux. Les notaires ont obtenu en contrepartie une extension importante de leurs compétences en matière de PACS et d’acte de notoriété dans le cadre, hélas ! d’une déjudiciarisation. Après les changements de régimes matrimoniaux, les adoptions, et j’en passe… cela fait beaucoup en peu de temps. Bravo !
Les avocats, ou plutôt le Conseil national des barreaux, qui ont une fois de plus évité de se poser et de faire poser les questions de fond, cachent la débâcle sous le voile de deux mesures à usage de communication qui changeront peu de chose.
La première mesure est l’acte sous contreseing d’avocat. Il s’agit non pas d’un acte authentique, mais d’un acte sous seing privé contresigné par un avocat. Il suffit de lire les critiques de cette « nouveauté » dans les écrits des autres professions pour savoir que cela ne bouleversera pas les équilibres professionnels. Je dirais que cela ne mangera pas de pain…
Lorsqu’une telle signature existera, elle apportera une garantie au client sur le plan de la responsabilité, ce qui est positif, mais cela ne réglera pas les questions très fréquentes de conflit d’intérêt et l’avocat n’aura malheureusement aucune obligation de contresigner le sous-seing privé.
Or nous savons tous que de très nombreux actes sous seing privé sont établis par des cabinets d’affaires volontairement sans mention du nom du cabinet rédacteur, et ce pour des raisons que nous nous abstiendrons de développer ici.
Cela étant, convenons que cet acte peut être considéré comme non dommageable et positif.
La deuxième mesure est la négociation participative, qui est présentée comme attendue par tous les barreaux de France alors que l’immense majorité des avocats ignorent son existence. Elle est issue de cette volonté de déjudiciarisation. L’avenir montrera son caractère anecdotique dans notre tradition juridique. Son extension aux divorces, auparavant refusée à juste titre par le Sénat, provoquera inéluctablement des difficultés ; nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.
Notre groupe est également hostile, sur les conseils avisés de notre collègue Nicolas Alfonsi, à la fusion entre les conseils en propriété industrielle et les avocats.
Revenons aux récompenses destinées aux huissiers, dont je respecte l’activité et les difficultés quotidiennes. Le texte facilite le travail de simplification et certaines procédures d’exécution. Nous y sommes favorables, à l’exception de quelques dispositions relatives à l’information auprès des collectivités locales.
En revanche, nous persistons à considérer que l’article 2 de la proposition de loi, relatif à la force probante des constats d’huissier – cette mesure avait été repoussée par un vote clair du Sénat en première lecture –, est une erreur. J’y reviendrai au cours de la discussion des articles.
Par ailleurs, s’agissant des sociétés de participations financières de professions libérales, nous appelons à la vigilance quant à l’origine des capitaux ; c’est là notre inquiétude.
Je conclurai sur une question qui m’est chère, tant sur la forme que sur le fond. Il s’agit de l’extension de la compétence des experts-comptables, le glissement du chiffre vers le droit grâce à des procédés législatifs peu honorables, sous couvert d’un accord entre le Conseil national des barreaux et les experts-comptables.
Nous demandons la suppression de l’article 21 bis du projet de loi. Non pas que nous soyons opposés à une interprofessionnalité, mais les marchandages entre corporatistes ne sauraient faire avancer cette dernière. Moyennant le silence sur l’acte d’avocat, les experts-comptables auraient obtenu l’existence de l’accompagnement des particuliers « dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative ».
Monsieur le garde des sceaux, cet ajout de dernière minute du rapporteur est une manœuvre inacceptable. Contrairement à ce qui est indiqué à la page 90 du rapport, ces aspects n’ont pas été « omis » dans le vote de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services sur les réseaux consulaires. Il était surprenant d’ailleurs qu’ils y figurent.
Devant le Sénat, le 10 juin 2010, nos collègues Nicolas Alfonsi et Raymond Vall sont intervenus en séance publique, au nom de mon groupe, pour défendre notre amendement de suppression. Après concertation avec le rapporteur Gérard Cornu et avec le président de la communication de l’économie, Jean-Paul Emorine, un accord a été trouvé et voté sur les termes « réalisation matérielle de leurs déclarations fiscales ». En foi de quoi, aucun membre de notre groupe n’a voté contre le texte sur les réseaux consulaires. Il est lamentable que l’on bafoue cet engagement quatre mois après.
Vous comprendrez que nous nous tournions aujourd’hui vers vous. Il faut que de telles pratiques soient désavouées.
Quelle curieuse modernisation des professions juridiques et judiciaires ! Pour nous, le sens de l’État et l’intérêt général sont incompatibles avec le pouvoir corporatiste. Tel sera le sens majoritaire de notre vote.
Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la sacro-sainte concurrence, devenue grâce à vous la loi fondamentale de notre République, aura donc raison des fondements philosophiques de notre droit, l’objectif de ce texte étant de créer un supermarché du droit, au détriment du justiciable.
Cette intention de modernisation repose uniquement sur une demande partisane de ceux qui contestent le monopole de l’acte authentique par les notaires, au plus grand détriment des usagers.
Mais, à l’instar de nombreux textes que nous avons eu l’occasion d’examiner sur les travées de cet hémicycle, l’exposé des motifs nous indique que le texte est le résultat d’une concertation menée avec les professions concernées. Si tel avait été le cas, aurions-nous eu à auditionner et à recueillir les déceptions de notaires ou encore d’huissiers de justice ? Aux antipodes de vos allégations, ils éprouvent de profondes inquiétudes quant à l’avenir de leurs professions.
Certes, vous avez obtenu l’accord du Conseil supérieur du notariat. Sauf qu’en tant qu’établissement public placé sous la tutelle du garde des sceaux, il ne pouvait pas faire autrement que de vous approuver. En revanche, étrangement, vous n’avez pas obtenu l’accord du syndicat national des notaires, qui se trouve être le plus important de la profession.
Selon la grande majorité des notaires, l’adoption de ce texte « rapprocherait le système juridique français du common law » et « changerait radicalement de type de société pour s’abîmer dans la faillite d’un système opposé à la moindre régulation, dépourvu de la moindre rationalité ». C’est éloquent ! Sur ce point, nous tombons parfaitement d’accord avec eux. Vous constaterez qu’ils ne sont absolument pas d’accord avec vous !
Le terme d’« arrangement » serait plus adéquat que celui de « concertation », car c’est bien de petits arrangements entre amis qu’il s’agit.
Outre que le fait de présenter le texte réformant l’exécution des décisions de justice comme une proposition de loi prête à sourire, si ces deux textes font l’objet d’une lecture commune, c’est qu’ils traduisent le même glissement désastreux vers le legal business, ou marché du droit.
On ne compte plus le nombre de projets de loi mettant le terme de modernisation en exergue pour justifier vos opérations courantes de fusion-acquisition de nos services publics au profit de la « main invisible ».
La religion de concurrence, qui présente plus de vices que de vertus, n’a strictement aucun sens lorsqu’il s’agit du droit et de protection du justiciable, en particulier au regard de nos principes républicains. À force d’instrumentaliser ces principes en toutes occasions, vous finissez par en oublier la substance, mais aussi la portée.
Peu avant la première lecture du texte à l’Assemblée nationale, M. Nicolin rappelait : « Notre pays se caractérise par cette conviction que le droit libère l’individu, et que sa règle est faite pour protéger son épanouissement, instaurer un équilibre, assurer une répartition équitable des moyens et des richesses. […] Pour nous, le droit n’est pas un simple produit commercial, banal et interchangeable. »
C’est à se demander pourquoi vous souhaitez ardemment le soumettre à la concurrence, en évoquant la nécessité d’une hasardeuse « interprofessionnalité capitalistique ».
M. Nicolin nous a donc expliqué que « sans renier cette conception noble de la portée du droit, le législateur ne peut laisser cette situation perdurer. L’avenir même des professionnels du droit en dépend ». Or, étrangement, les professionnels du droit, à part la profession d’avocat, s’inquiètent très largement pour leur avenir.
Contribuent à cette inquiétude la suppression des offices d’avoués, dont on a entendu dire qu’ils faisaient de l’ombre aux avocats, l’insuffisance des moyens en personnel de greffe, administratifs et techniques, la suppression de nombreux tribunaux à coups de simplification de la carte judiciaire, autrement dit le vaste plan social des professions de justice – rappelons qu’il ne restera que neuf cours d’appel dans trois ans, ce qui aura de graves conséquences sur le droit au recours et les délais de jugement.
Y contribuent tout autant la remise en cause du principe d’indépendance de la justice, du principe de l’individualisation des peines et la disparition –ou pas – du juge d’instruction. À ce rythme, on ne verra bientôt plus les juges que derrière des caméras, grâce à la généralisation de la visioconférence !
Est-il nécessaire de rappeler que le dernier rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice donne une image consternante des moyens que l’UMP alloue depuis des années à la justice : notre pays est passé de la 35e à la 37e place pour le pourcentage du PIB par habitant qui lui est consacré et se situe désormais derrière des pays comme l’Azerbaïdjan ou l’Arménie... En somme, une justice pauvre, tout aussi pauvre que vos ambitions pour une justice digne de ce nom !
Certes, la mondialisation a développé les difficultés juridiques et ouvert la voie à une standardisation du rôle du juriste. Mais doit-on pour autant s’y soumettre et imposer à la justice de ne plus être équitable, au seul motif de permettre à certains de réaliser plus de profits ?
Car, derrière le projet de loi, c’est bel et bien la perspective qui se profile. La répétition a, certes, une vertu pédagogique ; néanmoins, bien que vous n’ayez de cesse de nous répéter que l’émergence de l’acte d’avocat renforcera la sécurité juridique des justiciables, cela demeure absolument faux. Cette mise en concurrence ne renforcera pas la sécurité juridique des usagers, bien au contraire. Comme le disait Jean Louis Gallet, conseiller à la première chambre civile de la Cour de cassation, à l’occasion d’un colloque sur l’acte sous signature : « On peut se demander si la proximité incontestable de l’acte authentique et de l’acte sous signature juridique ne traduit pas plus un conflit de champs d’activité entre deux professions qu’une compétition entre les avantages respectifs des actes en question. »
Il est vrai que nous pouvons légitimement nous demander de quels défauts seraient atteints l’acte authentique et l’acte sous seing privé, pour que notre droit des obligations contractuelles ait besoin d’un nouvel acte venant trouver sa place entre eux.
L’acte authentique ne présente aucune lourdeur autre que les formalités liées au respect de procédures protectrices pour l’ensemble des citoyens, autrement dit, l’intérêt général. Rien ne justifie l’émergence d’un nouveau type d’acte, si ce n’est votre passion pour la concurrence, appuyée par le lobbying de grands cabinets.
Or l’acte contresigné par avocat exercera une influence non négligeable sur l’ordonnancement juridique et sur les actes authentiques. En effet, l’acte contresigné disposera d’une force probante. Selon l’article 1er du projet de loi, qui dispose, en son alinéa 4, qu’en « contresignant un acte sous seing privé, l’avocat atteste avoir pleinement éclairé la ou les parties qu’il conseille sur les conséquences juridiques de cet acte », l’avocat, par le simple fait d’avoir apposé sa signature, sera légalement présumé avoir donné un conseil éclairé, alors que les notaires doivent apporter eux-mêmes la preuve écrite du conseil qu’ils ont délivré. La mise en cause de la responsabilité de l’avocat sera par conséquent rendue plus difficile par cette présomption.
Nous y voyons une inversion de la charge de la preuve qui s’exerce au détriment de l’usager, puisque celui-ci perdra le droit de contester la régularité de l’acte. Cette privation du droit de contester ne peut, en aucun cas, résulter de l’intervention d’un professionnel du droit non investi de prérogatives de puissance publique. Il est nécessaire de rappeler que toute profession investie des prérogatives de certification, hors du statut d’officier public délégataire du sceau, fait l’objet non seulement d’une habilitation, mais aussi du contrôle des parquets.
Dans ce projet de loi, non seulement le pouvoir de certification est conféré au seul bénéfice d’une profession, mais encore en dehors de tout statut, de toute habilitation et de tout contrôle. Qui plus est, l’institution de l’acte contresigné risque d’entraîner plus de confusion que de clarification : en effet, la différence entre force probante, force exécutoire, acte sous seing privé et acte authentique est déjà difficile à appréhender pour les particuliers. Qu’en sera-t-il lorsque viendra s’insérer dans ce schéma l’acte contresigné, pas tout à fait authentique, mais presque, puisque doté d’une force probante, sans pour autant avoir la force exécutoire ?
Cela dit, vous persistez à prétendre que la sécurité juridique de nos concitoyens en sera renforcée. Permettez-nous d’en douter sérieusement ! Le service du juriste est devenu un produit quelconque, les assureurs ont commencé à employer des avocats avec le contrat de « protection juridique » et, aujourd’hui, les firmes juridiques appartiennent à la finance.
L’article 21 du projet de loi confère encore plus de sens à cette comparaison. En effet, il prévoit expressément la possibilité, pour les membres de sociétés de participations financières de professions libérales, de détenir des actions ou des parts dans les sociétés d’exercice libéral « ayant pour objet l’exercice de deux ou plusieurs des professions d’avocat, de notaire, d’huissier de justice », etc. Cela n’est qu’un aperçu, car la liste est bien plus longue.
Dès lors, peut-on imaginer que le capital d’une société d’exercice ayant pour objet l’exercice de deux professions juridiques différentes, par hypothèse l’activité de notaire et celle d’avocat, pourrait être détenu en majorité par des avocats, soit directement, à condition qu’ils exercent leur activité au sein de cette société d’exercice multiprofessionnelle, soit par l’intermédiaire d’une société de participations qu’ils auraient créée ? Voilà donc ce que vous regroupez sous l’appellation inconvenante d’« interprofessionnalité capitalistique » !
Cependant, l’ouverture de cette faculté aboutira inéluctablement à la transformation de ces sociétés d’exercice en simples sous-traitants de sociétés de participations, exclusivement tournées vers la notation, la productivité et le rendement de capitaux.
Ainsi, dans le contexte du rapprochement des cabinets de plaideurs et des officiers notariés, on se demande bien comment le notaire pourra continuer à officier au nom de la République française, ou encore conserver le sceau et le monopole de l’authenticité, d’autant plus que la concurrence de l’acte contresigné et la création simultanée de sociétés de participations financières remettent en cause le tarif réglementé. Ces rapprochements emporteront donc avec eux la gratuité du conseil dispensé sur tout le territoire par les notaires, comme le leur impose leur statut.
Ce projet de loi, qui soumet l’officier public à l’influence économique des participations capitalistiques, dont l’éthique se résumera à la perception de dividendes, ne vise donc qu’à satisfaire l’appétit des grands cabinets.
La proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice répond au même objectif d’instauration d’une justice à deux vitesses. Malgré les aménagements apportés par la commission des lois concernant les modalités d’application de la procédure participative, notamment l’exclusion de son champ des contentieux liés à la séparation de corps et au droit du travail, l’introduction d’une telle procédure en droit français comporte de nombreux risques.
La procédure participative, d’inspiration nord-américaine, telle qu’elle est instituée par ce texte porte en germe le risque d’une justice binaire, les personnes les plus aisées ayant recours à cette procédure, les plus démunies continuant à s’adresser au juge, ce que nous refusons catégoriquement.
Pour conclure, je dirai que nul ne peut prétendre raisonnablement instituer une concurrence, dans l’intérêt du citoyen, entre un officier public, soumis à un statut strict justifié par les besoins de sécurité des citoyens, représentant de l’État dans sa fonction de régulation, et une profession « qui s’inscrit dans une économie de marché régie par la loi de l’offre et la demande », comme se définit le Conseil national des barreaux. Nul ne peut le prétendre, sinon vous, et cela ne peut que nous renforcer dans notre détermination à défendre le service public de la justice et à nous opposer à ces deux textes !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, après l’excellent exposé de nos deux rapporteurs, je ne présenterai que quelques observations qui concerneront plus particulièrement les dispositions contenues dans le projet de loi.
Les textes qui nous sont soumis aujourd’hui entendent répondre à trois objectifs : renforcer la sécurité juridique, simplifier les procédures et moderniser l’exercice et les pratiques des professionnels du droit.
Ces dispositions sont inspirées notamment du rapport Darrois, qui comporte plusieurs propositions emblématiques : on peut citer la fusion des professions d’avocat et d’avoué, sur laquelle nous aurons d’ailleurs à nous prononcer dans quelques semaines, ainsi que celle des professions d’avocat et de conseil en propriété industrielle.
La proposition qui nous intéresse, en l’espèce, vise à renforcer la valeur de l’acte sous seing privé, lorsqu’il est contresigné par un avocat. Cette proposition avait été reprise, dans un premier temps, par une proposition de loi déposée par le député Étienne Blanc en novembre 2009. Elle constitue aujourd’hui l’article 1er du projet de loi qui nous est soumis.
Ce texte introduit donc dans notre droit un nouveau type d’acte hybride, l’acte contresigné par un avocat. Comme cela a été rappelé par le rapporteur, ce contreseing entraînera deux conséquences : l’avocat l’ayant contresigné sera présumé de manière irréfragable avoir examiné cet acte, s’il ne l’a pas rédigé lui-même, et avoir conseillé son client. En outre, il assumera pleinement la responsabilité qui en découle. L’avocat attestera, après vérification de l’identité et de la qualité à agir de son client, que ce dernier a signé l’acte en connaissance de cause, ce qui devrait l’empêcher de contester ultérieurement sa signature.
Il faut rappeler que la commission Darrois avait examiné la possibilité pour les avocats de dresser des actes authentiques, à l’instar des notaires. Mais son rapport souligne sans équivoque que cette éventualité a été « écartée en raison des caractéristiques essentielles de l’acte authentique ».
Ce point est très important.
L’objectif était d’offrir aux justiciables un nouvel outil juridique plus sûr et, accessoirement, de permettre aux avocats français d’être sur un pied d’égalité avec leurs homologues britanniques, qui signent déjà des conventions entre sociétés. Comme l’a rappelé justement le président Hyest en commission, offrir cette faculté aux avocats français leur évitera de perdre ce marché du droit.
Dès l’annonce du présent projet de loi, une profession du droit a fait connaître ses inquiétudes : vous l’aurez compris, il s’agit des notaires. En effet, l’écueil majeur à éviter était de remettre en cause, ou du moins de fragiliser, l’acte authentique, qui occupe la première place dans la hiérarchie des preuves établie par le code civil. Notre rapporteur a été particulièrement vigilant sur ce point.
Je tiens par ailleurs à saluer les modifications introduites par lui à l’article 4 concernant la publicité foncière. Ses amendements de précision éclairent le texte et mettent fin à des incertitudes rédactionnelles.
J’en viens à une réflexion concernant l’article 1er A du projet de loi.
Nos collègues députés ont introduit des dispositions qui permettent aux avocats inscrits au barreau de l’un des tribunaux de grande instance de Bordeaux et Libourne de postuler auprès de chacune de ces juridictions. Notre commission a souhaité instaurer la même dérogation pour les tribunaux de grande instance de Nîmes et d’Alès.
On peut s’interroger sur la pertinence de cette forme de multipostulation « à la carte ». Demain, on trouvera sans doute d’autres cas posant problème, surtout avec la généralisation de la réforme de la carte judiciaire et on continuera à allonger cette liste des exceptions au principe de la postulation : ce mécanisme n’est pas tout à fait satisfaisant.
En réalité, je pense que nous ne pourrons pas faire l’économie d’un débat de fond sur ce thème. La suppression de la postulation des avocats à l’horizon 2014 est d’ailleurs une des propositions du rapport Darrois.
Je pense que, à terme, la postulation disparaîtra, mais il faudra organiser ce processus. Et il doit être organisé globalement. La solution consistant à corriger certaines incohérences locales par la loi, comme on nous propose de le faire, ne me semble pas satisfaisante.
Par ailleurs, dans le cas d’une multipostulation exceptionnelle, comme celle qui est instaurée par l’article 1er A, il me semble que le principe de départ doit être un accord entre les barreaux concernés.
Or, dans le cas de Bordeaux et Libourne, cette concertation aurait sans doute pu être approfondie.
Au-delà des dispositions de cet article 1er A, je ne doute pas que nous aurons bientôt l’occasion de débattre à nouveau des évolutions possibles en matière de postulation.
Après ces quelques remarques sur le texte proprement dit, je tiens à vous faire part d’une réflexion plus large sur l’organisation des professions du droit telle qu’elle se dessine ces dernières années.
Ce que l’on peut observer, c’est un champ d’activité en constante augmentation pour les avocats. Il ne s’agit nullement d’une appréciation sur l’opportunité de cette tendance, c’est un simple constat. Cela se traduit aussi bien à travers des actes qu’ils sont amenés à réaliser – je pense à l’acte d’avocat que je viens d’évoquer – que dans leurs attributions juridictionnelles. La suppression des avoués illustre ce dernier point.
À travers un certain nombre de réformes récentes, y compris le présent texte, ne sommes-nous pas en train de tenter d’alimenter une profession dont on ne parvient pas, en réalité, à maîtriser la démographie ?
Le nombre très important et toujours croissant d’avocats dans notre pays provoque, comme cela a déjà été dit, notamment par notre collègue Jacques Mézard, un certain appauvrissement de la profession, ou au moins d’une partie de celle-ci. Cette question a déjà été évoquée en commission, par notre collègue Patrice Gélard, et je tenais à mon tour à attirer votre attention, chers collègues, sur ce problème récurrent. Je suis sûr que nous serons amenés à en reparler dans les années qui viennent.
Je ne sais pas si le numerus clausus, invoqué par certains pour tenter de résoudre ce problème – il me semble que le président de la commission des lois a déjà évoqué cette éventualité – est la bonne solution, mais une chose est sûre : il nous faut continuer à réfléchir sur cette question.
Je conclurai en saluant la qualité des travaux réalisés par nos deux rapporteurs, Laurent Béteille et François Zocchetto. Ils nous proposent aujourd’hui deux textes qui, malgré les quelques remarques que je viens de formuler, apparaissent équilibrés et permettront, d’une part, de moderniser les professions du droit et, d’autre part, je n’en doute pas, d’améliorer l’exécution des décisions de justice.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures quarante-cinq, sous la présidence de Mme Monique Papon.