Intervention de Daniel Marsin

Réunion du 8 décembre 2010 à 14h30
Télécommunications — Adoption d'une proposition de loi

Photo de Daniel MarsinDaniel Marsin, auteur de la proposition de loi :

Notre mission de législateur n’est-elle pas précisément de venir en aide aux plus faibles, en l’espèce le client-consommateur de téléphonie mobile ? N’oublions jamais, mes chers collègues, qu’il est des cas où la liberté opprime et la loi libère. Le sujet qui nous occupe aujourd’hui constitue un de ces cas, et, avec mes collègues du RDSE, nous espérons emporter votre adhésion pour porter remède à cette situation.

Bien entendu, nous ne voulons accabler ni les constructeurs ni les opérateurs ; nous entendons seulement trouver un juste équilibre entre les réalités du marché, les contraintes économiques et la protection du consommateur.

Ainsi, par ce texte, nous proposons, d’une part, de rendre plus transparentes les relations entre les fabricants d’équipements connectables et les opérateurs de téléphonie mobile, et, d’autre part, de mettre un terme aux pratiques abusives de certains opérateurs, visant à faire payer des frais de déblocage, dit « désimlockage », d’un mobile nouvellement acquis dans le cadre d’un réengagement pour une durée de douze mois au minimum.

Tout d’abord, pour tendre vers une réelle transparence sur le marché de la téléphonie mobile, les opérateurs doivent être tenus d’ouvrir leur réseau à tous les appareils conformes aux normes européennes, afin de libérer et de favoriser la concurrence, ce qui, comme le préconise le rapport de la commission Attali pour la libération de la croissance française, contribuera à améliorer le pouvoir d’achat du citoyen-consommateur.

Nous avons souhaité que ce principe, affirmé à l’échelon de l’Union européenne, soit inscrit dans notre loi nationale. Mais, nous a-t-on fait valoir à juste titre, l’article R. 20-22 du code des postes et des communications électroniques a déjà réglé ce point, en transposant la directive 1999/5/CE du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 1999. Nous en prenons acte, même si, dans la pratique, les choses n’ont pas encore véritablement évolué.

Mais ce problème, auquel nous souhaitons apporter une solution décisive, ne se limite pas à la seule téléphonie mobile. De nombreuses connections au réseau sont aujourd’hui établies grâce à des tablettes, tel l’iPad, et il faut savoir s’adapter à la réalité de ce secteur en l’ouvrant également aux transferts de données. Dès lors, il convient d’intégrer définitivement la notion d’« équipements connectables ».

Ensuite, si nous sommes favorables à la libre concurrence et à l’élargissement des gammes et des offres, nous sommes tout aussi convaincus que le marché de la téléphonie mobile ne peut être efficace, ni équilibré et donc favorable au consommateur, si le fabricant d’un téléphone peut interdire l’accès à son matériel à certains opérateurs. De ce point de vue, le cas de l’iPhone a été révélateur.

En effet, Apple Europe avait volontairement bloqué l’iPhone pour le rendre exclusivement utilisable sur le réseau d’Orange. Craignant de voir fuir ses clients et souhaitant avoir la possibilité de commercialiser cet équipement, Bouygues Telecom a saisi l’Autorité de la concurrence d’une demande de mesures conservatoires, en arguant que l’exclusivité contractuelle accordée par Apple à Orange constituait une entente prohibée, notamment en raison du caractère injustifié de certains critères de sélection et de leur application discriminatoire.

L’Autorité de la concurrence, après avoir recueilli l’avis de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, le 4 novembre 2008, a enjoint à Apple et à France Télécom de suspendre l’application pour la France des stipulations contractuelles faisant d’Orange l’opérateur mobile exclusif pour l’iPhone et de ne pas introduire, dans les éventuels contrats futurs, une exclusivité supérieure à trois mois. Le 4 février 2009, la cour d’appel de Paris a confirmé cette décision.

Mais voilà, si a priori cette décision de justice a pu satisfaire les abonnés de Bouygues Telecom et de SFR, elle n’a pas réglé totalement la situation, puisque, au final, d’autres opérateurs, ceux que l’on appelle les opérateurs virtuels, qui louent les réseaux physiques d’Orange, de SFR et de Bouygues Telecom, sont lésés par Apple Europe, l’iPhone restant, pour eux, encore inaccessible aujourd'hui. À travers ces opérateurs virtuels, des centaines de milliers de clients sont concernés et lésés par ricochet.

En effet, ces derniers, ayant acheté un iPhone « nu », non lié à un abonnement, se trouvent bernés par le constructeur, puisque cet appareil est techniquement bloqué et donc inutilisable, sauf à le « bricoler », au risque de perdre des fonctionnalités, ainsi que la garantie du constructeur.

Par conséquent, mes chers collègues, nous ne pouvons pas attendre que la situation se règle d’elle-même ; nous devons légiférer sur ce point. Tel était d'ailleurs l’objet de l’amendement que nous avions déposé sur l’article 2, qui, pour des raisons de technique législative, a été repris par notre excellent rapporteur, notre collègue Pierre Hérisson, que je remercie chaleureusement de son investissement dans l’examen de ce texte. Cet amendement, qui nous permet de revenir à l’esprit initial de notre proposition de loi, tend à lutter contre de telles pratiques.

Néanmoins, réalistes et soucieux des règles du marché, des stratégies et des coûts des campagnes de lancement d’un nouveau produit, nous avons tout de même pris en compte le cas des contrats d’exclusivité temporaire liés à la mise sur le marché d’un nouveau matériel.

Enfin, au-delà des pratiques anticoncurrentielles précédemment évoquées entre constructeurs et opérateurs, il ne faut pas oublier que, pour le citoyen-consommateur lambda, tout ce système est flou, pour ne pas dire opaque et dépourvu de normes établies et limpides.

Le citoyen-consommateur est tiraillé entre des offres de services téléphoniques et d’équipements toujours plus alléchantes les unes que les autres, comportant des tarifs préférentiels assortis d’un abonnement et du dernier téléphone mobile à la mode. Séduit, il s’engage pour douze ou vingt-quatre mois, sans véritablement connaître les obligations qui s’imposeront à lui dans la pratique. Qui plus est, les conditions générales de vente, en cas d’acquisition d’un nouvel appareil, avec ou sans points de fidélité, accompagnée d’un réabonnement à l’offre initiale de services téléphoniques pour une nouvelle durée de douze à vingt-quatre mois, sont étrangement muettes sur la question du verrouillage et les conditions financières du déblocage.

Ainsi, jour après jour, le consommateur se trouve pris dans un système dont il ne connaît, à vrai dire, ni les tenants ni les aboutissants. Il constate simplement qu’on l’oblige à se réengager pour douze ou vingt-quatre mois supplémentaires pour obtenir un téléphone à un tarif prétendument préférentiel, en réalité largement payé tout au long de l’exécution de son contrat initial, voire au-delà du fait des consommations hors forfait facturées au prix fort. Lié par cet engagement, il ne peut s’en libérer sans acquitter des pénalités.

De plus, malgré sa fidélité, l’utilisation de son téléphone est restreinte par l’opérateur : le compteur repart de zéro et il devra attendre jusqu’à six mois supplémentaires…

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