Nous avons déposé cet amendement de suppression de l'article L.O. 6214-4 dans un but bien précis.
Cet article, qui concerne le régime fiscal applicable à Saint-Barthélemy, dispose que seules les personnes y résidant depuis au moins cinq ans peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal dans cette collectivité.
Pour les personnes morales, la condition est quasiment identique : elles doivent avoir établi le siège de leur direction effective à Saint-Barthélemy depuis cinq ans au moins, ou être contrôlées par des personnes physiques qui y résident depuis cinq ans au moins.
Par conséquent, les personnes physiques et morales qui remplissent cette condition de résidence seront assujetties à la seule fiscalité locale.
En supprimant cet article, notre objectif n'est pas de laisser perdurer un paradis fiscal, bien au contraire : cet article, s'il était adopté, aurait justement pour effet de légaliser une situation aujourd'hui illégale.
Saint-Barthélemy jouit en effet d'un incompréhensible régime d'exonération fiscale. Le code général des impôts, théoriquement applicable, a bien peu de succès sur cette île puisqu'il n'est volontairement pas respecté. Les habitants de Saint-Barthélemy ne payent ni l'impôt sur le revenu, ni l'impôt sur les sociétés, ni l'ensemble des impôts directs locaux, et ce malgré les arrêts successifs rendus par le Conseil d'État en 1983, 1985, 1988 et 1989.
D'ailleurs, le 14 juin1989, le Conseil d'État rendait deux arrêts : le premier concernait la décharge de l'impôt sur le revenu et le second celle de l'impôt sur les sociétés, décharges qui, selon les demandeurs, étaient justifiées à Saint-Barthélemy.
La position du Conseil d'État est donc on ne peut plus claire : « À supposer que l'impôt général sur le revenu institué par la délibération du conseil général de la Guadeloupe du 2 juin 1922 n'ait pas été effectivement mis en recouvrement dans la commune de Saint-Barthélemy durant toute la période antérieure à la départementalisation de la colonie, l'article 20 du décret du 30 mars 1948 n'a pas pu, eu égard à la portée de l'habilitation de l'article 2 de la loi du 19 mars 1946, avoir légalement pour objet et pour effet de conférer une base juridique à un régime particulier d'exonération résultant d'une situation de fait illégale en plaçant la dépendance de Saint-Barthélemy en dehors du champ d'application de l'article 1er dudit décret ».
Concernant l'impôt sur les sociétés, le Conseil d'État considère également qu'aucun texte « ne fait obstacle à ce que les sociétés et autres personnes morales ayant leur siège dans la commune de Saint-Barthélemy soient légalement assujetties à l'impôt sur les sociétés ».
La situation fiscale de Saint-Barthélemy est donc illégale. La faire perdurer est non seulement contraire à la jurisprudence du Conseil d'État, mais également illégal.
Plutôt que de faire respecter l'état de droit dans l'ensemble de ces territoires, le Gouvernement a préféré botter en touche. En conférant une autonomie en matière fiscale à Saint-Barthélemy, il endosse sciemment la responsabilité de donner à cette île un statut de paradis résidentiel exempté de toute forme de solidarité fiscale.
Par conséquent, notre amendement a pour objet de supprimer ce régime fiscal dérogatoire injustifié et injustifiable. À quel titre, en effet, une telle exonération fiscale est-elle justifiée ? Et comment le Gouvernement peut-il légaliser une situation que le Conseil d'État lui-même qualifie d'illégale ?
Notre amendement vise à supprimer cette largesse gouvernementale, afin de faire en sorte que le code général des impôts soit la seule et unique référence en matière d'impôts à Saint-Barthélemy. Il s'agit ici de faire respecter l'état de droit et la solidarité fiscale, valeurs auxquelles nous sommes particulièrement attachés et qui sont indissociables des valeurs de notre République.