Pour autant, cet article ne peut suffire, à terme, pour la réalité guyanaise. Il pourrait constituer un premier pas sur le chemin du statut propre et permettrait ainsi de faire face aux problèmes concrets les plus urgents, ceux-là même sur lesquels j'attire votre attention depuis votre entrée en fonction, monsieur le ministre, comme je l'avais fait avec vos prédécesseurs : la non- navigabilité des fleuves, sujet à propos duquel je vous présenterai un amendement ; le pillage des côtes guyanaises ; l'exploitation illégale des minerais et de la forêt guyanaise ; la gestion du parc national ; le logement et le foncier ; les droits légitimes des populations amérindiennes et bushinenge, en faveur desquelles j'ai déposé un amendement ; enfin, bien évidemment, la question cruciale et prioritaire de l'immigration clandestine, qui pourrait bien être l'étincelle qui entraînera l'explosion de violence tant redoutée sur place par la population et par les élus.
Car il faut savoir, monsieur le ministre, mes chers collègues, à quoi ressemble la réalité quotidienne en Guyane à l'heure où je vous parle.
Des membres des forces de l'ordre sont lâchement assassinés par des clandestins, les ressources minières sont pillées par les étrangers, la pression démographique de l'immigration - régulière ou non - met en péril l'équilibre socio-économique de la Guyane. La situation devient intolérable.
C'est l'ordre public lui-même qui est maintenant en péril. N'y a-t-il pas dysfonctionnement dans les services de l'État, justice, police et gendarmerie ? On doit se poser la question. L'État en a bien conscience, puisqu'il a mis en mission un préfet, pour tenter un diagnostic.
Aujourd'hui, des citoyens veulent se faire justice eux-mêmes. Des collectifs spontanés se sont déjà formés pour raser des habitations illégales et en expulser les habitants sans titre. On est loin d'une petite paillote égarée sur une plage...
Les motivations de ces clandestins ne relèvent pas d'un désir de construire avec nous la Guyane de demain. Seul l'appât du gain des prestations sociales les fait se lever chaque jour. La protection sociale guyanaise n'a pas pour vocation de financer l'aide au développement de nos voisins !
Le peuplement de la Guyane doit être décidé en premier lieu par les élus et le peuple guyanais. Nous réclamons dans ce domaine une compétence partagée avec l'État, à charge pour le Gouvernement d'engager un processus de révision de la Constitution.
Aujourd'hui, l'État décide seul des conditions d'entrée et de séjour des étrangers sur notre territoire.
Le bilan de cette politique est désastreux et prouve que les pouvoirs publics hexagonaux ont échoué. Nous réclamons une telle compétence partagée non pas par pur désir d'autonomie, mais bien parce que les incidences de cette politique de peuplement non maîtrisée sont en train d'appauvrir la Guyane et ses collectivités locales.
Monsieur le ministre, il en va en matière d'immigration clandestine comme de bien d'autres domaines. C'est bien l'urgence et la spécificité de la situation guyanaise qui exigent un accord politique entre l'État et les élus locaux pour permettre à la Guyane de conserver sa place dans la République et de disposer enfin des outils juridiques et des moyens financiers adaptés lui permettant de renouer avec le développement, la prospérité et le plaisir de vivre le long de ses fleuves tranquilles.