Intervention de Adrien Giraud

Réunion du 30 octobre 2006 à 15h00
Dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Adrien GiraudAdrien Giraud :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite en premier lieu vous dire combien les projets de loi portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer répondent aux intérêts de Mayotte, c'est-à-dire à nos attentes communes. En effet, pour la première fois, le principe de l'identité législative s'appliquera à Mayotte. C'est un progrès considérable, monsieur le ministre !

Particulièrement attentif à l'exposé des motifs, j'ai essentiellement retenu, au sujet de Mayotte, que le principe d'identité législative était, selon vos propres termes, « considérablement étendu » et que la perspective d'une évolution statutaire de notre collectivité départementale « n'était pas écartée par le présent projet de loi organique ».

Je le répète, l'avancée est considérable dans le principe. Vous avez opté pour l'application de plein droit des lois et règlements à notre collectivité, et nous approchons donc de l'identité législative revendiquée depuis 1958 par les Mahorais et par le Mouvement départementaliste mahorais.

Cependant, il nous faut bien constater que les exceptions à ce principe général sont si nombreuses et si étendues qu'elles risquent de ruiner le principe lui-même. Il convient donc d'être particulièrement attentif aux modalités d'application, en raison des spécificités de Mayotte.

Je ne dis pas que des exceptions ne sont pas justifiées : il est évident que, dans certains domaines, Mayotte n'est pas prête à intégrer, dans l'immédiat, tout le droit commun départemental. Il demeure cependant qu'il faut réduire, autant que faire se peut, le nombre de ces exceptions. C'est le cas pour la fiscalité, comme pour le droit de la propriété ou l'urbanisme.

Dans ces domaines, maintenons temporairement l'exception, mais en nous engageant à combler, d'ici à cinq ans, les lacunes qui subsistent dans le régime juridique applicable à Mayotte. Encore faut-il que nous nous en donnions les moyens réels. C'est l'objet même de ma proposition tendant à créer un « comité de suivi », qui permettra d'évaluer, au cas par cas, l'état de préparation de Mayotte au passage à l'identité législative complète.

Cela étant, il est d'autres domaines où l'on peut être plus directif, compte tenu des conditions de vie difficiles de très nombreuses familles mahoraises. Il en est ainsi de la protection et de l'action sociales, du droit syndical, de l'emploi et de la formation professionnelle ou de l'entrée et du séjour des étrangers.

De plus, il nous faut les instruments juridiques les plus adéquats et efficaces pour accélérer nos progrès et rattraper le retard que tous les gouvernements, les uns après les autres, ont reconnu. L'identité législative apparaît ainsi comme une condition du développement, car Mayotte ne se développera pas sans disposer des instruments qu'apporte le droit commun départemental. On a bien vu ce qu'il en a été dans les actuels départements d'outre-mer, avec toutes les adaptations requises par les conditions locales. L'évolution institutionnelle de notre collectivité départementale doit être la conséquence de la mise en oeuvre de l'identité législative ; l'une sans l'autre n'aurait point d'effets.

Or, monsieur le ministre, lorsque vous affirmez que « la perspective d'une évolution statutaire de Mayotte n'est pas écartée par le présent projet de loi organique », vous ne me rassurez pas. Encore heureux que vous n'ayez pas eu l'idée d'écarter cette perspective ! Mais je sais bien que l'ami de Mayotte que vous êtes n'aurait pas même pu l'imaginer.

Toutefois, je regrette très simplement que ce projet de loi organique, plutôt que de se borner à rappeler des intentions si lointaines, ne porte pas un engagement plus clair en faveur de la départementalisation de Mayotte.

Les deux projets de loi considérés répondent par nature à des préoccupations juridiques. Mayotte en a besoin, plus qu'aucune autre collectivité d'outre-mer, elle qui n'est ni un département d'outre-mer ni une région ultrapériphérique : la sécurité juridique, par certains aspects, nous apparaît, à Mayotte, comme une notion bien relative, parfois même ambiguë. La place de Mayotte dans notre organisation juridico-administrative nationale n'est pas satisfaisante. Il convient de remédier rapidement et réellement à cette précarité.

J'admets enfin que, à elle seule, une évolution juridique et institutionnelle ne permettra pas à Mayotte d'atteindre le degré de développement économique et social auquel elle prétend. Cependant, c'est la condition fondamentale qui permettra à Mayotte d'avancer réellement dans la voie du progrès, si tant est que les moyens et les volontés soient à la hauteur d'intentions dont nous ne doutons pas. J'aurai l'occasion de vous éclairer, monsieur le ministre, si cela est nécessaire, sur cette question des moyens lorsque nous débattrons du projet de loi de finances.

Vous avez bien compris, je le sais, que Mayotte doit accéder au statut de département d'outre-mer. Elle en a le droit, elle en porte depuis longtemps l'espérance. Toutefois, il lui faut des témoignages de confiance : l'identité législative et l'évolution statutaire en sont les deux éléments fondamentaux. J'ai conscience des efforts consentis, mais les Mahorais en méritent plus encore, car c'est sur ces bases qu'ils entendent, plus que jamais, assurer leur avenir au sein de la République.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion