Intervention de Jacques Mézard

Réunion du 8 décembre 2010 à 14h30
Modernisation des professions judiciaires et juridiques exécution des décisions de justice — Discussion d'un projet de loi et en deuxième lecture d'une proposition de loi

Photo de Jacques MézardJacques Mézard :

Les avocats, ou plutôt le Conseil national des barreaux, qui ont une fois de plus évité de se poser et de faire poser les questions de fond, cachent la débâcle sous le voile de deux mesures à usage de communication qui changeront peu de chose.

La première mesure est l’acte sous contreseing d’avocat. Il s’agit non pas d’un acte authentique, mais d’un acte sous seing privé contresigné par un avocat. Il suffit de lire les critiques de cette « nouveauté » dans les écrits des autres professions pour savoir que cela ne bouleversera pas les équilibres professionnels. Je dirais que cela ne mangera pas de pain…

Lorsqu’une telle signature existera, elle apportera une garantie au client sur le plan de la responsabilité, ce qui est positif, mais cela ne réglera pas les questions très fréquentes de conflit d’intérêt et l’avocat n’aura malheureusement aucune obligation de contresigner le sous-seing privé.

Or nous savons tous que de très nombreux actes sous seing privé sont établis par des cabinets d’affaires volontairement sans mention du nom du cabinet rédacteur, et ce pour des raisons que nous nous abstiendrons de développer ici.

Cela étant, convenons que cet acte peut être considéré comme non dommageable et positif.

La deuxième mesure est la négociation participative, qui est présentée comme attendue par tous les barreaux de France alors que l’immense majorité des avocats ignorent son existence. Elle est issue de cette volonté de déjudiciarisation. L’avenir montrera son caractère anecdotique dans notre tradition juridique. Son extension aux divorces, auparavant refusée à juste titre par le Sénat, provoquera inéluctablement des difficultés ; nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Notre groupe est également hostile, sur les conseils avisés de notre collègue Nicolas Alfonsi, à la fusion entre les conseils en propriété industrielle et les avocats.

Revenons aux récompenses destinées aux huissiers, dont je respecte l’activité et les difficultés quotidiennes. Le texte facilite le travail de simplification et certaines procédures d’exécution. Nous y sommes favorables, à l’exception de quelques dispositions relatives à l’information auprès des collectivités locales.

En revanche, nous persistons à considérer que l’article 2 de la proposition de loi, relatif à la force probante des constats d’huissier – cette mesure avait été repoussée par un vote clair du Sénat en première lecture –, est une erreur. J’y reviendrai au cours de la discussion des articles.

Par ailleurs, s’agissant des sociétés de participations financières de professions libérales, nous appelons à la vigilance quant à l’origine des capitaux ; c’est là notre inquiétude.

Je conclurai sur une question qui m’est chère, tant sur la forme que sur le fond. Il s’agit de l’extension de la compétence des experts-comptables, le glissement du chiffre vers le droit grâce à des procédés législatifs peu honorables, sous couvert d’un accord entre le Conseil national des barreaux et les experts-comptables.

Nous demandons la suppression de l’article 21 bis du projet de loi. Non pas que nous soyons opposés à une interprofessionnalité, mais les marchandages entre corporatistes ne sauraient faire avancer cette dernière. Moyennant le silence sur l’acte d’avocat, les experts-comptables auraient obtenu l’existence de l’accompagnement des particuliers « dans leurs démarches déclaratives à finalité fiscale, sociale et administrative ».

Monsieur le garde des sceaux, cet ajout de dernière minute du rapporteur est une manœuvre inacceptable. Contrairement à ce qui est indiqué à la page 90 du rapport, ces aspects n’ont pas été « omis » dans le vote de la loi du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services sur les réseaux consulaires. Il était surprenant d’ailleurs qu’ils y figurent.

Devant le Sénat, le 10 juin 2010, nos collègues Nicolas Alfonsi et Raymond Vall sont intervenus en séance publique, au nom de mon groupe, pour défendre notre amendement de suppression. Après concertation avec le rapporteur Gérard Cornu et avec le président de la communication de l’économie, Jean-Paul Emorine, un accord a été trouvé et voté sur les termes « réalisation matérielle de leurs déclarations fiscales ». En foi de quoi, aucun membre de notre groupe n’a voté contre le texte sur les réseaux consulaires. Il est lamentable que l’on bafoue cet engagement quatre mois après.

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