Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le 30 juin 2008, le Président de la République adressait une lettre de mission à Me Darrois, qui avait accepté de présider une commission de réflexion « tendant à réformer la profession d’avocat avec, comme objectif, la création d’une grande profession du droit ».
Le diagnostic était parfaitement bien posé dans cette lettre : « Les mutations qui ont bouleversé la profession d’avocat menacent son unité […] : le fossé s’est agrandi entre les différents modes d’exercice de la profession avec, à chaque extrême, les grands cabinets anglo-saxons […] et des avocats menacés de paupérisation, qui assistent dans des conditions difficiles les plus modestes de nos concitoyens. »
Le Président de la République fixait la feuille de route. Il s’agissait de créer « une grande profession du droit […], en conciliant l’indépendance nécessaire à l’exercice des droits de la défense avec les exigences propres à la réalisation de missions d’intérêt général » ; de « favoriser la concurrence et [la] compétitivité interne et internationale, [d’]améliorer la qualité des services rendus au profit de tous les usagers du droit » ; de « faire des propositions de réforme du système d’aide juridictionnelle », dossier cher à M. du Luart.
Cette feuille de route était intéressante. Qu’en est-il advenu ? Aucune réponse n’a été apportée aux deux questions fondamentales posées par le Président de la République. Le texte sur la modernisation des professions judiciaires et juridiques réglementées qui nous est aujourd'hui soumis n’est, comme l’a dit notre collègue Jean-Pierre Michel, que le résultat d’un lamentable marchandage corporatiste entre quatre professions, en aucun cas au profit de tous les usagers du droit, en particulier des plus modestes et des plus faibles d’entre eux. En aucun cas il ne respecte le service public et le service du public.
Oui, le Président de la République avait raison ! L’unité de la profession d’avocat est menacée ; elle n’existe plus !
Le droit des affaires, et souvent l’affairisme, a pris l’avantage sur la défense des citoyens et l’accès au droit.