Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, adapter les professions du droit aux évolutions économiques et sociales est indispensable au bon fonctionnement de la justice : ce constat a motivé les propositions du rapport de la commission, présidée par Maître Darrois, créée à la demande du Président de la République, et il inspire les dispositions soumises aujourd’hui à votre examen.
Les réformes engagées tant par le projet de modernisation des professions que par la proposition de loi relative à l’exécution des décisions de justice et aux conditions d’exercice de certaines professions sont attendues : elles ouvrent de nouvelles perspectives aux professionnels du droit et une sécurité juridique accrue pour nos concitoyens.
Ces textes reposent sur un consensus partagé. Vous partagez, monsieur le rapporteur, cette conviction : la modernisation des professions est nécessaire et les grandes innovations apportées par les deux textes pour y parvenir sont adaptées. Une concertation approfondie entre le Gouvernement, les parlementaires, les présidents des commissions des lois, les rapporteurs et les représentants des professions a eu lieu, et cette concertation a permis d’aboutir à des solutions équilibrées. Le Gouvernement entend bien se tenir à cet accord, tel qu’il a été établi avec l’ensemble des professions.
Il s’agit tout d’abord de moderniser les professions du droit et leurs outils.
Les professionnels du droit sont une garantie pour les justiciables. Leur intervention permet à nos concitoyens de mieux s’orienter dans un univers juridique et judiciaire complexe. Elle est aussi un gage de sécurité juridique.
Parmi les principales innovations que contient ce texte figure l’acte contresigné par un avocat. Il s’agit, en fait, de sécuriser les actes sous seing privé. L’instauration de l’acte contresigné par un avocat est une avancée majeure. Elle est la concrétisation d’une proposition centrale du rapport Darrois et d’un engagement du Président de la République.
Ce nouvel instrument juridique offre une protection renforcée aux actes sous seing privé. Ce contreseing atteste, en effet, que les parties ont reçu l’assistance d’un avocat, qui les a pleinement éclairées. Par ce contreseing, l’avocat engage sa responsabilité.
Je souhaite insister dès maintenant sur un point essentiel : l’acte contresigné par un avocat n’est pas un acte authentique, et il n’a aucune vocation à le remplacer.
Je souhaite ensuite souligner le rôle réaffirmé des notaires en matière immobilière. Le projet conforte le champ d’intervention des notaires en matière immobilière, puisqu’il réaffirme solennellement que seul l’acte authentique permet de procéder aux formalités de publicité foncière. Ce principe sera inscrit dans la loi. Je tiens à rappeler qu’un accord a été trouvé entre les notaires et les avocats à ce sujet. Là aussi, le Gouvernement entend s’y tenir. Par ailleurs, il confie aux notaires une nouvelle mission de service public, qui est de tenir un fichier en matière immobilière.
Il convient ensuite de souligner le rôle essentiel des professions juridiques dans notre société, qui justifie un haut niveau d’exigence.
La confiance de nos concitoyens dans la justice passe aussi par un haut niveau d’exigence vis-à-vis de ses professionnels : l’obligation de formation continue tout au long de la carrière, et le renforcement de l’indépendance des instances disciplinaires en régionalisant la discipline y contribueront, comme le développement de la dématérialisation.
Enfin, le rapprochement des professions doit favoriser leur compétitivité. Chaque profession dispose d’un statut et d’un champ d’intervention différents, et la réforme entend bien préserver ces spécificités. Néanmoins, toutes ces professions sont confrontées à la concurrence de leurs homologues ou de nouveaux acteurs.
L’interprofessionnalité capitalistique, inscrite dans la loi, facilitera le travail en commun, et donnera aux professions les moyens d’une collaboration renforcée.
Votre commission des lois a confirmé ce mouvement en élargissant l’interprofessionnalité capitalistique aux experts-comptables et aux commissaires aux comptes. C’est une bonne chose.
Nous avons également besoin d’une justice plus efficace, et cela nécessite de repenser les rôles de chacun et de clarifier les procédures. Mon ambition est aussi d’œuvrer à une meilleure accessibilité de la justice. Il faut rendre la justice plus lisible pour nos concitoyens. Pour satisfaire cet objectif, nous devons veiller à mettre en place des procédures claires, simples et efficaces.
Il s’agit tout d’abord d’améliorer l’exécution des décisions de justice. La confiance de nos concitoyens en la justice dépend en grande partie de la qualité de l’exécution de décisions de justice, sans laquelle un jugement reste lettre morte.
C’est pourquoi les textes qui vous sont soumis, d’une part, clarifient les règles de compétence entre le tribunal d’instance et le tribunal de grande instance, et, d’autre part, renforcent les huissiers de justice en leur donnant plus de moyens pour exercer leur mission d’exécution.
Il s’agit, d’autre part, de recentrer le juge et le greffier sur les missions juridictionnelles. Les deux textes en discussion aujourd’hui prévoient, à la suite des préconisations du rapport de Serge Guinchard, que des missions actuellement confiées aux greffiers pourront être exécutées par les officiers publics et ministériels que sont les notaires et les huissiers de justice. Par exemple, le notaire pourra procéder directement à l’enregistrement d’un pacte civil de solidarité – PACS – lorsqu’il en a rédigé la convention.
Ce projet de loi vise enfin à renforcer le règlement amiable des conflits. C’est là un autre moyen de rendre la justice plus efficace. Il s’agit d’un enjeu majeur pour nos concitoyens pour lesquels, trop souvent, la voie contentieuse apparaît comme l’unique façon de régler leurs différends.
La création d’une procédure participative favorise ce règlement plus simple et amiable des conflits. II s’agit de promouvoir l’intervention préalable d’un avocat. Par cette procédure, l’avocat invitera les parties à rapprocher leurs positions pour parvenir à un accord amiable.
Le conseil de l’avocat permet de lever des incompréhensions et d’aboutir à une solution acceptable par chacun des protagonistes. Le juge n’interviendrait donc qu’en cas de difficultés persistantes entre eux, sauf, bien sûr, en cas de divorce, qui sera toujours prononcé par un juge.
Mesdames et messieurs les sénateurs, les dispositions soumises à votre examen sont très riches et les avancées nombreuses pour les professions juridiques et judiciaires réglementées. L’élaboration concertée de ces textes confère aux innovations législatives toute leur pertinence et toute leur force pratique. La modernisation, ou les modernisations de notre système judiciaire et juridictionnel s’opèrent dans un souci d’efficacité et, il est important de le rappeler, dans l’intérêt du justiciable.