Intervention de Gaston Flosse

Réunion du 30 octobre 2006 à 15h00
Dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi déclarés d'urgence

Photo de Gaston FlosseGaston Flosse :

Tous les sondages montrent que l'autonomie au sein de la République est le choix de 80 % des Polynésiens. C'est réconfortant, mais cela ne nous met pas totalement à l'abri des visées de M. Temaru, car, dès qu'il est arrivé au pouvoir, il a renié tous ses engagements de campagne.

Il s'est immédiatement lancé dans une stratégie de rupture avec la France. Certes, il modère quelque peu ses propos en Polynésie, pour ne pas heurter les sentiments de la population. Mais il lui arrive de laisser échapper sa haine contre la France et ce qu'elle incarne à ses yeux. Ainsi, récemment, il a publiquement traité les Français de « détritus qui envahissent la Polynésie » que « l'indépendance permettrait de chasser ».

Nous pensions que le haut-commissaire aurait déposé plainte contre M. Temaru pour ces propos violents et racistes. Il me semble qu'en métropole des responsables politiques ont été condamnés pour moins que cela. Mais M. Temaru bénéficie d'une grande indulgence de la part de l'État qu'il insulte.

Ce n'est pas nouveau puisqu'il n'a même pas été interrogé non plus que poursuivi en 1995 alors qu'il était, au su de tous, le véritable responsable des émeutes qui ont entraîné l'incendie de la ville de Papeete et de l'aéroport international de Tahiti-Faa'a. Cette impunité devient inquiétante quand on connaît ses intentions.

Mais les dérapages verbaux en Polynésie ne sont pas le plus grave. Les actes démontrent aussi son état d'esprit offensif envers la France. Ainsi, il vient de s'en prendre à la défense nationale en réinstaurant les taxes que nous avions supprimées sur tout le matériel militaire entrant en Polynésie. Il y a une vraie volonté de nuire.

Enfin, le plus difficile à admettre est le discours anti-Français véhiculé par M. Temaru lorsqu'il voyage à l'étranger, ce qui est, avec le golf, son passe-temps favori. Il multiplie les discours, les propos insultants envers la France et recherche tous les appuis possibles pour soutenir sa revendication d'indépendance. La semaine dernière encore, à Fidji, où se réunissait le Forum du Pacifique Sud, il a consacré la totalité de son intervention, qu'il faisait naturellement en langue anglaise, à la critique de la France, demandant le soutien de tous les membres du Forum pour que la Polynésie soit indépendante le plus rapidement possible et, en tout cas, avant 2010.

Mais, en même temps, par son arrogance, son incompétence et son désintérêt pour les dossiers sans lien avec l'idéologie indépendantiste, il avait laissé pourrir un mouvement de grève. Les manifestants, qu'il refusait de recevoir - préférant sans doute s'envoler pour Fidji -, ont décidé d'occuper trois bâtiments institutionnels. Ils avaient une sérieuse expérience de la manoeuvre puisqu'il s'agissait d'anciens amis de M. Temaru ayant déjà occupé, sur ses ordres, plusieurs bâtiments officiels, en 2004 et en 2005, pendant plus de cinq mois. Ils croyaient sans doute pouvoir compter sur la même patience de l'État en manifestant contre M. Temaru que lorsqu'ils lui obéissaient. Quelle erreur !

Tout en poursuivant ses diatribes contre la France à Fidji, l'intéressé exigeait de celle-ci une évacuation immédiate des locaux qu'il avait lui-même occupés illégalement pendant cinq mois !

Et vous lui avez donné satisfaction, monsieur le ministre. Votre haut-commissaire a immédiatement fait donner l'assaut par les forces de l'ordre, qui, à grands coups de grenades lacrymogènes, ont mis fin à l'occupation des locaux quelques heures après le début de la manifestation.

Cela n'a pas empêché M. Temaru de reprocher à l'État sa partialité et la lenteur de sa réaction.

Sur un point, je suis d'accord avec lui. L'État n'a pas été impartial : il a toléré pendant cinq mois, sans réagir, l'occupation des bâtiments officiels par M. Temaru et il a fait évacuer très rapidement, en moins de vingt-quatre heures, les locaux occupés par ceux qui manifestaient contre lui.

Il y a là une différence de traitement flagrante et surprenante, monsieur le ministre.

Et, au moment où je vous parle, M. Temaru n'a pas encore entamé la moindre négociation avec les syndicats !

Cet épisode au cours duquel l'incapacité à gouverner de notre actuel président a été démontrée sans ambiguïté n'a pas empêché celui-ci de réitérer, immédiatement après, son apologie de l'indépendance.

Ainsi, aujourd'hui, ceux qui ne connaissent pas l'état réel de l'opinion en Polynésie française sont convaincus que les Polynésiens sont en majorité indépendantistes et qu'ils ont élu et mandaté Oscar Temaru pour qu'il les conduise à l'indépendance. Je me dois de profiter de ma présence à cette tribune pour vous dire que c'est complètement faux, et tous ceux qui vivent en Polynésie française le savent.

Oui, tous ceux qui connaissent bien la Polynésie française savent que c'est faux ! Pourtant, je rencontre souvent un grand scepticisme lorsque j'essaie de faire comprendre ici, à Paris, au Parlement ou dans les ministères, que les Polynésiens veulent rester français, même si le président de la Polynésie française ne le veut pas.

Je sens chez mes interlocuteurs les mieux intentionnés une sorte de résignation à voir la Polynésie quitter la République. Ce sentiment d'acceptation d'une rupture qui serait voulue par les Polynésiens est l'arme la plus efficace d'Oscar Temaru et le plus grand danger pour la Polynésie française.

C'est pourquoi je demande solennellement au Parlement, au Gouvernement, à toutes les administrations et à tous nos compatriotes métropolitains de ne pas imputer à la population polynésienne, fermement attachée à la France, les sentiments anti-français d'Oscar Temaru.

Nous voulons rester français et nous sommes au moins 80 % à partager cette volonté. Alors ne nous rejetez pas, ayez confiance en nous. Une Polynésie française, un pays d'outre-mer autonome au sein de la République, c'est l'avenir que nous voulons pour nos enfants, et je suis convaincu que les prochaines élections le prouveront.

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